Je souhaite associer à cette intervention notre collègue Bernard Cazeau, présent depuis le début de l’examen de ce projet de loi, mais qui ne pouvait absolument pas être parmi nous aujourd’hui.
Au-delà du seul article 23, mon propos concerne en fait également les articles 24 et 25.
Madame la ministre, nous voulons témoigner de notre déception devant vos choix en matière de prévention et de santé publique s’agissant des jeunes. Soyons honnêtes, on trouve tout juste, dans ces trois articles 23, 24 et 25, quelques « mesurettes » sur l’interdiction de vente de l’alcool aux mineurs ou l’autorisation de fumer à la majorité civile.
Cette partie du texte passe à côté de la réalité. Il aurait fallu mener mieux une réflexion globale sur l’état de la jeunesse, débat récurrent avec cette majorité. Nous avons déjà eu quasiment le même lors de l’examen de plusieurs projets de loi, comme ceux relatifs à la prévention de la délinquance, au revenu de solidarité active ou à Internet.
C’est une évidence : certains des aspects de la délinquance touchent à l’ordre public et relèvent de la répression. Il n’en est pas moins vrai que la montée des comportements à risque chez les jeunes a également une dimension qui relève de la santé publique. Cette réflexion vous laisse visiblement totalement stoïque !
Que ce soit chez les Anglais, chez les Américains ou chez les Canadiens, chacun comprend que la déviance comportementale correspond, dans cette population, à un problème de santé mentale. Il conviendrait donc d’adopter une attitude de prévention globale et de dépistage précoce, tout en respectant évidemment la liberté du jeune et les droits du malade.
Nous en sommes très loin avec cette majorité qui ne traite jamais des problèmes de santé publique que sous l’angle pénal.
D’une part, vous laissez en suspens l’essentiel des questions de santé publique, comme celles de l’offre de soins ou des politiques de prévention et de dépistage ; que fait-on aujourd’hui en matière de santé scolaire et quels soins propose-t-on aux adolescents ?
D’autre part, vous présupposez que les comportements à risque procéderaient uniquement d’une stratégie d’imitation. Ces trois articles reposent sur la certitude que les adolescents sont dépendants à l’alcool ou au tabac parce qu’on les incite à le devenir ! Cette réflexion semble un peu primaire.
C’est à notre sens un diagnostic limité et le projet de loi ne saurait donc apporter de réponse, d’autant que le code pénal, que vous voulez grossir, prévoit d’ores et déjà toutes les incriminations nécessaires, pour mise en danger de la vie d’autrui ou incitation à la débauche, situations auxquelles – ne soyons pas naïfs – on peut effectivement se trouver confronté.
Toutefois, il ne faudrait pas que cette partie du texte – c’est l’un des reproches que je lui fais –, tout en n’apportant aucune solution réelle, nous éloigne des éléments nous permettant de comprendre les difficultés, voire les drames auxquels les jeunes sont confrontés.
Vos mesures de prohibition masquent mal les insuffisances, à cet égard, de la politique de santé publique et d’offre de soins, qui, du reste, c’est vrai, est difficile à mettre en œuvre. Nous ne sommes pas de ceux qui disent qu’il suffit d’appuyer sur un bouton pour disposer, sur le territoire national, au double plan quantitatif et qualitatif, des structures de soins adéquates.
Je le répète : la mise en œuvre d’une telle politique reste escarpée. Toutefois, plutôt que de dépenser l’énergie des parlementaires à donner de fausses réponses fondées sur de mauvais diagnostics, il vaudrait mieux l’utiliser pour tenter de faire comprendre à la société dans son ensemble que notre jeunesse a trop souvent des problèmes de santé, eux-mêmes trop souvent mal dépistés et mal traités.
Non seulement l’offre de soins est insuffisante, mais nous ne portons pas non plus sur les jeunes un regard suffisamment pertinent.