Intervention de Éric Léandri

Commission d'enquête Souveraineté numérique — Réunion du 12 juin 2019 à 17h20
Audition de M. éric Léandri président et cofondateur de qwant

Éric Léandri, président de Qwant :

Tout a changé ces trois ou quatre dernières années pour l'ensemble des start-up françaises et européennes. Il était auparavant très difficile de discuter avec les pouvoirs publics, les chambres de commerce, les différentes régions ou même avec les grandes entreprises. Ce n'est plus le cas aujourd'hui. Nous avons des passerelles, des ponts, des possibilités grâce à la French Tech, à nos ambassades, nos consulats, ou Business France, qui accomplissent un très gros travail.

Nous avons cependant un problème en matière de droit de la concurrence au niveau européen. Au niveau français, nous disposons dans notre arsenal de mesures conservatoires qui portent un arrêt à l'abus de position dominante. Mais ces mesures conservatoires ne seront jamais utilisées au niveau européen, car on doit prouver l'irréversibilité du dommage causé à l'entreprise. Or, si c'est irréversible, la société a déjà fermé le temps qu'on parvienne à le prouver. Je ne comprends pas le droit européen dans ce domaine.

Certaines règles européennes sont en outre assez étranges. Sur le plan européen, on peut détenir une position dominante « si on n'en abuse pas ». À l'échelle de l'Europe, personne n'a jamais 95 % du marché ! Que signifie ne pas abuser de sa position dominante quand on est condamné à payer des amendes de 50 millions d'euros pour non-respect du RGPD, de 2,4 milliards d'euros pour le commerce en ligne, et de 4,2 milliards d'euros pour le système d'exploitation Android ? Ne pourrait-on pas faire comme aux États-Unis où, quand on dépasse un certain niveau de parts de marché, on n'a plus le droit de faire quoi que ce soit pour se maintenir à ce niveau ?

Énormément de choses ont été faites en Europe pour aider les entreprises. Nous avons gagné le premier set, ainsi que le deuxième, en décidant de travailler tous ensemble. Ce n'est pas le moment de recommencer à perdre : il faut au contraire accélérer !

Nous pouvons installer Qwant dans toutes les administrations : faisons-le ! Vous en avez le courage, sans quoi vous n'auriez pas créé cette commission d'enquête et mis ce genre de problématique sur la table. Ce Gouvernement en a le courage. De grandes banques, de grandes entreprises, des millions d'utilisateurs le font déjà. La BEI passe à Qwant. Die Welt, l'un des plus grands journaux allemands, utilise également Qwant, tout comme le Corriere della Serra, ou la Gazzetta dello Sport en Italie. Une ville près de Milan vient également de passer à Qwant. Il va falloir aller jusqu'au bout, car nous n'aurons pas de deuxième chance. À partir de 2021-2022, il faudra tenir compte des Chinois.

Il ne faut pas opposer les Américains, les Chinois et les Européens, mais les entreprises qui choisissent de protéger la vie privée, de recourir à l'intelligence artificielle éthique, de placer l'open source au coeur de leur stratégie et les autres. C'est pour cela que j'ai décidé de travailler avec Microsoft. Certaines entreprises ont décidé de savoir tout sur tout, de bloquer la concurrence. C'est pourquoi je ne travaille pas avec elles. D'autres feront peut-être demain du dumping sur les prix. La souveraineté, notre façon de travailler et nos choix doivent être dictés par nos valeurs européennes.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion