Séance en hémicycle du 25 juin 2019 à 14h30

Résumé de la séance

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Sommaire

La séance

Source

La séance est ouverte à quatorze heures trente.

Debut de section - PermalienPhoto de Hélène Conway-Mouret

Le compte rendu intégral de la séance du jeudi 20 juin 2019 a été publié sur le site internet du Sénat.

Il n’y a pas d’observation ?…

Le procès-verbal est adopté.

Debut de section - PermalienPhoto de Hélène Conway-Mouret

La parole est à M. Patrick Kanner, pour un rappel au règlement.

Debut de section - PermalienPhoto de Patrick Kanner

Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, après le mouvement qui touche le personnel urgentiste depuis de très nombreuses semaines dans nos hôpitaux, ce sont les sapeurs-pompiers qui se mobilisent aujourd’hui avec un préavis de grève s’étendant du 26 juin au 31 août, tout en maintenant bien sûr leurs prestations pour le grand public.

Sept syndicats représentant 85 % des personnels ont prévu de se mobiliser ces prochains mois pour alerter sur un service de secours qui est malade – permettez-moi ce raccourci.

Ces personnels doivent répondre à une sursollicitation, malgré une baisse d’effectifs et de moyens, en assumant de plus en plus des missions qui ne relèvent pas de leurs compétences, chacun des élus locaux ici peut en témoigner. Ils subissent de plein fouet les manquements de l’État, mais aussi des difficultés au sein de chaque département.

Monsieur le secrétaire d’État, alors que le Gouvernement s’enorgueillit de poser les bases d’un « nouveau contrat social » – je reprends l’expression – avec la fonction publique – et que nous contestons, vous l’avez compris –, cet épisode nous fait craindre que le compte n’y soit pas. Le préavis transmis au ministre de l’intérieur rappelle notamment les problématiques liées à la sécurité des sapeurs-pompiers, délaissée par le Gouvernement et dont le Sénat s’est saisi par le biais d’une mission d’information ad hoc. À cet égard, je salue mon collègue Loïc Hervé.

Ces sapeurs-pompiers demandent le retrait de votre projet de loi de transformation de la fonction publique, débattu aujourd’hui dans cet hémicycle, car celui-ci fait porter, comme nous le pensons aussi, un risque majeur de fragilisation du service public au travers de la fonction publique.

Nous ne doutons pas que vous ne donniez pas suite à cette demande, qui nous semblerait pourtant légitime.

Ce rappel au règlement est l’occasion pour moi et pour le groupe socialiste et républicain de vous interpeller sur la nécessaire réponse qu’il faudrait apporter à cette profession qui souffre. Monsieur le secrétaire d’État, que comptez-vous faire ? Cela fait tant d’années que les pompiers expriment des doléances ! Ils sont les témoins privilégiés des fractures sociales de notre société, il est temps, plus que temps, de les écouter.

Le Gouvernement ne semble pas avoir pris la mesure de cette situation. Nous regrettons la crispation du dialogue social avec une profession qui fait du don de soi une règle. Manifestement votre projet de loi, monsieur le secrétaire d’État, ne fait qu’empirer les choses. Je vous remercie de votre réponse.

Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain.

Debut de section - PermalienPhoto de Hélène Conway-Mouret

Acte vous est donné de votre rappel au règlement, mon cher collègue.

Debut de section - PermalienPhoto de Hélène Conway-Mouret

Mme Fabienne Keller a fait connaître à la présidence qu’elle se démettait de son mandat de sénateur du Bas-Rhin à compter du 23 juin 2019, à minuit.

En application de l’article L.O. 320 du code électoral, elle est remplacée par Mme Esther Sittler, dont le mandat de sénatrice a commencé le 24 juin 2019, à zéro heure.

Debut de section - PermalienPhoto de Hélène Conway-Mouret

J’informe le Sénat que les commissions mixtes paritaires chargées d’élaborer un texte sur les dispositions restant en discussion du projet de loi portant création de l’Office français de la biodiversité et de la chasse, modifiant les missions des fédérations des chasseurs et renforçant la police de l’environnement et du projet de loi organique modifiant la loi organique n° 2010-837 du 23 juillet 2010 relative à l’application du cinquième alinéa de l’article 13 de la Constitution sont parvenues à l’adoption de textes communs.

Debut de section - PermalienPhoto de Hélène Conway-Mouret

L’ordre du jour appelle la suite de la discussion du projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, de transformation de la fonction publique (projet n° 532, texte de la commission n° 571, rapport n° 570).

Dans la discussion du texte de la commission, nous en sommes parvenus, au sein du chapitre II du titre V, aux articles 34 A, 34 B, 34 C, 34 D, 34 et 35, ainsi qu’à l’amendement n° 263 rectifié portant article additionnel après l’article 34 D, appelés en priorité.

TITRE V

RENFORCER L’ÉGALITÉ PROFESSIONNELLE

Chapitre II

Favoriser l’égalité professionnelle pour les travailleurs en situation de handicap

I. – La loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires est ainsi modifiée :

1° Le troisième alinéa de l’article 9 ter est supprimé ;

2° Il est ajouté un chapitre V ainsi rédigé :

« CHAPITRE V

« De lobligation demploi des travailleurs handicapés, mutilés de guerre et assimilés

« Art. 33. – I. – L’État est assujetti à l’obligation d’emploi prévue à l’article L. 5212-2 du code du travail, dans les conditions fixées par les articles L. 5212-7 et L. 5212-10 du même code.

« Lorsqu’ils comptent au moins vingt agents à temps plein ou leur équivalent, cette obligation s’applique également aux :

« 1° Établissements publics de l’État autres qu’industriels et commerciaux ;

« 2° Juridictions administratives et financières ;

« 3° Autorités publiques et administratives indépendantes ;

« 4° Groupements d’intérêt public et groupements de coopération sanitaire lorsque ces derniers sont qualifiés de personne morale de droit public au sens de l’article L. 6133-3 du code de la santé publique ;

« 5° Collectivités territoriales et à leurs établissements publics autres qu’industriels et commerciaux ;

« 6° Établissements mentionnés à l’article 2 de la loi n° 86-33 du 9 janvier 1986 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique hospitalière.

« II. – Les employeurs publics mentionnés au I du présent article qui comptent moins de vingt agents à temps plein ou leur équivalent déclarent leurs bénéficiaires de l’obligation d’emploi.

« Art. 34. – I. – Pour le calcul du taux d’emploi fixé à l’article L. 5212-2 du code du travail, l’effectif total pris en compte est constitué, chaque année, de l’ensemble des agents rémunérés par chaque employeur à une date fixée par décret en Conseil d’État.

« Chaque agent compte pour une unité. Toutefois, les agents affectés sur des emplois non permanents ne sont pas comptabilisés lorsqu’ils ont été rémunérés pendant une période inférieure à six mois au cours de l’année écoulée.

« Peut être pris en compte l’effort consenti par l’employeur public en faveur des bénéficiaires qui rencontrent des difficultés particulières de maintien en emploi.

« II. – Outre les personnes mentionnées à l’article L. 5212-13 du code du travail, sont pris en compte pour le calcul du nombre de bénéficiaires de l’obligation d’emploi :

« 1° Les agents reclassés, pendant une durée maximale de cinq ans à compter de leur reclassement ;

« 2° Les agents qui bénéficient d’une allocation temporaire d’invalidité.

« Art. 35. – I. – Le fonds pour l’insertion des personnes handicapées dans la fonction publique est un établissement public national ayant pour mission de :

« 1° Favoriser l’accueil, l’insertion professionnelle et le maintien dans l’emploi des agents handicapés au sein des trois fonctions publiques, ainsi que leur formation et leur information ;

« 2° Conseiller les employeurs publics concernant la mise en œuvre de leurs actions en faveur des agents handicapés.

« II. – La gouvernance du fonds est assurée par un comité national, qui :

« 1° Définit les orientations concernant l’utilisation des crédits du fonds et sa politique de conventionnement avec les employeurs publics ;

« 2° Oriente l’activité des comités locaux et les actions territoriales du fonds ;

« 3° Détermine les conditions dans lesquelles les employeurs publics et les personnes handicapées sont associés à la définition et à l’évaluation des aides du fonds ;

« 4° Établit un rapport annuel, qui est ensuite soumis au Conseil commun de la fonction publique et au Conseil national consultatif des personnes handicapées.

« Le comité national est composé de représentants des employeurs publics, des personnels, du service public de l’emploi et des personnes handicapées.

« Art. 36. – Le fonds pour l’insertion des personnes handicapées dans la fonction publique publie, dans un standard ouvert, aisément réutilisable et exploitable par un système de traitement automatisé, les objectifs et les résultats des conventions conclues avec les employeurs publics.

« Art. 37. – I. – Le fonds pour l’insertion des personnes handicapées dans la fonction publique est saisi par les employeurs publics ou, le cas échéant, par les personnes mentionnées au II de l’article 34.

« II. – Outre les employeurs publics, peuvent bénéficier des aides du fonds les organismes ou associations contribuant à l’insertion professionnelle des personnes handicapées dans la fonction publique et avec lesquels le fonds a conclu une convention.

« Art. 38. – I. – Les employeurs publics peuvent s’acquitter de leur obligation d’emploi en versant au fonds pour l’insertion des personnes handicapées dans la fonction publique une contribution annuelle pour chacun des bénéficiaires qu’ils auraient dû employer.

« Cette contribution est calculée en fonction du nombre d’unités manquantes constatées chaque année, à une date fixée par un décret en Conseil d’État.

« II. – Le nombre d’unités manquantes correspond à la différence entre :

« 1° Le nombre total de personnes rémunérées par l’employeur auquel est appliquée la proportion fixée à l’article L. 5212-2 du code du travail, arrondi à l’unité supérieure ;

« 2° Et le nombre des bénéficiaires de l’obligation d’emploi effectivement rémunérés par l’employeur.

« III. – Le montant de la contribution est égal au nombre d’unités manquantes, multiplié par un montant unitaire. Sous réserve des spécificités de la fonction publique, les modalités de calcul de ce montant unitaire sont identiques à celles prévues à l’article L. 5212-9 du code du travail.

« Pour les services de l’État, le calcul de la contribution est effectué au niveau de l’ensemble des personnels rémunérés par chaque ministère.

« Peuvent être déduites du montant de la contribution :

« 1° Les dépenses directement supportées par l’employeur public, destinées à favoriser l’accueil, l’insertion ou le maintien dans l’emploi des travailleurs handicapés, qui ne lui incombent pas en application d’une disposition législative ou réglementaire. Cette déduction ne peut pas se cumuler avec une aide accordée pour le même objet par le fonds pour l’insertion des personnes handicapées dans la fonction publique ;

« 2° Les dépenses mentionnées à l’article L. 5212-10-1 du code du travail, selon des modalités fixées par décret en Conseil d’État.

« IV. – Les employeurs publics déposent auprès du comptable public compétent une déclaration annuelle accompagnée du paiement de leur contribution, dans un délai fixé par décret en Conseil d’État.

« Le contrôle de la déclaration annuelle est effectué par le fonds pour l’insertion des personnes handicapées dans la fonction publique.

« À défaut de déclaration et de régularisation dans un délai fixé par décret en Conseil d’État, l’employeur public est considéré comme ne satisfaisant pas à l’obligation d’emploi. Le montant de sa contribution est alors calculé en retenant la proportion de 6 % de l’effectif total rémunéré. Dans cette situation ou dans les cas de défaut de paiement ou de paiement insuffisant, le fonds émet un titre exécutoire qui est recouvré par le comptable public compétent selon les règles applicables au recouvrement des créances étrangères à l’impôt et au domaine.

« Art. 39. – Les associations ayant pour objet principal la défense des intérêts des bénéficiaires du présent chapitre peuvent exercer une action civile lorsque les employeurs publics ne respectent les prescriptions du présent chapitre et que cette situation porte un préjudice certain à l’intérêt collectif qu’elles représentent.

« Art. 40. – Les conditions d’application du présent chapitre sont précisées par décret en Conseil d’État. »

II. – Les articles L. 323-2 à L. 323-8-8 du code du travail sont abrogés.

III. – La loi n° 2018-771 du 5 septembre 2018 pour la liberté de choisir son avenir professionnel est ainsi modifiée :

1° À la fin du II de l’article 68, la référence : « L. 323-2 du même code » est remplacée par la référence : « 34 de la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires » ;

2° Les articles 72 à 74 sont abrogés.

IV. – L’article 5 de la loi n° 97-940 du 16 octobre 1997 relative au développement d’activités pour l’emploi des jeunes est abrogé.

V. – À la fin de l’avant-dernière phrase du III de l’article L. 712-6-1 du code de l’éducation, les mots : « instituée par l’article L. 323-2 du code du travail » sont remplacés par les mots : « d’emploi de travailleurs handicapés ».

VI. – Au VI de l’article 208 de la loi n° 2010-1657 du 29 décembre 2010 de finances pour 2011, la référence : « L. 323-8-6-1 du même code » est remplacée par la référence : « 35 de la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires ».

VII. – À la fin du deuxième alinéa de l’article 122 de la loi n° 2014-1654 du 29 décembre 2014 de finances pour 2015, la référence : « mentionné à l’article L. 323-8-6-1 du code du travail » est supprimée.

VIII. – Le présent article entre en vigueur le 1er janvier 2019. À titre dérogatoire, le II de l’article 33 de la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires, tel qu’il résulte du présent article, entre en vigueur à une date fixée par décret en Conseil d’État et, au plus tard, au 1er janvier 2022.

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Di Folco

Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, Didier Marie et moi-même avons rendu un rapport pour « donner un nouveau souffle à la politique du handicap dans la fonction publique », rapport qui a nécessité 8 mois de travaux, 2 déplacements et l’audition de 104 parties prenantes. Ce rapport a été adopté à l’unanimité par la commission des lois.

Globalement, la situation s’améliore et nous pouvons nous en féliciter : le taux d’emploi des personnes en situation de handicap est passé de 3, 74 % en 2006 à 5, 61 % aujourd’hui.

Toutefois, nous avons constaté trois principales difficultés.

Premièrement, seul le versant territorial respecte ses obligations. L’État est en retard avec 4, 65 % d’agents handicapés – et seulement 3, 38 % dans les services du Premier ministre.

Deuxièmement, les actions menées reposent souvent sur l’engagement personnel de certains élus, managers ou agents. Elles sont mises à mal lorsque ces locomotives quittent leurs fonctions.

Troisièmement, enfin, le fonds pour l’insertion des personnes handicapées dans la fonction publique, le FIPHFP, connaît une situation financière très préoccupante, après avoir accumulé 230 millions d’euros de déficit entre 2015 et 2018. Il a dû baisser ses aides aux agents handicapés, ce qui n’est pas satisfaisant.

Face à ces constats, le projet de loi initial restait en retrait. Il se limitait à confirmer des interprétations déjà en vigueur, comme l’a souligné le Conseil d’État. Un seul dispositif nous paraît novateur : la création d’un détachement ad hoc pour favoriser la promotion des agents porteurs de handicap.

Sur notre initiative, la commission des lois a adopté six amendements pour mieux intégrer les personnes handicapées dans la fonction publique.

Certains semblent recevoir l’approbation du Gouvernement, comme la généralisation des référents handicap, le droit à la portabilité des aménagements de poste ou la possibilité de titulariser, à titre expérimental, un apprenti handicapé à l’issue de son contrat d’apprentissage.

Toutefois, monsieur le secrétaire d’État, le compte n’y est pas.

Vous proposez plusieurs amendements de suppression, précisant que le Gouvernement a déjà porté le budget du FIPHFP à 130 millions d’euros après la loi Pénicaud de septembre 2018. Or cette somme, selon nous, permettrait uniquement de couvrir les interventions du fonds, non ses frais de gestion. Il lui faudrait au moins 20 millions de plus, comme nous l’avons démontré dans notre rapport.

Devant la commission des lois, vous avez indiqué que vous souhaitiez une certaine harmonisation entre le secteur public et le secteur privé. Toutefois, le rapport de l’inspection générale des finances, l’IGF, et de l’inspection générale des affaires sociales, l’IGAS, de décembre 2017, a montré qu’une telle harmonisation n’était pas envisageable : à la page 25 du rapport, il est indiqué que le FIPHFP pourrait perdre plus de 60 % de ses contributions à moyen terme, contre 30 % dans le secteur privé.

À rebours de votre position de principe, vous souhaitez d’ailleurs supprimer des dispositions de la commission qui respectent votre volonté d’harmoniser le secteur privé et le secteur public.

Je pense, par exemple, à la règle de l’arrondi à l’unité supérieure, qui rapporterait 13 millions d’euros par an au FIPHFP, ou au meilleur encadrement des maintiens dans l’emploi.

À la différence du secteur privé, les employeurs publics qui « fabriquent » du handicap bénéficient d’une baisse de leurs cotisations, ce qui n’est plus acceptable. D’où l’intérêt du « bonus-malus » que Didier Marie et moi avons proposé.

Vous l’aurez compris, monsieur le secrétaire d’État, nous souhaitons des avancées réelles et concrètes pour l’intégration des personnes handicapées dans la fonction publique. Au cours de ce débat, nous espérons vous convaincre que nos propositions sont ambitieuses et que vous vous y rallierez en retirant vos amendements de suppression.

Debut de section - PermalienPhoto de Didier Marie

Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, mon propos rejoint évidemment celui de Mme le rapporteur, puisque nous avons commis conjointement, au nom de la commission des lois du Sénat, un rapport d’information qui a été adopté à l’unanimité.

Je me réjouis bien évidemment que nos rapporteurs aient intégré l’essentiel de nos propositions dans le texte du projet de loi issu des travaux de la commission. Depuis la loi du 11 février 2005, les employeurs ont consenti de nombreux efforts pour relever le taux d’emploi des travailleurs handicapés dans la fonction publique, qui est passé de 3, 74 % à 5, 61 %.

Il faut souligner que, chaque année, les administrations recrutent plus de 30 000 agents handicapés, soit deux fois plus qu’en 2019. Pour autant, les objectifs assignés en 2005 ne sont que partiellement atteints et le système de promotion du handicap dans la fonction publique est aujourd’hui à un tournant, voire à bout de souffle.

Seul le versant territorial respecte son obligation d’employer au moins 6 % de travailleurs handicapés, sachant que, dans la fonction publique territoriale, il existe bien évidemment des écarts d’une collectivité à l’autre et qu’il ne faudra pas relâcher les efforts.

Pour ce qui concerne l’État, il est en retard, avec un taux d’emploi de 4, 65 %. Certains ministères, voire certains services, notamment ceux du Premier ministre, cela a été souligné, sont particulièrement en retard et nous souhaiterions que l’État montre la voie, qu’il soit l’éclaireur et qu’il puisse dans un délai extrêmement rapide – deux ans –, par la fixation d’objectifs pluriannuels, atteindre ces 6 %.

En outre, nous avons constaté – monsieur le secrétaire d’État, vous avez lu notre rapport – que les services de l’État manquaient de coordination. Se pose la question de la déconcentration des moyens dévolus au handicap dans la fonction publique d’État.

Le second sujet fondamental, c’est effectivement celui du fonds pour l’insertion des personnes handicapées dans la fonction publique. Après avoir contribué à une élévation du nombre de travailleurs handicapés dans les trois fonctions publiques, celui-ci a malheureusement été contraint de réduire drastiquement le montant de ses aides, qui ont baissé de 30 % entre 2014 et 2018, victime au final de son succès.

Debut de section - PermalienPhoto de Hélène Conway-Mouret

Il faut conclure, mon cher collègue. Vous avez épuisé votre temps de parole.

Debut de section - PermalienPhoto de Didier Marie

Nous vous demandons de regarder avec beaucoup d’attention – c’est l’objet du présent projet de loi – la mise en œuvre d’une expérimentation de réforme globale du modèle de financement du FIPHFP.

Debut de section - PermalienPhoto de Hélène Conway-Mouret

La parole est à M. Philippe Mouiller, sur l’article, à qui je demande d’essayer de respecter le temps qui lui est imparti.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Mouiller

Je vais être vigilant, madame la présidente.

Je salue moi aussi le travail de la commission et le rapport que celle-ci a produit sur l’emploi des personnes handicapées dans la fonction publique. Ce rapport détaille à la fois de façon très claire les objectifs en la matière, mais également toutes les difficultés pour y parvenir, ainsi que la nécessité de revoir, d’une façon générale, notre approche du recrutement de personnes handicapées au sein de la fonction publique.

Ce texte de loi, même s’il reste encore beaucoup de choses à faire, contient déjà un certain nombre d’avancées.

Monsieur le secrétaire d’État, je voudrais vous alerter sur deux points.

D’abord, vous avez déposé plusieurs amendements de suppression d’articles insérés par la commission. D’une façon générale, celle-ci a eu la prudence de ne prévoir les mesures qu’elle propose qu’à titre expérimental. Cela permet de se donner le temps de l’analyse, notamment avant la publication des décrets d’application ; surtout, cette prudence permet d’apprécier avec discernement la situation dans chacune des différentes fonctions publiques ou ce qui se passe dans chaque territoire.

Cette prudence de la commission doit être relevée et devrait vous inciter à retirer vos différents amendements de suppression.

Beaucoup d’arguments ont été avancés au sujet des modalités de financement du FIPHFP, la réforme de l’obligation d’emploi des travailleurs handicapés, ou OETH, constituant une nouvelle piste de travail pour récupérer des financements complémentaires. Or non seulement ce ne sera pas suffisant, mais encore c’est antinomique : d’une façon générale, cette réforme a été conduite dans le but d’améliorer le recrutement de personnes handicapées dans les fonctions publiques et donc, de fait, de réduire les ressources du FIPHFP.

Donc, comment peut-on, d’un côté, adopter des textes visant à améliorer le recrutement de personnes handicapées dans la fonction publique, sachant, de l’autre, que ces mesures sont financées par un fonds d’autant plus doté que les recrutements diminuent ?

Quelque chose ne fonctionne pas dans ce système et on ne peut pas mener ces deux objectifs en parallèle : abonder le FIPHFP – en réduisant les recrutements – et recruter plus.

C’est pourquoi, par souci de cohérence, il faut regarder de très près les propositions de la commission visant à compléter les possibilités de financement, notamment au travers de l’arrondi.

Pour conclure, je veux également dire qu’il faut aussi avoir une approche nuancée entre le maintien des personnes handicapées dans les postes et la création sèche d’emplois dans les différentes administrations, afin de voir les chiffres différemment. Collectivement, les différentes branches de la fonction publique ont un effort à faire.

Debut de section - Permalien
Olivier Dussopt

Madame la présidente, madame, monsieur les rapporteurs, mesdames, messieurs les sénateurs, comme je l’ai fait devant votre commission des lois, je salue le travail de Mme Di Folco et de M. Marie, dont le rapport a été adopté à l’unanimité. Nous partageons tous les constats qui y sont dressés, tout comme nous partageons aussi beaucoup des solutions ou des pistes qui y sont avancées pour répondre aux problématiques liées à l’accueil et au maintien de personnes en situation de handicap dans les services publics.

C’est la raison pour laquelle, comme vous l’avez noté, madame la rapporteur, un certain nombre des dispositions adoptées par votre commission sont appréciées de manière extrêmement positive par le Gouvernement et ne font l’objet d’aucune proposition de modification ou de demande de retrait. Comme je l’ai indiqué au cours de la discussion générale, je prends l’engagement devant vous que ce dont le Gouvernement n’a pas demandé la remise en cause par votre assemblée sera défendu par lui au cours de la navette parlementaire et que le soutien que je peux apporter directement ou indirectement à des dispositions adoptées par le Sénat est un soutien qui vaut non pas seulement pour la séance, mais bien pour l’intégralité des débats sur ce texte.

Nous avons deux divergences, deux points de désaccord.

Le premier porte, plus que sur la question de l’harmonisation, sur la question de la convergence entre le secteur public et le secteur privé. Nous avons engagé, voilà presque dix-huit mois, Sophie Cluzel, Muriel Pénicaud et moi-même, un travail de rapprochement des deux systèmes public et privé, l’Association de gestion du fonds pour l’insertion professionnelle des handicapés, l’Agefiph, et le FIPHFP, tout en précisant que nous ne voulions pas de leur fusion, ces deux instruments n’étant ni financés ni gérés de la même manière. Nous cherchons par tous les moyens à permettre, dans le cadre de la fluidité public-privé que nous souhaitons, des modalités d’intervention, de calcul, de déclaration aussi proches que possible.

Ce que nous craignons, comme j’ai eu l’occasion de le dire en commission des lois, c’est qu’un certain nombre des dispositions que vous avez adoptées, au-delà de leur intérêt propre, ne soient contradictoires avec cette volonté de faire converger les secteurs public et privé en matière de handicap.

Le second point de divergence que nous avons avec la commission – et qui, avec le premier, justifie le dépôt des amendements de suppression ou de modification du Gouvernement – porte sur le financement du FIPHFP.

Vous faites un certain nombre de propositions, tandis que nous défendons une autre méthode. La méthode que nous défendons se fonde sur une réforme des obligations des employeurs publics.

À cet égard, la loi du 5 septembre 2018 pour la liberté de choisir son avenir professionnel a acté la minoration des contributions au FIPHFP dont bénéficient un certain nombre d’employeurs publics, au premier rang desquels le ministère de l’éducation nationale. S’agissant de ce dernier, notamment, cette minoration se justifie par ses efforts et son engagement en faveur notamment d’accueil d’élèves en situation de handicap. Cependant, la loi a prévu un plafonnement progressif de cette exonération, de manière que celle-ci ne puisse pas, la première année, excéder 90 % de la contribution théorique et 80 % en deuxième année. Cela permettra une montée en puissance de la contribution du ministère de l’éducation nationale et donc de garantir l’alimentation du FIPHFP, indépendamment des efforts faits en matière d’accueil des personnes en situation de handicap, à hauteur de 130 millions d’euros.

Nous apportons une seconde nuance à ce que propose la commission : vous estimez que le FIPHFP aurait besoin de 150 millions d’euros ; pour notre part, nous estimons, après un certain nombre de travaux, que, avec 130 millions d’euros, nous atteindrons un rythme de croisière. Peut-être aurons-nous l’occasion, avant l’adoption définitive de ce texte, de trouver un terrain d’entente sur cette question-là.

Ce qui nous importe prioritairement, c’est de maintenir les fonds à 130 millions d’euros. M. Marie l’a dit : ceux-ci ont connu une baisse constante entre 2014 et 2018, et nous devons mettre fin à cette tendance pour en revenir à ce niveau.

Je précise, pour la clarté et l’intelligibilité des débats, que le FIPHFP n’est pas le seul financeur de l’insertion et de l’accueil des personnes en situation de handicap : c’est un cofinanceur. La volonté de maintenir cette logique de cofinancement est, je crois, partagée, de sorte que les employeurs des trois versants de la fonction publique soient responsables aussi des engagements et des efforts à fournir en matière d’accueil.

Enfin, je termine sur ce que l’on pourrait qualifier de divergence, laquelle peut, à mon avis, être surmontée.

Monsieur le sénateur, vous proposez un mécanisme expérimental de bonus-malus. J’ai eu l’occasion de vous dire, soit en commission des lois, soit à l’occasion de réunions de travail, que nous n’étions pas opposés à cette idée.

Nous sommes prêts à travailler avec vous sur un bonus-malus non pas centré sur l’insertion des personnes en situation de handicap, mais qui soit plus en rapport avec la prévention et ce qu’on appelle parfois communément la « production » du handicap dans les administrations. Ce peut être un outil utile de sanction en l’absence de toute mesure de prévention ou, au contraire, un outil d’accompagnement de comportements particulièrement marqués en faveur d’une prévention de bonne qualité.

Telles sont nos nuances d’appréciation. Madame la rapporteur, vous m’appelez à retirer les amendements du Gouvernement : en aparté, je vous ai fait comprendre que ce ne serait pas possible. Cela fait partie des désaccords que nous pouvons avoir sur ce texte, et le débat sera l’occasion de rappeler les positions des uns et des autres.

Vos propos, ceux qu’ont tenus les deux intervenants qui vous ont succédé, et ceux que je viens de tenir laissent apparaître des divergences entre nous, mais, sur l’essentiel, notamment notre volonté d’une fonction publique plus inclusive, nous avons les mêmes objectifs.

Debut de section - PermalienPhoto de Hélène Conway-Mouret

La parole est à M. le président de la commission des lois.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Bas

Monsieur le secrétaire d’État, je me réjouis que, à l’occasion de l’examen du présent projet de loi, nous puissions nouer un dialogue sur cette question très importante. Je dois vous dire très sincèrement que nous considérons, à la commission des lois, que le compte n’y est paset que nous ne pouvons nous contenter de vous faire crédit de vos bonnes intentions.

Vous connaissez les chiffres comme nous les connaissons. En 2014, le fonds pour l’insertion des personnes handicapées dans la fonction publique avait un budget de 181 millions d’euros. Il est tombé à 126 millions d’euros. On compte certes davantage de personnes handicapées dans les fonctions publiques qu’il y a cinq ans, mais précisément, il y a davantage de besoins, car le FIPHFP contribue non pas simplement à l’intégration de personnes handicapées au sein de la fonction publique, mais à l’accompagnement de leurs carrières, pour qu’elles puissent y trouver toute leur place et apporter toute leur contribution au fonctionnement des services publics.

Cela démontre à quel point le système actuel a atteint ses limites. Je ne le critique pas pour un vice de fabrication, car je me permets de vous rappeler que, avec Christian Jacob, alors ministre de la fonction publique – votre prédécesseur –, j’en ai été le coauteur lorsque j’étais chargé des solidarités au sein du gouvernement d’alors, et que c’est nous qui avons créé ce fonds.

Vous nous dites : « Il faut attendre. » Non, n’attendons surtout pas, ne ratons pas l’occasion du prochain budget de l’État pour amorcer un redressement ! Vous proposez 130 millions ; nous vous disons que 150 millions d’euros, c’est encore beaucoup moins qu’il y a cinq ans et c’est nécessaire.

Cette évaluation n’est pas sortie de notre chapeau, elle résulte d’un travail pluraliste mené par M. Marie et Mme Di Folco, dont chacun, y compris vous-même, a salué le sérieux.

Pour assurer la pérennité des financements à un haut niveau, il est absolument indispensable de modifier le système de prélèvement. C’est la raison pour laquelle nous vous proposons ce système de bonus-malus.

Je veux croire que toute proposition émanant du Parlement est prise au sérieux par le Gouvernement sans que celui-ci nous oppose sa propre réflexion et son propre calendrier. On ne va pas perdre un an pour mettre en œuvre un dispositif qui sera plus efficace pour les personnes handicapées !

C’est la raison pour laquelle, au moment d’aborder l’examen de ces amendements, je tiens à vous dire très solennellement que nous ne souhaitons pas que notre attente soit déçue. Du temps va s’écouler entre la position que vous adopterez aujourd’hui et la commission mixte paritaire, avant le vote final du texte. Ce que nous proposons n’a rien d’un bouleversement révolutionnaire.

Par ailleurs, l’argument selon lequel vous voudriez rapprocher, sans les fusionner, le fonds pour le secteur privé et le fonds pour le secteur public ne nous paraît pas recevable, et ce pour une raison très simple : les modalités de recrutement, le déroulement des carrières et même les métiers sont différents entre le secteur privé et le secteur public.

L’Agefiph, créée par une loi qu’avait fait voter Philippe Séguin, voulue par Jacques Chirac, à l’époque Premier ministre, a été mise en place en 1988 par le gouvernement de Michel Rocard, Jean-Pierre Soissons étant ministre du travail, sous forme de gestion paritaire avec les partenaires sociaux : vous ne voulez pas abandonner cela ?

Le système en vigueur dans la fonction publique est différent parce que le paritarisme y a pris énormément de retard. Vous ne pouvez donc pas fusionner les deux systèmes. Vous pouvez d’autant moins le faire qu’alors un effet de masse jouerait en défaveur des financements spécifiques pour l’insertion des personnes handicapées dans la fonction publique.

Cet argument ne saurait retarder ce travail devant nous permettre de franchir un palier dans l’insertion des personnes handicapées dans la fonction publique. C’est ce que le Sénat vous demande. Vous dites que nous sommes d’accord sur les objectifs ; eh bien, je souhaite maintenant que nous soyons aussi d’accord sur les moyens !

Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains. – M. Jean-Pierre Decool applaudit également.

Debut de section - PermalienPhoto de Hélène Conway-Mouret

L’amendement n° 495, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :

Rédiger ainsi cet article :

L’article L. 323-8-6-1 du code du travail est ainsi modifié :

1° Le I est ainsi modifié :

a) La seconde phrase du premier alinéa est supprimée ;

b) Les 1° et 3° sont abrogés ;

c) À la première phrase du dernier alinéa, les mots : « et des personnes handicapées », sont remplacés par les mots : «, du service public de l’emploi et des personnes handicapées » ;

3° Les deuxième à dernier alinéas du II sont supprimés ;

4° Le III est ainsi rédigé :

« III. – Les crédits du fonds pour l’insertion des personnes handicapées dans la fonction publique servent à financer des actions réalisées soit à l’initiative des employeurs mentionnés à l’article L. 323-2, soit, à l’initiative du fonds, en vue de favoriser l’insertion professionnelle des personnes handicapées au sein de la fonction publique, ainsi que la formation et l’information des agents participant à la réalisation de cet objectif. »

La parole est à M. le secrétaire d’État.

Debut de section - Permalien
Olivier Dussopt

La présentation brève de cet amendement sera l’occasion pour moi de souligner, comme je viens de le faire dans mon propos préalable, à l’attention de M. le président de la commission des lois, que le Gouvernement n’a surtout pas l’intention de fusionner les deux fonds, pour les raisons qu’il a invoquées, notamment parce qu’il existe des différences dans leur mode de gouvernance. Je le répéterai une troisième fois si cela est nécessaire.

Nous parlons à dessein de convergence, notamment avec la volonté de garantir l’équité sur les niveaux et les modalités de prise en charge.

Cet amendement n° 495 a un seul objet, à savoir inscrire dans la loi le principe de fongibilité des sections du FIPHFP, qui correspond à la pratique d’aujourd’hui, de manière à offrir de la souplesse dans la gestion des missions du fonds.

Debut de section - PermalienPhoto de Loïc Hervé

Le texte de la commission a mis en œuvre le rapport Donner un nouveau souffle au handicap dans la fonction publique, adopté une semaine auparavant.

Avec plusieurs de ses amendements, le Gouvernement revient sur diverses propositions du rapport. En l’occurrence, s’il était adopté, l’amendement n° 495 supprimerait : la clarification du droit applicable aux agents en situation de handicap et leur insertion dans le statut général de la fonction publique, règles qui sont aujourd’hui, je le rappelle, « cachées » dans une partie non abrogée du code du travail de 2007, ce qui n’est pas acceptable, même si l’on annonce une nouvelle fois un code de la fonction publique ; la limitation à cinq ans de la prise en compte des maintiens dans l’emploi dans le calcul du taux d’emploi des travailleurs handicapés, notamment pour ne pas avantager les employeurs qui « fabriquent » du handicap ; la règle de l’arrondi à l’inférieur, qui permettrait d’augmenter les contributions au FIPHFP de 13 millions d’euros ; la modernisation du conventionnement entre le FIPHFP et les employeurs publics, la commission ayant notamment permis la publication des objectifs retenus et des résultats obtenus.

Le Gouvernement accepte simplement de revoir la « tripartition » du FIPHFP entre les trois versants de la fonction publique, ce qui n’a jamais été appliqué.

L’ambition du Gouvernement, au travers de cet amendement, est donc bien plus limitée que le rapport du Sénat, alors qu’il y a urgence à donner un nouveau souffle à la politique du handicap dans la fonction publique.

Retrait ; à défaut, avis défavorable.

L ’ amendement n ’ est pas adopté.

L ’ article 34 A est adopté.

À compter du 1er janvier 2020 et pour une durée de trois ans, l’État conduit une expérimentation destinée à refonder le modèle financier du fonds pour l’insertion des personnes handicapées dans la fonction publique et à assurer sa pérennité.

L’expérimentation déroge à l’article 38 de la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires, tel qu’il résulte de la présente loi.

L’État sélectionne un nombre représentatif de départements dans lesquels les employeurs mentionnés à l’article 33 de la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 précitée, tel qu’il résulte de la présente loi, versent une cotisation universelle de 0, 1 % de leur masse des rémunérations au fonds.

Cette cotisation universelle peut être modulée afin tenir compte, pour chaque employeur :

1° Du taux d’emploi mentionné à l’article 34 de la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 précitée, tel qu’il résulte de la présente loi ;

2° Du nombre de travailleurs handicapés recrutés ;

3° Du nombre de disponibilités d’office pour raison de santé, de licenciements pour inaptitude et de mises à la retraite d’office.

Un décret en Conseil d’État définit les modalités de cette expérimentation. Il précise les règles de modulation de la cotisation universelle.

Le Gouvernement présente au Parlement une évaluation de cette expérimentation un an avant son terme. Le fonds pour l’insertion des personnes handicapées dans la fonction publique, le Conseil commun de la fonction publique et le Conseil national consultatif des personnes handicapées adressent également leurs observations.

Debut de section - PermalienPhoto de Hélène Conway-Mouret

L’amendement n° 404, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :

Supprimer cet article.

La parole est à M. le secrétaire d’État.

Debut de section - Permalien
Olivier Dussopt

Cet amendement vise à supprimer les dispositions adoptées par la commission des lois visant à expérimenter un nouveau système de financement du FIPHFP.

À l’ouverture de nos débats, je vous ai assuré qu’un décret d’application de la loi du 5 septembre 2018, portant modification des modalités de calcul des contributions des différents employeurs publics au FIPHFP, serait pris rapidement. Le décret a été soumis au conseil commun de la fonction publique il y a un peu plus de quinze jours. Pour des raisons pratiques, et par un hasard du calendrier, l’ensemble des membres du Gouvernement compétents en la matière l’ont contresigné ce matin même, en marge du conseil des ministres.

Debut de section - PermalienPhoto de Loïc Hervé

Avec cet amendement, le Gouvernement souhaite supprimer une proposition du Sénat relative au handicap dans la fonction publique.

Le système actuel du financement du FIPHFP connaît deux difficultés principales.

Premièrement, ce fonds subit un effet de ciseaux : avec la progression du nombre d’agents handicapés, les ressources du fonds s’amenuisent alors que les besoins de financement augmentent. Ces dernières années, le fonds a réduit de 40 % le montant de ses conventions avec les employeurs publics, au détriment des agents en situation de handicap.

Deuxièmement, le système actuel favorise les employeurs publics qui « créent » du handicap. Plus les agents sont exposés à des risques professionnels, plus ils sont reclassés, ce qui permet de réduire d’autant les contributions de leur employeur. C’est un véritable effet pervers.

Face à ces difficultés structurelles, le Gouvernement a prévu un « sparadrap », c’est-à-dire des mesures ponctuelles pour stabiliser les ressources du fonds à 130 millions d’euros. Certaines mesures sont courageuses, comme la réduction des dérogations accordées par l’Assemblée nationale. Toutefois, ces dispositions sont insuffisantes pour régler l’effet de ciseaux constaté. Pis, elles ne répondent pas aux besoins du FIPHFP, que le Sénat a estimés à 150 millions d’euros.

Dès lors, il est important de lancer une expérimentation pour refonder le modèle de financement du fonds. Cette expérimentation pourrait être entreprise dès janvier 2020, en prenant en compte les propositions de Mme Lecocq. La mission qui lui est confiée dépasse d’ailleurs largement le champ du handicap.

Ce nouveau modèle se fonde sur une idée simple et juste : partons d’une cotisation universelle pour tous les employeurs et appliquons un bonus-malus pour valoriser les employeurs vertueux.

Ce bonus-malus est également la seule manière de pénaliser les employeurs qui multiplient les retraites ou les licenciements pour inaptitude. Comment être contre cette solution de bon sens ?

Pour garantir la faisabilité technique du dispositif, le Gouvernement pourra s’appuyer, non seulement sur le rapport d’information du Sénat, mais aussi sur le rapport de l’inspection générale des finances et de l’inspection générale des affaires sociales, publié en 2017, qu’il a lui-même commandé.

Pour ces raisons, la commission demande, comme précédemment, le retrait de l’amendement gouvernemental. À défaut, elle émettra un avis défavorable.

Debut de section - PermalienPhoto de Hélène Conway-Mouret

La parole est à M. Philippe Mouiller, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Mouiller

Monsieur le secrétaire d’État, je ne reviendrai pas sur les arguments que M. le rapporteur a détaillés, et que j’approuve ; j’insisterai simplement sur deux points.

Tout d’abord, la mesure que nous proposons est de nature expérimentale. Elle permettra de cibler un certain nombre de départements.

Ensuite, elle complétera la politique menée, aujourd’hui, par votre gouvernement en matière d’inclusion. Je pense notamment à la démarche « Territoires 100 % inclusifs ». À ce titre, dans certains bassins de vie, l’ensemble des collectivités se sont engagées pour des mesures d’accompagnement spécifiques. À ce titre, elles ont besoin de souplesse et de moyens financiers dédiés : l’expérimentation d’une cotisation spécifique pourra constituer une réponse.

Je tenais simplement à mettre en parallèle votre politique et l’urgence de créer des territoires inclusifs, qui implique des financements spécifiques de la part des collectivités. Par cohérence avec la politique transversale que mène le Gouvernement face au handicap, notamment au sein de la fonction publique, je vous invite à retirer votre amendement de suppression.

Debut de section - PermalienPhoto de Didier Marie

À mon sens, ces dispositions sont centrales, et je regrette que le Gouvernement veuille les supprimer.

Lors de l’examen de notre rapport, puis au cours des débats, nous avons tous insisté sur les difficultés financières structurelles que subit le FIPHFP.

Je ne reviendrai pas sur l’effet de ciseaux, mais j’insisterai sur une autre dimension qui doit être prise en compte : la pratique du maintien dans l’emploi, que l’on considère à l’échelle de la carrière des agents dans son ensemble et qui aboutit à l’embolie du dispositif. Pour notre part, nous proposons de ne prendre en considération le maintien dans l’emploi que pendant cinq années. Ainsi, de nouveaux postes pourront être ouverts en faveur des travailleurs en situation de handicap.

En outre – cela a été dit et redit, mais, à l’évidence, il faut encore le répéter –, nous proposons une expérimentation. Mettez, en parallèle, la cotisation universelle fondée sur la masse salariale, de 0, 1 %, et celle que la fonction publique territoriale verse au Centre national de la fonction publique territoriale, le CNFPT, de 0, 9 % : vous verrez que la participation ici proposée n’est pas très lourde.

En effet, pour que les collectivités ou administrations les plus vertueuses ne soient pas pénalisées, nous avons souhaité instaurer un bonus permettant de tempérer leur participation. Inversement, un malus majorera les cotisations des structures qui n’ont pas fait les efforts nécessaires et qui, éventuellement, rechigneraient encore à le faire.

Pour ma part, je voterai contre cet amendement de suppression.

Debut de section - PermalienPhoto de Hélène Conway-Mouret

La parole est à M. le président de la commission des lois.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Bas

J’ai entre les mains le très bon rapport de Mme Di Folco et de M. Didier Marie. Il est on ne peut plus clair quant aux restrictions budgétaires que le fonds d’insertion pour les personnes handicapées dans la fonction publique est en train d’appliquer.

Monsieur le secrétaire d’État, je vous recommande en particulier de lire la page 66. Elle détaille les mesures qu’a prises le fonds, par obligation budgétaire, pour la réduction des dépenses d’intervention : réduction de 40 % du montant des conventions employeurs – ce sont les conventions que le fonds passe avec des employeurs publics pour obtenir de ceux-ci l’engagement de recruter des personnes handicapées et de les accompagner dans leur travail ; plafonnement des aides ponctuelles à 100 000 euros sur trois ans ; instauration d’un plancher de prise en charge, les dépenses de moins de 200 euros n’étant plus remboursées par le fonds ; réduction du montant de certaines aides – par exemple, le plafond de remboursement des prothèses auditives est abaissé de 3 000 à 1 600 euros ; connaissez-vous le prix des prothèses auditives ? ; suppression des aides accordées pour assurer l’accessibilité des bâtiments.

Il faut donner un coup d’arrêt à ce rétrécissement de la capacité d’action du FIPHFP.

Nous vous invitons instamment à mener, avec nous, ce combat pour l’insertion des personnes handicapées dans les fonctions publiques. Les résultats se sont améliorés au fil des années : c’est une raison supplémentaire de conjurer le risque d’un recul.

Cette grande politique sociale est émancipatrice : donner du travail aux personnes handicapées, c’est leur faire prendre pleinement part à la vie de la société. Nous ne devons donc pas suivre, en la matière, une logique strictement budgétaire ; et nous ne pouvons pas laisser les choses en l’état. D’ailleurs, je ne crois pas qu’en dotant ce fonds décemment l’on expose le budget de l’État à une grande menace !

Applaudissements sur des travées du groupe Les Républicains.

Debut de section - PermalienPhoto de Hélène Conway-Mouret

La parole est à M. Arnaud de Belenet, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Arnaud de Belenet

Mes chers collègues, ce que j’entends aujourd’hui, c’est un consensus portant à la fois sur le constat et sur les objectifs.

Le FIPHFP, inventé il y a quelques années, ne fonctionne plus. D’ailleurs, chacun de ceux qui l’ont créé et qui ont élaboré ses modalités de financement savait bien que sa durée de vie était limitée. Aujourd’hui, nous réitérons ce constat et nous faisons le bilan, plus ou moins larmoyant, de ses effets et de ses limites.

Pour ma part, je voterai l’amendement du Gouvernement, …

Debut de section - PermalienPhoto de Arnaud de Belenet

M. Arnaud de Belenet. … non parce que ces dispositions sont contre l’insertion des personnes handicapées, non parce que je suis membre du groupe La République En Marche, mais parce qu’un travail approfondi est encore nécessaire.

M. le président de la commission des lois brandit le rapport d ’ information de Mme Di Folco et M. Marie.

Debut de section - PermalienPhoto de Arnaud de Belenet

Non seulement de nouveaux rapports vont arriver, mais je m’en remets à la navette : j’espère que nous pourrons avancer et que la commission mixte paritaire nous permettra de trouver un consensus.

De plus, un rapport qui, quoique pluraliste, n’est issu que de l’opposition nationale, ne peut pas produire tous ses effets. Or, quand on veut rassembler sur un sujet, il est bon de savoir s’ouvrir…

Enfin, de manière plus personnelle, le papa d’un jeune handicapé que je suis apprécie assez modérément l’instrumentalisation que certains échanges pourraient donner l’impression de développer.

Ces sujets concernent un certain nombre d’entre nous à titre personnel, et il serait bon qu’ils ne soient pas instrumentalisés. À l’inverse, nous devons grandir par la recherche du compromis et du consensus en commission mixte paritaire. Je l’espère très sincèrement ; et je ne doute pas une seconde que le secrétaire d’État et le Gouvernement tout entier visent, en la matière, les mêmes objectifs que la majorité sénatoriale !

L ’ amendement n ’ est pas adopté.

L ’ article 34 B est adopté.

À titre expérimental et pour une durée de cinq ans à compter de la publication de la présente loi, les personnes mentionnées aux 1°, 2°, 3°, 4°, 9°, 10° et 11° de l’article L. 5212-13 du code du travail peuvent être titularisés, à l’issue de leur contrat d’apprentissage, dans le corps ou cadre d’emploi correspondant à l’emploi qu’elles occupaient.

Cette titularisation est conditionnée à la vérification de l’aptitude professionnelle de l’agent. Une commission de titularisation se prononce au vu du parcours professionnel de l’agent et après un entretien avec celui-ci.

Un décret en Conseil d’État définit les modalités de cette expérimentation. Il précise les conditions minimales de diplôme exigées et les conditions du renouvellement éventuel du contrat d’apprentissage.

Une évaluation de cette expérimentation est présentée au Parlement un an avant son terme. –

Adopté.

I. – Le dernier alinéa de l’article 41 de la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale est complété par une phrase ainsi rédigée : « Les informations recueillies dans cet espace numérique sont transmises au service public de l’emploi. »

II. – À titre expérimental et pour une durée de cinq ans à compter de la publication de la présente loi, les personnes mentionnées aux 1°, 2°, 3°, 4°, 9°, 10° et 11° de l’article L. 5212-13 du code du travail peuvent déposer leur curriculum vitae sur l’espace numérique mentionné au dernier alinéa de l’article 41 de la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale.

Les employeurs mentionnés à l’article 2 de la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires peuvent, après identification, consulter ces documents dans le seul objectif de recruter des agents en situation de handicap.

Un décret en Conseil d’État, pris après avis de la Commission nationale de l’informatique et des libertés, définit les modalités de cette expérimentation. Il précise la durée de conservation des données enregistrées et les conditions de leur mise à jour ainsi que les moyens à mettre en œuvre pour garantir la confidentialité du dispositif.

Une évaluation de cette expérimentation est présentée au Parlement un an avant son terme.

Debut de section - PermalienPhoto de Hélène Conway-Mouret

L’amendement n° 415, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :

Supprimer cet article.

La parole est à M. le secrétaire d’État.

Debut de section - Permalien
Olivier Dussopt

Au-delà de mes précédents propos et de la convergence de vues que M. de Belenet a relevée avec raison, nous pouvons avoir quelques divergences quant au calcul des montants nécessaires en la matière, du fait de l’application d’autres politiques menées par le Gouvernement. Je pense, notamment, au « reste à charge zéro », pour reprendre l’un des exemples avancés.

À nos yeux, l’article 34 D est de nature plus réglementaire que législative. En outre, nous considérons que l’espace numérique commun « Place de l’emploi public », institué par un décret du 28 décembre 2018 et opérationnel depuis la mi-février 2019, permet de répondre aux attentes exprimées.

Nous devons encore améliorer le dispositif « Place de l’emploi public » : il s’agit de le mettre en interface avec un certain nombre de sites et de sources d’information, de manière à avoir une meilleure lecture de l’ensemble des données à la disposition des candidats, des agents et des employeurs publics.

Pour l’heure, je propose la suppression de cet article.

Debut de section - PermalienPhoto de Loïc Hervé

Cet amendement vise à revenir sur une importante proposition du rapport de Mme Di Folco et de M. Marie.

Mes chers collègues, le Gouvernement a créé un site, « Place de l’emploi public », devant regrouper les offres d’emploi des employeurs publics. Toutefois, ce site n’est connecté ni à Pôle emploi ni à Cap emploi. En conséquence, les offres d’emploi dont il s’agit ne disposent, par ce biais, d’aucune visibilité.

En outre, le recours à la loi est nécessaire pour prévoir les conditions dans lesquelles des personnes handicapées pourraient déposer leur curriculum vitae dans un espace dédié de « Place de l’emploi public ». Il s’agit d’encadrer la diffusion de ces données sensibles avec l’aide de la Commission nationale de l’informatique et des libertés, la CNIL.

Aussi, la commission est défavorable à cet amendement de suppression.

Je le rappelle d’autant plus volontiers que je n’en suis pas l’auteur : le rapport de Catherine Di Folco et Didier Marie, c’est 8 mois de travail, c’est 104 auditions, c’est une adoption à l’unanimité par la commission des lois du Sénat. C’est donc un travail sérieux, et c’est une approche du handicap dans la fonction publique qui se veut la plus universelle et la plus bienveillante possible.

En tant que rapporteur, je ne voudrais donc pas que le débat dérape s’agissant de sujets qui nous touchent tous, les uns et les autres, à divers degrés dans nos vies personnelles. On ne peut pas persister dans la procrastination au motif qu’il faudrait encore réfléchir davantage.

Nous débattons de l’inclusion des personnes handicapées dans l’emploi public. Nous voulons transformer la fonction publique – en tout cas, le Gouvernement prétend le faire, et de notre côté, nous nous efforçons de l’y aider. Il s’agit là d’un sujet important ; c’est précisément la raison pour laquelle nous avons appelé ces articles en priorité, aujourd’hui, à quatorze heures trente. Nous ne voulions pas le voir examiné dans la nuit, à une heure où les travées de cet hémicycle seraient moins fournies. Ce faisant, nous avons démontré l’importance que nous attachons à cette partie du texte !

Debut de section - Permalien
Olivier Dussopt

Je précise que, conformément au vœu de la commission des lois, l’interface entre le site « Place de l’emploi public » et celui de Pôle emploi est en cours de réalisation. En outre, les premières discussions vont être ouvertes avec Cap emploi.

Debut de section - PermalienPhoto de Hélène Conway-Mouret

La parole est à M. Philippe Mouiller, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Mouiller

Monsieur le secrétaire d’État, je m’efforce d’accompagner, dans cette démarche, les collectivités du département dont je suis l’élu. À ce titre, Cap emploi fait l’objet d’un suivi particulier.

Vous le soulignez avec raison : plusieurs actions sont mises en œuvre pour assurer une convergence des outils numériques. Mais, concrètement, sur le terrain, on estime entre dix-huit et vingt-quatre mois le temps nécessaire pour les rendre efficientes !

L’expérimentation pourrait justement permettre une phase de transition : le Gouvernement en maîtriserait la durée et les contours. De manière pragmatique, nous aurions, dès le 1er janvier prochain, un outil opérationnel dans les départements.

M. le président de la commission des lois opine.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Mouiller

Enfin, la mesure que nous proposons permettra à des collectivités qui n’ont pas connaissance des démarches spécifiques d’accueillir des personnes en situation de handicap. Au nom de nos départements, je vous demande, du fond du cœur, de bien vouloir retirer votre amendement !

Debut de section - PermalienPhoto de Didier Marie

J’ai écouté M. de Belenet avec une certaine émotion, et je tiens à le rassurer : personne ici n’entend instrumentaliser un sujet qui nous touche toutes et tous, et qui fait l’objet d’un large consensus.

Le travail d’élaboration de notre rapport a fait remonter des demandes et des aspirations convergentes. M. le rapporteur vient de le rappeler : nous avons mené un grand nombre d’auditions, qu’il s’agisse du FIPHFP, des syndicats ou des associations de personnes en situation de handicap.

Tous nos interlocuteurs nous ont fait part des mêmes volontés : premièrement, rétablir la situation financière du FIPHFP ; deuxièmement, améliorer la coordination des acteurs, qui – il faut le dire – est mauvaise dans certains endroits ; troisièmement, inciter l’ensemble des acteurs publics à faire les efforts nécessaires, via la généralisation de référents ; quatrièmement, diversifier l’accès à l’emploi public, notamment par l’apprentissage et les contrats ad hoc, qui existent déjà, mais qui sont insuffisamment employés ; cinquièmement, enfin, simplifier le fonctionnement du FIPHFP.

Tous ces efforts doivent concourir à améliorer l’inclusion des personnes en situation de handicap dans la fonction publique. C’est un objectif que nous avons toutes et tous en partage ; dans certaines branches, il y a encore beaucoup de travail à faire.

L ’ amendement n ’ est pas adopté.

L ’ article 34 D est adopté.

Debut de section - PermalienPhoto de Hélène Conway-Mouret

L’amendement n° 263 rectifié, présenté par Mmes Assassi et Benbassa, M. Collombat et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, est ainsi libellé :

Après l’article 34 D

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Le Gouvernement remet au Parlement, dans un délai de six mois à compter de la promulgation de la présente loi, un rapport ayant pour objectif d’évaluer l’opportunité de créer un corps spécifique pour les accompagnants des élèves en situation de handicap (AESH).

La parole est à Mme Éliane Assassi.

Debut de section - PermalienPhoto de Éliane Assassi

Mes chers collègues, je connais les réticences que vous inspirent les demandes de rapport, …

Debut de section - PermalienPhoto de Éliane Assassi

… mais les limites constitutionnelles qui entourent le droit d’amendement dans notre chambre nous obligent bien souvent à solliciter ce type d’études.

Il faut, une nouvelle fois, se pencher sur la situation des accompagnants des élèves en situation de handicap, les AESH. Lors de l’examen du projet de loi pour une école de la confiance, nous avons longuement débattu de leur absence de statut. Comment expliquer que des agents publics répondant à un besoin permanent, indispensables au bon fonctionnement de l’éducation nationale, soient laissés dans une précarité absolue ? C’est bien le premier enjeu d’un statut de fonctionnaires pour les AESH : la sortie de la précarité.

Nous le savons, la situation est tout à fait insatisfaisante, et à tout point de vue, pour les AESH. Ainsi, la diversité des employeurs conduit à l’absence de cadre et nourrit de graves situations de discrimination, selon que l’État ou les établissements sont recruteurs, ou encore en fonction des académies et des directions desdits établissements.

Le recrutement se fait, en dépit du bon sens, à temps partiel et à durée déterminée, ce qui entraîne des rémunérations particulièrement faibles et une imprévisibilité de l’emploi. En parallèle, cette situation participe fortement des difficultés que rencontrent de nombreuses familles à chaque rentrée.

Fonctionnariser les AESH constituerait une solution juste socialement pour ces derniers et une garantie pour qu’ils soient affectés en amont de la rentrée scolaire. Par ailleurs, il faut relever que, en l’absence de cadre, les AESH ont bien du mal à faire valoir leur expérience : ils repartent de zéro à chaque changement d’établissement, s’ils sont recrutés à cette échelle, ou à chaque changement de département, si les rectorats sont les employeurs.

En outre, il est grand temps de reconnaître à sa juste valeur l’apport des AESH au bon fonctionnement du service public d’éducation. Le ministre de l’éducation nationale a pointé, à juste titre, les difficultés qu’il avait à recruter des AESH. Au vu du tableau que je viens de dépeindre, cela n’est guère étonnant ; et ce n’est pas en assouplissant les conditions de recrutement, comme on l’a fait il y a un an, que le problème sera résolu.

Voilà pourquoi nous formulons, au travers de cet amendement, une demande de rapport.

Debut de section - PermalienPhoto de Loïc Hervé

Ma chère collègue, vous le rappelez vous-même, face aux demandes de rapport, la commission suit une position constante qui ne souffre que très peu d’exceptions. Aussi, elle demande le retrait de cet amendement. Cela étant, ses dispositions nous donnent l’occasion d’évoquer un sujet important, et elles nous permettront d’entendre le Gouvernement sur ce point.

Aujourd’hui, les AESH gagnent en moyenne 700 euros par mois, sur la base de contrats précaires ; seuls 2 % d’entre eux travaillent à temps plein. Le Gouvernement a pris plusieurs engagements, notamment de porter à 30 % la proportion d’AESH à temps plein d’ici à la rentrée prochaine, ou encore de permettre l’octroi d’un CDI lorsqu’un AESH a obtenu deux CDD de trois ans.

Nous attendons que le Gouvernement nous détaille ses engagements et, surtout, qu’il les tienne !

Debut de section - Permalien
Olivier Dussopt

Comme pour la quasi-totalité des demandes de rapport, le Gouvernement émet, sur cet amendement, un avis défavorable.

Madame Assassi, au-delà de la position de principe, et à la suite de M. Blanquer, je vous assure que l’amélioration durable du cadre d’emploi et des conditions d’exercice des AESH constitue une priorité du ministère de l’éducation nationale. Des avancées majeures ont été accomplies, notamment grâce à une forte mobilisation de moyens humains pour un meilleur accueil des élèves.

Pour ce qui concerne, plus particulièrement, les questions que vous évoquez, à l’issue d’une large concertation avec les partenaires sociaux, le ministère a adopté un nouveau cadre de gestion de ses agents. Il s’agit d’un des leviers essentiels du saut qualitatif annoncé, lequel est nécessaire pour construire une école inclusive et transformer durablement le dispositif d’accompagnement.

Ce nouveau cadre pose les fondements d’une gestion pérenne et valorisante des accompagnants d’élèves en situation de handicap. Il définit des mesures de nature à consolider leur place dans la communauté éducative, en améliorant à la fois leur gestion administrative et leurs conditions d’exercice, avec l’allongement de la durée des contrats, l’accroissement de la quotité travaillée et la meilleure prise en compte, en rémunération, des activités connexes à l’accompagnement des élèves.

Les travaux dont il s’agit ont vocation à se poursuivre pour renforcer ces acquis fondamentaux. Ils s’appuient sur une réflexion aboutie.

Au fond, la principale difficulté que soulève votre suggestion est la suivante : le rapport que vous proposez vise un objet dont, en réalité, l’opportunité a déjà été évaluée. La création d’un corps d’AESH au sein de la fonction publique d’État conduirait, in fine, à appliquer aux mêmes AESH des règles de gestion potentiellement moins favorables que les dispositions définies dans le nouveau cadre de gestion que le ministre de l’éducation nationale met en place.

En particulier, la gestion d’un corps impliquant d’éventuelles mobilités à l’échelle académique ou départementale, et une mobilité fonctionnelle accrue entre maternelle, élémentaire et second degré, la création d’un corps pourrait tarir le vivier des personnes intéressées par le métier sans répondre pour autant à l’objectif d’amélioration des conditions d’emploi des AESH.

Pour des raisons d’attractivité, et pour la pérennité de l’engagement de chacun des AESH auprès des élèves en situation de handicap, nous préférons donc ne pas retenir cette formule.

En résumé, nous allons continuer à travailler sur le fond. Le ministre de l’éducation nationale s’y est engagé dans les termes que je viens de rappeler. De plus, la demande de rapport que vous formulez me semble satisfaite par le travail de concertation mené. Enfin, vous connaissez la position constante du Gouvernement en la matière.

Debut de section - PermalienPhoto de Hélène Conway-Mouret

La parole est à Mme Françoise Cartron, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Françoise Cartron

Mes chers collègues, pas plus tard qu’hier, je me suis rendue à l’inspection académique de la Gironde, où le directeur académique des services de l’éducation nationale, le Dasen, présentait, avec le recteur, le nouveau dispositif de l’école inclusive. Ils ont apporté un certain nombre de réponses et d’engagement très précis, dont je tiens à vous faire part.

En Gironde, tous les nouveaux AESH seront recrutés au 20 août prochain. Entre cette date et celle de la rentrée scolaire, ils bénéficieront de 60 heures de formation. Mme Assassi l’a dit avec raison : il faut des personnes formées pour accompagner les enfants en situation de handicap.

Ces AESH seront recrutés sur des temps pleins, qui pourront être fractionnés afin de leur permettre d’accompagner deux ou trois enfants. Ils disposeront d’un CDD de trois ans renouvelable ouvrant sur un CDI.

J’ajoute que, en Gironde, nous allons expérimenter une formation conjointe entre l’enseignant et l’AESH : tous deux doivent intervenir ensemble dans un même lieu, pour ces élèves qui sont en situation de fragilité particulière.

La situation actuelle est marquée à la fois par une précarité totale et par une faiblesse de formation, alors même que nous avons besoin, dans ce domaine, d’emplois très qualifiés. La Gironde est souvent exemplaire, et j’ose espérer que les mesures volontaristes mises en œuvre dans notre territoire pourront être déployées dans les autres départements !

Debut de section - PermalienPhoto de Éliane Assassi

Je me doutais qu’une demande de rapport ne serait pas bien accueillie, et j’ai conscience qu’une telle étude ne suffira pas pour répondre à cette grande question. Je vais donc retirer mon amendement. Cela étant, nous avons pointé la problématique des AESH et le manque de reconnaissance de leurs savoir-faire.

Madame Cartron, j’ai bien entendu les précisions que vous nous avez apportées à propos de la Gironde. Malheureusement, je crains que la Seine-Saint-Denis ne soit pas dans la même situation…

Je retire mon amendement, madame la présidente.

I. – L’article 6 sexies de la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires est ainsi modifié :

1° Le premier alinéa est ainsi modifié :

a) Au début, est ajoutée la mention : « I. – » ;

b) Les mots : « de l’exercer et d’y progresser ou pour qu’une formation adaptée à leurs besoins leur soit dispensée » sont remplacés par les mots : « de développer un parcours professionnel et d’accéder à des fonctions de niveau supérieur ainsi que de bénéficier d’une formation adaptée à leurs besoins tout au long de leur vie professionnelle » ;

2° Sont ajoutés des II à IV ainsi rédigés :

« II. – Tout agent a le droit de consulter un référent handicap, chargé de l’accompagner tout au long de sa carrière et de coordonner les actions menées par son employeur en matière d’accueil, d’insertion et de maintien dans l’emploi des personnes handicapées.

« La fonction de référent handicap peut être mutualisée entre plusieurs employeurs publics.

« III. – Lorsqu’ils effectuent une mobilité, les agents mentionnés à l’article 34 de la présente loi ont le droit de conserver leur aménagement de poste pour exercer leurs nouvelles fonctions.

« Un décret en Conseil d’État définit les conditions dans lesquelles leur nouvel employeur participe financièrement à l’amortissement de leur aménagement de poste.

« IV. – Le Conseil national consultatif des personnes handicapées est saisi pour avis des projets de loi, d’ordonnance et de décret relatifs à l’accueil, à l’insertion et au maintien dans l’emploi des personnes handicapées dans la fonction publique. »

II. – L’article 27 de la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 précitée est ainsi modifié :

1° Au premier alinéa du I, les mots : « ayant fait l’objet d’une orientation en milieu ordinaire de travail par la commission prévue à l’article L. 146-9 du code l’action sociale et des familles » sont supprimés ;

2° Le dernier alinéa du même I est remplacé par deux alinéas ainsi rédigés :

« Des dérogations aux règles normales de déroulement des concours, des procédures de recrutement et des examens sont prévues afin d’adapter la durée et le fractionnement des épreuves en fonction de la nature du handicap des candidats mentionnés au premier alinéa du présent I ou de leur apporter les aides humaines et techniques nécessaires précisées par eux préalablement au déroulement des épreuves. Des temps de repos suffisants sont accordés à ces candidats entre deux épreuves successives, de manière à leur permettre de composer dans des conditions compatibles avec leur situation.

« Un décret en Conseil d’État fixe les conditions d’application de l’avant-dernier alinéa du présent I. » ;

3° Au III, les mots : « fonctionnaires handicapés » sont remplacés par les mots : « agents publics en situation de handicap ».

III. – L’article 35 de la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 précitée est ainsi modifié :

1° Au premier alinéa, les mots : « ayant fait l’objet d’une orientation en milieu ordinaire de travail par la commission prévue à l’article L. 146-9 du code l’action sociale et des familles » sont supprimés ;

2° L’avant-dernier alinéa est ainsi rédigé :

« Des dérogations aux règles normales de déroulement des concours, des procédures de recrutement et des examens sont prévues afin d’adapter la durée et le fractionnement des épreuves en fonction de la nature du handicap des candidats mentionnés au premier alinéa du présent article ou de leur apporter les aides humaines et techniques nécessaires précisées par eux préalablement au déroulement des épreuves. Des temps de repos suffisants sont accordés à ces candidats entre deux épreuves successives, de manière à leur permettre de composer dans des conditions compatibles avec leur situation. Les conditions d’application de ces dérogations sont fixées par décret en Conseil d’État. » ;

3° Au dernier alinéa, les mots : « fonctionnaires handicapés » sont remplacés par les mots : « agents publics en situation de handicap ».

IV. – Le I de l’article 27 de la loi n° 86-33 du 9 janvier 1986 précitée est ainsi modifié :

1° Au premier alinéa, les mots : « ayant fait l’objet d’une orientation en milieu ordinaire de travail par la commission prévue à l’article L. 146-9 du code l’action sociale et des familles » sont supprimés ;

2° L’avant-dernier alinéa est ainsi rédigé :

« Des dérogations aux règles normales de déroulement des concours, des procédures de recrutement et des examens sont prévues afin d’adapter la durée et le fractionnement des épreuves en fonction de la nature du handicap des candidats mentionnés au premier alinéa du présent I ou de leur apporter les aides humaines et techniques nécessaires précisées par eux préalablement au déroulement des épreuves. Des temps de repos suffisants sont accordés à ces candidats entre deux épreuves successives, de manière à leur permettre de composer dans des conditions compatibles avec leur situation. Les conditions d’application de ces dérogations sont fixées par décret en Conseil d’État. » ;

3° Au dernier alinéa, les mots : « fonctionnaires handicapés » sont remplacés par les mots : « agents publics en situation de handicap ».

Debut de section - PermalienPhoto de Laurence Cohen

Le taux de chômage des personnes en situation de handicap est de 19 % : son niveau est deux fois plus élevé que pour les personnes valides, et il faut reconnaître que la fonction publique a encore des progrès à effectuer pour intégrer ces salariés – nous en avons parlé.

Il est inacceptable que, en 2019, les personnes en situation de handicap soient encore victimes de discriminations lors de leur recrutement. Des efforts doivent être réalisés pour l’adaptation des épreuves des concours et des examens de la fonction publique, comme pour la sensibilisation des personnels chargés des ressources humaines. Surtout, le nombre de postes ouverts aux handicapés doit être étendu.

La mission d’information sur la politique de l’emploi des personnes handicapées dans la fonction publique, menée par Catherine Di Folco et Didier Marie, à laquelle notre rapporteur, Loïc Hervé, a d’ailleurs fait référence, a permis de chiffrer à 280 760 le nombre de travailleuses et de travailleurs handicapés dans la fonction publique. Le taux global de fonctionnaires handicapés s’élève à 5, 61 %, pourcentage inférieur à l’obligation d’emploi, fixée à 6 %.

La fonction publique doit donc redoubler d’efforts pour employer davantage de personnes handicapées. L’État doit lancer un vrai plan en faveur de l’emploi des personnes victimes d’un handicap, dans l’ensemble des trois fonctions publiques. Je signale que cet effort, quoique insuffisant, est plus important dans les collectivités territoriales, puisque le taux de fonctionnaires handicapés y est de 6, 76 %.

Avant de conclure, je tiens à exprimer une inquiétude du groupe CRCE en matière de sémantique – cette dernière a toute son importance. Pour la fonction publique d’État, les termes de « fonctionnaires handicapés » sont remplacés, dans le présent texte, par ceux d’« agents publics en situation de handicap ».

Monsieur le secrétaire d’État, cette évolution, loin d’être anecdotique, met en lumière le projet global de votre gouvernement : réduire le périmètre d’intervention de l’État et supprimer les spécificités protectrices des agents qui y concourent, au profit d’une contractualisation à outrance. Nous continuons de nous y opposer et de défendre l’ensemble des fonctionnaires, y compris, bien entendu, les fonctionnaires handicapés.

Debut de section - PermalienPhoto de Esther Benbassa

Cet article encourage le développement du parcours professionnel des personnes en situation de handicap engagées dans la fonction publique. Il entend, de plus, faciliter la mise en œuvre d’aménagements en leur faveur lors du déroulement des épreuves des concours et examens.

Si les intentions sont louables, le système d’aide aux travailleurs handicapés est à bout de souffle, comme le dénonce d’ailleurs un récent rapport de la commission des lois du Sénat.

Le fonds pour l’insertion des personnes handicapées dans la fonction publique, destiné à financer des actions pour favoriser l’emploi de ces personnes et leur insertion professionnelle, est en grande difficulté financière ; ses aides ont ainsi baissé de 30 % entre 2014 et 2018.

Les personnes handicapées, souffrant déjà d’invisibilisation et de stigmatisation en France, sont pourtant des acteurs indispensables pour notre administration, qui doit refléter notre société dans toute sa diversité.

Aussi, nous aurions souhaité que le recrutement par voie contractuelle soit assoupli, afin de multiplier les titularisations de ces agents. Il n’en est rien dans ce projet de loi.

La loi du 11 février 2005 pour l’égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées imposait au secteur public d’embaucher au moins 6 % de fonctionnaires handicapés. En 2019, nous sommes malheureusement toujours en deçà de cette obligation légale, notamment dans la fonction publique d’État, dans laquelle les personnes handicapées représentent seulement 4, 65 % des effectifs.

Le Gouvernement n’a manifestement pas pris en compte ces appels à l’aide et a manqué, une fois de plus, de la volonté de mieux faire, prouvant ainsi que la protection des plus vulnérables n’était pas sa priorité.

Debut de section - PermalienPhoto de Hélène Conway-Mouret

L’amendement n° 522, présenté par MM. de Belenet, Mohamed Soilihi, Amiel, Bargeton et Buis, Mme Cartron, MM. Cazeau, Dennemont, Gattolin, Hassani, Haut, Karam, Lévrier, Marchand, Navarro, Patient, Patriat et Rambaud, Mme Rauscent, M. Richard, Mme Schillinger, MM. Théophile, Yung et les membres du groupe La République En Marche, est ainsi libellé :

I. – Alinéa 6

Rédiger ainsi cet alinéa :

« II. – Tout agent a le droit de consulter un référent handicap, chargé d’orienter, d’informer et d’accompagner les personnes en situation de handicap afin que celles-ci puissent développer leur parcours professionnel, accéder à des fonctions de niveau supérieur et bénéficier d’une formation adaptée à leurs besoins tout au long de leur vie professionnelle.

II. – Après l’alinéa 7

Insérer trois alinéas ainsi rédigés :

« Le référent handicap œuvre concomitamment à la sensibilisation de l’ensemble des agents sur la nécessité de favoriser l’égalité professionnelle pour les travailleurs en situation de handicap.

« Cette fonction de conseil et de sensibilisation s’exerce sans préjudice de la responsabilité et des prérogatives du chef de service.

« Un décret en Conseil d’État détermine les modalités et critères de désignation des référents handicap.

La parole est à Mme Françoise Cartron.

Debut de section - PermalienPhoto de Françoise Cartron

Cet amendement vise à suggérer une nouvelle rédaction de la disposition permettant à tout agent public de consulter un référent handicap, en tendant à opérer quelques corrections qui nous semblent, en toute rigueur, formaliser cette faculté sous un jour plus positif.

Tel qu’il est actuellement rédigé, l’alinéa 6 se borne en effet à évoquer les seules conditions d’accueil, d’insertion et de maintien dans l’emploi des personnes handicapées. Or je persiste à croire que cette sobriété légistique n’est pas si raisonnable qu’il y paraît.

Mes chers collègues, décrire un handicap, c’est définir les moyens de l’appréhender et, par là même, organiser les conditions de son acceptabilité sociale. Parler de « maintien » et d’« insertion », c’est déjà imprimer dans la loi un présupposé inégalitaire.

Être traité en handicapé, voilà bien le premier des handicaps ! Nos textes de loi doivent être soucieux de ces formules de langage : en aucune façon, le « maintien » dans un emploi ne saurait être vécu comme une forme d’accomplissement professionnel.

Nous préférons, en ce sens, voir reconnaître au référent un rôle plus dynamique et plus positif, corrélé, par nature, à la possibilité pour l’agent en situation de handicap d’accéder à des fonctions de niveau supérieur.

Par ailleurs, il nous semblait opportun de préciser que le référent handicap devait œuvrer concomitamment à la sensibilisation de l’ensemble des agents à la nécessité de favoriser l’égalité professionnelle pour tous les travailleurs en situation de handicap.

Debut de section - PermalienPhoto de Loïc Hervé

L’amendement n° 522 vise à réécrire les dispositions relatives au référent handicap.

La rédaction de la commission me semble préférable, car le référent handicap doit pouvoir être consulté pour tous les agents, sans aucune distinction. Il pourra, par exemple, aider à la reconversion des agents faisant face à des risques professionnels, avant la déclaration d’inaptitude et la reconnaissance du handicap.

La commission demande donc le retrait de cet amendement ; à défaut, son avis serait défavorable.

Debut de section - Permalien
Olivier Dussopt

Le Gouvernement demande le retrait de cet amendement, pour deux raisons.

Premièrement, la quasi-totalité des items qui y figurent nous paraît relever du niveau réglementaire et sera reprise dans les textes réglementaires d’application.

Deuxièmement, nous marquons une nuance d’interprétation sur la rédaction que vous proposez. Nous considérons en effet que, si chaque agent en situation de handicap doit avoir droit à un accompagnement personnalisé, celui-ci sera évidemment le fait du référent handicap, reconnu par la loi, à l’existence duquel les alinéas 6 et 7 donnent force de loi en lui conférant une reconnaissance formelle dont il ne bénéficiait pas précédemment. En revanche, on ne peut pas exclure, ainsi que le sous-tend la rédaction que vous proposez, que cet accompagnement puisse être effectué par autre agent de la collectivité, qui ne serait pas nécessairement le référent handicap, mais qui serait cependant capable de jouer ce rôle.

Dans la rédaction des textes réglementaires, nous reprendrons vos objectifs, tout en précisant que, outre un référent handicap qui a une mission de coordination et d’animation, tout agent en capacité de le faire et d’être utile auprès d’un collègue en situation de handicap peut se voir confier cet accompagnement.

Debut de section - PermalienPhoto de Françoise Cartron

J’ai bien entendu que son objet entrait dans le domaine réglementaire et que le Gouvernement prendra en compte ses objectifs ; je le retire donc, madame la présidente.

Debut de section - PermalienPhoto de Hélène Conway-Mouret

L’amendement n° 522 est retiré.

L’amendement n° 272 rectifié ter, présenté par MM. Longeot, Henno et Cadic, Mme Vullien, MM. Laugier et Prince, Mme Billon, M. Canevet, Mme Joissains, MM. Détraigne, Moga, Kern et Lafon et Mmes Doineau, Sollogoub, C. Fournier et Guidez, est ainsi libellé :

Après l’alinéa 7

Insérer trois alinéas ainsi rédigés :

« … – L’employeur public désigne, parmi ses agents, un tuteur chargé, sur la base du volontariat, d’accompagner les agents mentionnés au présent article dans l’exercice de leurs fonctions et dans leur intégration au collectif de travail.

« L’employeur veille à ce que le tuteur dispose, sur son temps de travail et en fonction de la nature du handicap, des disponibilités nécessaires à l’accompagnement de l’agent.

« La fonction tutorale peut être partagée entre plusieurs agents.

La parole est à M. Jean-François Longeot.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-François Longeot

Beaucoup reste à faire pour que les personnes handicapées puissent s’intégrer convenablement et durablement au sein du marché du travail. J’en veux pour preuve que leur taux de chômage reste deux fois plus élevé que la moyenne nationale.

Au sein de la fonction publique, de réels progrès ont été constatés ces dernières années, notamment à la suite de l’introduction de l’obligation d’emploi des travailleurs handicapés : entre 2006 et 2018, le taux d’emploi légal des personnes handicapées est passé de 3, 74 % à 5, 61 %.

Chaque année, ce sont ainsi plus de 30 000 travailleurs handicapés qui sont recrutés dans la fonction publique, soit deux fois plus qu’en 2009. Ces derniers rencontrent toutefois de véritables obstacles, identifiés dans l’excellent rapport de nos collègues Catherine Di Folco et Didier Marie relatif au handicap dans la fonction publique.

À ce titre, l’amendement que je vous soumets vise à valoriser le rôle des tuteurs chargés d’accompagner leurs collègues handicapés. Engagés sur la base du volontariat, ils ne bénéficient aujourd’hui d’aucune garantie statutaire, ce qui peut parfois freiner l’accompagnement des agents handicapés et empêcher certains d’entre eux de trouver un emploi pérenne au sein de la fonction publique.

Je vous propose donc, sur le modèle des maîtres d’apprentissage, de faire bénéficier ces tuteurs de nouveaux droits afin d’améliorer l’accompagnement des agents handicapés et, in fine, leur maintien dans l’emploi.

Applaudissements sur les travées du groupe Union Centriste.

Debut de section - PermalienPhoto de Loïc Hervé

L’amendement n° 272 rectifié ter de M. Longeot tend à permettre de reconnaître le rôle des tuteurs, accompagnant les agents handicapés dans leur intégration au collectif de travail. Il s’inscrit dans la logique du rapport de Mme Catherine Di Folco et de M. Didier Marie.

Le tuteur complétera utilement le rôle du référent déontologue chargé d’impulser la politique du handicap dans chaque administration.

La commission y est favorable.

Debut de section - Permalien
Olivier Dussopt

Le Gouvernement est plus réservé. L’amendement que vous proposez, monsieur le sénateur Longeot, tend à préciser les droits dont dispose un tuteur, notamment en termes de disponibilité.

Toutefois, au début de son dispositif, il est précisé de manière affirmative que l’employeur désigne un tuteur, ce qui donne à cette désignation un caractère prescriptif. Or il ne nous paraît pas nécessairement opportun que chaque agent en situation de handicap soit accompagné d’un tuteur, de manière systématique, y compris lorsqu’il n’en a pas besoin.

Nous considérons en effet que le rôle du référent est important et que le rôle de tuteur doit être reconnu lorsque sa présence est nécessaire. Pour autant, nous n’allons pas jusqu’à la rédaction que vous proposez et qui rend obligatoire et automatique sa désignation.

La partie de votre amendement relative à l’accompagnement en termes de droits et de disponibilité nous paraît toutefois intéressante ; nous aurons l’occasion d’en reparler au cours de la navette.

L’avis du Gouvernement est donc différent de celui de la commission et défavorable.

Debut de section - PermalienPhoto de Didier Marie

Je remercie M. Longeot de son amendement, qui va dans le sens du rapport que ma collègue Catherine Di Folco et moi-même avons réalisé.

En réponse à vos propos, monsieur le secrétaire d’État, je voudrais citer l’alinéa tel qu’il est rédigé : « l’employeur public désigne, parmi ses agents, un tuteur chargé, sur la base du volontariat […] ». On trouvera évidemment dans chacune de nos administrations, dès lors qu’elles ont plus de vingt salariés, un volontaire pour être référent, à qui l’on donnera, à ce titre, les moyens nécessaires pour effectuer cette tâche, qui nous paraît très importante.

Lors de nos auditions, la question du référent a été mentionnée à maintes reprises par nos divers interlocuteurs comme un élément important permettant la prise en charge des personnes en situation de handicap.

Jusqu’à présent, il ne s’agit que de personnes volontaires et nous avons constaté, dans bon nombre d’administrations, que cette mission dépendait de l’engagement personnel d’un cadre ou d’un directeur des ressources humaines et que, lorsque cette personne passait la main, le dispositif pouvait s’écrouler.

Nous considérons donc qu’une structuration des référents dans chaque administration serait un plus pour l’inclusion des personnes en situation de handicap. Nous sommes favorables à cet amendement.

Debut de section - Permalien
Olivier Dussopt

Monsieur le sénateur Marie, il n’y a pas de sujet sur la question du référent ; s’agissant des tuteurs, sur lesquels porte cet amendement, nous avons une divergence d’appréciation.

Je ne remets pas en cause la rédaction de M. le sénateur Longeot sur le caractère volontaire de celui qui accepte, ou qui n’accepterait pas, d’être tuteur. En revanche, tous les agents en situation de handicap n’auront pas nécessairement besoin de ce tutorat, alors que la rédaction affirmative de cet amendement rend automatique la désignation d’un tuteur pour chacun, sur la base, certes, du volontariat.

Debut de section - PermalienPhoto de Loïc Hervé

La rédaction de l’amendement n° 272 rectifié ter de Jean-François Longeot doit sans doute être améliorée. Mon cher collègue, je vous propose d’ajouter une précision visant à affirmer que cette désignation se fait à la demande des agents concernés. Nous irions ainsi dans le sens des remarques de M. le secrétaire d’État en apportant de la souplesse à cette démarche, qui ne serait dès lors plus obligatoire et systématique.

Debut de section - PermalienPhoto de Hélène Conway-Mouret

Monsieur Longeot, acceptez-vous de rectifier votre amendement dans le sens suggéré par M. le rapporteur ?

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-François Longeot

Cette nouvelle rédaction, qui améliore le dispositif, me semble intéressante et répond à l’observation de M. le secrétaire d’État. J’y souscris et je rectifie donc l’amendement en ce sens, madame la présidente.

Debut de section - PermalienPhoto de Hélène Conway-Mouret

Je suis donc saisie d’un amendement n° 272 rectifié quater, présenté par MM. Longeot, Henno et Cadic, Mme Vullien, MM. Laugier et Prince, Mme Billon, M. Canevet, Mme Joissains, MM. Détraigne, Moga, Kern et Lafon et Mmes Doineau, Sollogoub, C. Fournier et Guidez, et ainsi libellé :

Après l’alinéa 7

Insérer trois alinéas ainsi rédigés :

« … – L’employeur public désigne, parmi ses agents, un tuteur chargé, sur la base du volontariat et à la demande des agents concernés, d’accompagner les agents mentionnés au présent article dans l’exercice de leurs fonctions et dans leur intégration au collectif de travail.

« L’employeur veille à ce que le tuteur dispose, sur son temps de travail et en fonction de la nature du handicap, des disponibilités nécessaires à l’accompagnement de l’agent.

« La fonction tutorale peut être partagée entre plusieurs agents.

Quel est l’avis du Gouvernement ?

Debut de section - Permalien
Olivier Dussopt

Au bénéfice de cette rectification, le Gouvernement s’en remet à la sagesse du Sénat.

Nous travaillerons durant la navette parlementaire pour évaluer ensemble les implications techniques et la faisabilité, en particulier dans l’hypothèse où aucun volontaire ne se manifesterait alors qu’un agent demanderait la mise en œuvre de ce droit sans pouvoir, dès lors, être satisfait.

L ’ amendement est adopté.

Debut de section - PermalienPhoto de Hélène Conway-Mouret

L’amendement n° 399, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :

I. – Alinéas 8 et 9

Remplacer ces alinéas par un alinéa ainsi rédigé :

« III. – Pour tout changement d’emploi dans le cadre d’une mobilité, les administrations visées à l’article 2 de la présente loi prennent les mesures appropriées permettant aux agents mentionnés au I du présent article de conserver leurs équipements contribuant à l’adaptation de leur poste de travail, dans les conditions fixées par décret en Conseil d’État. »

II. – Alinéa 10

Supprimer cet alinéa.

La parole est à M. le secrétaire d’État.

Debut de section - Permalien
Olivier Dussopt

Cet amendement vise à préciser la formulation à retenir en matière de portabilité des aménagements de poste de travail des agents en situation de handicap.

Il tend, par ailleurs, à supprimer l’ajout de la saisine pour avis du Conseil national consultatif des personnes handicapées, le CNCPH, sur les textes législatifs et réglementaires relatifs au handicap dans la fonction publique, dans l’attente des résultats de la mission confiée par le Premier ministre en décembre dernier au député Thierry Michels et à Mme Carine Radian, animatrice de la commission culture et citoyenneté du CNCPH.

Debut de section - PermalienPhoto de Loïc Hervé

Notre définition du droit à la portabilité nous paraît plus concrète et plus opérationnelle. Nous notons toutefois que le Gouvernement accepte de reconnaître ce droit, ce qui constitue une avancée et met fin à des situations illogiques. L’agent conservera désormais ses aménagements de poste, adaptés à son handicap, lorsqu’il changera d’employeur.

Le Gouvernement souhaite supprimer la consultation du Conseil national consultatif des personnes handicapées sur les projets de loi, d’ordonnance et de décret relatifs au handicap dans la fonction publique, quand les représentants des personnes en situation de handicap ont pourtant besoin d’être davantage écoutés. À titre d’exemple, la concertation menée en 2018 par la DGAFP, la direction générale de l’administration et de la fonction publique, n’a concerné que les employeurs publics et les organisations syndicales, alors que les associations ont également une expertise à faire valoir et des idées à proposer.

Par conséquent, l’avis de la commission est défavorable.

Debut de section - PermalienPhoto de Hélène Conway-Mouret

La parole est à M. Philippe Mouiller, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Mouiller

Je souhaite ajouter un argument à l’avis défavorable exprimé par la commission, s’agissant de la définition de l’équipement et de l’aménagement. Selon votre proposition, monsieur le secrétaire d’État, lorsqu’une personne handicapée souffrant, par exemple, de difficultés auditives ou visuelles, change de poste, elle peut apporter son équipement.

En revanche, l’aménagement n’est pas garanti. Vous ne prévoyez pas d’obligation d’aménagement du nouveau poste de façon adaptée pour les personnes handicapées. J’ai notamment à l’esprit le cas des déficients visuels, pour lesquels se limiter à l’équipement revient à ne pas modifier les conditions de lumière.

Votre proposition est donc plus restrictive et risque de créer des difficultés quand une personne recrutée viendra avec son équipement alors que le poste qu’elle va occuper ne sera pas adapté à sa situation. De ce point de vue, votre rédaction entraîne donc une régression du dispositif.

L ’ amendement n ’ est pas adopté.

L ’ article 34 est adopté.

À compter du 1er janvier 2020 et jusqu’au 31 décembre 2025, par dérogation à l’article 13 bis de la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires, les fonctionnaires mentionnés à l’article 2 de la même loi en situation de handicap relevant de l’une des catégories mentionnées aux 1°, 2°, 3°, 4°, 9°, 10° et 11° de l’article L. 5212-13 du code du travail peuvent accéder à un corps ou cadre d’emplois de niveau supérieur ou de catégorie supérieure par la voie du détachement, sous réserve d’avoir accompli préalablement une certaine durée de services publics. Au terme d’une durée minimale de détachement, qui peut le cas échéant être renouvelée, ils peuvent être intégrés dans ce corps ou cadre d’emplois. Le détachement et, le cas échéant, l’intégration sont prononcés après appréciation par une commission de l’aptitude professionnelle des fonctionnaires à exercer les missions du corps ou cadre d’emplois.

Un décret en Conseil d’État fixe les conditions d’application du premier alinéa du présent article, notamment la durée de services publics exigée des candidats au détachement, les modalités d’appréciation de l’aptitude professionnelle préalable à ce détachement, la durée minimale de celui-ci, les conditions de son renouvellement éventuel et les modalités d’appréciation de l’aptitude professionnelle préalable à l’intégration. Il fixe également la composition de la commission chargée d’apprécier l’aptitude professionnelle du fonctionnaire.

Au plus tard un an avant son terme, le Gouvernement présente au Parlement un rapport d’évaluation de cette expérimentation. –

Adopté.

Debut de section - PermalienPhoto de Hélène Conway-Mouret

Nous en revenons au cours normal de la discussion des articles.

TITRE III

SIMPLIFIER LE CADRE DE GESTION DES AGENTS PUBLICS

I. – La section 4 du chapitre Ier de la loi n° 2013-907 du 11 octobre 2013 relative à la transparence de la vie publique est ainsi modifiée :

Supprimé

2° Le II de l’article 19 est ainsi rédigé :

« II. – Le président de la Haute Autorité est nommé par décret du président de la République.

« Outre son président, la Haute Autorité comprend :

« 1° Deux conseillers d’État, dont au moins un en activité au moment de sa nomination, élus par l’assemblée générale du Conseil d’État ;

« 2° Deux conseillers à la Cour de cassation, dont au moins un en activité au moment de sa nomination, élus par l’ensemble des magistrats du siège hors hiérarchie de la cour ;

« 3° Deux conseillers-maîtres à la Cour des comptes, dont au moins un en activité au moment de sa nomination, élus par la chambre du conseil ;

« 4° Deux personnalités qualifiées n’ayant pas exercé de fonctions de membre du Gouvernement, de mandat parlementaire ou de fonctions énumérées au I de l’article 11 depuis au moins trois ans, nommées par le Président de l’Assemblée nationale, après avis conforme de la commission permanente de l’Assemblée nationale chargée des lois constitutionnelles, rendu à la majorité des trois cinquièmes des suffrages exprimés ;

« 5° Deux personnalités qualifiées n’ayant pas exercé de fonctions de membre du Gouvernement, de mandat parlementaire ou de fonctions énumérées au même I depuis au moins trois ans, nommées par le Président du Sénat, après avis conforme de la commission permanente du Sénat chargée des lois constitutionnelles, rendu à la majorité des trois cinquièmes des suffrages exprimés ;

« Les modalités d’élection ou de désignation des membres mentionnés aux 1° à 5° du présent II assurent l’égale représentation des hommes et des femmes.

« Lorsque la Haute Autorité émet un avis en application des 3° à 5° du II de l’article 25 octies de la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires, le référent déontologue de l’administration dont relève l’intéressé peut assister aux séances de la Haute Autorité, sans voix délibérative. » ;

3° L’article 20 est ainsi modifié :

a) Après le 6° du I, il est inséré un 7° ainsi rédigé :

« 7° Elle apprécie le respect des principes déontologiques inhérents à l’exercice d’une fonction publique, dans les conditions prévues par la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires. » ;

a bis) Après la première phrase du dernier alinéa du même I, est insérée une phrase ainsi rédigée : « Ce rapport comprend un suivi statistique annuel des allers-retours des fonctionnaires avec le secteur privé. » ;

b) Le dernier alinéa du II est supprimé ;

4° La seconde phrase du premier alinéa du I de l’article 23 est supprimée.

II

Debut de section - PermalienPhoto de Hélène Conway-Mouret

L’amendement n° 144 rectifié bis, présenté par MM. Durain, Marie, Kanner et Jacques Bigot, Mme de la Gontrie, M. Fichet, Mme Harribey, MM. Kerrouche, Leconte, Sueur, Sutour, Tourenne, Antiste, Bérit-Débat, Montaugé, Temal et Raynal, Mme Monier et les membres du groupe socialiste et républicain, est ainsi libellé :

I. – Alinéa 9

Remplacer le mot :

deux

par le mot :

trois

II. – Alinéa 10

Remplacer le mot :

deux

par le mot :

trois

La parole est à M. Jérôme Durain.

Debut de section - PermalienPhoto de Jérôme Durain

Cet amendement vise à revenir aux intentions initiales du législateur concernant la composition de la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique, la HATVP.

L’Assemblée nationale souhaitait porter à trois le nombre de personnalités qualifiées nommées respectivement par les présidents de l’Assemblée nationale et du Sénat. Le Gouvernement s’est opposé à ce rééquilibrage au profit du Parlement, arguant de la nécessité de maintenir un équilibre entre les nominations relevant du Parlement et celles qui reviennent au Gouvernement.

Pourtant, même dans cette configuration, les personnalités qualifiées nommées par les présidents des deux assemblées étaient minoritaires, au nombre de six dans un collège comptant treize membres.

Nous proposons, par cet amendement, de rétablir cette composition, cohérente avec notre volonté de rehausser les droits du Parlement.

Debut de section - PermalienPhoto de Loïc Hervé

Avant d’en venir à l’avis de la commission sur l’amendement n° 144 rectifié bis de M. Durain, je voulais intervenir sur l’article.

Jeudi dernier, nous avons adopté l’article 16 du projet de loi et apporté plusieurs garanties pour renforcer les contrôles déontologiques, tout en rappelant le droit, pour les fonctionnaires, d’avoir des expériences dans le privé.

Nous avons notamment amélioré le suivi des réserves de la HATVP et renforcé le contrôle du rétropantouflage. Sur l’initiative du groupe socialiste et républicain, nous avons également généralisé les contrôles sur les collaborateurs du Président de la République et des cabinets ministériels.

L’article 16 bis, que nous abordons à présent, concerne l’organisation même de la Haute Autorité. Il est question non plus uniquement du contrôle du pantouflage des agents publics, mais, plus largement, du contrôle de la déontologie dans la sphère publique, incluant les membres du Gouvernement, les élus et les membres des autorités administratives indépendantes.

Sur le fond, je vous propose d’en rester au texte de la commission et de refuser que le Gouvernement désigne deux membres supplémentaires au sein de la HATVP. De même, je ne suis pas favorable à la création d’une formation restreinte ou à la possibilité, pour le supérieur hiérarchique, de siéger au sein de la Haute Autorité, même avec une voix consultative. À la différence de la commission de déontologie, la Haute Autorité est une autorité administrative indépendante et rien ne doit laisser croire que le Gouvernement prend la main sur elle ; il y va de son impartialité. Nous changeons ainsi complètement de culture juridique.

Je vous rappelle que le Gouvernement souhaitait au départ recréer la commission de déontologie au sein même de la Haute Autorité, en prévoyant un second collège. Il n’a pas été suivi par la majorité de l’Assemblée nationale.

L’exécutif fait d’ailleurs valoir deux arguments qui me semblent contradictoires : il devrait être représenté à la Haute Autorité, car il gère l’administration d’État, le Premier ministre en étant le chef, mais, malgré cela, les personnes nommées seraient indépendantes.

La position de la commission me semble plus équilibrée : la HATVP comporterait onze membres, dont six magistrats, quatre membres désignés par le Parlement conformément à la procédure prévue à l’article 13 de la Constitution et un président désigné par le Président de la République. Le fait que plusieurs groupes appuient cette proposition pourrait nous aider à faire valoir nos arguments en commission mixte paritaire.

Cher collègue Jérôme Durain, vous comprendrez donc que votre amendement n° 144 rectifié bis est contraire à cette position, le texte de la commission me semblant suffisant sur ce point. Le collège de la HATVP comptera donc onze membres, dont quatre nommés par le Parlement et un seul – le président – nommé par l’exécutif.

En outre, l’adoption de l’amendement n° 144 rectifié bis rendrait plus difficile l’application du principe de la parité à la HATVP, qui sera appréciée au niveau de chaque autorité de nomination : il est plus facile de respecter la parité lorsque l’on nomme deux membres plutôt que trois.

Debut de section - Permalien
Olivier Dussopt

L’avis du Gouvernement sur cet amendement est défavorable, pour des raisons un peu différentes de celles qu’a fait valoir M. le rapporteur.

M. Durain propose de rétablir une forme de parité entre les membres issus de juridictions et les personnalités qualifiées : les premiers seraient six – issus du Conseil d’État, de la Cour de cassation et de la Cour des comptes –, comme les secondes.

Nous divergeons de cette position, car nous souhaitons que l’on parvienne à ce chiffre par trois fois deux – deux membres nommés respectivement par le Sénat, l’Assemblée nationale et le Gouvernement –, quand vous proposez de le faire par deux fois trois, une proposition qui avait également été défendue par de nombreux parlementaires à l’Assemblée nationale. Après débat, nous avons toutefois convergé vers la position « trois fois deux ».

Le Gouvernement est donc défavorable à cet amendement ; j’y reviendrai en défendant l’amendement suivant.

L ’ amendement n ’ est pas adopté.

Debut de section - PermalienPhoto de Hélène Conway-Mouret

L’amendement n° 494, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :

Après l’alinéa 10

Insérer un alinéa ainsi rédigé :

« …° Deux personnalités qualifiées choisies en raison de leur expérience de l’administration de l’État, des collectivités territoriales, de la santé publique ou de la recherche, du monde universitaire ou ayant exercé au sein d’une entreprise privée, n’ayant pas exercé de fonctions de membre du Gouvernement, de mandat parlementaire ou de fonctions énumérées au I de l’article 11 depuis au moins trois ans, nommées par décret.

La parole est à M. le secrétaire d’État.

Debut de section - Permalien
Olivier Dussopt

Je viens d’une certaine manière de présenter cet amendement, puisqu’il s’agit de revenir aux dispositions adoptées par l’Assemblée nationale et prévoyant que, sur les six personnalités qualifiées, deux soient nommées par le Gouvernement.

M. le rapporteur l’a relevé, le Premier ministre étant, par principe, le chef de l’administration, il nous semble logique qu’il participe à la désignation des personnalités qualifiées.

J’insiste pourtant sur le fait que nous ne modifions évidemment pas la loi organique relative à la transparence de la vie publique, qui garantit l’indépendance des membres du collège de la HATVP et définit leurs compétences, même si nous modifions leur nombre. Par définition, la nomination d’un membre du collège, magistrat ou personnalité qualifiée, quelle que soit l’autorité qui l’opère, lui confère le bénéfice des dispositions de la loi organique et garantit son indépendance.

Nous avons donc la volonté, en accord avec une grande majorité des groupes de l’Assemblée nationale, au-delà des différences traditionnelles entre majorité et opposition, de rétablir la nomination de personnalités qualifiées par le Gouvernement.

Debut de section - PermalienPhoto de Loïc Hervé

Le Gouvernement souhaite désigner deux représentants au sein du collège de la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique, ce que la commission a refusé à l’unanimité.

En effet, le Gouvernement nomme déjà le président de la HATVP, qui dispose de larges pouvoirs, notamment en matière d’autosaisine.

En outre, à la différence de la commission de déontologie, la HATVP est une autorité administrative indépendante. Veillons à garantir son impartialité, en particulier dans la désignation de ses membres.

Enfin, le Gouvernement met en avant sa volonté de nommer des membres représentant l’autorité chargée du pilotage de l’administration d’État. Pourquoi, dès lors, ne pas prévoir la représentation au sein de la HATVP des employeurs territoriaux ou hospitaliers ?

L’avis de la commission est défavorable.

L ’ amendement n ’ est pas adopté.

Debut de section - PermalienPhoto de Hélène Conway-Mouret

L’amendement n° 87 rectifié sexies, présenté par Mme Taillé-Polian, M. Tissot, Mme G. Jourda, MM. Antiste et M. Bourquin, Mme Meunier, M. P. Joly, Mmes Préville et Monier, M. Joël Bigot, Mmes Blondin et Grelet-Certenais et M. Jacquin, est ainsi libellé :

I. – Après l’alinéa 10

Insérer trois alinéas ainsi rédigés :

« 6° Un membre des associations se proposant, par leurs statuts, de lutter contre la corruption, préalablement agréées par la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique, désigné par ces dernières ;

« 7° Un membre de l’Agence française anticorruption désigné par cette dernière.

« Ces membres ne sont pas rémunérés et aucun frais lié à leurs fonctions au sein de la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique ne peut être pris en charge par une personne publique.

II. – Alinéa 11

Remplacer la référence :

par la référence :

La parole est à Mme Sophie Taillé-Polian.

Debut de section - PermalienPhoto de Sophie Taillé-Polian

La question qui nous occupe actuellement – la composition de la HATVP – s’inscrit dans un contexte de défiance sans appel des citoyens envers la vie publique, le fonctionnement de l’administration et ses rapports avec les entreprises privées.

Ce contexte se nourrit d’une réalité : les journaux rapportent souvent, comme c’était le cas encore récemment, les véritables plans de bataille préparés par certaines entreprises privées pour interférer dans les décisions de l’État ou des acteurs de l’administration, voire leur stratégie de recrutement au sein de l’administration d’agents, qui reviennent ensuite au service de l’État, induisant un risque de conflits d’intérêts.

Pour lutter contre ce sentiment de défiance, contre ce soupçon permanent, il nous semble intéressant d’élargir encore davantage la composition de la HATVP et d’y introduire une sorte de contrôle citoyen.

Il n’est pas question, évidemment, d’y faire entrer un citoyen qui n’aurait pas bénéficié d’une formation et dont la probité ne serait pas garantie. C’est la raison pour laquelle je vous propose, par cet amendement, d’élargir le collège à des personnes représentatives d’associations agréées par la HATVP. Parmi les trois associations qui le sont aujourd’hui, on trouve Anticor et Sherpa, lesquelles ont fait la preuve de leur capacité à lever le voile sur un certain nombre de sujets et sont susceptibles d’apporter un autre regard au sein de la HATVP.

Une telle évolution contribuerait à lever les soupçons par un contrôle citoyen, lequel doit être davantage intégré dans la façon dont nous réfléchissons au fonctionnement même de nos institutions, notamment de nos institutions de contrôle.

Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain.

Debut de section - PermalienPhoto de Loïc Hervé

Cet amendement vise à insérer un membre des associations anticorruption et un membre de l’Agence française anticorruption au sein du collège de la HATVP.

Comment choisir, parmi les associations anticorruption, celle qui pourra désigner un membre de la HATVP ? Comment assurer la transparence de cette nomination ? Je préfère les nominations décidées par le Parlement, après audition publique des intéressés.

En outre, l’Agence française anticorruption est un service rattaché au ministère de la justice ; sa présence pourrait donc renforcer l’exécutif, ce que la commission ne souhaite pas.

Avis défavorable.

Debut de section - Permalien
Olivier Dussopt

M. Olivier Dussopt, secrétaire d ’ État. Le Gouvernement partage l’avis de la commission, à l’exception de son avant-dernière phrase !

Sourires.

Debut de section - PermalienPhoto de Hélène Conway-Mouret

La parole est à Mme Sophie Taillé-Polian, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Sophie Taillé-Polian

Une précision, monsieur le rapporteur : il me semble positif que le Parlement joue un rôle plus important dans les nominations, dans les conditions que vous avez décrites ; ma proposition ne s’y oppose pas, elle vient en complément de cela.

Il ne s’agit, ici, que d’associations déjà agréées par la HATVP, et non d’associations qui n’auraient pas apporté la preuve de leur attachement à une certaine probité ou de leur capacité à œuvrer dans le domaine de compétence de la HATVP. Si on leur accorde un ou deux sièges, libre à elles d’organiser les conditions d’une répartition ou d’un tourniquet, l’idée étant de placer en permanence au cœur de l’institution un regard citoyen.

L ’ amendement n ’ est pas adopté.

Debut de section - PermalienPhoto de Hélène Conway-Mouret

L’amendement n° 496, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :

Après l’alinéa 11

Insérer un alinéa ainsi rédigé :

« La Haute Autorité peut statuer en formation restreinte selon des modalités prévues par décret en Conseil d’État.

La parole est à M. le secrétaire d’État.

Debut de section - Permalien
Olivier Dussopt

Il s’agit par cet amendement de prévoir un décret en Conseil d’État permettant ultérieurement à la Haute Autorité de s’organiser pour créer, en son sein, une formation spécialisée réduite lui permettant d’examiner les dossiers les plus simples dans des délais et des modalités pratiques.

Debut de section - PermalienPhoto de Loïc Hervé

Dans la même lignée que les amendements précédents, le Gouvernement essaie de reprendre la main sur la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique, en créant une formation restreinte.

Cette formation restreinte ne correspond toutefois pas à une demande du président de la HATVP, que nous avons entendu en audition et auquel nous avons posé des questions sur le fonctionnement interne de cette autorité administrative indépendante. Nous avons évoqué la possibilité de lui confier des pouvoirs supplémentaires, sur le modèle d’autres autorités administratives indépendantes dans lesquelles siègent certains parlementaires, dont votre serviteur, mais il n’est pas demandeur de cette possibilité.

La HATVP pourra gérer l’afflux de dossiers en jouant sur l’organisation de ses réunions. La CNIL, par exemple, que j’évoquais à demi-mot, fonctionne avec une partie A donnant lieu à délibérations et une partie B donnant lieu à un vote plus global et à délibérations uniquement à la demande de l’un des commissaires.

Le président de la HATVP pourrait également prononcer des décisions par ordonnances, ce qui permettrait de simplifier l’instruction de certains dossiers.

De surcroît, cet amendement pose problème sur le plan constitutionnel, car il me semble entaché d’incompétence négative : c’est non pas au décret, mais bien à la loi, de définir les modalités d’organisation de la formation restreinte de la HATVP, qui reste une autorité administrative indépendante.

J’ajoute que, dans la mesure où l’on réduit de manière significative le nombre de membres du collège de la HATVP, il y va du respect de la collégialité et du bon fonctionnement de l’institution qu’ils disposent tous d’une vision d’ensemble de tous les dossiers amenés à délibération. Si nous mettions en place une formation restreinte, nous diviserions par deux le nombre de membres ayant à connaître d’une partie des dossiers. Cela ne me paraît pas du tout pertinent.

L’avis de la commission est donc défavorable sur cet amendement du Gouvernement.

Debut de section - PermalienPhoto de Hélène Conway-Mouret

La parole est à M. Jérôme Durain, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Jérôme Durain

Comme le rapporteur vient de le signaler, cet amendement paraît contradictoire avec la logique du texte : après nous avoir expliqué qu’il faudrait resserrer le contrôle de la HATVP sur les situations les plus aiguës, le Gouvernement nous propose finalement d’alléger encore le contrôle sur les cas les plus simples parmi ces situations.

La moindre des choses, c’est que les fonctionnaires concernés aient droit à un contrôle plein et entier, pas à un contrôle au rabais par une formation rétrécie. Le contrôle doit non pas être low cost, mais s’exercer en bonne et due forme !

L ’ amendement n ’ est pas adopté.

Debut de section - PermalienPhoto de Hélène Conway-Mouret

L’amendement n° 531, présenté par MM. de Belenet, Mohamed Soilihi, Richard, Amiel, Bargeton et Buis, Mme Cartron, MM. Cazeau, Dennemont, Gattolin, Hassani, Haut, Karam, Lévrier, Marchand, Navarro, Patient, Patriat et Rambaud, Mmes Rauscent et Schillinger, MM. Théophile, Yung et les membres du groupe La République En Marche, est ainsi libellé :

Alinéa 12

Remplacer les mots :

le référent déontologue de l’administration dont relève l’intéressé peut assister aux séances de la Haute Autorité, sans voix délibérative

par les mots :

l’autorité hiérarchique ou l’autorité investie du pouvoir de nomination de l’intéressé ainsi que le référent déontologue de l’administration dont relève l’intéressé peuvent être entendus sans voix délibérative

La parole est à M. Arnaud de Belenet.

Debut de section - PermalienPhoto de Arnaud de Belenet

Madame la présidente, souhaitez-vous que je présente dans le même mouvement les amendements n° 532, 530 et 534 rectifié ?

Debut de section - PermalienPhoto de Hélène Conway-Mouret

Bien volontiers, mon cher collègue.

L’amendement n° 532, présenté par MM. de Belenet, Mohamed Soilihi, Richard, Amiel, Bargeton et Buis, Mme Cartron, MM. Cazeau, Dennemont, Gattolin, Hassani, Haut, Karam, Lévrier, Marchand, Navarro, Patient, Patriat et Rambaud, Mmes Rauscent et Schillinger, MM. Théophile, Yung et les membres du groupe La République En Marche, est ainsi libellé :

Après l’alinéa 12

Insérer deux alinéas ainsi rédigés :

…° Après le 3° du V du même article 19, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :

« Le Président de la Haute Autorité peut également faire appel à des rapporteurs choisis parmi les fonctionnaires de catégorie A, à l’exclusion de ceux exerçant les fonctions de référent déontologue. » ;

L’amendement n° 530, présenté par MM. de Belenet, Mohamed Soilihi, Richard, Amiel, Bargeton et Buis, Mme Cartron, MM. Cazeau, Dennemont, Gattolin, Hassani, Haut, Karam, Lévrier, Marchand, Navarro, Patient, Patriat et Rambaud, Mmes Rauscent et Schillinger, MM. Théophile, Yung et les membres du groupe La République En Marche, est ainsi libellé :

Alinéa 16

Remplacer les mots :

des allers-retours des fonctionnaires avec le secteur privé

par les mots :

des saisines reçues par la Haute Autorité au titre des 3° à 5° du II de l’article 25 octies de la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires

L’amendement n° 534 rectifié, présenté par MM. de Belenet, Mohamed Soilihi, Amiel, Bargeton et Buis, Mme Cartron, MM. Cazeau, Dennemont, Gattolin, Hassani, Haut, Karam, Lévrier, Marchand, Navarro, Patient, Patriat et Rambaud, Mme Rauscent, M. Richard, Mme Schillinger, M. Théophile et les membres du groupe La République En Marche, est ainsi libellé :

Alinéa 19

Rédiger ainsi cet alinéa :

II. – Les mandats des membres de la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique nommés en application des 1° à 3° du II de l’article 19 de la loi n° 2013–907 du 11 octobre 2013 relative à la transparence de la vie publique se poursuivent jusqu’à leur terme.

Veuillez poursuivre, mon cher collègue.

Debut de section - PermalienPhoto de Arnaud de Belenet

L’amendement n° 531 vise à permettre à la HATVP d’auditionner lors de l’examen d’un dossier non seulement le référent déontologue de l’administration, mais aussi l’autorité hiérarchique ou l’autorité de nomination de l’agent, qui peut apporter des éclairages précieux sur les missions que ce dernier exerce ou a exercées.

L’amendement n° 532 tend à autoriser le président de la HATVP, pour faire face à l’augmentation du nombre de dossiers consécutive au transfert de compétence de la commission de déontologie vers la Haute Autorité, à faire appel à des rapporteurs choisis parmi les fonctionnaires de catégorie A.

L’amendement n° 530 est rédactionnel.

Quant à l’amendement n° 534 rectifié, il vise à reformuler la disposition introduite par la commission prévoyant que les modifications opérées par l’article 16 bis ne s’appliquent pas aux mandats des magistrats de la HATVP en fonction à la date de publication de la future loi.

Debut de section - PermalienPhoto de Loïc Hervé

Avec l’amendement n° 531, M. de Belenet suggère de donner à l’autorité hiérarchique ou à l’autorité de nomination la faculté d’assister aux réunions de la Haute Autorité. Notre avis est défavorable, car cela remettrait en cause, au moins dans les apparences, l’impartialité de la Haute Autorité, qui reste une autorité administrative indépendante. En outre, le VIII de l’article 25 octies de la loi Le Pors de 1983 permet déjà à la HATVP d’obtenir des informations en amont de ses réunions auprès de l’autorité hiérarchique ou de l’autorité de nomination.

En ce qui concerne l’amendement n° 532, je rappelle que les rapporteurs de la HATVP sont, en l’état du droit, des magistrats administratifs, financiers ou judiciaires. Ils préparent les dossiers les plus importants avant que ceux-ci ne soient soumis aux membres du collège.

M. de Belenet souhaite étendre ce vivier à tous les fonctionnaires de catégorie A, à l’exclusion de ceux qui exercent les fonctions de référent déontologue. L’idée est intéressante, et j’y ai moi-même songé dans le cadre de mes auditions ; mais le président de la HATVP m’a convaincu qu’il était préférable d’en rester au droit en vigueur, car il pense pouvoir gérer le volume des affaires avec le vivier actuel de rapporteurs.

Il nous semble difficile pour un fonctionnaire de l’État d’instruire le dossier d’un de ses collègues. Ne retombons pas dans le débat de l’impartialité objective et des risques de pressions exercées sur les rapporteurs.

J’ajoute que les magistrats ont par nature une culture du contradictoire et de l’élaboration de ces dossiers.

Une extension trop large me paraissant risquée, j’émets un avis défavorable sur l’amendement.

En revanche, l’avis est favorable sur l’amendement n° 530, visant à préciser le contenu du rapport d’activité de la Haute Autorité ; l’expression « allers-retours des fonctionnaires avec le secteur privé », retenue par l’Assemblée nationale, n’est pas suffisamment précise.

De même, nous sommes favorables à l’amendement n° 534 rectifié, rédactionnel. Toutefois, monsieur de Belenet, il serait nécessaire de le rectifier pour mentionner, à des fins de coordination, les 1° à 3° du II de l’article 19.

Debut de section - Permalien
Olivier Dussopt

Sur l’amendement n° 531, l’avis du Gouvernement est différent de celui de la commission. M. de Belenet propose que l’autorité hiérarchique ou l’autorité investie du pouvoir de nomination, ainsi que le référent déontologue dont relève l’intéressé, puissent, sans voix délibérative, non pas assister aux séances de la HATVP, mais être entendus par celle-ci – à sa demande, par définition. Il me paraît utile de donner cette faculté à la Haute Autorité. Avis favorable.

L’amendement n° 532 vise à permettre à la HATVP de recourir à des fonctionnaires de catégorie A. Nous considérons que l’élargissement des missions de la Haute Autorité justifie la diversification du vivier, afin que d’autres que des magistrats puissent être associés aux travaux et à la préparation des rapports dans le cadre des vacations confiées aux rapporteurs. Avis favorable.

Sur l’amendement n° 530, rédactionnel, l’avis est aussi favorable.

S’agissant enfin de l’amendement n° 534 rectifié, qui tend à reformuler la disposition relative à la poursuite des mandats des membres de la HATVP dans le sens d’une plus grande précision, l’avis est favorable également.

L ’ amendement n ’ est pas adopté.

L ’ amendement n ’ est pas adopté.

L ’ amendement est adopté.

L ’ amendement est adopté.

Debut de section - PermalienPhoto de Hélène Conway-Mouret

L’amendement n° 314 rectifié, présenté par Mmes N. Delattre et Costes, MM. Collin, Gabouty et Guérini, Mmes Guillotin, Jouve et Laborde et MM. Léonhardt, Requier, Vall, Castelli et Gold, est ainsi libellé :

Compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :

…. – Le présent article est applicable en Nouvelle-Calédonie, en Polynésie Française et dans les îles Wallis et Futuna.

La parole est à Mme Nathalie Delattre.

Debut de section - PermalienPhoto de Nathalie Delattre

Le présent amendement vise à rendre applicables dans les collectivités d’outre-mer régies par le principe de spécialité législative – la Polynésie française, la Nouvelle-Calédonie et Wallis-et-Futuna – les dispositions prévues à l’article 16 bis en matière de transparence de la vie politique.

En effet, l’organisation propre des collectivités régies par l’article 74 de la Constitution et de la Nouvelle-Calédonie est fixée exclusivement par les lois organiques statutaires, y compris dans ce domaine, contrairement aux règles en vigueur à Saint-Martin, Saint-Barthélemy et Saint-Pierre-et-Miquelon, territoires régis par le principe de l’identité législative.

Comme l’a déterminé le Conseil d’État dans sa décision d’assemblée du 9 février 1990 portant sur les élections municipales à Lifou, il ne suffit pas qu’un nouveau texte modifie un texte applicable dans une collectivité soumise au principe de spécialité législative pour y être, de ce seul fait, lui-même applicable.

En conséquence, dès lors que le projet de loi modifie la composition de l’autorité chargée d’examiner les déclarations des élus de ces collectivités territoriales, il convient de prévoir l’extension à celles-ci de l’article 16 bis. Faute d’une telle extension, la HATVP, si elle devait se prononcer sur le cas d’élus de ces collectivités, devrait se réunir dans sa composition antérieure au projet de loi, ce qui n’est pas souhaitable.

Debut de section - Permalien
Olivier Dussopt

Cette disposition complétera utilement le dispositif. Avis favorable.

L ’ amendement est adopté.

L ’ article 16 bis est adopté.

Debut de section - PermalienPhoto de Hélène Conway-Mouret

La délégation est accompagnée par Mme Françoise Laborde, présidente du groupe d’amitié France-Irlande.

La relation ancienne d’amitié qu’entretiennent l’Irlande et la France est plus que jamais nécessaire aujourd’hui, alors que le Royaume-Uni, partenaire économique majeur de nos deux pays, a décidé de quitter l’Union européenne.

Après avoir échangé avec les membres du groupe d’amitié France-Irlande du Sénat et s’être entretenue avec des membres de la commission des affaires économiques pour évoquer les nombreux sujets sur lesquels nos pays ont un intérêt partagé, la délégation sera reçue demain à l’Assemblée nationale.

Nous espérons que ce séjour à Paris sera fructueux et souhaitons à nos amis irlandais la bienvenue au Sénat français. Fáilte !

Applaudissements.

Debut de section - PermalienPhoto de Hélène Conway-Mouret

Nous reprenons la discussion du projet de loi de transformation de la fonction publique.

Debut de section - PermalienPhoto de Hélène Conway-Mouret

L’amendement n° 147 rectifié bis, présenté par MM. Durain, Marie, Kanner et Jacques Bigot, Mme de la Gontrie, M. Fichet, Mme Harribey, MM. Kerrouche, Leconte, Sueur, Sutour, Tourenne, Antiste, Bérit-Débat, Montaugé, Temal et Raynal, Mme Monier et les membres du groupe socialiste et républicain, est ainsi libellé :

Après l’article 16 bis

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Après l’article 2 de la loi n° 2013-907 du 11 octobre 2013 relative à la transparence de la vie publique, il est inséré un article 2-… ainsi rédigé :

« Art. 2 -…. – La Haute Autorité organise la diffusion de la culture déontologique. Elle publie chaque année une synthèse de ses avis et conseils donnés en la matière. »

La parole est à M. Jérôme Durain.

Debut de section - PermalienPhoto de Jérôme Durain

La déontologie est affaire de règles, mais il s’agit aussi d’un climat : un climat de confiance entre les institutions et les citoyens. Nous proposons de renforcer la diffusion de la culture déontologique en demandant à la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique de publier annuellement une synthèse de ses avis et conseils en matière de déontologie.

Debut de section - PermalienPhoto de Loïc Hervé

M. Durain propose que la HATVP publie une synthèse de ses avis déontologiques. Je souscris à l’objectif de cet amendement, mais celui-ci me paraît satisfait par le rapport annuel de la Haute Autorité, déjà prévu par la loi de 2013 relative à la transparence de la vie publique, de même que par la publication de ses avis les plus importants. Je rappelle que la commission a adopté une rédaction permettant à la Haute Autorité de décider elle-même de la publication de ses avis, pour faire connaître sa doctrine.

En outre, la HATVP publie déjà des rapports thématiques. Ainsi, en avril dernier, elle a publié un guide déontologique à l’attention des référents déontologues.

L’amendement étant satisfait, l’avis est défavorable.

Debut de section - PermalienPhoto de Hélène Conway-Mouret

L’amendement n° 147 rectifié bis est retiré.

L’amendement n° 4 rectifié ter, présenté par Mme Guidez, MM. Delahaye, Gabouty et Mizzon, Mmes Loisier et Puissat, M. Danesi, Mme Noël, M. Guerriau, Mme Goy-Chavent, MM. Lafon et Louault, Mme Vérien, M. Moga, Mme L. Darcos, MM. Vogel et Canevet, Mmes Kauffmann et C. Fournier, MM. Mandelli, Détraigne, Prince, Delcros et de Legge, Mme Perrot et MM. A. Marc, Segouin, Chasseing et Gremillet, est ainsi libellé :

Après l’article 16 bis

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Le deuxième alinéa de l’article 97 de la loi n° 82-213 du 2 mars 1982 relative aux droits et libertés des communes, des départements et des régions est supprimé.

La parole est à M. Vincent Delahaye.

Debut de section - PermalienPhoto de Vincent Delahaye

Déposé par ma collègue Jocelyne Guidez, empêchée de participer à nos travaux de cet après-midi, et cosigné par un certain nombre de nos collègues, cet amendement vise à supprimer la possibilité pour les collectivités territoriales de verser une indemnité de conseil aux receveurs du Trésor public.

Il s’agit d’un amendement de clarification, puisque les receveurs publics sont des agents de l’État, payés par l’État. La possibilité de leur verser une indemnité de conseil suscite chaque année des discussions au sein d’un assez grand nombre de collectivités territoriales, pour savoir si les services sont réels ou pas, à quel niveau il faut fixer l’indemnité et si celle-ci sera ou non partagée – la plupart du temps, le receveur ne la partage pas avec ses collaborateurs.

Ce système est donc source de soucis pour les collectivités territoriales, qui, par ailleurs, ont subi un certain nombre de restrictions budgétaires de la part des services de l’État. Il nous paraît donc souhaitable de clarifier la responsabilité des uns et des autres, afin que des agents de l’administration d’État ne puissent plus être rémunérés par les collectivités territoriales.

Debut de section - PermalienPhoto de Loïc Hervé

L’amendement présenté par M. Delahaye vise à supprimer l’indemnité de conseil que peuvent percevoir les agents des services déconcentrés de l’État ou des établissements publics de l’État au titre des prestations fournies personnellement, en dehors de l’exercice de leurs fonctions.

Autoriser les comptables publics à monnayer des prestations auprès des collectivités territoriales parallèlement à leur mission officielle nous semble entraîner un mélange des genres difficilement compréhensible. De nombreuses collectivités territoriales ont d’ailleurs décidé de mettre fin à ces prestations, en adoptant une délibération explicite.

La commission des lois est favorable à cet amendement.

Debut de section - Permalien
Olivier Dussopt

Monsieur le sénateur, votre proposition a fait l’objet de discussions dans le cadre d’autres débats, à l’occasion de l’examen du projet de loi de finances ou de l’examen par l’Assemblée nationale du présent projet de loi. Chaque fois, le Gouvernement a exprimé sa volonté d’ouvrir une discussion avec les principaux intéressés, celles et ceux qui perçoivent aujourd’hui cette indemnité, en ayant à l’esprit que, comme l’a signalé M. le rapporteur, un certain nombre de collectivités territoriales ont fait le choix d’en cesser le versement, comme elles en ont la liberté.

Nous ne sommes pas favorables à la suppression brutale de cette possibilité d’indemnité, car nous préférons poursuivre le travail engagé au sein des services, notamment de la direction générale des finances publiques. À ce stade, le Gouvernement est donc défavorable à la mesure proposée.

Debut de section - PermalienPhoto de Hélène Conway-Mouret

La parole est à M. Vincent Delahaye, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Vincent Delahaye

Monsieur le secrétaire d’État, j’entends votre argument, mais je ne suis pas d’accord avec la position du Gouvernement. En réalité, les collectivités territoriales sont souvent très ennuyées, parce qu’elles ont l’impression que, en réduisant l’indemnité de conseil, voire en la supprimant, elles sanctionnent l’agent en question. Elles peuvent en être plus ou moins contentes, mais hésitent devant ce qu’elles perçoivent comme une sanction.

Par ailleurs, les sommes versées, parfois très importantes, sont prises sur tous les budgets, y compris les budgets d’action sociale. Or un budget d’action sociale n’a pas pour objet de rétribuer les conseils d’un comptable qui, du reste, n’en donne pas forcément.

Il y a là une forme de conflit d’intérêts, en tout cas une question qui empoisonne bon nombre de collectivités territoriales. Un certain nombre ont le courage, si je puis dire, de tout arrêter ; mais beaucoup d’autres sont très ennuyées. Il serait donc bon d’agir par voie législative pour mettre fin dès maintenant à ce système d’indemnités de conseil.

L ’ amendement est adopté.

Debut de section - PermalienPhoto de Hélène Conway-Mouret

En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l’article 16 bis.

L’amendement n° 250, présenté par Mmes Assassi et Benbassa, M. Collombat et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, est ainsi libellé :

Après l’article 16 bis

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Après le 4° de l’article 24 de la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :

« …° Du non-respect de l’engagement à servir l’État pendant une durée minimale de dix ans pour les élèves diplômés de l’École nationale d’administration ou de l’École Polytechnique. »

La parole est à M. Éric Bocquet.

Debut de section - PermalienPhoto de Éric Bocquet

Notre collègue Vincent Delahaye vient d’évoquer des conflits d’intérêts ; je poursuivrai sur cette thématique.

Nous souhaitons enrayer la pratique dite du pantouflage, en proposant que le non-respect de l’engagement à servir l’État pour une durée minimale de dix ans soit assorti de la radiation de la qualité de fonctionnaire.

Les élèves fonctionnaires sont rémunérés par l’État dès leur admission, en contrepartie de quoi ils s’engagent à servir l’État pendant dix années. Si la règle des dix ans n’est pas respectée, les élèves sont censés rembourser une partie des traitements perçus pendant leur formation.

Toutefois, cette règle n’est pas suffisamment dissuasive. Hier pratiqué en général en fin de carrière, le pantouflage s’est généralisé, dès la sortie de l’ÉNA ou de l’École polytechnique, par exemple. Les risques de conflit d’intérêts n’ont jamais été aussi nombreux !

L’encadrement, voire l’interdiction du pantouflage est ancienne, puisqu’elle fut introduite dès 1919, voilà donc un siècle ; elle a été constamment réaffirmée depuis lors. Pourtant, cette interdiction n’est absolument pas suivie d’effets. Il se dit dans certains milieux que le plus gros employeur d’inspecteurs généraux des finances publiques est non pas Bercy, mais BNP Paribas…

La violation de cet interdit légal, mais aussi éthique, est monnaie courante, accentuée par la quasi-certitude d’une totale impunité. Il s’agit désormais du déroulement normal de carrière, au point qu’il est naturel de voir figurer dans un curriculum vitae le passage dans un ministère, puis dans une entreprise – non sans lien avec ledit ministère –, puis de nouveau dans un ministère, enfin dans une entreprise. Il suffit pour s’en convaincre de pratiquer la lecture régulière du Bulletin quotidien, où figurent les nominations et recrutements.

C’est pourquoi, reprenant une des préconisations du rapport de notre excellent collègue Pierre-Yves Collombat, nous proposons une mesure simple et radicale pour enrayer ce phénomène : interdire toute forme de pantouflage, sauf à être radié de la fonction publique en devant rembourser l’ensemble des frais engendrés par la formation.

Le coût seul de la pantoufle n’est pas assez dissuasif, selon nous. Le retour dans la fonction publique après un passage par le privé constitue en effet une sorte de filet de sécurité, qui tend à encourager le pantouflage. Cela n’est pas du tout admissible !

Debut de section - PermalienPhoto de Loïc Hervé

L’amendement qui vient d’être présenté concerne le remboursement de la pantoufle. Il s’agit d’un vrai sujet, et nous sommes en droit d’attendre des réponses du Gouvernement.

Le principe est déjà clairement posé : les fonctionnaires qui partent avant d’avoir accompli leur obligation de servir doivent rembourser leurs frais de scolarité. La durée de l’obligation de servir varie toutefois d’un corps à l’autre : elle est de dix ans pour l’École nationale d’administration, de huit pour l’École des mines, par exemple.

Le pouvoir réglementaire a apporté de premières réponses en 2017, puis 2019, notamment en empêchant les départs pendant les quatre premières années de service.

Un manque de transparence persiste toutefois. Il existe peu d’informations sur le sujet, et les dispositifs ne sont pas clairement coordonnés : le recouvrement de la pantoufle échoit, selon le cas, au ministère ou à l’école. Ainsi, les deux commissions d’enquête de l’Assemblée nationale et du Sénat sur la haute fonction publique ont eu de nombreuses difficultés pour investiguer sur ce point.

Je souhaite avancer sur ces sujets, mais cet amendement me pose problème. Il vise à systématiser le licenciement des fonctionnaires n’ayant pas remboursé la pantoufle, alors qu’il faudrait sans doute prendre en compte des cas spécifiques ; je pense en particulier à des problèmes de santé. En outre, il ne concerne que l’École nationale d’administration et l’École polytechnique, alors que d’autres écoles sont concernées, en particulier l’École des mines et l’École normale supérieure.

Pour ces raisons, je sollicite le retrait de l’amendement ; s’il est maintenu, j’appellerai à son rejet, au profit d’autres amendements traitant de ce sujet.

Debut de section - Permalien
Olivier Dussopt

Personne ne nie l’importance du sujet, mais l’avis est défavorable pour les deux raisons exposées par M. le rapporteur : le caractère systématique du licenciement et le champ partiel des écoles couvertes.

Debut de section - PermalienPhoto de Hélène Conway-Mouret

La parole est à M. Pierre-Yves Collombat, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre-Yves Collombat

M. Pierre-Yves Collombat. Nous arrivons à un moment très plaisant de cette séance… Donner du travail supplémentaire à la Haute Autorité, tout le monde est capable de le faire ; on fera des dossiers, et ainsi de suite. Mais nous voici dans le vif du sujet : les allers-retours avec le privé des hauts fonctionnaires ayant des tâches de responsabilité – car c’est pour eux que le problème se pose, pas pour l’instituteur qui ouvre une pizzeria !

Sourires.

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre-Yves Collombat

Désormais, les carrières sont par morceaux : on est pendant quelques années à BNP Paribas ou à la Société générale, ensuite à la tête de la Banque de France, puis on repart. À cha peu, comme disait ma grand-mère, on finira bien par faire les dix ans… Et puis, quand on sera installé dans une banque à un bon niveau, ma foi, on pourra rembourser une partie de la pantoufle.

Évidemment, ces pratiques sont un peu gênantes pour les gens qui croient que nous sommes dans un système démocratique et qu’il y a une division des pouvoirs. Eh bien non, ce n’est pas ainsi que les choses se passent.

Je veux bien qu’on prenne toutes les précautions oratoires qu’on veut et qu’on confie toujours plus de tâches à la Haute Autorité ou à une autre instance, mais le cœur du sujet est le contrôle véritable des allers-retours des gens qui ont des postes de responsabilité – les autres, ce n’est pas important. C’est cela qui pose problème pour notre démocratie ! Or, en la matière, je ne sens pas un enthousiasme considérable de la part du Gouvernement…

Très bien ! et applaudissements sur les travées du groupe communiste républicain citoyen et écologiste. – M. Christian Manable applaudit également.

L ’ amendement n ’ est pas adopté.

Debut de section - PermalienPhoto de Hélène Conway-Mouret

Mes chers collègues, nous allons interrompre nos travaux pour quelques instants.

La séance est suspendue.

La séance, suspendue à seize heures vingt, est reprise à seize heures quarante-cinq, sous la présidence de M. Gérard Larcher.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Larcher

Monsieur le Premier ministre, mesdames, messieurs les ministres, mes chers collègues, l’ordre du jour appelle les réponses à des questions d’actualité au Gouvernement.

Je vous rappelle que la séance est retransmise en direct sur Public Sénat et sur notre site internet.

Sans que ce soit une litanie, j’appelle chacun de vous, mes chers collègues, à respecter son temps de parole et à faire preuve de courtoisie.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Larcher

M. le président. La parole est à Mme Patricia Schillinger, pour le groupe La République En Marche.

Applaudissements sur les travées du groupe La République En Marche.

Debut de section - PermalienPhoto de Patricia Schillinger

Ma question s’adresse à Mme la ministre des solidarités et de la santé.

Cette semaine, un épisode caniculaire intense et précoce s’abat sur l’Hexagone, avec des températures supérieures à quarante degrés et des ressentis encore plus élevés.

Certes, des leçons ont été tirées du tragique été 2003. Aujourd’hui, l’ensemble des ministères et des administrations se sentent concernés et ont déjà pris des mesures de prévention, qu’il s’agisse du report des épreuves du brevet, des préconisations aux entreprises, notamment dans le BTP, ou encore du recours facilité à la circulation différenciée en cas de pollution.

Pour autant, madame la ministre, à l’échelle de toute une population, les réflexes individuels et collectifs en matière de prévention ne sont pas encore automatisés, même dans l’hémicycle, où la cravate reste de mise pour mes collègues masculins…

Sourires. – Très bien ! et applaudissements sur diverses travées.

Debut de section - PermalienPhoto de Patricia Schillinger

Aussi, pourriez-vous nous détailler les principaux éléments du plan Canicule déclenché cette semaine pour ce qui concerne la prévention, notamment les publics spécifiquement ciblés par les messages de prévention, ainsi que les mesures de mobilisation prévues pour les services de santé en cas d’afflux dans les hôpitaux et dans le secteur des services à la personne ? Comment la cellule de veille est-elle déclinée ?

Applaudissements sur les travées du groupe La République En Marche.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Larcher

La parole est à Mme la ministre des solidarités et de la santé.

Debut de section - Permalien
Agnès Buzyn

Madame la sénatrice Schillinger, chaque année, je réunis au début de l’été, dès le mois de juin, l’ensemble des ministères concernés pour être certaine que le plan Canicule puisse être déployé.

Il y a dix jours donc, j’ai réuni ce groupe de travail au sein de mon ministère pour vérifier que l’ensemble des consignes étaient connues de tous. Aussi, cette semaine, dès que le territoire a été placé en vigilance orange, nous avons pu mettre en œuvre toutes les recommandations sur les différents lieux de vie.

Au titre des lieux de vie, je pense évidemment aux entreprises, notamment à celles du BTP et de la restauration, où nous souhaitons que soient mis en place des horaires aménagés et des lieux de rafraîchissement.

Nous demandons également que le télétravail soit favorisé.

Je pense également aux lieux de vie des enfants, qu’il s’agisse des crèches, qui ont reçu des consignes adaptées, ou des établissements de l’éducation nationale. Jean-Michel Blanquer a adressé toutes les recommandations nécessaires aux professeurs des écoles, mais aussi aux principaux des collèges et des lycées pour qu’ils prennent soin des jeunes et évitent que ces derniers ne soient exposés à la chaleur dans la journée.

Je pense par ailleurs aux lieux de sport. La ministre des sports a fait passer des consignes à toutes les associations sportives.

Nous travaillons également avec toutes les associations de lutte contre la précarité pour augmenter le nombre de maraudes et élargir les plages d’ouverture des centres d’hébergement de jour. Le ministre Julien Denormandie a demandé la création de places d’accueil de nuit – plusieurs centaines en région parisienne et à Lyon – pour permettre aux personnes de se rafraîchir la nuit.

Enfin, les établissements sociaux et médico-sociaux sont évidemment informés. Des plans bleus dans les Ehpad existent depuis 2003. Toutes les consignes sont très bien connues des personnels, et nous suivons chaque jour, via les agences régionales de santé, les hôpitaux qui seraient en tension, de façon à pouvoir les accompagner. Pour l’instant, nous n’avons pas reçu de signal d’alerte des établissements de santé.

Applaudissements sur les travées du groupe La République En Marche.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Larcher

La parole est à Mme Patricia Schillinger, pour la réplique.

Debut de section - PermalienPhoto de Patricia Schillinger

Je remercie la ministre de ces précisions.

En mon nom personnel et au nom de mes collègues, permettez-moi d’avoir une pensée pour nos sapeurs-pompiers et toutes nos forces de l’ordre qui subissent cette canicule de plein fouet, …

Debut de section - PermalienPhoto de Patricia Schillinger

Mme Patricia Schillinger. … mais aussi tous les maires et tous les adjoints qui œuvrent dans ce domaine.

Marques d ’ ironie sur les travées du groupe Les Républicains, du groupe Union Centriste, du groupe socialiste et républicain et du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Larcher

M. le président. Permettez-moi, mes chers collègues, de faire un clin d’œil particulier à notre collègue Robert del Picchia

M. Robert del Picchia se lève et salue ses collègues.

Applaudissements.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Larcher

La parole est à Mme Nathalie Delattre, pour le groupe du Rassemblement démocratique et social européen.

Debut de section - PermalienPhoto de Nathalie Delattre

Monsieur le président, monsieur le ministre de la culture, mes chers collègues, en septembre dernier, Soir 3 célébrait ses quarante ans de programmation.

Depuis 1978, cette édition a réussi à s’imposer comme l’un des journaux télévisés préférés des Français, attirant près de 600 000 spectateurs en moyenne tous les soirs, avec, régulièrement, des pics de 1, 5 million de téléspectateurs, pour suivre l’actualité, principalement locale. Cette situation aurait pu durer, mais c’était sans compter sur l’annonce des nouvelles orientations stratégiques de France Télévisions.

Officiellement, on parle non pas de suppression de programme, mais de transfert sur Franceinfo.

Pourtant, la disparition de l’émission Soir 3, telle que nous la connaissons tous, semble inévitable, monsieur le ministre. Rebaptisé, remodelé et repensé, le futur 23 heures n’a, à ce jour, même pas l’assurance que l’ensemble des moyens alloués au Soir 3 soient redéployés. Et pour cause, si la nouvelle édition est toujours consacrée à « l’international, l’Europe, la politique nationale, l’économie, et l’environnement », le coup de projecteur quotidien qui était mis sur nos régions et nos territoires va s’éteindre et, avec lui, une certaine idée du service public.

Dans le contexte de l’examen prochain du projet de loi sur la réforme de l’audiovisuel, quel modèle souhaitez-vous défendre, monsieur le ministre ? Celui de la numérisation à tout prix et de la généralisation des chaînes d’infos à toute vitesse ? Ou serez-vous – vous connaissant, je n’en doute pas ! – à l’écoute des maires ruraux, qui ont lancé une pétition pour s’opposer à ce transfert, afin de maintenir une édition locale, proche de leur collectivité ?

Écouterez-vous le CSE, le comité social et économique, de l’établissement, qui s’est opposé hier à l’unanimité à la décision de la direction de France Télévisions, pour défendre un programme audiovisuel regardé par des téléspectateurs, notamment des seniors, qui ne se servent pas des nouvelles sources d’information ?

Enfin, écouterez-vous les usagers-citoyens qui plébiscitent leurs programmes et qui, pour beaucoup d’entre eux, vous regardent aujourd’hui ? Monsieur le ministre, vous êtes le dernier recours, et nous sommes très nombreux à compter sur vous !

Applaudissements sur les travées du groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen, du groupe socialiste et républicain et du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, ainsi que sur des travées du groupe Union Centriste et du groupe Les Républicains.

Debut de section - Permalien
Franck Riester

Madame la sénatrice Delattre, l’audiovisuel public, pour lequel le Gouvernement a une grande ambition, est essentiel pour notre pays. Et nous comptons bien réaffirmer ses missions, parmi lesquelles figurent bien évidemment l’information et la proximité.

Pour autant, il appartient à la direction de France Télévisions de mettre en œuvre ses grilles de programmation dans la mesure où il existe une indépendance éditoriale évidente des chaînes.

En ce qui concerne l’information et la proximité, il est nécessaire d’adapter les programmes à l’évolution des usages de nos compatriotes, notamment à l’utilisation du numérique, mais pas seulement.

En effet, depuis un certain nombre d’années, nous le voyons, nos compatriotes s’informent de plus en plus via les chaînes d’information en continu. C’est la raison pour laquelle France Télévisions a pris la décision, voilà maintenant quelques années, de créer une telle chaîne d’information. La direction a souhaité aller plus loin dans la réorganisation des programmes en matière d’information, en sanctuarisant les deux rendez-vous sur France 3 et sur France 2 de milieu de journée et de fin d’après-midi, tout en modifiant la fin de soirée.

Aussi, elle a décidé de créer un temps fort sur Franceinfo, la chaîne d’information en continu de France Télévisions, pour muscler cette tranche d’information, qui était effectivement concentrée sur Soir 3. Cette émission commençait vers vingt-trois heures trente, voire, parfois, minuit et ne remplissait pas complètement son rôle au regard de la présence nécessaire de France Télévisions, de l’audiovisuel public, de façon très puissante, sur les créneaux de l’information de proximité et de l’information concernant l’international et l’Europe, de vingt et une heures à minuit.

Cette décision ne remet absolument pas en cause le travail formidable des équipes, mais il faut pouvoir accompagner la direction de la chaîne dans la transformation de ses programmes au service d’une meilleure satisfaction des missions de service public, …

Debut de section - Permalien
Franck Riester

M. Franck Riester, ministre. … notamment en matière d’information et de proximité.

M. François Patriat applaudit.

Debut de section - PermalienPhoto de Rachid Temal

On n’a pas compris : Soir 3 est sauvé ou non ?

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Larcher

La parole est à Mme Céline Brulin, pour le groupe communiste républicain citoyen et écologiste.

Debut de section - PermalienPhoto de Céline Brulin

Monsieur le président, mesdames, messieurs les ministres, mes chers collègues, la mobilisation qui a eu lieu ce week-end à Belfort montre à quel point un énième renoncement en matière industrielle est devenu inacceptable pour une très grande diversité de nos concitoyens, les syndicats des salariés, les organisations d’employeurs, ainsi que les élus de tous bords !

Le Gouvernement répète souhaiter diminuer le nombre de salariés concernés par le plan social. Mais ce qu’il faut, c’est que la puissance publique se redonne des leviers en matière industrielle pour construire une véritable transition énergétique.

Or nous nous sommes dépossédés, un à un, de tous nos fleurons, au point que nos emplois, nos savoir-faire, notre souveraineté économique et énergétique sont aujourd’hui à la merci de dirigeants sans scrupules, pour lesquels l’accroissement des profits est la principale, pour ne pas dire l’unique boussole.

General Electric s’est engagé à créer 1 000 emplois ; vous devez lui faire respecter ses engagements, monsieur le secrétaire d’État !

Au-delà, comptez-vous obtenir un moratoire sur les suppressions d’emplois industriels, notamment dans la filière de l’énergie, qui doit être accompagné d’un plan de développement, indispensable pour assurer une véritable transition énergétique ?

Très bien ! et applaudissements sur les travées du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Larcher

La parole est à M. le secrétaire d’État auprès du ministre de l’action et des comptes publics.

Debut de section - Permalien
Olivier Dussopt

Madame la sénatrice, vous nous interrogez sur la situation particulière de General Electric et, au-delà, sur celle de l’industrie et des emplois industriels.

Nous vivons, il est vrai, une période assez paradoxale. La France crée de l’emploi industriel, des usines sont ouvertes, des entreprises investissent, et c’est heureux pour l’ensemble de nos concitoyens. Malgré l’amélioration de la situation industrielle et de la compétitivité de notre pays, qui tient aussi évidemment à l’ensemble des mesures mises en œuvre par le Gouvernement pour accompagner cette compétitivité, nous rencontrons des difficultés sur un certain nombre de sites. C’est le cas pour General Electric, avec l’annonce d’un plan prévoyant des suppressions d’emplois. À cet égard, vous avez eu raison de le rappeler, le Gouvernement considère depuis le début que ce plan n’est pas suffisamment bien proportionné, car il comprend trop de licenciements, et il veut qu’il soit amélioré.

Le ministre de l’économie et des finances, Bruno Le Maire, dont je vous prie de bien vouloir excuser l’absence et qui m’a chargé de vous répondre, l’a indiqué aux dirigeants de General Electric. Il a également dit aux représentants des organisations syndicales que l’ensemble de ses services et lui- même se tenaient à leur disposition pour les accompagner dans un dialogue qui soit le plus constructif possible.

Marques d ’ agacement sur les travées du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.

Debut de section - Permalien
Olivier Dussopt

Il est évidemment temps que ce dialogue constructif soit ouvert entre les organisations syndicales et la direction de General Electric pour faire en sorte que la situation soit très nettement améliorée.

Le Gouvernement ne veut pas que le plan présenté par General Electric soit le prélude à une fermeture du site de Belfort.

Debut de section - Permalien
Olivier Dussopt

Au contraire, nous voulons que les investissements sur le site lui permettent de bénéficier de la reprise du marché des turbines lorsque celle-ci adviendra.

Par ailleurs, le ministre de l’économie et des finances a vivement engagé General Electric à se saisir des opportunités dans l’aéronautique pour investir en vue de garantir le maintien et le développement de ce site.

Il y a encore beaucoup à faire, mais cela passera par un dialogue aussi constructif que possible entre les organisations syndicales, General Electric et le ministère de l’économie et des finances.

Applaudissements sur les travées du groupe La République En Marche.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Larcher

La parole est à Mme Céline Brulin, pour la réplique.

Debut de section - PermalienPhoto de Céline Brulin

Monsieur le secrétaire d’État, j’ai l’impression de ne pas vivre dans la même France que vous !

Malheureusement, le cas de Belfort n’est pas isolé : nous assistons à de prétendues améliorations des plans improprement appelés « sociaux ».

Vos propos sont de nature à beaucoup inquiéter les salariés. Et vous ne répondez pas à une question fondamentale : que faisons-nous pour construire en France une stratégie industrielle solide ? C’est sur ce point que j’interroge, au nom de mon groupe, le Gouvernement ! Dans ce cadre, nous considérons que les nationalisations temporaires, voire définitives, ne sont pas à exclure pour préserver des outils que je qualifierais de « stratégiques ».

Bravo ! et applaudissements sur les travées du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Larcher

M. le président. La parole est à Mme Marie-Pierre Monier, pour le groupe socialiste et républicain.

Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain.

Debut de section - PermalienPhoto de Marie-Pierre Monier

Ma question s’adresse à Mme la garde des sceaux.

Madame la ministre, à travers le pays, dans beaucoup de tribunaux, les greffières et les greffiers, chevilles ouvrières du système judiciaire français, sont en sous-effectif. Les exemples sont nombreux : au tribunal de grande instance de Valence, mais aussi dans bien d’autres endroits, leur trop petit nombre ne leur permet pas d’absorber la charge de travail qui leur incombe. Cette situation entraîne l’allongement considérable du délai de traitement des dossiers.

En effet, lorsqu’une décision de justice est prise par un magistrat, elle nécessite la rédaction par un greffier ou une greffière d’une notification, qui la rend valable aux yeux de la loi. Aucun dossier ne peut avancer sans cela, et ce sont les plus fragiles qui en souffrent en premier lieu, notamment les bénéficiaires de l’aide juridictionnelle, ainsi que les enfants.

Plusieurs centaines de dossiers traités par le tribunal pour enfants de Valence sont en attente depuis des mois et s’accumulent. Or, pour intervenir auprès des familles et mettre en œuvre les décisions de justice prises en faveur de la protection de l’enfant, les travailleurs sociaux de l’ANEF, l’Association nationale d’entraide, et de la Sauvegarde de l’enfance et de l’adolescence ont besoin de ces notifications rédigées par les greffiers, sans quoi ils n’ont aucun mandat pour agir. À cause du manque de personnel dans le service public de la justice, ils sont dans l’incapacité d’œuvrer pour placer les enfants lorsque cela est nécessaire.

Aujourd’hui, en ne réagissant pas, vous mettez des enfants en danger. Cette situation est inacceptable, intolérable. Que comptez-vous faire, madame la garde des sceaux, pour y remédier ?

Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain et du groupe communiste républicain citoyen et écologiste. – Mme Brigitte Lherbier applaudit également.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Larcher

La parole est à Mme la garde des sceaux, ministre de la justice.

Debut de section - Permalien
Nicole Belloubet

Madame la sénatrice Monier, votre question est très importante dans la mesure où elle a un rapport avec l’enfance en danger, et nous ne pouvons pas laisser les choses en l’état.

Vous m’alertez sur les difficultés du tribunal pour enfants de Valence qui se sont fait jour vers le mois de janvier dernier, notamment en raison de l’augmentation considérable du nombre de mesures d’assistance éducative.

Comme vous le savez, le juge des enfants a une double casquette : il intervient à la fois au pénal, et c’est le service de la protection judiciaire de la jeunesse, la PJJ, qui met en œuvre les mesures, et au titre de l’assistance éducative, et ce sont alors les départements et les services de l’ASE, l’aide sociale à l’enfance, qui exécutent les décisions.

Au tribunal pour enfants de Valence, les mesures d’assistance éducative ont augmenté de 60 % en quatre ans. Pour faire face à cette situation, nous avons affecté un magistrat supplémentaire l’année dernière. Nous avons ainsi pris en compte les difficultés existantes. Toutefois, l’organisation du greffe n’a pas suivi. C’est la raison pour laquelle il a fallu travailler localement : la présidente du tribunal de grande instance a organisé des réunions au mois de mai dernier, et la notification des décisions par les greffiers a depuis lors repris.

Cependant, un stock de décisions importantes demeure encore à notifier. C’est pourquoi trois décisions ont été prises.

Tout d’abord, la direction des services judiciaires va attribuer des crédits supplémentaires pour permettre le recrutement de vacataires. Ensuite, la présidente du tribunal de grande instance affectera un emploi supplémentaire dans ce cadre-là. Enfin, deux greffiers supplémentaires arriveront au mois de septembre prochain.

Nous espérons ainsi pouvoir assurer au tribunal pour enfants de Valence les conditions nécessaires à son fonctionnement.

Plus généralement, pour ce qui concerne l’exécution des décisions de justice en matière d’assistance éducative, mes collègues Agnès Buzyn, Adrien Taquet et moi-même avons décidé de diligenter une mission d’inspection pour améliorer la situation dans ce domaine. C’est, je le répète, important pour l’enfance en danger.

Applaudissements sur les travées du groupe La République En Marche. – Mme Michèle Vullien applaudit également.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Larcher

La parole est à Mme Marie-Pierre Monier, pour la réplique.

Debut de section - PermalienPhoto de Marie-Pierre Monier

Madame la ministre, il ne s’agit pas d’un « stock de décisions » ; on parle d’enfants.

Les travailleurs sociaux de la Sauvegarde de l’enfance et de l’adolescence avec qui j’ai discuté hier sont très inquiets. La République a le devoir de protéger ses enfants. Or, aujourd’hui, dans la Drôme, elle est défaillante. À l’heure même où nous évoquons ces enfants, ces derniers sont en danger.

Neuf mois, de janvier à septembre, c’est beaucoup trop long. Si l’on regarde l’ensemble des services publics, les services des urgences, les hôpitaux, les pompiers et la justice sont en danger et vivent un véritable malaise, auquel le Gouvernement est sourd.

Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain et du groupe communiste républicain citoyen et écologiste. – Mme Brigitte Lherbier applaudit également.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Larcher

M. le président. La parole est à M. Alain Fouché, pour le groupe Les Indépendants – République et Territoires.

Applaudissements sur les travées du groupe Les Indépendants – République et Territoires.

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Fouché

Depuis la loi du 21 janvier 1995 d’orientation et de programmation relative à la sécurité, l’État facture le coût d’intervention des forces de l’ordre sur les manifestations sportives, récréatives ou culturelles organisées par les associatifs, mais aussi par les collectivités.

À la suite des attentats de 2015, les mesures de sûreté ont été renforcées et le montant des frais de sécurité a explosé. La circulaire Collomb du 15 mai 2018 a entériné cette hausse et mis en péril de nombreuses associations et manifestations. À titre d’exemple, le montant facturé aux Eurockéennes est passé de 30 000 euros en 2017 à 250 000 euros en 2018. Dans mon département, la Vienne, il est demandé à l’association Au Fil du Son, gérée par 100 bénévoles, entre 15 000 et 30 000 euros pour trois jours de festival, sachant que cette association n’est pas encore informée du montant réel.

Dans les faits, l’application de cette circulaire est aléatoire ; certains critères sont sujets à interprétation par les préfets. Les factures diffèrent selon les départements pour des manifestations identiques. Un rapport a souligné la nécessité de clarifier la loi et d’harmoniser les pratiques.

Un nouveau fonds d’intervention a heureusement pris le relais du fonds d’urgence, mais sa dotation est modeste et son périmètre restreint. Il ne contribuera pas au remboursement des frais de sécurité.

Quelles mesures comptez-vous prendre, monsieur le ministre, pour assurer la pérennité de ces manifestations, qui sont les forces vives de nos territoires ?

Applaudissements sur les travées du groupe Les Indépendants – République et Territoires, ainsi que sur des travées du groupe Union Centriste et du groupe socialiste et républicain. – Mme Françoise Laborde applaudit également.

Debut de section - Permalien
Christophe Castaner

Monsieur le sénateur Fouché, vous avez abordé deux sujets distincts qui concernent la question de la sécurité des manifestations diverses et variées, les manifestations sportives et culturelles, qui peuvent mailler notre territoire et dont chacun ici connaît l’importance.

Le premier sujet, le renforcement des conditions de sécurité à la suite des attentats de 2015, vise à la fois les forces de sécurité intérieure et les sociétés privées. En déplacement vendredi dernier à Nice, dans les Alpes-Maritimes, j’ai visité le site sécurisé pour la fête de la musique, qui était retransmise en direct le soir sur France Télévisions – ce sont des sociétés privées qui sont intervenues.

Il est vrai que les besoins de sécurité se sont accrus, et il est évident que nous devons les assumer collectivement, chacun à notre place. C’est une difficulté, mais les organisateurs de manifestations ont bien compris la situation et ont mis en place des dispositifs.

Le second sujet est celui de la facturation par l’État du coût de l’intervention des forces de sécurité intérieure, dans le cadre d’échanges avec les préfets et les associations ou les organisateurs de ces manifestations, un dispositif prévu, vous l’avez dit, depuis 1995.

Vous m’avez écrit le 29 avril dernier et ma réponse ira dans le même sens que celle que je vous ai faite par écrit au mois de mai, à savoir le respect de la loi, une contrainte à laquelle nous devons faire face.

Comme vous l’avez indiqué, la loi était appliquée de manière distincte d’un territoire à l’autre, d’un département à l’autre. C’est la raison pour laquelle la ministre de la culture et le ministre de l’intérieur se sont mis d’accord l’année dernière pour publier une circulaire, afin de mettre en place les dispositions prévues par la loi, avec la prise en charge par les organisateurs des sollicitations nécessaires pour la sécurité, qui sont bien en deçà du coût réel des interventions de la police et la gendarmerie.

Nous avons demandé aux préfets d’appliquer la loi avec discernement et dans le cadre de discussions. C’est pour cette raison que, en amont des festivals, des conventions doivent être proposées, avec la possibilité de prévoir peut-être un étalement de la prise en charge sur plusieurs années. Tel est le sens du courrier que je vous ai adressé et des instructions que je donne aux préfets : il faut appliquer la loi, en faisant en sorte que cela puisse se faire progressivement, afin que ne se retrouvent pas dans une situation de fragilité des festivals ou des animations, qui sont importants pour nos territoires.

MM. Martin Lévrier et François Patriat applaudissent.

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Fouché

M. Alain Fouché. Monsieur le ministre, merci de votre réponse, mais ce n’est pas aux associations de financer une mission régalienne, celle d’assurer la sécurité des biens et des personnes. Il y a un risque de voir disparaître de nombreuses associations et de nombreux spectacles sur nos territoires. Soyez très attentif, car il s’agit vraiment d’un enjeu très important.

Applaudissements sur les travées du groupe Les Indépendants – République et Territoires et sur des travées du groupe Union Centriste et du groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Larcher

M. le président. La parole est à M. Pierre Charon, pour le groupe Les Républicains.

Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre Charon

Monsieur le président, monsieur le ministre de l’intérieur, mes chers collègues, depuis plusieurs mois, la délinquance explose à Paris. Les chiffres sont catastrophiques : hausse de 8 % des vols avec violence, progression de 34 % des vols à la tire, augmentation de 10 % des cambriolages, sans parler de la multiplication des rixes entre bandes rivales, souvent composées de mineurs, n’est-ce pas, madame Belloubet ?…

La mairie de Paris réclame plus d’effectifs, mais cela ne résout pas les difficultés. Il faut nommer les vrais problèmes pour trouver les vraies solutions.

Monsieur le ministre, comment envisagez-vous de faire baisser les chiffres de la délinquance, alors qu’il n’y a plus de policiers pour se porter candidat à l’investigation ? C’est pourtant la seule solution de nature à boucler des enquêtes et à faire diminuer de façon spectaculaire ces chiffres.

Ensuite, il faut souligner la responsabilité de Mme la maire de Paris, Anne Hidalgo

Protestations sur les travées du groupe socialiste et républicain.

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre Charon

, qui, avant de se convertir aux vertus de la police municipale pour des raisons ridiculement électorales

Mêmes mouvements.

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre Charon

La préfecture de police, dont je salue l’efficacité dans la nouvelle gestion de l’ordre public face à la crise des gilets jaunes, parle de « l’effet important des vagues migratoires » : c’est écrit dans le journal Le Monde du 21 juin dernier.

Monsieur le ministre, l’insécurité devient la préoccupation quotidienne des Parisiens. Des quartiers entiers sont désormais des zones de non-droit. Que comptez-vous faire contre cette déflagration de la délinquance ?

Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Larcher

La parole est à M. le secrétaire d’État auprès du ministre de l’intérieur.

Debut de section - Permalien
Laurent Nunez

Monsieur le sénateur Pierre Charon, loin de nous – le ministre de l’intérieur et moi-même – l’idée de nier la hausse de la délinquance que vous avez soulignée ; elle bien réelle et importante sur les cinq premiers mois de cette année. Pour parler des catégories que vous connaissez bien, nous enregistrons une augmentation de près de 17 % des atteintes aux biens et de près de 11 % des atteintes volontaires à l’intégrité physique des personnes.

Je dois le souligner, mais vous l’avez rappelé, le mouvement des gilets jaunes a forcément eu un impact. En effet, nous avons dû déployer de nombreux effectifs, notamment le samedi, lesquels étaient donc moins disponibles sur la voie publique pour lutter contre la délinquance et mener des investigations judiciaires. Nous avons agi bien évidemment à la demande – une demande bien naturelle et légitime – des élus de la ville de Paris.

Je dois également souligner – c’est un point essentiel à rappeler – que, au cours du mois de mai, l’augmentation a été moins importante – on voit naître une inflexion en ce sens. Dans la même période, nous avons constaté que la préfecture de police avait augmenté son taux d’élucidation, c’est-à-dire son activité. Il convient donc de saluer le courage et la détermination de nos policiers et de la préfecture de police de Paris.

Debut de section - Permalien
Laurent Nunez

Pour répondre au phénomène que vous avez dénoncé, monsieur le sénateur, sachez que, dans les quartiers parisiens qui sont les plus affectés, le préfet de police renforce les effectifs déployés en ayant recours notamment à d’autres unités que celles qui sont dédiées aux commissariats de police.

Par ailleurs, nous allons améliorer l’investigation judiciaire, car, vous avez raison de le rappeler, nous avons un problème pour recruter des officiers de police judiciaire. Christophe Castaner et moi-même travaillons sur ce dossier, afin que des officiers supplémentaires puissent être affectés dès cet automne. Surtout, nous voulons réussir à les fidéliser et à les attirer dans des fonctions qui sont difficiles. C’est tout l’enjeu de l’allégement de la procédure pénale à laquelle la garde des sceaux, Christophe Castaner et moi-même avons procédé.

Enfin, comme vous le savez, un quartier de reconquête républicaine sera mis en place à Paris dans les XVIIIe et Xe arrondissements, quartier qui recevra vingt effectifs supplémentaires pour mieux lutter contre la délinquance.

Soyez assuré, monsieur le sénateur, que la lutte contre la délinquance à Paris restera notre priorité. Le préfet de police, Christophe Castaner et moi-même mettons tout en œuvre pour que ce soit le cas.

Applaudissements sur des travées du groupe La République En Marche.

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre Charon

Monsieur le secrétaire d’État, je vous remercie de cette réponse technique, que je respecte bien sûr. Cependant, je crains, hélas, de devoir vous poser la même question dans un an !

Debut de section - PermalienPhoto de Rachid Temal

M. Rachid Temal. Ce sera après les municipales du coup !

Sourires.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Larcher

M. le président. La parole est à Mme Évelyne Perrot, pour le groupe Union Centriste.

Applaudissements sur les travées du groupe Union Centriste.

Debut de section - PermalienPhoto de Évelyne Perrot

Madame la secrétaire d’État, depuis jeudi dernier, l’association de défense des animaux L214 a mis en ligne une vidéo qui dénonce les conditions de vie des bêtes dans la ferme expérimentale de Sourches. Ce centre privé européen de recherches en nutrition animale et conduite d’élevage y mène des expérimentations, afin d’élaborer et de tester les aliments pour animaux de la marque Sanders, leader français en nutrition animale et filiale du groupe Avril.

L’association pointe du doigt l’utilisation de hublots implantés dans le ventre des vaches, afin de permettre un accès direct à leur estomac et, ainsi, d’étudier leur digestion, et ce pour optimiser leur performance et leur productivité.

Sur la chaîne Public Sénat, Mme Poirson a affirmé que cette pratique était choquante, mais restait scientifiquement utile et ne faisait en rien souffrir les animaux, eu égard à l’absence de stress, même s’il faudrait mieux l’encadrer à l’avenir.

L’Institut national de la recherche agronomique, l’INRA, saisie de cette affaire, rendra ses conclusions d’ici à 2025.

Exclamations ironiques sur des travées du groupe Les Républicains.

Debut de section - PermalienPhoto de Évelyne Perrot

Ce reportage sur la condition animale et la manière dont on traite les bêtes au nom du sacro-saint rendement est, hélas, loin d’être le premier. J’espère que la pétition que j’ai personnellement signée aura une incidence sur le devenir de ce centre de recherches, dont la cruauté dépasse l’entendement. §Le législateur doit faire entendre sa voix pour que l’animal ne soit pas qu’un maillon commercial.

Madame la secrétaire d’État, que pouvez-vous répondre aux Français choqués par cette nouvelle affaire d’animaux bafoués, ainsi qu’aux éleveurs qui sont l’élément clé de cette filière et qui découvrent, comme moi, cette pratique ?

Applaudissements sur les travées du groupe Union Centriste. – Mme Mireille Jouve applaudit également.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Larcher

La parole est à Mme la secrétaire d’État auprès du ministre d’État, ministre de la transition écologique et solidaire.

Debut de section - Permalien
Emmanuelle Wargon

Madame la sénatrice Évelyne Perrot, la recherche sur les animaux, y compris les ruminants, est encadrée par la loi et par des interventions de comités d’éthique. Elle est permise au cas par cas, les autorisations étant accordées par le ministère chargé de la recherche.

La situation que vous relevez concerne la ferme de Sourches. Cette expérimentation a été spécifiquement autorisée par ce ministère en 2014 après un avis favorable du comité d’éthique des Pays de la Loire. Il s’agit d’une pratique de recherche sur les ruminants qui existe depuis plusieurs dizaines d’années, avec comme objectif la réduction des antibiotiques et des émissions de nitrate et de méthane.

M. Joël Labbé proteste.

Debut de section - Permalien
Emmanuelle Wargon

Je ne crois pas que l’on puisse se satisfaire de cette pratique, même si elle est ancienne et menée à des fins scientifiques. La communauté scientifique a le devoir de recourir à des méthodes alternatives, telles que le rumen artificiel ou la modélisation des processus digestifs, avec pour objectif de ne plus opérer de prélèvements sur les animaux.

Au-delà des questions liées à la recherche, le respect du bien-être animal, qui est défendu par François de Rugy et par Didier Guillaume, est une cause très importante. La stratégie gouvernementale dans ce domaine se renforce notamment pour l’élevage, mais également en ce qui concerne la faune sauvage, puisque le ministère de la transition écologique et solidaire a lancé il y a quelques semaines une grande concertation sur le sujet, et un plan d’action dédié sera effectif dès la rentrée 2019.

Applaudissements sur des travées du groupe La République En Marche. – MM. Joël Labbé et Jean-Marc Gabouty applaudissent également.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Larcher

La parole est à Mme Évelyne Perrot, pour la réplique.

Debut de section - PermalienPhoto de Évelyne Perrot

Mme Évelyne Perrot. Madame la secrétaire d’État, l’élevage français souffre et les éleveurs reçoivent de plein fouet la réaction des Français qui découvrent ces images. La filière viande est excessivement attaquée, notre agriculture est incomprise : nous devons aider le monde agricole à rester digne !

Applaudissements sur les travées du groupe Union Centriste.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Larcher

La parole est à M. Abdallah Hassani, pour le groupe La République En Marche.

Debut de section - PermalienPhoto de Abdallah Hassani

Ma question s’adresse à Mme la ministre des outre-mer.

Depuis le 3 juin, Mayotte est encore plus isolée qu’à l’ordinaire. L’un des deux 787-8, seuls avions de l’unique compagnie qui assure la liaison directe avec Paris, est immobilisé pour au moins deux mois. Un contrôle a détecté une nouvelle détérioration précoce et inattendue des ailettes du moteur, déjà sous surveillance depuis l’inspection imposée l’an dernier à l’ensemble des opérateurs de ce type d’avion équipé de moteurs Trent 1000.

Le recours en urgence à l’affrètement d’avions d’autres compagnies est retardé, car il faut assurer aux pilotes une formation sur simulateurs de vol adaptée aux spécificités de la piste courte de Pamandzi.

Il en résulte une perturbation des vols, malvenue en cette période estivale. La plupart d’entre eux sont annulés et reportés. Les escales par La Réunion allongent la durée des trajets. Les déplacements pour affaires, de même que les déplacements familiaux et touristiques sont bouleversés. Tout cela désorganise la vie économique de l’île.

Depuis des années, les Mahorais réclament en vain l’aménagement d’une piste longue qui permettrait le désenclavement de l’île. À cause du monopole de fait d’une compagnie, les autres sociétés aériennes n’investissant pas dans des avions spécifiquement destinés à ne desservir que Mayotte, ils paient leurs billets d’avion très cher et sont à la merci de tout souci technique, sans solution de rechange.

L’apparition brutale d’un volcan sous-marin près de Mayotte avec une menace de submersion ou de tsunami, en premier lieu là même où se trouve l’aéroport, complique encore la donne.

Il faudra trouver et mettre en œuvre sans tarder des solutions innovantes. Dans ce contexte difficile, madame la ministre, quelles actions envisagez-vous ?

Debut de section - Permalien
Annick Girardin

Monsieur le sénateur Hassani, vous m’interrogez sur la desserte aérienne à Mayotte et vous avez raison, parce qu’elle n’est pas satisfaisante aujourd’hui.

J’apporterai quelques précisions rapides.

D’abord, je rappelle que l’avarie qu’a connue le Boeing 787 d’Air Austral n’est pas liée à un défaut d’entretien.

Quand les dirigeants de cette compagnie aérienne m’ont signalé les difficultés techniques de leur appareil, je leur ai immédiatement demandé de faire le maximum pour que les Mahorais souffrent le moins possible de cette situation qui est, il est vrai, difficilement acceptable, notamment dans cette période.

Air Austral souhaite investir dans de nouveaux appareils qui augmenteront les capacités de desserte vers Mayotte comme La Réunion. Des dossiers de demande de défiscalisation ont été déposés, dossiers que nous allons étudier.

De manière plus générale, l’amélioration de la desserte à Mayotte est une préoccupation de ce gouvernement.

Comme vous le savez, le plan d’action pour l’avenir de Mayotte, que j’ai eu l’occasion de vous présenter en mai 2018 à Mayotte même, et dont je suis venu faire le bilan il y a tout juste quelques mois, visait trois objectifs : le premier concernait la sécurité de la piste ; le deuxième portait sur l’amélioration de la desserte aérienne ; le troisième avait trait à l’étude du développement de l’aéroport de Mayotte.

Les engagements ont été tenus.

Concernant la sécurisation de la piste, les lits d’arrêt dont la construction a commencé le 28 juin 2018 ont été inaugurés le 28 mars dernier. Ils ont été conçus pour un coût total de 13, 5 millions d’euros.

S’agissant de l’amélioration de la desserte, nous avons engagé des discussions avec le Kenya pour accroître la fréquence hebdomadaire des vols vers Mayotte.

Enfin, le contrat de convergence et de transformation qui sera signé le 8 juillet prochain ici, à Paris, au ministère des outre-mer, prévoit des études techniques …

Debut de section - Permalien
Annick Girardin

… qui prendront en compte les nouvelles informations dont nous disposons, c’est-à-dire les risques volcaniques et sismiques qui pèsent sur Mayotte aujourd’hui.

Vous pouvez compter sur moi et sur ma vigilance sur ce dossier comme sur les autres !

Applaudissements sur des travées du groupe La République En Marche.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Larcher

M. le président. La parole est à M. Laurent Duplomb, pour le groupe Les Républicains.

Applaudissements nourris sur les travées du groupe Les Républicains.

Debut de section - PermalienPhoto de Laurent Duplomb

Monsieur le Premier ministre, lors de votre discours de politique générale, vous avez une fois de plus appelé l’agriculture française à changer de modèle.

Or, à force de critiquer notre modèle ces dernières années et de distiller ce message, vous amplifiez son déclin !

La production agricole française stagne en volume, alors que celle de nos concurrents augmente. L’excédent commercial agricole a été divisé par deux en cinq ans, et risque de disparaître en 2023.

Les importations augmentent à un tel rythme que, aujourd’hui, les Français consomment uniquement des produits agricoles importés plus d’un jour par semaine, alors même qu’un quart de ceux-ci ne respectent pas les normes imposées en France. Un légume et un fruit sur deux sont importés, ainsi qu’un quart du porc. Et même le jambon bio vient d’Espagne !

Monsieur le Premier ministre, êtes-vous conscient de cette réalité ?

Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et sur des travées du groupe Union Centriste.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Larcher

La parole est à M. le ministre chargé des relations avec le Parlement.

Debut de section - Permalien
Marc Fesneau

Monsieur le sénateur Duplomb, je vous prie d’excuser l’absence de Didier Guillaume, qui ne pouvait pas être présent parmi nous aujourd’hui.

J’ai lu attentivement le rapport que vous avez présenté au nom du Sénat sur l’avenir de l’agriculture française. Vous dressez un bilan sévère de l’état de notre agriculture, en particulier de sa capacité de production et d’exportation. Mais finalement, quand on regarde bien les chiffres, votre bilan porte sur les quinze dernières années.

Partageons le constat qu’une partie du chemin n’a pas été fait et qu’il reste du travail à accomplir collectivement – Gouvernement et Parlement – pour que notre agriculture reconquière à la fois des capacités de production et de la compétitivité.

Vous nous interrogez en particulier sur les distorsions de concurrence et sur la question des normes et des produits importés.

Vous l’avez souligné : les importations de produits agricoles et alimentaires ont fortement augmenté depuis 2000, de même que les exportations, mais dans une moindre mesure. La qualité des produits importés constitue un enjeu majeur en termes à la fois de santé publique et de respect des normes qui sont les nôtres.

Ces produits font l’objet de contrôles stricts par la direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes, la DGCCRF. Les services régionaux réalisent 5 000 prélèvements par an sur les végétaux placés sur le marché.

En 2017, le taux de non-conformité des produits soumis à un contrôle renforcé à l’importation s’élève à 9, 3 %. Il est lié soit à la présence de résidus d’un produit non autorisé, soit au dépassement de ce que l’on appelle la limite maximale de résidus – la LMR – pour un produit dont l’usage est autorisé sur le végétal considéré.

Ce taux de non-conformité, vous avez raison de le souligner, est tout à fait anormal. Pour mieux contrôler ces denrées, nous avons donc décidé de doubler le nombre de prélèvements. Les LMR sont calculés pour chaque denrée et chaque substance, afin d’assurer un traitement efficace et une alimentation saine.

Comme l’a constaté la DGCCRF, la fraude semble plus importante pour les produits importés issus de l’agriculture biologique, ce qui pose un problème de relation de confiance à l’égard des consommateurs. Le Gouvernement met tout en œuvre pour lutter contre cette concurrence déloyale pour les producteurs français auxquels il souhaite évidemment réaffirmer son soutien : c’est une question de respect et de confiance vis-à-vis des consommateurs. C’est aussi une question essentielle pour la compétitivité de notre agriculture !

Applaudissements sur des travées du groupe La République En Marche.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Larcher

La parole est à M. Laurent Duplomb, pour la réplique.

Debut de section - PermalienPhoto de Laurent Duplomb

La réalité, monsieur le ministre, c’est que plus vous opposez les modèles, plus vous favorisez l’agribashing, alors qu’un tiers des agriculteurs a plus de 55 ans et qu’il faudrait renouveler les exploitants plutôt que dégoûter les vocations !

La réalité, c’est que plus vous contraignez nos agriculteurs sans suffisamment contrôler les importations, plus vous ouvrez la porte à des produits qui ne respectent pas les normes françaises !

La réalité, c’est que changer de modèle et monter en gamme se traduira par une segmentation des Français : d’un côté, il y aura ceux qui auront les moyens de se payer une alimentation prétendument plus vertueuse ; de l’autre, il y aura ceux qui seront condamnés à manger exclusivement des produits importés !

Ce gouvernement se caractérise par des annonces qui sont aussi fortes que la réalité de son action est faible.

Alors, monsieur le ministre, j’en appelle à votre bon sens : arrêtez ce jeu de massacre suicidaire pour notre agriculture française !

Bravo ! et applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et sur des travées du groupe Union Centriste.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Larcher

M. le président. La parole est à Mme Frédérique Puissat, pour le groupe Les Républicains.

Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.

Debut de section - PermalienPhoto de Frédérique Puissat

Ma question s’adresse à Mme la ministre du travail.

Ce jour, les partenaires sociaux organisent plusieurs mouvements de contestation de la réforme de l’assurance chômage.

Les uns et les autres peuvent penser ce qu’ils veulent du paritarisme. Pour notre part, nous sommes convaincus de son utilité. Nonobstant les différentes positions, nous nous accordons pour considérer en tout cas qu’il n’est bon ni pour la paix républicaine ni pour l’image de la France que les Français soient dans la rue et que les syndicats soient décrédibilisés.

Vous avez fait le choix, madame la ministre, de passer en force sur la réforme de l’assurance chômage. Pour motiver votre position, vous évoquez deux faits : tout d’abord, les partenaires sociaux n’auraient pas su se mettre d’accord ; ensuite, vous présentez un scénario alarmiste en expliquant que « si on ne fait d’économies, dans dix ans, on n’aura plus de quoi indemniser les chômeurs ».

Mes questions sont les suivantes.

Me confirmez-vous qu’un accord avait été trouvé par les partenaires sociaux le 28 mars 2017, qu’il portait déjà sur le déficit de l’assurance chômage et sur les contrats courts – les négociations se sont certes déroulées sous un autre gouvernement, mais dans lequel figurait Emmanuel Macron –, et que vous ne lui avez pas laissé sa chance ?

Me confirmez-vous qu’un accord avait été trouvé le 22 février 2018 sous votre mandature, qu’il portait également sur les contrats courts et la gestion de la dette, et que vous avez balayé les propositions des partenaires sociaux ?

Me confirmez-vous, enfin, que le scénario alarmiste que vous évoquez, qui serait lié à la dette de l’assurance chômage, n’est pas réaliste et que l’Unédic prévoyait un retour à l’équilibre du dispositif au deuxième semestre 2020 ?

Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.

Debut de section - Permalien
Muriel Pénicaud

Madame la sénatrice Frédérique Puissat, nous ne sommes d’accord qu’avec le début de votre intervention, lorsque vous soulignez l’importance du paritarisme et du dialogue social.

Je vous rappelle les faits.

Dans la loi pour la liberté de choisir son avenir professionnel, nous avons précisé les conditions dans lesquelles s’exerce le rôle des partenaires sociaux en ce qui concerne l’assurance chômage, et appelé à une négociation.

Au mois de septembre dernier, nous avons mené une concertation avec eux, sous l’égide du Premier ministre, pour définir la lettre de cadrage qui leur a été envoyée par la suite. Les partenaires sociaux ont alors eu quatre mois pour négocier. Puis, ils ont demandé un cinquième mois, que le Premier ministre leur a accordé.

M. le Premier ministre opine.

Debut de section - Permalien
Muriel Pénicaud

Nous nous inscrivons donc dans le strict respect de la loi, madame la sénatrice : la loi prévoit que si les partenaires sociaux ne parviennent pas à définir les règles de l’assurance chômage, c’est à l’État de prendre ses responsabilités. Nous prenons donc nos responsabilités !

Depuis le mois de février, nous aurions tout à fait pu faire paraître le décret, mais nous avons préféré attendre pour poursuivre les discussions. Nous reprenons d’ailleurs certains éléments de ces négociations dans la réforme qui sera prochainement publiée par décret, conformément à la loi.

Nous engageons cette réforme pour deux raisons essentielles.

Tout d’abord, le taux de précarité a explosé dans notre pays : neuf embauches sur dix le sont aujourd’hui en contrat extrêmement court.

Ensuite, nous avons fait de grands progrès en matière de retour à l’emploi, mais nous devons aller encore plus loin. Même si le taux de chômage actuel, qui s’élève à 8, 7 %, est inférieur d’un point à celui que nous avons trouvé en arrivant, nous pouvons aller plus loin et, pour ce faire, les efforts en matière de formation et dans le domaine de l’assurance chômage seront primordiaux.

En ce qui concerne la dette de l’assurance chômage, j’ai été très précise : aujourd’hui, 35 milliards d’euros de dette sont garantis par l’État. Si une crise éclatait dans dix ans, comment pourrait-on dégager des marges de manœuvre importantes avec une dette aussi élevée ? Nous ne devons pas laisser la dette de l’assurance chômage reposer sur la génération suivante pour être en mesure de protéger les chômeurs de demain.

Debut de section - Permalien
Muriel Pénicaud

Mme Muriel Pénicaud, ministre. Enfin, il y a un enjeu majeur en matière de formation – je compte beaucoup sur les régions à ce sujet. Aujourd’hui, certaines régions baissent leur budget dédié à la formation des chômeurs et des apprentis, alors que nous devrions veiller ensemble à l’intérêt général.

Applaudissements sur les travées du groupe La République En Marche.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Larcher

La parole est à Mme Frédérique Puissat, pour la réplique.

Debut de section - PermalienPhoto de Frédérique Puissat

Madame la ministre, réformer un dispositif, réformer la France, personne dans cet hémicycle n’en conteste le besoin.

Vous avez fait le choix de passer en force et avez pris un certain nombre de décisions : une partie de l’hémicycle peut y être favorable, l’autre pas. Mais nous ne serons pas associés à ces négociations, pas plus que les partenaires sociaux ne le seront à cette deuxième réforme de l’assurance chômage.

Je tiens simplement à dire que votre passage en force s’appuie sur deux postulats faux. Premièrement, les partenaires sociaux se sont mis d’accord à deux reprises sur les enjeux que vous aviez fixés, une fois en 2017, la seconde en 2018. Deuxièmement, vos chiffres alarmants ne visent qu’un objectif : diviser la France et diviser les Français !

Bravo ! et applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Larcher

La parole est à Mme Angèle Préville, pour le groupe socialiste et républicain.

Debut de section - PermalienPhoto de Angèle Préville

Madame la secrétaire d’État, samedi dernier, en Savoie, syndicats, associations et partis manifestaient contre l’ouverture à la concurrence des barrages hydroélectriques.

L’injonction de la Commission européenne à privatiser la gestion des barrages dans le cadre du renouvellement des concessions se voit donc opposer une réprobation citoyenne et transpartisane pour défendre à la fois la gestion publique et notre bien commun qu’est l’eau.

Un consensus se dessine pour rejeter l’ouverture à la concurrence de ce secteur stratégique d’avenir qui dégage un bénéfice net de 1, 25 milliard d’euros par an.

Les barrages produisent une énergie vertueuse, décarbonée, garante de notre indépendance et disponible immédiatement. Ils jouent de plus un rôle essentiel dans la compensation des variations de production en apportant une réponse fiable à la perte d’inertie des systèmes. Ils permettent enfin de stocker le surplus d’électricité. Bref, leur rôle est central et indispensable pour accompagner le développement des énergies renouvelables.

Notre pays tire aussi de nombreux avantages qui dépassent le seul intérêt énergétique : irrigation, soutien au débit d’étiage, gestion des crues.

Quatre cents barrages, en majorité gérés par EDF, sont concernés par la mise en concurrence. Nous pouvons légitimement avoir un doute sur la gestion, qui sera certainement purement comptable, des futurs opérateurs : ainsi, rien ne nous assure que les opérateurs en question continueront à fournir de l’électricité pendant les périodes moins rentables.

Peut-on brader au plus offrant un patrimoine vertueux, qui fonctionne, qui est sécurisé et a été financé par les Français ? À la fin, tout est-il marchandise ? Quelle est votre religion sur cette ouverture à la concurrence ?

Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Larcher

La parole est à Mme la secrétaire d’État auprès du ministre d’État, ministre de la transition écologique et solidaire.

