Intervention de Éric Léandri

Commission d'enquête Souveraineté numérique — Réunion du 12 juin 2019 à 17h20
Audition de M. éric Léandri président et cofondateur de qwant

Éric Léandri, président de Qwant :

Chacun d'entre nous a mis de l'argent dans Qwant. Les premiers investisseurs sont tous privés, et représentent plusieurs millions d'euros. Nous comptons ainsi Axel Springer, qui représente 20 %, et la Caisse des dépôts et consignations.

La BEI nous a permis de contracter un prêt remboursable en trois ans, avec des taux particulièrement intéressants. Nous ne sommes pas les seuls aujourd'hui à y avoir accès. Ce prêt a servi à de nombreuses autres entreprises européennes et leur a permis d'avancer. Ce type de prêt est fait pour aider les entreprises européennes. Voilà ce que l'Europe a fait pour Qwant.

Par ailleurs, je suis président de l'Open Internet Project. Les milliers d'entreprises qui sont derrière sont celles qui ont fait une demande auprès de la Commission européenne pour examiner l'abus de position dominante de mon concurrent principal sur la partie shopping. Mme Vestager, grâce à son action, a permis de récolter 2,4 milliards d'euros.

Nous avons continué avec Android - le litige s'est soldé par une amende de 4,2 milliards d'euros. Qwant est le seul plaignant européen à demander l'accès au téléphone. Vous me demandiez comment nous bloquer. C'est facile : jusqu'à il y a peu, un fabricant de téléphone ne pouvait installer Qwant sur ses appareils. Il fallait aller dans Google Play et demander l'accès. Aujourd'hui, au démarrage du Play Store de Google, on vous demande de choisir entre Google, Ecosia, Qwant, Bing et autres moteurs de recherche. D'autres navigateurs sont également proposés. C'est là une conséquence du travail de Margrethe Vestager.

À l'échelon européen, tout ce qui est en train de se passer entre les États-Unis et la Chine démontre que nous devons accélérer notre capacité à indexer l'ensemble de l'Europe dans le domaine des moteurs de recherche, avoir plus de puissance dans le cas d'un cloud de type OVH, et développer la 5G avec Nokia. Je rappelle que Nokia est la deuxième société la plus avancée en matière de 5G et qu'elle est européenne.

Le modèle européen me convient sur beaucoup de points, mais un seul me pose problème : il est en effet quasiment impossible de créer un produit, de le rendre rentable et d'accélérer en même temps son développement. On doit à un moment choisir entre la possibilité de disposer de davantage d'ingénieurs afin de pouvoir indexer l'Europe ou continuer à se développer en étant rentable mais à petite échelle. Il faut avoir le choix - sans opter pour autant pour un modèle comme Uber, qui passe en bourse à 84 milliards de dollars en perdant 3 milliards de dollars ou 4 milliards de dollars par trimestre ! On ne peut créer des produits porteurs sans investissement ni ingénieurs. On ne peut mettre en place un moteur de recherche européen sans des centaines de serveurs. Cela prend du temps. Il va donc falloir régler cette question de coexistence de trois besoins différents : faire un produit rentable, accélérer son développement et être en capacité d'accélérer quand il le faut.

Qwant est un moteur de recherche. Les moteurs de recherche relèvent du domaine de l'industrie, non de celui des start-up. On ne cherche pas de business model. On le connaît très bien. C'est Omid Kordestani, numéro 3 de Google, qui l'a inventé avec AdWords, grâce auquel Google touche de l'argent lorsqu'on clique sur une annonce. C'est le principe des moteurs de recherche. Il fonctionne très bien et rend un moteur de recherche rentable dès lors qu'il a suffisamment de requêtes quotidiennes.

Ne vous y trompez pas : les bascules de l'administration, des banques, des grands groupes nous amènent à devenir très rentables, et c'est certainement le bon moment pour nous attaquer. Avec les bascules que nous avons aujourd'hui, nous estimons être à 5 % ou 6 % du marché français et avoir une très forte croissance sur les autres marchés. Entre la semaine dernière et aujourd'hui, notre chiffre d'affaires a crû d'environ 19 % par jour grâce à un plus grand trafic.

La souveraineté numérique passe par des outils qui respectent les citoyens et doivent fournir des résultats de très bonne qualité.

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