Enfin, en refusant l’idée que le Parlement européen puisse, par une majorité, choisir le président de la Commission européenne, la France est revenue sur l’acquis démocratique mis en œuvre en 2014, qui avait permis à une majorité du Parlement européen de choisir le président de la Commission européenne.
En Europe comme en France, le Président de la République refuse de reconnaître le rôle et la responsabilité des partis politiques dans la vie démocratique. À Paris comme à Bruxelles, cette attitude représente un risque. Le processus de nomination passe pourtant quand même par une majorité au Parlement européen. Quelle que soit la décision du Conseil, il faudra qu’elle réunisse une majorité au Parlement européen. Quelle que soit la manière dont chaque État décidera de ses commissaires, ce n’est pas ce qui permettra de constituer une Commission. Une Commission, ce n’est pas chaque État qui envoie un commissaire ; c’est le président de la Commission et les États qui passent un accord.
Madame la secrétaire d’État, nous souhaiterions avoir votre engagement que la Commission sera solidairement et politiquement responsable, et non composée de représentants des États. Il est absolument indispensable d’avancer dans cette voie. Je le rappelle, tous les commissaires devront être auditionnés individuellement et confirmés par le Parlement européen.
Je parlais de débat sur les personnes plutôt que sur le projet. En réalité, il y a un petit projet : le programme stratégique adopté par le Conseil. Mais regardons-le plus en détail.
L’ambition écologique est très en deçà de ce que les citoyens européens ont exprimé lors des élections, et il n’y a pas grand-chose sur les moyens pour atteindre l’ambition d’exemplarité climatique et la neutralité carbone.
On ne trouve rien sur la manière dont cette exemplarité sera utile pour faire évoluer l’ensemble de nos partenaires commerciaux. Nous sommes la première puissance commerciale du monde. Nous avons une responsabilité particulière pour que l’ensemble du commerce prenne la voie d’une neutralité en carbone, sans repli sur soi, mais, au contraire, en profitant de notre place dans le commerce mondial pour faire la norme et le rendre plus vertueux. Il faut y travailler avec nos partenaires commerciaux.
Rien non plus sur la défense du droit d’asile, qui est le fruit de notre histoire et des promesses de nos anciens : ne jamais revoir les horreurs que nous avons vécues sur le continent. C’est le sens d’un engagement pour une Europe humaniste, combattant pour la liberté. Dans ce projet stratégique, il n’y a rien ! Pourtant, nous le savons, la question du droit d’asile est au cœur des négociations entre les États européens aujourd’hui.
Il y a une inquiétude sur l’idée que l’Union se fait de son rôle à ses propres frontières. Nous ne pourrons jamais progresser dans l’approfondissement politique de l’Union européenne si nous laissons des parties entières de nous-mêmes au-delà de nos frontières. Je pense en particulier à la Macédoine, qui a fait, avec la Grèce, de gros efforts ces derniers mois ; ils devraient être salués. Pourtant, le conseil des ministres des affaires étrangères n’a pas mis à l’ordre du jour du Conseil européen l’ouverture des négociations avec la Macédoine.
Au lieu d’un budget de la zone euro, on se contente d’une petite ligne de crédit dans un projet de cadre financier pluriannuel, qui n’a pas avancé au cours des négociations.
Rien sur l’enjeu du vieillissement de la population, qui pèsera sur notre croissance, mais aussi sur notre capacité d’innovation et sur notre capacité de remettre en cause nos habitudes face aux exigences climatiques.
Rien sur l’amélioration des ressources propres de l’Union européenne, alors que le prochain cadre financier pluriannuel est difficile à mettre en place. En effet, chaque cadre financier pluriannuel fait justement de plus en plus appel aux ressources des États plutôt qu’aux ressources propres. Il conviendrait de modifier une telle évolution.
Rien sur la manière dont l’Europe, première puissance commerciale du monde, pourrait envisager de faire face à l’extraterritorialité des lois américaines, qui viole notre souveraineté, le droit international et qui menace aujourd’hui aussi la paix.
Rien de bien concret sur l’évolution de la politique de concurrence qu’il convient de mettre en place pour répondre aux problèmes que nous avons constatés lors du projet de fusion Alstom-Siemens, alors que la Commission n’a fait que dire le droit.
Madame la secrétaire d’État, les élections européennes ont souligné que les Européens étaient, plus qu’on ne le pense, attachés à l’Europe, convaincus qu’elle est la dimension adéquate pour faire face aux défis de demain. Je pense en particulier au défi climatique, mais aussi au défi de la gestion de la donnée, avec lequel on n’en a pas fini, sous prétexte que l’on a mis en place le règlement général sur la protection des données, ou RGPD ; c’est une condition absolument essentielle de notre liberté pour demain.
L’Europe, c’est la chance pour les Européens de ne pas se chamailler, de ne pas être des spectateurs de l’évolution du monde, mais d’être ensemble un acteur. Nous avons aujourd’hui la force, notamment commerciale, de pouvoir faire la norme et de peser sur l’ensemble du monde. Les États membres, au lieu de continuer à défendre les intérêts nationaux, devraient être à la hauteur de ce que les citoyens européens ont dit lors de ces élections, en participant plus qu’on ne l’attendait et en montrant l’émergence d’une opinion publique européenne. Il convient aujourd’hui de répondre à cette attente.
Les États membres doivent être à la hauteur de ce que les citoyens européens ont exprimé lors des dernières élections européennes. Ce n’est pas le sentiment que nous avons eu lors du Conseil du 20 et du 21 juin dernier.