Debut de section - Permalien
Emmanuelle Wargon

Madame la sénatrice Angèle Préville, le Premier ministre l’a dit lors de son discours de politique générale : la France soutiendra son modèle d’hydroélectricité, qui, comme vous l’avez rappelé, est la première source d’énergie renouvelable, afin de garantir les enjeux d’intérêt public lors du renouvellement des concessions.

Dès 2015, la loi relative à la transition énergétique pour la croissance verte a prévu des mesures protectrices pour les salariés des concessions hydroélectriques, à savoir le maintien de leur statut et la reprise à des conditions équivalentes en cas de nouveau concessionnaire. Nous avons ainsi la garantie que ces salariés se verront proposer une rémunération et des avantages sociaux similaires à ceux dont ils bénéficient actuellement.

Mais surtout, toujours en 2015, la Commission européenne a adressé une mise en demeure aux autorités françaises au sujet de ces concessions hydroélectriques, considérant que les mesures françaises étaient incompatibles avec le droit communautaire. Le Gouvernement continue de contester l’idée d’une rupture d’égalité sur le marché de la fourniture d’électricité au détail et l’idée d’un quelconque avantage discriminatoire accordé à EDF.

Par ailleurs, je vous rejoins : les barrages hydroélectriques, les concessions hydroélectriques constituent des enjeux sociaux, économiques, écologiques majeurs, liés à l’hydroélectricité, en particulier à la gestion de l’eau et à la sécurité des ouvrages.

Toutefois, …

Debut de section - PermalienPhoto de Fabien Gay

M. Fabien Gay. Ah ! On attendait le « mais »…

Sourires.

Debut de section - Permalien
Emmanuelle Wargon

… le principe de mise en concurrence des concessions échues découle du droit national et européen. Le Gouvernement s’y prépare en défendant des principes essentiels, notamment en s’opposant à toute interdiction de candidater pour EDF et à la remise en concurrence des concessions non échues. C’est la défense d’une application équilibrée de la loi relative à la transition énergétique : regroupement des concessions dans une même vallée, prolongation de certaines concessions dans le respect du droit, possibilité de constituer des sociétés d’économie mixte lors du renouvellement des concessions, lorsque les collectivités locales sont intéressées.

Les échanges avec la Commission européenne se poursuivent, mais aucun accord n’a été trouvé à ce stade. Nous défendrons les intérêts généraux des concessions hydroélectriques dans ce débat.

Applaudissements sur des travées du groupe La République En Marche.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Larcher

La parole est à Mme Angèle Préville, pour la réplique.

Debut de section - PermalienPhoto de Angèle Préville

Nous prenons acte de votre réponse et serons particulièrement vigilants sur ce sujet, madame la secrétaire d’État.

Je tiens à rappeler que certains de nos voisins n’ont pas de régime concessif et ne seront donc pas concernés par la mise en concurrence.

Je tiens également à préciser que le renouvellement des concessions dans certaines vallées pourrait remettre en cause l’équilibre patiemment construit : nos territoires ruraux n’ont pas besoin de cette menace !

Enfin, gouverner, c’est être visionnaire, c’est anticiper en responsabilité.

Debut de section - PermalienPhoto de Angèle Préville

Mme Angèle Préville. Il faut avoir suffisamment de sérénité, d’indépendance, en somme de sagesse pour pouvoir rêver la France en privilégiant l’intérêt général et préserver ce qui nous constitue en tant que Nation !

Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain et sur des travées du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Larcher

La parole est à Mme Christine Herzog, pour la réunion administrative des sénateurs ne figurant sur la liste d’aucun groupe.

Debut de section - PermalienPhoto de Christine Herzog

Monsieur le ministre, la décision autoritaire d’abaisser la limitation de vitesse de 90 à 80 kilomètres par heure a été prise sans tenir compte des besoins de nos concitoyens dans leur vie au quotidien et des problèmes spécifiques aux zones rurales. Il n’est donc pas surprenant qu’elle ait provoqué des réactions de colère qui ont été en grande partie à l’origine du mouvement des gilets jaunes.

Tout comme d’autres parlementaires, je me suis opposée à cette mesure impopulaire.

La solution que nous avons adoptée au Sénat consiste à assouplir le dispositif en donnant aux préfets et aux présidents de département le pouvoir de rétablir la limitation de vitesse à 90 kilomètres par heure sur les routes nationales et départementales lorsqu’il n’y a pas de danger particulier.

Or on s’achemine vers une mesure a minima, qui est incohérente, puisque le seuil des 80 kilomètres par heure resterait obligatoire sur toutes les routes nationales, les routes départementales étant les seules susceptibles de bénéficier d’un retour au seuil des 90 kilomètres par heure.

Monsieur le ministre, comment pouvez-vous justifier une telle discrimination entre routes nationales et routes départementales ? Par ailleurs, ne pensez-vous pas qu’il serait plus sage et plus cohérent de conserver une norme nationale à 90 kilomètres par heure et de permettre, a contrario, aux préfets et aux présidents de département de limiter la vitesse à 80 kilomètres par heure dans les endroits les plus accidentogènes ?

Certains membres de la réunion administrative des sénateurs ne figurant sur la liste d ’ aucun groupe applaudissent.

Debut de section - Permalien
Christophe Castaner

Madame la sénatrice, de quoi est-il question ? Nous parlons de prévention, de sécurité, de vies humaines emportées sur nos routes. L’année dernière, 3 248 personnes ont perdu la vie sur les routes.

Ce constat doit être à la base de notre réflexion sur les aménagements à venir, avec un objectif commun, fixé depuis plusieurs années : tout faire pour que le nombre de morts sur les routes baisse.

La mise en place le 1er juillet 2018 de la limitation de la vitesse à 80 kilomètres par heure a largement contribué au caractère exceptionnel du chiffre que je viens de vous donner. Il s’agit du meilleur bilan que nous ayons connu depuis longtemps, même s’il y a encore 3 248 morts !

Le Premier ministre avait annoncé que cette mesure ferait l’objet d’une expérimentation pour une durée de deux ans. Mais vous savez, comme moi, que nous avons rencontré une vraie difficulté pour évaluer les résultats de cette expérimentation en raison de la dégradation massive – vous avez parlé des gilets jaunes – de notre dispositif de contrôle : près de 75 % des radars ont en effet été neutralisés sur les routes départementales de façon provisoire ou définitive.

Par la suite, les chiffres ont montré qu’il y avait eu un relâchement important : plus de soixante morts au premier trimestre 2018 sont précisément liées à une vitesse excessive.

Il faut aujourd’hui engager la discussion avec tous les partenaires. Dans le cadre du grand débat national, les maires et les présidents de département ont ainsi demandé de pouvoir revenir sur cette mesure. C’est exactement ce que l’amendement parlementaire – élaboré par le Sénat, puis examiné par l’Assemblée nationale – a prévu, le tout dans la transparence et sur la base de chiffres objectifs, ceux qui nous permettent justement de constater que la baisse de la vitesse sauve des vies.

C’est sur cette base-là que le Parlement décidera, en application de la loi dite LOM, de donner la faculté aux présidents de département et aux maires de revenir aux 90 kilomètres par heure. Ceux-ci prendront ainsi – c’est une évidence – toutes leurs responsabilités.

Applaudissements sur des travées du groupe La République En Marche.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Larcher

La parole est à Mme Christine Herzog, pour la réplique.

Debut de section - PermalienPhoto de Christine Herzog

Mme Christine Herzog. Monsieur le ministre, nos concitoyens attendent des mesures cohérentes et lisibles, qui simplifieraient leur quotidien, toujours plus compliqué. Revenir à la norme des 90 kilomètres par heure et l’inscrire dans le code de la route serait une mesure de bon sens.

Certains membres de la réunion administrative des sénateurs ne figurant sur la liste d ’ aucun groupe applaudissent.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Larcher

Nous en avons terminé avec les questions d’actualité au Gouvernement.

Les prochaines questions d’actualité au Gouvernement auront lieu le jeudi 4 juillet 2019, à quinze heures.

Mes chers collègues, nous allons maintenant interrompre nos travaux quelques instants.

La séance est suspendue.

La séance, suspendue à dix-sept heures quarante-cinq, est reprise à dix-sept heures cinquante-cinq, sous la présidence de M. Jean-Marc Gabouty.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Grand

Monsieur le président, le 5 février 2019, lors du scrutin public n° 48 intervenu dans le cadre de l’examen du projet de loi relatif à la croissance et la transformation des entreprises, j’ai été comptabilisé comme ayant voté pour, alors que je souhaitais voter contre.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Marc Gabouty

Acte vous est donné de cette mise au point, mon cher collègue. Elle figurera dans l’analyse politique du scrutin.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Marc Gabouty

L’ordre du jour appelle le débat à la suite de la réunion du Conseil européen des 20 et 21 juin 2019.

La parole est à Mme la secrétaire d’État.

Debut de section - Permalien
Amélie de Montchalin

Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, le Conseil européen des 20 et 21 juin derniers a permis aux chefs d’État et de gouvernement d’aborder de nombreux sujets. J’ai eu l’occasion d’échanger avec certains d’entre vous avant ce Conseil. Nous avions alors constaté que l’agenda s’annonçait chargé. Les commentateurs ont volontiers retenu la seule question des nominations, en négligeant parfois les avancées importantes que nous avons enregistrées sur d’autres points, sur lesquels je voudrais revenir.

Pour ce qui est des nominations, sujet largement commenté, les chefs d’État ou de gouvernement, lors de leur rencontre informelle du 28 mai dernier, s’étaient accordés sur une ambition commune largement partagée. Il s’agit bien de trouver une équipe reflétant la diversité de l’Union s’agissant de la géographie, de la démographie, du genre et de l’affiliation politique.

Dans la nuit de jeudi dernier, à Bruxelles, les chefs d’État ou de gouvernement se sont mis d’accord sur ce qu’ils ne voulaient pas : la discussion a ainsi permis d’écarter le principe des candidats chefs de file, appelés Spitzenkandidaten, selon lequel les principales familles politiques de l’Union désignent leur candidat pour la présidence de la Commission européenne. Ainsi, le parti réunissant le plus grand nombre de sièges au Parlement obtient mécaniquement la présidence de la Commission.

Toutefois, comme l’a redit le président du Conseil européen, Donald Tusk, à l’issue de la réunion, aucun des trois candidats identifiés par cette procédure – Manfred Weber pour le PPE, Frans Timmermans pour les socialistes et Margrethe Vestager pour le groupe centriste – n’est apparu susceptible d’obtenir une majorité claire au sein ni du Parlement européen ni du Conseil européen.

Par conséquent, une nouvelle réunion des chefs d’État ou de gouvernement aura lieu dimanche prochain pour achever les discussions et présenter une équipe d’Europe pouvant prendre la tête de la Commission, du Conseil, du Parlement et de la Haute Représentation de l’Union européenne. Nous devons considérer cette échéance comme une date butoir, puisque la première session du Parlement européen, au cours de laquelle les députés européens devront élire leur président, se tiendra le 2 ou le 3 juillet.

Comme l’a dit le Président de la République, il s’agit d’un enjeu non seulement de crédibilité, un mois après des élections européennes ayant fortement mobilisé les citoyens, mais aussi de bon fonctionnement institutionnel. N’ajoutons pas de la lenteur à une discussion pouvant s’avérer difficile à suivre pour de nombreuses personnes.

Je tiens à le rappeler, dans ce cadre, la France n’a qu’une seule exigence : il faut parler du projet européen, avec des critères de compétences plutôt que de nationalité. Ce n’est pas une bataille de drapeaux. Si nous nous plaçons sur le terrain de la bataille d’influence nationale, le projet européen ira dans le mur. Il s’agit avant tout d’une bataille de crédibilité, pour que l’Europe puisse peser et prendre des décisions efficaces au cours des cinq prochaines années.

Le futur président de la Commission devra être une personne expérimentée et crédible, qui sera capable d’assumer des missions difficiles de haut niveau à l’échelon national, au sein de l’Union européenne ou à l’égard de ses voisins, puisqu’il y a également fort à faire à cette échelle.

Mais le Conseil s’est également penché, et c’est heureux, sur la nature du projet européen et le programme stratégique 2019-2024. Il ne s’agit pas d’un document de concept. Au contraire, il détermine très précisément les domaines politiques prioritaires sur lesquels l’Union devra concentrer ses efforts au cours des cinq prochaines années. Il dresse donc l’esquisse de la feuille de route du prochain président de la Commission.

Les quatre grandes priorités identifiées dans ce programme ont fait l’objet d’un large consensus parmi les États membres : protéger les citoyens et les libertés ; mettre en place une base économique solide et dynamique ; construire une Europe neutre pour le climat, verte, équitable et sociale ; et promouvoir les intérêts et les valeurs de l’Europe sur la scène mondiale. Ce programme stratégique fixe ainsi un cap clair, qui correspond pleinement aux priorités défendues par la France depuis maintenant plusieurs années, comme en témoignent les interventions du Président de la République et un certain nombre de travaux parlementaires.

Notre pays assumera également une responsabilité particulière au cours de ce nouveau cycle institutionnel, puisqu’il prendra la présidence du Conseil au premier semestre 2022, soit à mi-parcours.

Par ailleurs, comme nous l’avons demandé, le Conseil européen reviendra sur le sujet du programme stratégique en octobre prochain, ce qui lui permettra d’examiner, en concertation avec le futur président ou la future présidente de la Commission européenne, les moyens de mettre en œuvre concrètement cet agenda dans le cadre du programme de travail de la Commission et des feuilles de route des différents commissaires européens.

Les chefs d’État ou de gouvernement ont examiné d’autres sujets prioritaires de l’ordre du jour européen.

La discussion sur le cadre financier pluriannuel 2021-2027 a permis au Conseil de saluer les travaux réalisés sous la présidence roumaine, synthétisés dans la « boîte de négociation », support du futur accord politique, et d’inviter la présidence finlandaise à poursuivre ces travaux et à affiner cette boîte, en présentant des chiffres, similaires ou différents de la proposition initiale de la Commission.

Sur cette base, les chefs d’État ou de gouvernement sont convenus d’avoir un nouvel échange de vues sur ce sujet en octobre prochain, dans la perspective de parvenir à un accord avant la fin de l’année 2019. En effet, pour une mise en œuvre le 1er janvier 2021, il est essentiel de conclure tôt les négociations, afin que les États et les régions puissent ensuite utiliser pleinement les fonds.

Nous avons également engagé des échanges particulièrement intéressants avec l’ensemble des autorités finlandaises. J’ai moi-même rencontré mon homologue très récemment, afin de lui faire part des priorités de la France, de ses inquiétudes et, surtout, de l’état d’esprit dans lequel elle souhaite aborder une discussion budgétaire essentielle.

La discussion sur la lutte contre le changement climatique a donné lieu à des échanges nourris. Si les conclusions sur le climat ne sont pas aussi ambitieuses que nous l’aurions souhaité, les Vingt-Huit ne s’étant pas accordés à reconnaître qu’il fallait atteindre la neutralité carbone en 2050, c’est parce que quatre États membres continuent toujours d’opposer transition climatique et compétitivité de leur appareil industriel et à faire valoir des circonstances nationales pour empêcher de faire de l’Union un véritable chef de file en matière de lutte contre le changement climatique.

Nous aurions en effet souhaité entériner le fait que l’Union présenterait un message unifié lors de la réunion qui se tiendra le 23 septembre prochain à New York, organisée sur l’impulsion du secrétaire général de l’ONU, António Guterres, pour faire un point sur les initiatives prises par les différents pays.

L’objectif de la neutralité climatique de l’Union en 2050 n’a donc pas été inscrit dans le texte des conclusions, mais figure néanmoins dans une note en bas de page. Pour autant, vingt-quatre pays s’y sont ralliés. Nous n’étions que huit au sommet de Sibiu le 9 mai dernier, et seulement quatre au mois de mars. Sur cette proposition, formulée par la France, nous avons donc réussi à rassembler largement.

La problématique du financement a été posée. Nous avons invité la Banque européenne d’investissement à intensifier ses activités en faveur de l’action climatique. Ce point fait écho à la proposition soutenue par la France de créer une banque européenne du climat.

Les conclusions du Conseil européen rappellent également les efforts à fournir pour renforcer la résilience des démocraties face à la désinformation, aux fake news, et améliorer la capacité de réaction de l’Union face aux menaces hybrides et cyber. À la demande de la France, le Conseil a invité les institutions de l’Union européenne, ainsi que les États membres, à œuvrer à des mesures visant à renforcer la résilience et à améliorer la culture de sécurité de l’Union européenne, notamment pour mieux protéger les réseaux d’information et de communication de l’Union, ainsi que ses processus décisionnels, contre les actes de malveillance de tout type. La cyberguerre existe bel et bien, nous pouvons aujourd’hui le constater au Moyen-Orient, et il convient que l’Europe puisse se protéger de ses risques.

Les relations extérieures ont aussi été au cœur de ce Conseil européen, au vu de l’actualité et des priorités de l’Union en la matière.

Le Conseil européen, sur notre initiative, a réaffirmé l’importance du partenariat stratégique de l’Union européenne avec l’Afrique, tout en appelant à le développer davantage. Il a également souligné le caractère essentiel pour l’Union de la stabilité, de la sécurité et de la prospérité des pays de la rive sud de la Méditerranée. Le Président de la République a eu l’occasion de réaffirmer ce dernier point ce week-end, à l’occasion du sommet des Deux Rives, qui s’est tenu à Marseille. La France fera des propositions pour que l’Union européenne renforce son partenariat avec le sud de la Méditerranée.

Le Conseil européen a par ailleurs décidé de renouveler, pour six mois supplémentaires, les sanctions sectorielles européennes appliquées à la Russie. Ces dernières sont non pas une fin en soi, mais un moyen d’encourager le règlement pacifique du conflit au Donbass. Nous n’observons malheureusement à ce stade aucune avancée dans la mise en œuvre des accords de Minsk, qui conditionnent l’allégement de ces sanctions.

Un sommet de la zone euro a été organisé vendredi matin en marge du Conseil européen, en présence de Mario Draghi et Mario Centeno, le président de l’Eurogroupe, dans un format inclusif, c’est-à-dire à vingt-sept, soit avec des pays qui ne sont pas membres de cette zone.

Il a permis de faire un bilan exhaustif de l’accord trouvé lors du conseil Écofin qui s’était tenu la semaine précédente, après l’accord franco-allemand de Meseberg de juin 2018 et l’accord des vingt-sept chefs d’État ou de gouvernement en décembre 2018 pour renforcer et approfondir l’Union économique et monétaire. À cet égard, les chefs d’État ou de gouvernement ont salué les progrès réalisés par l’Eurogroupe sur la révision du traité sur le mécanisme européen de stabilité, qui vise notamment à faciliter l’utilisation de ce mécanisme en cas de crise, et la création d’un instrument budgétaire pour la convergence et la compétitivité de la zone euro. Il s’agit d’une esquisse d’un budget de la zone euro.

Ces accords sont positifs, mais ne sont pas suffisants. Des clarifications doivent encore être apportées, notamment sur la gouvernance et le financement d’un tel budget. Comme nous l’avons dit à plusieurs reprises, il faut un budget de taille suffisante, crédible, doté d’une gouvernance spécifique, un budget qui ne puisse pas être confondu avec une ligne budgétaire des Vingt-Huit.

Enfin, une discussion en format article 50 a été organisée à l’issue du Conseil européen pour évoquer la situation du retrait britannique depuis le sommet du 10 avril. Les vingt-sept chefs d’État ou de gouvernement ont fait part de leur pleine disponibilité pour travailler avec le prochain Premier ministre britannique, tout en rappelant que l’approche de l’Union quant aux négociations restait inchangée : s’il n’est pas envisageable de rouvrir l’accord de retrait, qui reste la seule option pour assurer un retrait ordonné du Royaume-Uni, ils sont prêts à travailler sur la déclaration relative aux relations futures, la fameuse déclaration politique, si la position britannique venait à évoluer à ce sujet.

Sur tous ces sujets, mesdames, messieurs les sénateurs, je serai ravie d’écouter vos observations et de répondre à vos questions.

Applaudissements sur les travées du groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen. – M. le président de la commission des affaires étrangères, MM. René Danesi et Jean-Marie Bockel applaudissent également.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Marc Gabouty

La parole est à M. le président de la commission des affaires étrangères.

Debut de section - PermalienPhoto de Christian Cambon

Madame la secrétaire d’État, je vous remercie de votre aperçu assez complet des nombreux thèmes abordés lors du dernier Conseil européen. Je me réjouis de la qualité du dialogue que vous avez souhaité engager avec notre assemblée dès votre prise de fonction. Il est utile et fécond. Vous pouvez compter sur le Sénat pour vous soutenir dans toutes vos initiatives visant à refonder l’Union européenne.

Cela dit, au nom de la commission des affaires étrangères, je formulerai quatre observations. Elles portent sur la défense, la Russie, l’élargissement et la Turquie.

Je ne peux pas ne pas évoquer la défense, au lendemain du salon du Bourget où a été signé l’accord avec l’Allemagne et l’Espagne sur l’avion de combat du futur, et à la veille de l’examen, en commission des affaires étrangères, du traité d’Aix-la-Chapelle.

Je proposerai à mes collègues d’adopter le traité signé avec l’Allemagne, mais j’appellerai à des avancées concrètes sur le volet « export de défense ».

La réaffirmation symbolique de l’amitié franco-allemande est, nous en sommes tous d’accord, une nécessité absolue dans un contexte marqué par le Brexit et la montée des rivalités entre puissances. Le moment est bien choisi pour donner un successeur au traité de l’Élysée de 1963, car l’amitié franco-allemande est non seulement la grande réussite de l’après-guerre, mais surtout, aujourd’hui, le socle de la pérennité de l’Union européenne.

Vous connaissez notre préoccupation sur un volet essentiel du traité : la coopération sur les programmes de défense, clé de l’indépendance stratégique européenne future. Au-delà de la volonté d’avancer manifestée par le texte et les dirigeants des deux côtés du Rhin, de nombreuses incertitudes pèsent sur les projets communs, qu’ils concernent les avions, les drones ou les chars lourds. Je parle évidemment de la politique d’exportation. On ne peut vouloir construire un avion de combat européen ensemble et tout faire pour qu’il soit impossible de l’exporter. C’est une question de cohérence !

Debut de section - PermalienPhoto de Christian Cambon

Les bisbilles du partage industriel ne doivent pas empêcher la défense européenne d’avancer. Le Président de la République et la Chancelière l’ont clairement dit, c’est 50-50, et on pourra exporter librement. Tels sont les principes ! Appliquons-les !

Le Sénat va bien sûr mouiller sa chemise, si je puis me permettre cette expression, sur ce dossier vital, en faisant jouer ses liens privilégiés avec la commission de la défense du Bundestag, acteur clé dans ce dossier. Comptez sur moi pour aborder cette question avec le président Wolfgang Hellmich, que je rencontrerai très bientôt à Bâle, en compagnie de mon collègue de l’Assemblée nationale. Vous le voyez, le Parlement, ça peut servir ! Au salon du Bourget, nous n’avons cessé d’entendre des appels à un meilleur dialogue entre les parlementaires de nos deux pays.

Debut de section - PermalienPhoto de Christian Cambon

S’agissant de la Russie, mes observations n’étonneront personne, tant la position de la commission est constante et connue : il faut dialoguer, avec fermeté et détermination. Oui, nous condamnons l’annexion de la Crimée ; oui, nous demandons l’application des accords de Minsk et la libération des marins ukrainiens ; oui, nous demandons aux Russes de modérer leurs alliés iraniens et d’agir sur leur allié syrien pour mettre fin à l’atrocité des bombardements à Idlib.

Cependant, la Russie est un grand partenaire stratégique, au cœur de la résolution des crises au Moyen-Orient, mais aussi en Europe. Il est tout de même invraisemblable de constater qu’on parlait davantage aux Russes du temps de la guerre froide ! À cet égard, je me félicite de la rencontre organisée hier entre les Premiers ministres de France et de Russie. Car il faut ouvrir un nouvel espace de dialogue avec la Russie.

La réintégration de la Russie au sein du Conseil de l’Europe, dont le principe a été adopté hier soir, permettra aux citoyens russes opposants de déposer des recours auprès de la Cour européenne des droits de l’homme, la CEDH. Je remercie les membres de notre assemblée siégeant à Strasbourg d’avoir voté en ce sens.

Bien évidemment, nous attendons des signes de nos amis russes, qui doivent notamment s’engager à exécuter les jugements de la CEDH. Une telle attitude, très positive, serait appréciée.

Pour ce qui concerne l’élargissement, madame la secrétaire d’État, vous avez indiqué la semaine dernière que la question de l’ouverture des négociations d’adhésion avec l’Albanie et la Macédoine du Nord ne serait finalement discutée qu’en octobre, dans l’attente d’une position du Bundestag. Mais vous n’avez pas clairement exprimé la position que la France adoptera à ce sujet.

La Commission européenne met en avant les progrès effectués par ces deux pays. Il nous faut bien sûr éviter qu’ils ne basculent sous d’autres influences – ici même, nous recevons leurs représentants quasiment chaque semaine. La mise en scène du rapprochement récent entre la Serbie et la Russie est, en la matière, une vraie piqûre de rappel. Le Président de la République puis le président Larcher se rendront d’ailleurs prochainement en Serbie – c’est une bonne chose.

Mais l’Union européenne ne nous semble pas prête à accueillir de nouveaux membres !

Debut de section - PermalienPhoto de Christian Cambon

Elle se débat toujours avec le Brexit et avec sa propre refondation. Là est, aujourd’hui, la priorité : refonder l’Europe ! C’est ce que nous pensons ; c’est aussi ce que pense notre opinion publique. J’aimerais, à cet égard, que vous précisiez quelle est la position exacte de la France au sujet de l’ouverture de nouveaux processus d’adhésion.

Un mot, enfin, sur la Turquie.

Voilà l’Union européenne prête à prendre des sanctions à l’égard d’un État qui est un candidat à l’adhésion depuis plus de trente ans. Nous saluons la fermeté du Conseil face aux activités de forage illégales en Méditerranée orientale et en mer Égée, facteur de déstabilisation pour plusieurs États membres de l’Union européenne, notamment la Grèce et Chypre, où j’irai moi-même dans quarante-huit heures.

Mais la Turquie est un partenaire stratégique, membre de l’OTAN. Notre coopération antiterroriste est essentielle. Nous avons besoin de la Turquie dans la gestion des migrations.

Il y a peu de chances de voir les menaces de sanction faire effet – vous l’avez dit vous-même, madame la secrétaire d’État ! Qu’a-t-on à gagner à éloigner chaque jour un peu plus la Turquie de l’Union européenne ? Les dirigeants turcs ne sont pas le peuple turc : on le constate au résultat des élections municipales d’Istanbul. Et les électeurs turcs ne sont peut-être pas aussi naïfs qu’on le pense !

Quelle sera donc la position du Gouvernement ? La priorité n’est-elle pas de recréer des marges d’action et de dialogue avec la Turquie ?

Voilà, madame la secrétaire d’État, quelques éléments issus du travail de la commission des affaires étrangères.

Dans la situation compliquée que vit et que va vivre l’Europe avec le Brexit, nous devons évidemment adopter, sur tous ces sujets, des positions claires. Le Sénat est prêt à vous accompagner ; poursuivons notre dialogue et veillons à ce que les intérêts de la France soient privilégiés dans ce grand continent qui est le nôtre. Je souhaite que vous multipliiez les initiatives permettant de renforcer l’Europe.

Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et sur des travées du groupe du groupe Union Centriste et du groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen. – M. Jean-Yves Leconte applaudit également.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Marc Gabouty

La parole est à M. le vice-président de la commission des finances.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Dominati

Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, la réunion du Conseil européen qui s’est tenue la semaine dernière, la première depuis les élections européennes, était très attendue pour fixer le cap de l’Union européenne jusqu’en 2024.

Or, loin de tenir ses promesses, cette réunion a surtout confirmé l’existence de divergences majeures entre les États membres, le Conseil européen renvoyant d’ailleurs à une date ultérieure la prise des décisions concernant les principaux sujets intéressant la commission des finances.

Premièrement, le Conseil reste prudent, dans ses conclusions, sur l’état d’avancement des négociations relatives au prochain cadre financier pluriannuel.

Il se contente en effet de « saluer » les travaux déjà réalisés, tout en prévoyant un « échange de vues » sur le sujet en octobre prochain. Certes, le temps européen relève du temps long, et le prochain cadre financier pluriannuel déterminera les moyens financiers de l’Union européenne jusqu’en 2027.

Toutefois, ce retard pèsera nécessairement sur les conditions de démarrage des programmes nationaux bénéficiant des fonds européens, alors que ceux de l’actuelle programmation ont déjà pâti de difficultés importantes. Espérons, madame la secrétaire d’État, que la présidence finlandaise trouvera une issue favorable à ces négociations. Elle dispose pour cela d’un délai serré.

Deuxièmement, à défaut de réussir à s’accorder sur la nomination du futur président de la Commission européenne, et, plus globalement, sur la répartition des nominations aux postes clés des institutions européennes, les vingt-sept États membres ont adopté un programme stratégique pour les années à venir.

Ce programme stratégique vise à orienter les travaux des institutions européennes au cours des cinq prochaines années. Il s’articule autour de quatre priorités, dont celle de construire une « base économique solide et dynamique » ; reste à savoir qui l’incarnera.

Ce programme stratégique, sans apporter de propositions concrètes, maintient l’approfondissement de l’union économique et monétaire au rang des priorités de l’Union européenne. Or l’affirmation de cette priorité contraste quelque peu avec les conclusions du sommet de la zone euro qui s’est tenu vendredi en format élargi.

En effet – c’est le troisième point que je souhaite développer –, ledit sommet a confirmé la révision à la baisse des ambitions de réforme pour la zone euro, que l’Eurogroupe avait déjà esquissée la semaine précédente.

Les États membres ont validé l’accord a minima trouvé sur la capacité budgétaire de la zone euro, abandonnant ainsi la fonction de stabilisation de ce budget que préconisait la France depuis deux ans maintenant. Madame la secrétaire d’État, je ne reviendrai pas sur l’ampleur et l’utilité réduites de ce nouvel instrument budgétaire. Le président de la commission des finances, Vincent Éblé, a lui-même, en la matière, exposé ses réserves la semaine dernière.

Les vingt-sept États membres se sont en revanche accordés sur la nécessité de progresser s’agissant du troisième pilier de l’union bancaire, à savoir le système européen de garantie des dépôts. Pour rappel, en décembre 2015, la commission des finances avait déjà adopté une proposition de résolution sur l’approfondissement de l’union économique et monétaire, dans laquelle elle avait souligné l’effort contributif significatif que représentait le système européen de garantie des dépôts pour les établissements bancaires français.

Elle restera attentive à ces évolutions ; il convient néanmoins de noter que les discussions sont bloquées, sur ce sujet, depuis près de trois ans. Il semble donc peu réaliste de croire à un accord à brève échéance.

Enfin, les États membres ont validé l’accord de l’Eurogroupe relatif à la réforme des statuts du mécanisme européen de stabilité, le MES. Ce dernier devrait constituer un filet de sécurité du Fonds de résolution unique d’ici à 2024. La commission des finances a déjà salué les progrès réalisés en ce sens, permettant de renforcer la résilience de notre système bancaire.

Toutefois, je veux attirer votre attention, madame la secrétaire d’État, sur le poids des contributions des banques françaises au Fonds de résolution unique. En 2018, celles-ci ont représenté 2, 3 milliards d’euros au total. Or, l’ACPR, l’Autorité de contrôle prudentiel et de résolution, prévoit qu’elles devraient s’élever à 15, 5 milliards d’euros en 2023, soit près de sept fois plus !

La montée en puissance du Fonds de résolution unique doit s’accompagner de règles claires du calcul des contributions, afin de rendre le montant de ces dernières prévisible. Un équilibre doit être trouvé entre la sécurisation du système bancaire européen et les performances de nos établissements financiers.

Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains. – Mme Véronique Guillotin applaudit également.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Marc Gabouty

La parole est à M. le vice-président de la commission des affaires européennes.

Debut de section - PermalienPhoto de Cyril Pellevat

Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, le président de la commission des affaires européennes, M. Jean Bizet, participait ces deux derniers jours à la réunion de la Cosac, la Conférence des organes spécialisés dans les affaires communautaires, à Bucarest. Il vous prie de bien vouloir excuser son absence, qui n’était pas prévisible, et m’a confié le soin de m’exprimer à sa place, au nom de la commission.

Comme vous aviez pu le constater lors de notre débat de jeudi dernier, madame la secrétaire d’État, notre commission avait de fortes attentes à l’égard de la réunion du Conseil européen qui s’est tenue les 20 et 21 juin. Sans doute certaines de ces attentes sont-elles déçues à l’issue de ce sommet ; en effet, cette réunion n’aura pas permis de faire émerger les noms des futurs dirigeants des institutions européennes. Il est un peu tôt pour savoir si le Conseil européen a définitivement enterré le processus des Spitzenkandidaten, prévu pour consacrer la tête de liste du groupe parlementaire européen sorti le plus puissant des urnes.

Restent ouvertes à ce jour, en tout cas, certaines options que la France pourrait valablement soutenir. Il est encore possible de nommer, comme nous l’espérons, des personnes expérimentées et crédibles aux postes de président de la Commission, de président du Conseil ou de Haut Représentant de l’Union pour les affaires étrangères et la politique de sécurité.

Sans doute cette réunion du Conseil européen aura-t-elle aussi été décevante sur le sujet du climat. Vous l’avez rappelé, madame la secrétaire d’État : l’enjeu climatique sera au cœur du sommet qu’organisent les Nations unies en septembre prochain, afin que les objectifs de l’accord de Paris puissent être atteints.

Le Gouvernement aurait voulu faire de l’Europe un fer de lance dans cette perspective. Mais le Conseil européen a malheureusement échoué à s’accorder sur l’échéance de 2050 pour parvenir à la neutralité carbone.

S’agissant par ailleurs du cadre financier pluriannuel, de l’élargissement ou même du Brexit, les chefs d’État et de gouvernement ont renvoyé ces dossiers au mois d’octobre. Bref, les sujets épineux restent devant nous.

Pourtant, le bilan de cette dernière réunion du Conseil européen est loin d’être maigre.

L’agenda stratégique de l’Union européenne pour les cinq prochaines années a été arrêté. Il s’organise autour de quatre priorités : la protection des citoyens et des libertés, le développement d’une base économique solide pour l’Union européenne, la construction d’une Europe verte, juste et sociale et la promotion des valeurs et des intérêts de l’Europe dans le monde.

Il trace une route claire et ambitieuse pour l’Union, qui nous semble adaptée aux immenses défis auxquels celle-ci est confrontée : transition climatique, pression migratoire, extraterritorialité du droit américain, concurrence de la Chine, atteintes au multilatéralisme, menace terroriste, affirmation des mouvements populistes, enjeux de la numérisation.

Le Conseil européen n’est en outre pas resté muet sur les tensions internationales du moment, alors que la voix de l’Europe est attendue : il a réaffirmé la primauté des accords de Minsk face aux récentes provocations russes en Ukraine ; il n’a pas passé sous silence les forages menés par la Turquie dans la zone économique exclusive de Chypre – il a ainsi chargé la Commission et le Service européen d’action extérieure de lui proposer des mesures de nature à porter un coup d’arrêt à ces incursions inadmissibles dans le territoire d’un État membre de l’Union.

Il a également rappelé l’importance de la politique de voisinage, à l’Est comme au Sud, appelant à se rapprocher des pays de l’autre rive de la Méditerranée, particulièrement le Maroc, mais aussi du continent africain dans son ensemble.

Le sommet de la zone euro en configuration élargie qui a suivi la réunion du Conseil européen offre aussi certains motifs de satisfaction : il a entériné la création d’une capacité budgétaire pour la zone euro. Sa voilure est certes réduite par rapport aux ambitions françaises, mais il constitue un premier embryon décisif d’un dispositif que nous appelions de nos vœux depuis longtemps.

A également été affirmée la nécessité de poursuivre l’approfondissement de la zone euro dans deux directions : la réforme du mécanisme européen de stabilité et l’établissement du fonds européen de garantie des dépôts. Il était important de rappeler ces objectifs pour continuer de consolider la monnaie unique, qui en a besoin.

Au nom de la commission des affaires européennes, je crois donc pouvoir conclure que cette réunion du Conseil européen et le sommet de la zone euro qui l’a suivie, même s’ils laissent pendantes des questions centrales, ont été décisifs, et je me félicite que la voix de la France semble y avoir été en grande partie entendue.

Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et sur des travées du groupe Union Centriste. – Mme Colette Mélot applaudit également.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Marc Gabouty

M. le président. La parole est à Mme Véronique Guillotin.

Applaudissements sur les travées du groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen.

Debut de section - PermalienPhoto de Véronique Guillotin

Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, Jean Monnet le soulignait dans ses mémoires : « Rien n’est possible sans les hommes, rien n’est durable sans les institutions. » Aussi, après l’échec des tractations sur les nominations aux grandes institutions européennes lors de la dernière réunion du Conseil européen, il faut espérer que le prochain et imminent sommet exceptionnel produise des résultats.

En effet, à cette heure, le suspense reste entier quant à l’identité de ceux qui occuperont ce que l’on appelle les « top jobs ».

S’agissant en particulier de la prestigieuse Commission européenne, le système des Spitzenkandidaten étant visiblement hors-jeu, et faute de règles très précises dans les traités, seule subsiste la nécessité de parvenir à un consensus le plus large possible entre les membres du Conseil européen, afin que la nouvelle mandature ne s’ouvre pas sur les traces de désaccords.

On sait que la désignation du candidat à la présidence de la Commission résulte, d’une part, d’un équilibre au sein de l’ensemble des nominations, et, d’autre part, des souhaits de certains États membres particulièrement proactifs en raison de leur poids politique.

J’ajouterai, madame la secrétaire d’État, que la compétence et l’expérience sont bien entendu, comme vous l’avez dit, les conditions requises pour accéder aux quatre plus hauts postes de l’Union – ces conditions sont évidemment un gage de crédibilité pour les institutions européennes.

En outre, nos concitoyens, qui se sont davantage mobilisés, le 26 mai dernier, qu’ils ne le font d’ordinaire pour des élections européennes, ne comprendraient pas que leur expression ne soit pas respectée, d’autant plus que le contexte est celui, depuis quelques années, d’un affaiblissement de la démocratie représentative. Aussi, sans méconnaître le résultat du PPE, le parti populaire européen, il me semble que le recentrage politique au centre ne doit pas être ignoré, non plus que le renforcement du pôle des écologistes.

En attendant, qui que soient ceux ou celles qui seront à la tête des grandes institutions, l’Europe est avant tout un projet à porter. Dans cet esprit, on peut déjà se réjouir que le Conseil européen ait adopté l’agenda stratégique pour les cinq prochaines années.

Soucieux de l’approfondissement des politiques communautaires, le RDSE adhère naturellement à la plupart des grandes priorités affichées dans ce cadre.

En effet, dans le monde de plus en plus ouvert qui est celui d’aujourd’hui, comment ne pas souscrire aux grandes lignes que la Commission a rappelées à Sibiu en mai dernier : promouvoir les valeurs européennes, protéger les citoyens et les libertés, développer un tissu économique fort et stable et construire une Europe sociale, juste, verte et neutre ?

Mais tout cela suppose de surmonter les fractures qui ralentissent, quand elles ne la bloquent pas, l’avancée d’un grand nombre de dossiers.

Nous l’avons d’ailleurs hélas constaté, s’agissant de l’objectif d’une Europe durable, avec la question du climat, qui était un des principaux points à l’ordre du jour de la réunion du Conseil européen. En effet, les chefs d’État et de gouvernement ne sont pas parvenus à s’entendre.

En tout cas, la formule retenue dans les conclusions du Conseil européen est un peu légère : « assurer une transition vers une Union européenne climatiquement neutre ». Que devient, dans ces conditions, l’objectif de neutralité carbone à l’horizon 2050 ? C’est un mauvais signal qui est ainsi envoyé par l’Union européenne, tant dans la perspective du sommet sur le climat prévu en septembre prochain qu’au regard de la mobilisation croissante de la jeunesse européenne sur ce sujet – cet intérêt s’est vraisemblablement manifesté dans les urnes le 26 mai dernier, ne l’oublions pas.

En la matière, les réticences des pays de l’Est, qui voient venir le coût de la politique de décarbonisation de l’économie, doivent être entendues. La question de la solidarité financière est ainsi sur la table, car ce qui se passe à l’Est concerne l’Ouest, donc nous concerne, le dérèglement climatique n’ayant pas de frontières.

Le Conseil européen s’est également penché sur le prochain cadre financier pluriannuel 2021-2027, qui soutiendra notamment l’agenda stratégique. On sait que les négociations sont difficiles, car, là aussi, si les États membres partagent un grand nombre d’objectifs, lorsqu’il s’agit d’entrer dans les détails, chacun avance ses propres priorités.

Nous devons reconnaître que la France a les siennes. En effet, est-il utile de rappeler ici, au Sénat, que notre pays est particulièrement attaché au maintien d’une PAC, ou politique agricole commune, volontaire et dynamique ?

Or, à terme, si les ressources budgétaires n’augmentent pas plus significativement, soit au-delà de 1, 08 % du RNB, ou revenu national brut, de l’Union à vingt-sept, il est à craindre que les politiques traditionnelles ne soient la variable d’ajustement de la satisfaction des nouveaux besoins de l’Union européenne. Mais je ne doute pas que le Gouvernement continuera à défendre la PAC et les programmes de cohésion, deux politiques chères au Sénat.

S’agissant toujours de la question financière, je m’interroge aussi sur l’articulation du futur instrument de capacité budgétaire de la zone euro, destiné à conforter la compétitivité, avec le cadre financier pluriannuel. Comment voyez-vous les choses sur ce sujet, madame la secrétaire d’État ?

Quelques mots, enfin, sur l’Europe de la sécurité, et en particulier sur deux volets évoqués lors de la réunion du Conseil européen : la cybersécurité, d’une part, et les sanctions contre la Russie, d’autre part.

Comme vous le savez, mes chers collègues, l’Union européenne envisage de renforcer sa réglementation en matière de cybersécurité, et le Conseil européen, le 18 octobre dernier, avait préconisé des mesures fortes, dont des mesures restrictives, permettant de décourager les cyberattaques. Où en sommes-nous de ces mesures, des moyens dévolus à l’Agence européenne de la cybersécurité et de la mise en œuvre d’un système de certification de cybersécurité à l’échelle de l’Union européenne ?

La sécurité, c’est aussi et bien sûr celle qui doit être assurée à nos frontières et au-delà, via les actions que mène l’Union européenne en matière de relations extérieures.

Je m’arrêterai sur un seul point : la question des sanctions économiques contre la Russie, que le Conseil européen a décidé de reconduire pour six mois. Il me semble que la reconduction est un bon compromis entre l’assouplissement et le durcissement, compte tenu des incidents en mer d’Azov. Le RDSE est pour sa part attaché à une position d’équilibre permettant de ne pas bloquer la situation sur le plan diplomatique. C’est d’ailleurs dans cet esprit que le Conseil de l’Europe a décidé, cette nuit, de rouvrir ses portes à la Russie.

Du côté ukrainien, la présidence Zelensky va-t-elle ouvrir une nouvelle ère et relancer l’application des accords de Minsk, sachant que les relations avec la Russie sont compliquées ?

Le président ukrainien a réservé sa première visite bilatérale, la semaine dernière, à la France. Aussi, madame la secrétaire d’État, auriez-vous peut-être un éclairage à nous apporter sur ses intentions.

Mes chers collègues, tels sont quelques-uns des messages que je souhaitais vous communiquer, au nom du groupe du RDSE, qui est profondément attaché à l’Europe et, par conséquent, toujours attentif aux décisions du Conseil européen.

Applaudissements sur les travées du groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen. – Mmes Catherine Fournier et Colette Mélot et M. Claude Haut applaudissent également.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Louis Masson

Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, je veux profiter de cette intervention pour regretter que la France cautionne une politique très partisane de l’Europe, qui est à la fois hostile à la Russie et tolère n’importe quoi de la part des États-Unis.

M. Poutine est un homme dix fois moins dangereux que M. Trump pour la paix dans le monde ! M. Poutine gère les dossiers de proximité qui concernent la Russie ; on parle toujours de la Crimée, mais on oublie de rappeler que la population qui y vit est à 80 % russe ! Je soutiens tout à fait, à ce titre, la politique de la Russie en Crimée : il est absolument normal qu’un territoire habité à 80 % par des Russes puisse se prononcer par voie électorale sur son rattachement à la Russie, et que le rattachement ait lieu si ceux qui y vivent en formulent la demande.

Le double langage de l’Union européenne en la matière est d’autant plus flagrant que, dans le cas de la Serbie, on a soutenu le Kosovo au motif que les habitants du Kosovo voulaient se séparer de la Serbie ! On tient à l’encontre de la Russie un langage qui est systématiquement contradictoire.

Je parlais de M. Trump ; mais M. Trump est le seul dirigeant international, ou presque, qui s’assied sur les traités internationaux ; par ses menaces, il finira par nous conduire à la guerre. M. Trump me fait penser à Hitler ! Hitler a commencé, vers 1936, à mettre en cause et à passer outre les traités internationaux ; et, à partir de 1938 et des accords de Munich, il est passé au rapport de forces.

M. Trump se comporte à l’égard de l’Iran comme le président voyou d’un État voyou ! Les États-Unis ont signé des accords avec l’Iran, et M. Trump veut organiser la guerre, tout comme George W. Bush, en son temps, avait menti au monde entier, en pleine connaissance de cause, en prétendant que l’Irak possédait des armes de destruction massive. Les États-Unis sont à l’origine du foutoir inacceptable qu’est devenu le Moyen-Orient : sans la guerre engagée par M. Bush, on n’aurait ni l’État islamique en Irak ni les problèmes que connaît la Syrie.

M. Trump prépare la guerre avec l’Iran ; je redis que ce comportement fait de lui un chef d’État voyou et qu’il me fait penser à Hitler en 1938.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Louis Masson

En 1938, tout le monde cirait les chaussures d’Hitler ; actuellement, l’Europe cire les chaussures de M. Trump en acceptant notamment qu’il exploite les pouvoirs que lui donne le dollar pour empêcher d’autres pays de commercer avec l’Iran ! C’est un scandale, madame la secrétaire d’État ! La France n’est pas à la hauteur !

Applaudissements sur les travées du groupe Union Centriste. – M. le président de la commission des affaires étrangères et M. Robert del Picchia applaudissent également.

Debut de section - PermalienPhoto de Olivier Cadic

M. Olivier Cadic. Assumant la redoutable tâche de passer après les « trumpettes » de M. Masson, je commencerai, monsieur le président, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, par dire que je suis personnellement très heureux de retrouver Robert del Picchia, après ces quelques mois. Il nous a beaucoup manqué. En tant que sénateur représentant les Français établis hors de France, comme toi, je veux souligner que tu n’as jamais cessé, pendant ces six mois, de communiquer avec ces derniers et de faire des propositions. Tu démontres que le travail à distance ça peut fonctionner ! Mes chers collègues, je vous prie d’applaudir Robert del Picchia.

Applaudissements.

Debut de section - PermalienPhoto de Olivier Cadic

Le 18 juin dernier, le conseil des affaires générales, à la réunion duquel vous participiez, madame la secrétaire d’État, a « pris bonne note de la recommandation de la Commission d’ouvrir des négociations d’adhésion avec la République de Macédoine du Nord et l’Albanie, compte tenu de son évaluation positive des progrès accomplis ».

Ces conclusions ont été reprises par le Conseil européen, dont la réunion qui s’est tenue le lendemain fait l’objet du présent débat.

Je me réjouis vivement de ces déclarations, même si je regrette que nous devions encore attendre le Bundestag pour que le Conseil puisse se prononcer véritablement sur le fond.

L’élargissement rapide de l’Union vers les Balkans occidentaux est en effet une évidence historique et culturelle.

Lors des conférences que j’ai données en septembre 2018 en Albanie, à Tirana et à Korça, et en Macédoine du Nord, à Skopje, j’ai posé la question : quelle différence y a-t-il entre un Albanais ou un Macédonien du Nord et un Français ou un Allemand ? Aucune : ils sont tous européens !

Permettre à ces deux pays de nous rejoindre est une nécessité stratégique, tant pour l’Union européenne que pour lesdits pays. Ils ne rêvent que d’Europe.

M. Jean-Marc Boyer applaudit.

Debut de section - PermalienPhoto de Olivier Cadic

J’ajoute que c’est leur jeunesse qui est actuellement la première affectée par la situation. Elle s’en va pour, souvent, ne pas revenir, privant ces pays de leurs forces vives. Elle y est même parfois incitée – ainsi les médecins albanais sont-ils systématiquement encouragés à apprendre l’allemand pour exercer chez notre voisin.

Comment ne pas comprendre ces jeunes et l’élite de ces pays ?

J’ai eu l’honneur de recevoir, ici, au Sénat, la semaine dernière, le docteur Alfred Moisiu, ancien président de la République d’Albanie, accompagné de Son Excellence M. Dritan Tola, ambassadeur d’Albanie en France.

L’ancien président a formulé le souhait que nos deux pays tissent des liens plus étroits et que la France accorde davantage d’importance à la région des Balkans. Il craint que notre absence n’offre un espace à d’autres pays.

Je lui ai fait part de ma crainte que la jeunesse de son pays ne quitte l’Albanie, au cas où celle-ci ne rejoindrait pas à court terme l’Union européenne. Beaucoup de responsables politiques des Balkans occidentaux partagent cette préoccupation. L’ancien président m’a rappelé que l’adhésion à l’Union européenne est au cœur des aspirations du peuple albanais et, plus particulièrement, de la jeune génération.

Ce parcours d’adhésion est jalonné de nombreux défis.

L’Albanie consent déjà à beaucoup d’efforts pour y parvenir, à l’image de la lutte contre la corruption, objet d’une réforme de son système judiciaire. J’ai salué ce volontarisme et assuré l’ancien président de mon total soutien à la démarche d’adhésion à l’Union européenne de son pays.

Je veux également évoquer et saluer les efforts du peuple de Macédoine du Nord, qui a accepté de modifier le nom de son pays, par référendum, pour pouvoir accéder à l’Union européenne.

Il est temps désormais pour l’Union d’adopter une position claire envers ces pays et envers ces peuples. Madame la secrétaire d’État, la France va-t-elle accepter d’ouvrir des négociations d’adhésion qui, en plus de répondre à des aspirations locales puissantes, s’inscrivent dans les priorités stratégiques de notre continent ?

Applaudissements sur des travées du groupe Union Centriste. – MM. Robert del Picchia et Jean-Yves Leconte applaudissent également.

Debut de section - PermalienPhoto de Colette Mélot

Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, nous le savions, ce sommet européen était principalement dédié à la distribution des hauts postes institutionnels ; pourtant, malgré de longues discussions, aucun consensus n’a pu être dégagé entre les États membres.

Cela n’est pas vraiment une surprise, tant les négociations sur ce sujet sont délicates et l’équilibre difficile à trouver.

Nous l’avions souligné lors de notre débat préalable : cette réunion du Conseil européen devait être un moment fort de la démocratie européenne, l’occasion d’affirmer le rôle politique de l’Union européenne. Partie remise, donc, au sommet de crise du 30 juin, deux jours seulement avant la session inaugurale du Parlement européen – troisième sommet depuis les élections européennes, déjà, sur ce sujet.

Devant cet échec des tentatives de compromis, il semble bien que le système du Spitzenkandidat, si critiqué par certains, soit définitivement mort. Les favoris pour la présidence de la Commission ont été écartés, faute d’une majorité parmi les dirigeants de l’Union européenne.

Le fait que les chefs d’État et de gouvernement ne se soient pas mis d’accord peut être considéré comme un échec. Cela peut aussi être interprété comme le signe d’une volonté politique de trouver les personnalités adéquates pour diriger l’Union européenne, des femmes et des hommes politiques forts qui feront consensus et qui mettront en œuvre les priorités définies, répondant aux attentes des citoyens.

Il faut des personnalités qui ont déjà exercé des fonctions à responsabilité au plus haut niveau. Je ne peux, à ce titre, que soutenir le Président de la République face à la chancelière allemande, qui veut imposer M. Weber.

À la tête de la Commission européenne, il faudrait une personnalité forte qui fasse l’unanimité et qui soit connue du grand public. Et pourquoi pas une femme ?

Il faudra aussi que le président ou la présidente de la Commission européenne s’entoure d’une équipe solide, compétente et approuvée dans son ensemble par le Parlement européen pour mettre en œuvre les nombreuses priorités européennes.

En ce sens, l’agenda stratégique qui a été adopté pour les cinq prochaines années par le Conseil européen guidera la prochaine Commission européenne. C’est écrit noir sur blanc : il faudra protéger davantage les citoyens, développer le tissu économique, construire une Europe sociale, juste et verte, et renforcer les intérêts européens à l’échelon mondial. Autant de dossiers qui mériteront une attention particulière des institutions européennes !

Le climat en fait partie. Et même si les Vingt-Huit n’ont pas réussi à se mettre d’accord sur la date de 2050 pour la neutralité carbone européenne, les progrès réalisés par la France pour convaincre de nombreux États membres peuvent être soulignés.

Il est aussi important de comprendre les raisons du refus de certains États pour adopter une stratégie ambitieuse qui sera acceptée par tous.

La Finlande, qui tiendra bientôt les rênes de la présidence tournante de l’Union européenne, a récemment annoncé qu’elle visait des émissions nettes zéro d’ici à 2035 et voulait devenir un pays à bilan carbone négatif d’ici à 2050. C’est encourageant.

Madame la secrétaire d’État, le message porté par l’Europe au sommet des Nations unies en septembre prochain devra être fort et audible pour que les signataires de l’accord de Paris renforcent leur ambition en matière de climat.

L’approfondissement de l’Union économique et monétaire sera également essentiel dans les années à venir. Les premières pierres posées lors du sommet de la zone euro sont autant de signes encourageants, même si tout n’est pas encore réglé.

La question du financement est, certes, compliquée, mais essentielle si l’Union européenne veut avancer concrètement sur cet instrument budgétaire pour la compétitivité et la convergence.

C’est en tout cas un pas important qui est franchi pour le budget de la zone euro. Cela devrait permettre d’encourager les réformes structurelles pour accroître la compétitivité des dix-neuf États membres ayant adopté la monnaie unique. Il faudra poursuivre ces travaux pour définir clairement l’architecture du futur budget de la zone euro.

Madame la secrétaire d’État, le sommet du 30 juin sera fondamental pour l’avenir de l’Union européenne. Je suis certaine que la France se montrera à la hauteur des enjeux. Gageons que les chefs d’État et de gouvernement réussiront à se mettre d’accord au-delà de leurs intérêts nationaux pour préserver et renforcer notre Europe.

Debut de section - PermalienPhoto de Claude Haut

Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues – je salue particulièrement notre collègue Robert del Picchia, qui nous fait le plaisir d’être revenu auprès de nous aujourd’hui –, ce Conseil européen de juin, le premier depuis les élections européennes de mai, était un moment décisif, à plusieurs égards.

Parmi toutes les questions qui ont été abordées, j’évoquerai seulement trois points.

Premièrement, à l’occasion du sommet de la zone euro qui était accolé à cette rencontre, les chefs d’États et de gouvernement ont formellement adopté l’accord sur la création d’un budget de la zone euro conclu le 14 juin par les ministres des finances de la zone euro. Cet accord, dont notre groupe se félicite, est une bonne nouvelle. Il marque un pas de plus vers le renforcement des investissements et de la convergence entre les dix-neuf économies de la zone euro, pour leur permettre de mieux résister aux chocs économiques.

En effet, l’accord vise trois mesures majeures.

D’abord, pour la première fois, un budget opérationnel sera mis en place, afin d’encourager des réformes favorisant la convergence entre économies. Ensuite, le renforcement du Mécanisme européen de stabilité le transformera en un véritable pare-feu d’intervention rapide et efficace en cas de crise. Enfin, la création d’un filet de sécurité en cas de crise est une nouvelle forme de protection des économies des épargnants français, comme de ceux de toute la zone euro. C’est un engagement du Président de la République, énoncé dans son discours de la Sorbonne. Comme il l’a évoqué à la sortie du Conseil européen, nous allons « dans la bonne direction », mais il faudra « aller beaucoup plus loin sur ces ambitions, […] au bout de la fonction de stabilisation, […] acter évidemment la réforme du mécanisme européen, mais […] bâtir un véritable budget avec gouvernance propre et financement suffisant. » Madame la secrétaire d’État, quelle sera désormais la suite à donner à cet accord ?

Deuxièmement, le sommet a permis des échanges sur un nouvel agenda stratégique pour les cinq années à venir. Comme vous venez de le rappeler, cet agenda a été adopté à l’unanimité. Il s’inscrit dans la continuité des résultats du sommet de Sibiu du 9 mai et est destiné à orienter les travaux des institutions, au lendemain d’élections européennes déterminantes, alors que le renouvellement des institutions est encore en cours.

Les citoyens européens, qui se sont exprimés dans les vingt-huit pays de l’Union européenne, ont notamment voulu attirer l’attention de leurs dirigeants sur la transformation de nos économies et ses conséquences sur leur vie, sur la protection de leurs libertés et des frontières extérieures, ainsi que sur l’urgence climatique.

Nous nous réjouissons que cet agenda stratégique ait su prendre en compte à la fois ces attentes fortes et les défis qui s’imposent désormais à l’Europe, en traçant quatre axes prioritaires : la protection des citoyens et des libertés ; une Europe économiquement solide et dynamique, en passant notamment par une approche plus intégrée autour de la politique industrielle, de la transformation numérique et d’une fiscalité juste et efficace ; une Europe neutre pour le climat, équitable et sociale ; enfin, la défense des intérêts et des valeurs européennes sur la scène internationale et l’affirmation de l’Europe comme un rempart face aux défis mondiaux. Notre groupe restera bien évidemment vigilant quant à la mise en œuvre de cet agenda durant les cinq années à venir. Madame la secrétaire d’État, sur ces quatre axes, des dossiers prioritaires vont-ils émerger ?

Troisièmement, l’un des enseignements cardinaux de ces dernières élections est l’affirmation saine et massive de la préoccupation environnementale. Celle-ci ne s’est pas seulement exprimée en nombre de sièges. Elle s’est aussi durablement installée au cœur du débat pour chacune des formations politiques en jeu. Et elle continuera de s’exprimer ainsi, à la manière d’une force bienveillante… et pas souvent tranquille ! Les revendications pleines d’espoir de notre jeunesse en attestent.

Notre groupe se réjouit que le Conseil européen ait su faire écho à une telle préoccupation en inscrivant ce sujet brûlant à son ordre du jour et en adoptant des conclusions spécifiques.

Ces conclusions invitent le Conseil et la Commission à faire avancer leurs travaux sur les mesures incitatives et sur le cadre qui permettra d’assurer une transition vers une Union européenne neutre pour le climat, conformément à l’accord de Paris.

De même, comme je viens de le souligner, la construction d’une Europe neutre pour le climat, verte et équitable figure bien dans l’agenda stratégique.

La France a réussi à franchir une étape supplémentaire, en rassemblant désormais vingt-quatre pays européens autour de l’objectif d’une économie décarbonée pour 2050, pour appliquer pleinement l’accord de Paris.

Certains préféreront peut-être voir le verre à moitié vide ; je préfère le voir à moitié plein. Et permettez-moi de vous citer un proverbe chinois : « Ne craignez pas d’être lent, … » – en Europe, il faut parfois être un peu lent – « … craignez seulement d’être à l’arrêt ».

L’espoir nous est d’autant plus permis que, rappelons-le, au sommet de Sibiu, seuls huit pays, et non vingt-quatre comme aujourd’hui, étaient convaincus par l’objectif d’une économie décarbonée d’ici à 2050.

Madame la secrétaire d’État, comment réussir à convaincre nos partenaires que sont la Pologne, la République tchèque, la Hongrie et l’Estonie du bien-fondé d’un tel objectif politique pour nos générations futures ? Surtout quand, nous le savons, les énergies fossiles sont au fondement de leurs systèmes économiques ? Pourriez-vous d’ores et déjà nous informer sur la manière dont la présidence finlandaise compte se saisir de ce dossier ?

L’urgence climatique est de mise, et la paralysie politique n’est plus permise. Ce serait la pire des stratégies que d’agir isolément sur ce phénomène global, dans l’attente d’être vertueusement imité.

Nous devons donc mettre les bouchées doubles dans les efforts diplomatiques que nous déployons aujourd’hui à tous les niveaux, et demain au G20 d’Osaka des 28 et 29 juin, puis le 23 septembre lors du sommet onusien sur le climat. Il est de notre devoir de combattre la résignation en tout temps et en tout lieu, car le réchauffement climatique, nous nous en rendons bien compte, c’est le déplacement des populations, c’est la guerre de l’eau, c’est aussi l’effondrement de la biodiversité, du monde animal et végétal tel que nous l’avons toujours connu.

Madame la secrétaire d’État, quel bilan dressez-vous des efforts diplomatiques multipliés de la France quant au respect et à la mise en œuvre de l’accord de Paris ?

Au Sénat, c’est avec cette conscience que nous prendrons bientôt notre part lors de l’examen du projet de loi relatif à l’énergie et au climat. Nous tenterons de répondre au mieux aux attentes qui se sont exprimées – je pense au poids de l’écologie – lors de ce récent vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre Laurent

Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, mon intervention tranchera peut-être un peu avec l’ambiance « mi-chèvre mi-chou » et bien peu lucide des premières prises de parole.

Je pense que nous pouvons malheureusement dresser un constat d’échec à propos de cette première réunion. C’est un échec non seulement pour les gouvernements des plus grands pays de l’Union, mais aussi pour l’avenir des peuples d’Europe, qui attendent des changements importants.

Alors que les inquiétants résultats des élections européennes appellent des remises en cause profondes, alors que les revendications sociales, écologiques et démocratiques infusent à travers le continent, tout démarre comme si rien n’allait changer. L’échec du sommet est une alarme de plus sur la crise très profonde de l’actuelle construction de l’Union européenne. Au-delà de la personnalité des candidats aux nominations, au-delà des circonstances, le modèle institutionnel et économique de l’Union européenne est à bout de souffle.

Les extrêmes droites de tous poils, dont plus personne ne parle, semble-t-il, exploitent ces impasses répétées pour pousser leurs pions vers une Europe de plus en plus brutale, guerrière, rejetant les solidarités sociales et humaines. Et les chefs d’État conservateurs, néo-libéraux ou sociaux libéraux, incapables de renouveler en profondeur les logiques de l’Union européenne, bloqués dans des institutions et des traités qu’ils ont eux-mêmes façonnés, se révèlent de plus en plus inaptes à résoudre les contradictions et à avancer vers des solutions novatrices.

Il y a bien les grandes envolées présidentielles à l’Acropole, à la Sorbonne, devant l’Organisation internationale du travail ou encore au sommet des Deux Rives, mais les réalités sont têtues. Et la réalité, c’est une Europe qui s’enfonce dans la crise, sans projet novateur et sans écoute des demandes citoyennes.

Sur les discussions institutionnelles, les mots de Visconti résonnent encore malheureusement : « Il faut que tout change pour que rien ne change. » Le Président de la République se présente comme le pourfendeur des habituelles tractations entre socialistes et conservateurs européens, mais les acteurs restent les mêmes ; seuls les rôles changent. Et pour quel résultat prévisible ? Un nouveau compromis, associant peut-être cette fois un peu plus de libéraux et de verts, mais fondé sur la continuité des mêmes objectifs. Aucun changement de cap sérieux en faveur du progrès social, de la protection de la planète ou d’une nouvelle industrialisation intégrant ces réorientations !

Les arrangements de couloirs reprennent de plus belle sans contrôle des objectifs, loin du regard des citoyens et des parlementaires nationaux. Et, même dans ces conditions, vous n’arrivez pas à déboucher sur un consensus !

La même logique prévaut pour les discussions relatives au cadre financier pluriannuel. Avec le même résultat : un ajournement des décisions. Quels compromis se nouent en arrière-plan des nominations négociées ? Nous voulons de la transparence, une autre méthode et un réel changement de cap.

Pourquoi, par exemple, ne pas simplement fonder les priorités budgétaires sur des demandes qui continuent d’être largement exprimées par la grande majorité des citoyens des États membres ? Dans un récent eurobaromètre, la Commission souligne elle-même que la préoccupation première des Européens est celle du développement économique et social, loin devant le développement de la défense européenne. Pourquoi dès lors s’évertuer à faire du fonds européen de défense de 13 milliards d’euros la priorité absolue, sur l’autel de laquelle beaucoup de renoncements à d’ambitieuses politiques sociales semblent se tramer ?

Nous attendons également des engagements clairs sur deux postes de dépenses qui risquent de payer le prix fort des marchandages politiques en cours.

Tout d’abord, concernant la politique agricole commune, la PAC, ô combien importante pour nos agriculteurs, une baisse des montants serait inacceptable, surtout quand on prétend engager le continent dans la transition de nos modèles de production, qui sera impossible sans des revenus redevenus rémunérateurs ! Une réforme de ces aides est possible et même souhaitable. Il faut limiter les aides versées aux plus grands propriétaires terriens et à l’agriculture la plus productiviste, au profit de modèles de qualité sociale, alimentaire et écologique nouveaux. Mais la mise en cause du montant des crédits de paiements est un véritable danger.

La politique de cohésion et, notamment, les divers fonds de solidarité doivent également être sanctuarisés, voire développés vers de nouveaux objectifs de réduction des inégalités. Or, à l’heure actuelle, la politique de cohésion est menacée par le projet de cadre financier pluriannuel.

Oui, le minimum – je dis bien « le minimum » – serait de protéger les rares dépenses de redistribution qui existent dans l’Union européenne. Je pense, entre autres, au fonds d’aide aux plus démunis, qui avait déjà été plusieurs fois menacé et qui a été préservé, notamment grâce à la détermination des élus du groupe de la Gauche unitaire européenne/Gauche verte nordique, ou GUE/NGL, au Parlement européen.

Le programme stratégique pour la période 2019-2024 nous alarme, tant il est en décalage avec les grandes urgences de changements nécessaires.

Le premier paragraphe est relatif à la protection des citoyens et des libertés ? Très bien ! Mais quelle est la première idée mise en avant dans ce cadre ? Le renvoi des réfugiés dans les pays d’origine ! Est-ce cela la vision que nous promettons au monde et aux peuples d’Europe à l’aube du XXIe siècle ? Et les axes directifs réitèrent tous ceux qui ont clairement échoué.

Le Conseil européen appelle à développer notre base économique ? Parfait, il serait temps ! Il mentionne même la politique industrielle. C’est une nouveauté. Mais quel est le principe directeur choisi ? L’investissement public dans des projets utiles ? Des coopérations scientifiques ? Le développement d’une base productive écologique ? Absolument pas ! Il s’agit seulement de renvoyer tous ces objectifs à l’achèvement du marché unique dans toutes ses dimensions. Et pendant ce temps, nous voyons ce qui se produit pour Alstom, General Electric, la 5G… L’effacement industriel de l’Europe continue !

Madame la secrétaire d’État, vous l’aurez compris, mon intervention est celle d’un sénateur inquiet pour l’avenir de son continent et des peuples qui le composent. L’installation d’une nouvelle législature est souvent un moment décisif pour engager le changement. Au vu de la colère qui gronde, c’est peut-être même l’une des dernières fenêtres de tir pour cela. Malheureusement, je n’ai pas l’impression que nous nous engagions dans cette voie !

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Marc Gabouty

M. le président. La parole est à M. Jean-Yves Leconte.

Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Yves Leconte

Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, avant de commencer mon intervention, et même si, comme d’autres, je partage l’invitation du président de la commission des affaires étrangères à regarder l’avenir non pas face à face, mais côte à côte avec la Russie, il ne me paraît pas convenable d’entendre dans cet hémicycle une ode à l’invasion, à l’annexion, à la violation du droit international et des droits humains des citoyens ukrainiens de Crimée !

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Yves Leconte

« L’Europe ne se fera pas d’un coup ni dans une construction d’ensemble : elle se fera par des réalisations concrètes créant d’abord une solidarité de fait. » Tout le monde connaît ces mots prononcés par Robert Schuman le 9 mai 1950.

Je crois que le Brexit montre les limites d’une telle méthode. Car, même si nous constatons que nous avons intérêt à ne pas nous séparer, même si nous sommes si interdépendants que nous aurions tous du mal à le faire, nous allons probablement le faire ! Si les liens d’interdépendance et les solidarités qui ont été créés ne s’accompagnent pas d’un supplément d’âme qui donne la volonté et la joie d’être ensemble, le danger de la séparation et de la déconstruction arrive petit à petit. Ce que nous vivons avec le Brexit est aussi un enjeu majeur pour l’ensemble de la construction européenne à l’avenir.

Pourtant, au regard de ce que nous attendions et de ce que les commentateurs annonçaient, le résultat des élections européennes a déjoué les pronostics les plus pessimistes.

D’abord, la participation a été plus importante et plus marquante que prévu. Cela montre l’importance que les citoyens accordent à la construction européenne.

Ensuite, une opinion publique européenne émerge. Elle a deux composantes. L’une est très favorable à l’Union européenne, écologique ; c’est un vecteur d’espoir. L’autre est nationaliste et xénophobe ; si elle nous inquiète, elle montre que des débats et des peurs que nous avons sur le continent traversent les frontières et se retrouvent dans l’ensemble de nos pays.

Enfin, le PSE et le PPE n’auront plus de majorité ensemble. C’est aussi un moyen pour que le Parlement européen soit un peu moins dominé par les accords conclus au sein du Conseil européen. Ce sont de bonnes nouvelles. Cela invite à travailler à la démocratisation de l’Europe, qui est la condition de sa future stabilité.

Face au Conseil, qui représente la somme des intérêts nationaux, le Parlement européen a la lourde tâche de représenter l’intérêt général de l’Union européenne et des citoyens. Il faut garder cette idée en tête au moment des choix des différentes personnalités.

Je ferai trois remarques à propos du Conseil des 20 et 21 juin dernier. D’abord, on a assisté à un débat sur les personnes et les postes plutôt que sur les idées. Ensuite, l’Allemagne et la France ont plus mis en scène leurs désaccords qu’essayé de travailler ensemble à servir l’intérêt général.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Yves Leconte

Enfin, en refusant l’idée que le Parlement européen puisse, par une majorité, choisir le président de la Commission européenne, la France est revenue sur l’acquis démocratique mis en œuvre en 2014, qui avait permis à une majorité du Parlement européen de choisir le président de la Commission européenne.

En Europe comme en France, le Président de la République refuse de reconnaître le rôle et la responsabilité des partis politiques dans la vie démocratique. À Paris comme à Bruxelles, cette attitude représente un risque. Le processus de nomination passe pourtant quand même par une majorité au Parlement européen. Quelle que soit la décision du Conseil, il faudra qu’elle réunisse une majorité au Parlement européen. Quelle que soit la manière dont chaque État décidera de ses commissaires, ce n’est pas ce qui permettra de constituer une Commission. Une Commission, ce n’est pas chaque État qui envoie un commissaire ; c’est le président de la Commission et les États qui passent un accord.

Madame la secrétaire d’État, nous souhaiterions avoir votre engagement que la Commission sera solidairement et politiquement responsable, et non composée de représentants des États. Il est absolument indispensable d’avancer dans cette voie. Je le rappelle, tous les commissaires devront être auditionnés individuellement et confirmés par le Parlement européen.

Je parlais de débat sur les personnes plutôt que sur le projet. En réalité, il y a un petit projet : le programme stratégique adopté par le Conseil. Mais regardons-le plus en détail.

L’ambition écologique est très en deçà de ce que les citoyens européens ont exprimé lors des élections, et il n’y a pas grand-chose sur les moyens pour atteindre l’ambition d’exemplarité climatique et la neutralité carbone.

On ne trouve rien sur la manière dont cette exemplarité sera utile pour faire évoluer l’ensemble de nos partenaires commerciaux. Nous sommes la première puissance commerciale du monde. Nous avons une responsabilité particulière pour que l’ensemble du commerce prenne la voie d’une neutralité en carbone, sans repli sur soi, mais, au contraire, en profitant de notre place dans le commerce mondial pour faire la norme et le rendre plus vertueux. Il faut y travailler avec nos partenaires commerciaux.

Rien non plus sur la défense du droit d’asile, qui est le fruit de notre histoire et des promesses de nos anciens : ne jamais revoir les horreurs que nous avons vécues sur le continent. C’est le sens d’un engagement pour une Europe humaniste, combattant pour la liberté. Dans ce projet stratégique, il n’y a rien ! Pourtant, nous le savons, la question du droit d’asile est au cœur des négociations entre les États européens aujourd’hui.

Il y a une inquiétude sur l’idée que l’Union se fait de son rôle à ses propres frontières. Nous ne pourrons jamais progresser dans l’approfondissement politique de l’Union européenne si nous laissons des parties entières de nous-mêmes au-delà de nos frontières. Je pense en particulier à la Macédoine, qui a fait, avec la Grèce, de gros efforts ces derniers mois ; ils devraient être salués. Pourtant, le conseil des ministres des affaires étrangères n’a pas mis à l’ordre du jour du Conseil européen l’ouverture des négociations avec la Macédoine.

Au lieu d’un budget de la zone euro, on se contente d’une petite ligne de crédit dans un projet de cadre financier pluriannuel, qui n’a pas avancé au cours des négociations.

Rien sur l’enjeu du vieillissement de la population, qui pèsera sur notre croissance, mais aussi sur notre capacité d’innovation et sur notre capacité de remettre en cause nos habitudes face aux exigences climatiques.

Rien sur l’amélioration des ressources propres de l’Union européenne, alors que le prochain cadre financier pluriannuel est difficile à mettre en place. En effet, chaque cadre financier pluriannuel fait justement de plus en plus appel aux ressources des États plutôt qu’aux ressources propres. Il conviendrait de modifier une telle évolution.

Rien sur la manière dont l’Europe, première puissance commerciale du monde, pourrait envisager de faire face à l’extraterritorialité des lois américaines, qui viole notre souveraineté, le droit international et qui menace aujourd’hui aussi la paix.

Rien de bien concret sur l’évolution de la politique de concurrence qu’il convient de mettre en place pour répondre aux problèmes que nous avons constatés lors du projet de fusion Alstom-Siemens, alors que la Commission n’a fait que dire le droit.

Madame la secrétaire d’État, les élections européennes ont souligné que les Européens étaient, plus qu’on ne le pense, attachés à l’Europe, convaincus qu’elle est la dimension adéquate pour faire face aux défis de demain. Je pense en particulier au défi climatique, mais aussi au défi de la gestion de la donnée, avec lequel on n’en a pas fini, sous prétexte que l’on a mis en place le règlement général sur la protection des données, ou RGPD ; c’est une condition absolument essentielle de notre liberté pour demain.

L’Europe, c’est la chance pour les Européens de ne pas se chamailler, de ne pas être des spectateurs de l’évolution du monde, mais d’être ensemble un acteur. Nous avons aujourd’hui la force, notamment commerciale, de pouvoir faire la norme et de peser sur l’ensemble du monde. Les États membres, au lieu de continuer à défendre les intérêts nationaux, devraient être à la hauteur de ce que les citoyens européens ont dit lors de ces élections, en participant plus qu’on ne l’attendait et en montrant l’émergence d’une opinion publique européenne. Il convient aujourd’hui de répondre à cette attente.

Les États membres doivent être à la hauteur de ce que les citoyens européens ont exprimé lors des dernières élections européennes. Ce n’est pas le sentiment que nous avons eu lors du Conseil du 20 et du 21 juin dernier.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Yves Leconte

Les États membres ont plutôt continué à défendre leurs intérêts particuliers, ainsi que les postures de leurs chefs d’État et de gouvernement. Cela nous inquiète pour l’avenir de la construction européenne.

Nous ne pouvons pas faire la démocratisation de l’Europe sans les partis politiques. Nous ne pouvons pas avancer sans respecter une majorité au Parlement européen. Nous ne pourrons pas faire en sorte que cette démocratisation se fasse, si la Commission continue à être un autre club, comme le Conseil européen, réunissant des représentants des États. Non ! La Commission doit être solidairement responsable, choisie par son président, validée par une majorité au Parlement européen et porteuse d’une politique qui ne plaira peut-être pas à tout le monde, mais qui sera le choix de la majorité des Européens.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Yves Leconte

Ce sera beaucoup plus difficile que les fois précédentes, parce que les majorités au Parlement européen seront plus compliquées. Mais c’est aussi pour cela que la démocratisation de l’Europe est possible aujourd’hui, lors de cette législature. Il est de notre responsabilité de la réussir.

Pour cela, il faut que les différents gouvernements soient à la hauteur des attentes du moment, de la gravité de la situation internationale et des défis que nous avons à relever. Au-delà des discours, au regard des attitudes des uns et des autres lors du Conseil, nous ne sommes pas sûrs que tout le monde l’ait bien compris. Mais, sait-on jamais, peut-être que cela évoluera…

Debut de section - PermalienPhoto de Christophe Priou

Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, le Conseil européen a adopté des conclusions dans plusieurs domaines stratégiques, dont le changement climatique. La hausse des températures est une réalité éprouvée concrètement cette semaine, y compris dans cet hémicycle !

Quelle que soit la température ressentie en ce moment, il est utile d’évoquer, parmi les intérêts stratégiques de l’Union européenne à protéger, le climat. L’Union a tout intérêt à construire une Europe du climat qui ne soit pas en opposition avec le développement économique.

Le Conseil européen du 20 juin 2019 affirme que « l’Europe doit s’appuyer sur une approche inclusive et durable, qui tire parti des changements induits par la transition énergétique ». Vaste programme, aurait dit le général de Gaulle, à l’origine de bien des politiques européennes.

Plus loin, le Conseil européen explique que l’Union doit montrer la voie pour une neutralité climatique en tenant compte des situations nationales tout en étant socialement juste. C’est la quadrature du cercle.

Au-delà d’un appel à se conformer à l’accord de Paris, il n’y a rien de concret dans cette feuille de route. Pourtant, nous répétons depuis de nombreuses années que la planète ne peut plus attendre. Le marché européen de l’énergie intégré n’existe pas encore, tant s’en faut. L’accélération de la transition vers les énergies renouvelables est complexe, notamment en France.

Par exemple, en 2018, la ferme d’éoliennes offshore la plus puissante du monde a été inaugurée en mer d’Irlande. Il existe plus de 4 000 éoliennes maritimes en Europe, essentiellement réparties au large du Royaume-Uni, de l’Allemagne, du Danemark, des Pays-Bas, de la Belgique et de la Suède. Il n’y en a aucune sur les côtes françaises. Notre pays creuse son retard, alors qu’il dispose de la deuxième zone économique exclusive du monde : 11 millions de kilomètres carrés. Des industriels français finissent par développer des projets à l’étranger.

Je rappelle que le premier appel d’offres pour développer la filière remonte à 2011. Aujourd’hui, ailleurs en Europe, il faut quatre ou cinq ans pour créer un parc éolien en mer. La France double la mise avec des périodes de recours de trois ou de quatre ans supplémentaires. Une telle situation n’existe nulle part ailleurs en Europe.

Oui, l’économie circulaire devra s’appuyer sur des partenariats public-privé. Mais une fois qu’on l’a dit et répété, que fait-on ? Quels sont les investissements européens prévus pour les mobilités de demain ?

Les conclusions du Conseil européen rappellent aussi la nécessité de préserver les systèmes environnementaux, notamment les océans. Le 2 avril dernier, lors du dernier débat post-Conseil européen, je soulignais que la mondialisation des échanges s’effectuait par les océans, sur des autoroutes maritimes aux équilibres biologiques fragiles, d’où l’importance d’un « espace européen de sécurité maritime » contenu dans le paquet« Erika III ». La création de l’Agence européenne pour la sécurité maritime en 2002 a été utile, mais nous devons améliorer les dispositifs. N’oublions jamais que la souveraineté alimentaire se trouve aussi sur la mer et dans la mer.

La préservation des océans est un formidable gisement économique. Je pense, par exemple, aux larges possibilités offertes par les macro-algues et micro-algues alimentaires. Ce sont des aliments naturels produits de manière durable grâce à des procédés innovants. En raison de la croissance de la population mondiale, nous devons chercher de nouvelles sources protéiques pour nous alimenter. La mer en regorge.

La demande alimentaire mondiale augmentera probablement de 50 % d’ici à 2050. C’est donc une question de sécurité alimentaire. Nous devons également tenir compte de l’augmentation des températures, qui est susceptible de modifier l’équilibre des flores marines. L’enjeu n’est pas mince.

Les études du Centre d’études stratégiques de la marine apportent un éclairage utile sur la question de la préservation des océans et des problématiques alimentaires. L’interdépendance entre protection du milieu marin, commerce et sécurité alimentaire est forte. L’Union devrait être un moteur sur cette question éminemment maritime et européenne.

En conclusion, madame la secrétaire d’État, l’agenda stratégique mérite d’être précisé, car il n’y a aucune référence à un calendrier clairement défini pour que l’Union atteigne la neutralité climatique. C’est un échec, après l’opposition de quatre pays qui ont refusé de retenir 2050 comme date butoir. Le charbon a encore de beaux jours devant lui !

Comment l’Union européenne accompagnera-t-elle la transition énergétique des pays membres les moins riches ? Quels seront les mécanismes de compensation ? Autant de questions à résoudre avant de parvenir à l’unanimité pour graver de louables objectifs dans le marbre et les transformer en actions concrètes.

Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains, ainsi qu ’ au banc des commissions.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Marc Gabouty

M. le président. La parole est à M. Jean-François Longeot.

Applaudissements sur les travées du groupe Union Centriste.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-François Longeot

Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, le 21 juin dernier s’est tenu un sommet de la zone euro au cours duquel a été examinée la situation économique de la zone. Il y a notamment été débattu de l’approfondissement de l’Union économique et monétaire. Parmi les avancées obtenues ou espérées, j’en retiendrai deux.

Tout d’abord, je retiens la mise en place d’un instrument budgétaire de convergence et de compétitivité pour la zone euro. Si celui-ci représente une piste pertinente pour relancer l’activité économique en stimulant l’investissement public, il semble bien éloigné d’un véritable budget de la zone euro tel qu’esquissé lors du discours de la Sorbonne. Un tel outil est pourtant indispensable pour corriger les conséquences des chocs asymétriques et des structures hétérogènes des économies nationales, tout en accompagnant la disparition des politiques monétaires nationales d’une politique budgétaire commune. Pouvez-vous, madame la secrétaire d’État, nous présenter les ambitions d’un tel « instrument budgétaire » et nous préciser ses sources de financement dans la perspective du prochain cadre financier pluriannuel ?

Je retiens ensuite le renforcement de l’union bancaire. Sa mise en place doit nous permettre de protéger les contribuables et les épargnants d’éventuelles défaillances du secteur financier, tout en démontrant qu’un partage de compétences entre États européens peut apporter aux citoyens davantage de protection et de sécurité que l’action isolée d’un État. Toutefois, quelles ont été, madame la secrétaire d’État, les avancées concernant le troisième pilier de cette union, à savoir un système européen de garantie des dépôts ? Sans celui-ci, l’union bancaire aura bien du mal à assurer la stabilité du secteur bancaire.

Par ailleurs, le dernier Conseil européen fut l’occasion d’évoquer le nouveau programme stratégique 2019-2024 et d’insister sur la nécessité de concevoir une « politique industrielle permettant d’affronter l’avenir ». Or je constate que nous sommes pour le moment incapables de passer de politiques industrielles nationales cloisonnées à une politique industrielle européenne à même de faire émerger des géants industriels européens. Pour cette question comme pour tant d’autres, l’Union européenne ne pourra traiter d’égale à égale avec les autres puissances en adoptant une approche morcelée. Elle ne pourra y parvenir qu’en formant un front uni et « en s’appuyant sur ses propres ressources et sur celles des États membres ». Cette question a-t-elle été évoquée, madame la secrétaire d’État ?

En outre, ce sujet ne peut que m’amener à aborder celui de la politique européenne de concurrence dont l’obsolescence est dénoncée de tous bords, et alors que l’actuelle commissaire à la concurrence, Margrethe Vestager, faisait partie des candidats malheureux à la présidence de la Commission européenne les 20 et 21 juin derniers.

Des pistes ont-elles été évoquées pour enfin refonder les règles de concurrence, particulièrement en matière de contrôle des concentrations et d’interdiction absolue des aides publiques, pour penser une stratégie industrielle européenne intégrée et pour promouvoir des règles du jeu équitables avec les autres grandes puissances, notamment concernant l’application du principe de réciprocité dans les échanges internationaux ?

Enfin, je m’étonne que la plus ancienne et la plus importante des politiques en termes de budget n’ait pas été évoquée lors de ce Conseil européen, alors même qu’elle est à la croisée des enjeux en termes de développement durable, de développement rural et de sécurité. Je parle, bien évidemment, de la politique agricole commune et de sa réforme prochaine. Vous l’avez récemment dit, madame la secrétaire d’État, le premier défi à relever est celui d’une PAC qui protège ses agriculteurs. Le deuxième défi est celui d’une PAC qui protège ses consommateurs. Enfin, le dernier défi est celui de sa simplification. Toutefois, la nouvelle réforme à venir pour la PAC après 2020 en réduit substantiellement le budget tandis que, dans le même temps, elle prévoit également de donner davantage d’autonomie aux États membres.

Qu’en est-il, madame la secrétaire d’État, des discussions autour de cette réforme et de ses ambitions pour les prochaines années ?

Applaudissements sur les travées du groupe Union Centriste, ainsi qu ’ au banc des commissions. – M. Jean-Claude Requier applaudit également.

Debut de section - PermalienPhoto de René Danesi

Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, le Conseil européen s’est accordé sur un programme stratégique pour la période 2019-2024 sur la base de quatre priorités. La quatrième priorité a l’ambition de réussir l’amalgame entre la Realpolitik, chère aux États-Unis de Nixon et de Trump, et un idéalisme européen de bon aloi, consistant à promouvoir les intérêts et les valeurs de l’Europe sur la scène mondiale. Voyons son application pratique dans les relations avec la Russie.

Le Conseil européen vient de décider unanimement de renouveler pour une période de six mois les sanctions économiques contre la Russie. Si cette décision n’a rien d’étonnant, il n’en est pas de même de l’absence d’invitation aux cérémonies du 6 juin dernier du président Poutine.

L’Allemagne à l’origine de la guerre était invitée, mais pas la Russie, qui a détruit 80 % des divisions du IIIe Reich et sacrifié 27 millions d’habitants pour lutter contre le nazisme. Ce n’est certainement pas un hasard si la réponse du président Poutine à ce camouflet a été de recevoir, ce même 6 juin, dernier le président de la Chine pour renforcer une coopération bilatérale, déjà très étroite. Dans cet état d’esprit, a été annoncé le choix très probable de la technologie chinoise Huawei pour équiper les futurs réseaux 5G en Russie.

Le lendemain, le 7 juin, le monde entier a pu découvrir que la flotte russe croisait en mer de Chine aux côtés de la flotte chinoise. Ce constat a été fait à l’occasion d’une quasi-collision entre un navire de guerre russe et un navire de la septième flotte des États-Unis, dont la mission est d’empêcher la Chine de s’approprier les eaux de la mer de Chine méridionale.

Il faut tout de même noter que les pays européens qui veulent durcir et prolonger indéfiniment les sanctions contre la Russie, quitte à la pousser ainsi dans les bras de la Chine, sont ceux qui contribuent le moins à la construction de l’Europe de la défense, chère à Emmanuel Macron.

La Pologne, la Lituanie et la Lettonie apportent régulièrement par milliards leur contribution au complexe militaro-industriel américain. Aucun pays de l’Union européenne n’a d’ailleurs acheté de Rafale…

Par ailleurs, les sanctions économiques occidentales ont amené la Russie à rechercher et à atteindre ses objectifs d’autosuffisance alimentaire. En 2017, la Russie est devenue le cinquième exportateur mondial de céréales. Pendant ce temps, les sanctions font perdre aux pays de l’Union européenne près de 5, 9 milliards de dollars d’exportations dans le secteur agroalimentaire.

Debut de section - PermalienPhoto de René Danesi

Il est donc temps de faire le bilan diplomatique et économique de la reconduction rituelle des sanctions qui éloignent la Russie de l’Europe au plus grand bénéfice de la Chine. Il est urgent de faire bouger les lignes !

Debut de section - PermalienPhoto de René Danesi

La visite du Premier ministre russe, hier, au Havre, en compagnie de notre Premier ministre, indique qu’Emmanuel Macron s’y emploie. Il a opportunément déclaré au début du mois de juin que « l’Europe a besoin d’une nouvelle grammaire de confiance et de sécurité avec la Russie qui ne doit pas passer exclusivement par l’OTAN ».

Alors que la Russie avait menacé de quitter le Conseil de l’Europe, la France a pris en main avec succès la manœuvre diplomatique pour que la Russie retrouve toute sa place au sein de l’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe.

Le président Macron a également reçu il y a quelques jours le nouveau président ukrainien, Volodymyr Zelensky, dont la priorité absolue est le retour à la paix dans l’est de l’Ukraine. Cela suppose la relance du processus de Minsk, que supervisent la France et l’Allemagne, Allemagne dont les Länder de l’Est militent d’ailleurs activement et officiellement pour la levée des sanctions qui frappent leur « ancien grand frère ».

L’ambition du président Macron de faire enfin jouer à l’Union européenne ou, à défaut, à la France et à l’Allemagne un rôle géopolitique autonome est donc à saluer et à encourager !

Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et du groupe Union Centriste, ainsi qu ’ au banc des commissions.

Debut de section - PermalienPhoto de Benoît Huré

Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, au lendemain de ce grand rendez-vous démocratique qu’ont été les élections européennes, et juste après l’adoption lors du Conseil européen des 20 et 21 juin du nouveau programme stratégique, j’interviens dans le cadre de ce débat au Sénat pour dire ma satisfaction, exprimer mes attentes sur l’Union européenne et réaffirmer mes convictions quant à une Union européenne mieux coordonnée et qui s’impose dans un contexte mondial tant déstabilisé. Rarement l’humanité aura eu à faire face à autant de dangers et de défis !

Nous sommes nombreux à nous réjouir des ambitions européennes, alors que certains dirigeants de grands pays, plus ou moins ouvertement, voulaient détruire la construction européenne et que la machine à fabriquer des fake news était à la manœuvre pour que l’Union sorte affaiblie de ces élections et marque le pas. C’est finalement l’inverse qui s’est produit. La participation des électeurs a été importante, avec un beau pourcentage de jeunes, et le vote populiste a été contenu.

Madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, tout cela nous engage et nous oblige à ne plus perdre de temps. Si les Vingt-Sept ont été trop accaparés par le Brexit, ils sont néanmoins sortis unis de l’épreuve. Nous devons maintenant accélérer la marche tant au niveau européen qu’au niveau international. Nous ne pouvons pas nous résigner à être les sous-traitants de l’Asie et du continent américain. Il n’est pas acceptable que nous soyons cantonnés à devenir une simple destination touristique !

Le plan stratégique adopté la semaine dernière va dans le bon sens en nous donnant les moyens de nos ambitions. Une augmentation et une plus grande mutualisation de nos moyens et de nos savoir-faire permettront de renforcer la performance de tous les secteurs de production industrielle, agricole, alimentaire et de services, y compris dans les domaines de l’économie numérique et de l’intelligence artificielle. Elle nous permettra d’être un acteur déterminant dans la lutte contre le réchauffement climatique et en faveur du développement durable que nous devons à nos enfants. Dans ce domaine, efforçons-nous cependant d’adopter une démarche qui ne soit pas d’abord punitive, mais qui suscite plutôt l’enthousiasme.

Ce plan stratégique permettra également de renforcer la protection des Européens sur leur sol et de défendre mieux nos intérêts partout dans le monde. Plus de moyens pour nos armées coordonnées et nos gardes-frontières renforceront également la souveraineté de l’Europe et permettront à notre diplomatie d’être moins dépendante.

Ce plan, enfin, permettra d’être à l’initiative d’un plan de développement économique destiné aux pays pauvres, à l’image du plan Marshall pour aider à la reconstruction de l’Europe au sortir de la guerre. Ainsi, nous réduirions significativement les migrations subies. Cette démarche est à entreprendre en même temps que le renforcement du contrôle des flux migratoires à nos frontières, car il est illusoire de croire que nous pouvons accueillir toute la misère du monde.

Ainsi, ensemble, nous irons plus vite et plus loin. Mais ces ambitions vitales pour nos pays européens ne pourront se concrétiser que si l’Europe se dote d’un budget beaucoup plus élevé que celui de la période qui s’achève.

Il devra être alimenté de plusieurs manières. Tout d’abord, par des ressources propres en lui affectant, par exemple, une part significative de la fiscalité généralisée des géants du numérique. Après la France et quelques pays européens, tous les membres de l’OCDE, États-Unis d’Amérique compris, vont enfin décider de taxer les GAFA. Ensuite, via le versement par chaque pays des sommes qu’ils consacraient jusque-là aux actions désormais déléguées à l’Union européenne. C’est ainsi qu’ont procédé les communes avec les communautés de communes.

Madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, la dangerosité du monde, agité par certains dirigeants aux comportements incertains et irresponsables, oblige les responsables européens à se rassembler sur l’essentiel et à ne pas être passifs et soumis au contexte international imposé par d’autres. Les bons sentiments comme une certaine naïveté n’ont que trop duré.

Si nous voulons agir plus efficacement contre la pauvreté, pour un développement durable réaliste et promouvoir la démocratie partout dans le monde, l’Europe ne peut plus être celle du temps long, car les urgences nous obligent à accélérer ce temps.

Oui, l’Europe est à réformer pour la mettre plus au cœur de la vie de chacun d’entre nous. Oui, l’Europe doit être plus qu’une zone de libre-échange fondée sur le commerce et la finance. Oui, elle doit être synonyme de progrès social, d’humanisme et de développement durable. Oui, l’Europe doit être moins technocratique. Oui, elle doit mieux s’organiser pour concourir à armes égales dans la compétition mondiale. Oui, face à toutes les menaces, l’Europe doit continuer à renforcer la protection due à chacun de ses concitoyens.

Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, même si nous ne nous en rendons pas toujours compte, l’Europe avance.

Debut de section - PermalienPhoto de Benoît Huré

M. Benoît Huré. Le paysan que je suis sait que le grain de blé semé a une croissance peu visible avant d’être le bel épi à récolter. Néanmoins, maintenant, nous avons hâte de récolter !

Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et du groupe Union Centriste.

Debut de section - Permalien
Amélie de Montchalin

Je répondrai bien volontiers aux différents points qui viennent d’être évoqués, car c’est tout l’intérêt de ce type de débat. Je commencerai par les questions les plus saillantes.

Monsieur le président Cambon, vous m’avez interrogée sur la défense et sur l’ambition de constituer – ce point a également été abordé par le dernier orateur – une autonomie stratégique européenne. Dans ce cadre, la constitution d’une base industrielle et technologique de défense est un impératif économique et de souveraineté. Nous constatons des progrès. Qu’il s’agisse de l’avion de combat, du ravitailleur en vol ou de l’hélicoptère, beaucoup de projets dépassent nos frontières et vont dans le bon sens. Nous développons une stratégie commune avec nos partenaires européens, notamment allemands. L’idée est, en particulier, de mettre en place une stratégie globale de l’Union et de décliner ensuite des stratégies spécifiques avec la Chine ou l’Afrique sur des sujets jusque-là plutôt perçus comme relevant de la souveraineté nationale.

En ce qui concerne les enjeux relatifs à l’exportation, il est indéniable que les différentes histoires nationales jouent effectivement un rôle important. Comme vous le savez, nous avons parfois des divergences de vues avec les Allemands. Nous dialoguons beaucoup sur ce sujet avec Berlin. Nous avons d’ailleurs reçu Heiko Maas en conseil des ministres. C’est un point qui a été discuté avec Jean-Yves Le Drian. À mon niveau, dans les cercles des ministres des affaires européennes, nous engageons un dialogue sur le fonds européen de défense et sur la manière de l’utiliser. Vous le savez peut-être mieux que quiconque ici, dans le cadre du traité d’Aix-la-Chapelle, c’est un sujet sur lequel des progrès ont été enregistrés.

Vous m’avez aussi interrogée, tout comme le sénateur Cadic, sur l’élargissement. Je poserai quelques principes et rappellerai quelques faits. Il a toujours été admis que les Balkans occidentaux avaient une perspective européenne. Il a également toujours été dit que, quand les critères seraient réunis, quand l’Union européenne serait prête, ces pays avaient vocation à rejoindre l’Union. Il importe d’être clair à l’égard des sociétés civiles et par rapport aux réformes qui sont engagées : ces pays ont bien une perspective européenne. En revanche, la France constate deux choses.

Premièrement, l’Union elle-même a besoin de se réformer avant de pouvoir intégrer d’autres pays.

Debut de section - Permalien
Amélie de Montchalin

Elle a besoin de se réformer dans ses processus de décision, dans ses processus budgétaires et dans ses différentes politiques publiques. Il n’est en effet pas forcément utile de décliner des politiques exactement semblables ; ce n’est pas non plus bénéfique aux populations elles-mêmes.

Deuxièmement, nous constatons que le processus de négociation tel qu’il est lancé n’est pas satisfaisant. D’abord, parce qu’il est extrêmement long. Ensuite, parce que l’Union européenne apparaît toujours comme un facteur bloquant. Enfin, parce que les réformes que nous demandons ne sont pas engagées.

C’est pourquoi j’ai demandé, mais c’est le fruit d’un travail mené depuis de nombreux mois, que nous utilisions la période qui s’ouvre jusqu’au mois d’octobre pour que la nouvelle Commission propose une autre stratégie de négociation. Il convient de mettre un terme à cette logique des « tunnels » dans lesquels les pays entrent en étant convaincus a priori d’en sortir comme des pays membres. Cette automaticité de fait n’est pas forcément bénéfique, car au moment où les négociations s’engagent chacun a déjà en tête que les pourparlers déboucheront sur un élargissement. Ce n’est pas sain non plus, car il n’est pas certain qu’il en ira effectivement ainsi, comme nous le voyons avec la Turquie. Il faut donc trouver une manière de procéder plus satisfaisante et plus honnête eu égard aux pays candidats.

Bref, il est essentiel que l’Union se réforme, et que les négociations puissent se tenir de manière plus acceptable pour nous et pour les pays qui souhaitent entrer dans cette démarche. Les conclusions du conseil Affaires générales soulignent très clairement que l’Union salue, de manière très affirmative, tous les accords menés dans le cadre de Prespa. Il convient, à ce propos, de saluer le courage politique dont les dirigeants grecs et macédoniens ont fait preuve pour régler un différend qui durait depuis des décennies. Nous serons très vigilants en octobre. En Albanie et en Macédoine des réformes ont été votées, mais leur mise en œuvre n’est pas aujourd’hui maximale.

Debut de section - Permalien
Amélie de Montchalin

Je pense, notamment, à nomination d’un procureur spécial et à la mise en place d’un parquet spécial en Macédoine du Nord. De ce point de vue, des choses restent à faire. J’ai d’ailleurs eu un échange très courtois et très honnête avec mon homologue macédonien à ce propos. En Albanie, par ailleurs, se posent également des questions sur la corruption et le blanchiment d’argent. Le Conseil de l’Europe, à ce titre, joue un rôle très important.

En tout état de cause, la France parle à tout le monde. Nous recevons tous nos interlocuteurs, mais nous leur rappelons les critères à la fois internes à l’Union et externes.

Vous m’avez également interrogée sur la Turquie. Dans le cadre des conclusions du conseil Affaires générales, nous avons acté le fait que, depuis déjà quelques semestres, la négociation était au point mort et que les conditions n’étaient pas réunies pour rouvrir de nouveaux chapitres ni pour moderniser davantage l’union douanière avec la Turquie. En revanche, d’un point de vue diplomatique et géopolitique, il est évident, parce que nous avons un accord sur le sujet migratoire, comme sur beaucoup d’autres, que nous devons continuer à avoir des échanges et une relation diplomatique étroite, pour la simple et bonne raison qu’il s’agit d’un pays pivot. La France ne peut donc pas imaginer prendre ses distances.

Debut de section - Permalien
Amélie de Montchalin

M. le sénateur Dominati m’a questionnée sur le cadre financier pluriannuel, le CFP. Effectivement, en 2014, le lancement du nouveau cadre financier pluriannuel a pris du retard, la négociation s’étant terminée tardivement. Par ailleurs, il s’est produit en France, en parallèle, un mouvement de décentralisation vers les régions. Nous en avons payé les conséquences. La montée en charge du budget européen a été ralentie.

Chers amis sénateurs, comme je l’ai rappelé lors de mon audition avant la réunion du Conseil, j’ai besoin de vous. Nous ne pouvons pas négocier, comme certains d’entre vous l’ont souligné, un budget de cohésion, un budget sur la PAC, c’est-à-dire des politiques qui sont extrêmement importantes pour nous, si nous ne montrons pas très activement que nous sommes ensuite capables de bien dépenser l’argent que l’Union européenne met à la disposition des acteurs au sein de l’Union européenne pour soutenir des politiques publiques. Si vous voulez renforcer la position française dans ces négociations, tout ce que vous pourrez faire en tant qu’acteurs territoriaux de premier plan pour accélérer la programmation et le paiement des fonds européens dans vos territoires sera extrêmement utile. Nous pourrons ainsi montrer que, si nous négocions fortement à Bruxelles, ce n’est pas parce que nous aimons faire de grands discours, mais c’est parce que ces politiques sont pour nous un outil essentiel en faveur du développement économique, social et territorial.

J’ai engagé des échanges avec de nombreux présidents de région. Jacqueline Gourault et le Premier ministre ont également entamé des discussions sur la bonne utilisation et la bonne gestion des fonds. La Cour des comptes a rendu un rapport à ce titre. Sachez que votre action dans ce domaine sera pour nous extrêmement utile.

Monsieur Cyril Pellevat, vous avez souligné que de nombreux sujets épineux nous attendaient. Effectivement, l’Europe avance par petits pas, mais le chemin parcouru est tout de même long ! Au mois d’octobre, un rendez-vous important nous attend, qu’il s’agisse de l’élargissement, du budget européen ou de la mise en œuvre d’un agenda stratégique plus concret. Quoi qu’il en soit, il ne faut pas être triste à l’idée que les choses se fassent de manière séquentielle. En revanche, il faudra être attentif à ne laisser de côté aucun sujet. Vous pouvez évidemment compter sur notre vigilance absolue.

Madame la sénatrice Guillotin, vous avez évoqué la neutralité carbone. Pour reprendre vos propos, vous percevez comme un signal négatif le fait nous n’ayons pas inscrit 2050 comme date butoir dans le corps du texte des conclusions. Bien sûr, nous aurions préféré obtenir l’unanimité, mais je tiens à rappeler d’où nous sommes partis. Au mois de mars, soit il y a trois mois, quand la France a avancé cette idée, quatre pays seulement la soutenaient. En mai, elle recueillait d’adhésion de huit pays, plus un, la Lettonie s’étant greffée au mouvement sur la grande place de Sibiu. Avant le Conseil, nous étions entre douze et quinze, et pendant les discussions nous sommes parvenus à rassembler vingt-quatre pays autour de notre proposition.

Une chose est claire aujourd’hui : la Commission est officiellement mandatée pour travailler à la mise en œuvre de proposition pour atteindre la neutralité carbone en 2050. Par conséquent, elle va devoir faire des propositions qui vont dans notre sens. C’est un fait que quatre pays se sont opposés à adopter le principe de la neutralité carbone en 2050, mais c’est aussi un fait que la Commission va devoir réfléchir à des actions concrètes pour y arriver. Je tenais donc à nuancer votre sentiment d’échec, qui a été aussi mis en avant par M. Christophe Priou.

En ce qui concerne la PAC, madame la sénatrice, oui nous sommes volontaires, oui nous cherchons à stabiliser les fonds. Entre 2014 et 2020, 52 milliards d’euros avaient été consacrés au premier pilier de la PAC. Nous voudrions également programmer 52 milliards d’euros entre 2021 et 2027. Par ailleurs, 9, 9 milliards d’euros avaient été consacrés au deuxième pilier. Nous voudrions nous rapprocher le plus possible de ces montants. Aujourd’hui, 8, 56 milliards sont consacrés au deuxième pilier et 50 milliards au premier pilier. Il faut donc faire un effort. Quoi qu’il en soit, si l’on s’arrête à une question de montant, on passe à côté du sujet. Cette PAC doit être une PAC de modernisation, de transformation, de capacité pour les agriculteurs à diversifier leur activité. Elle doit les inciter à être plus résilients aux chocs de marché, aux chocs climatiques et aux chocs liés à des pratiques culturales différentes. Utiliser moins d’intrants chimiques, cela signifie aussi plus de volatilité dans la production. Par conséquent, tout ce qui pourra conduire à stabiliser et à lisser les revenus me semble être une bonne option. C’est le sens des discussions conduites par Didier Guillaume au sein du conseil Agriculture. Soyez donc rassurés, nous sommes sur ce sujet très mobilisés.

Vous m’avez aussi interrogée sur le budget de la zone euro, tout comme MM. Haut et Longeot. La France, par la voix de son président, mais c’était déjà le cas avant lui depuis de nombreuses années, considère – c’est aussi ce que pensent de nombreux économistes – qu’une politique monétaire commune doit normalement être associée à un outil budgétaire commun. C’est ce que l’on appelle le policy mix, le budgétaire et le monétaire devant se compenser selon la nature du cycle économique. L’accord annoncé lors de l’Eurogroupe Écofin est une bonne nouvelle. Il acte l’idée que nous pouvons à dix-neuf – et pas à vingt-huit, c’est essentiel – nous doter d’un instrument qui soutienne à la fois les réformes et l’action de convergence.

Nous n’abandonnons pas l’idée selon laquelle nous parviendrons, un jour, à mettre en place un outil de stabilisation, notamment pour l’assurance chômage, et nous nous réjouissons d’ores et déjà d’avoir acté ce principe.

Il est essentiel selon moi d’avoir également acté – ce sera l’un des éléments de la négociation du cadre financier pluriannuel – le financement de ce budget par des ressources propres autonomes, afin que nous n’ayons pas à attendre 2027 pour trouver des tuyaux d’abondement pour sa montée en charge.

La question du volume du budget est importante, de même que celle de la gouvernance. Nous nous réjouissons, là aussi, des pas que nous avons faits, sans pour autant nous en satisfaire. Le Président de la République a été très clair sur ce point : il faut envisager les choses dans la continuité. La présidence finlandaise actuelle, ainsi que le changement de gouvernement en Finlande, va nous aider à convaincre de nouvelles personnes de l’importance et de la pertinence de cet outil.

Nous devons répéter cette tâche chaque fois que les gouvernements changent dans les pays : il faut de nouveau remobiliser, en expliquant combien cet outil est important.

Vous m’avez interrogée sur la situation en Ukraine et sur les vues de M. Volodymyr Zelensky. Je suis allée à Kiev pour son investiture et Jean-Yves Le Drian s’est également rendu sur place, à la fin du mois de mai, avec M. Heiko Maas, son homologue allemand. Quant à M. Zelensky, il est venu à Paris le 17 juin. Nous entretenons, vous le voyez, une relation diplomatique très forte avec ce pays, car nous pensons qu’il convient – pour les accords de Minsk, le Donbass, la Crimée et, plus largement, pour la région – de consentir un effort diplomatique important afin que nous puissions avancer sur ces dossiers.

Ce qu’a dit M. Zelensky dans son discours d’investiture est très intéressant. Il a notamment appelé les Ukrainiens qui étaient partis à revenir. Plus de 5 millions d’entre eux ont quitté le pays au cours des cinq ou six dernières années. Il s’agit, mécaniquement, de ceux qui, au sein de la population, ont le plus de capacités financières, culturelles, intellectuelles, qui disposent des ressources pour faire redémarrer l’économie et, plus globalement, le développement du pays. Nous aimerions pouvoir soutenir M. Zelensky dans cette démarche. Mais pour que le retour de ces personnes soit possible, il doit d’abord mener à bien le travail qu’il souhaite engager en termes de lutte contre la corruption et de pacification.

Il semble que M. Masson ait quitté l’hémicycle… Je tiens néanmoins à rappeler quelques éléments, évoqués également par M. Leconte, sur la Crimée.

Debut de section - Permalien
Amélie de Montchalin

Sans vouloir le convaincre, il me semble important, ne serait-ce que pour le compte rendu, de poser quelques principes simples.

L’annexion de la Crimée qui a eu lieu en 2014 était illégale. La France souhaite poursuivre un dialogue de fermeté avec la Russie à cet égard. Les décisions de l’assemblée générale des Nations unies sur ce sujet doivent d’abord nous rappeler à la raison.

J’ai entendu beaucoup de choses extrêmement fallacieuses et dangereuses. En effet, nos alliés et nous-mêmes avons imposé des sanctions économiques et politiques à la Russie. Nous devons continuer à exiger la libération des marins ukrainiens. Je tiens à souligner que Jean-Yves Le Drian et Heiko Maas ont rendu visite, lorsqu’ils étaient à Kiev, aux familles de ces marins. Nous avons proposé que se tienne prochainement une nouvelle réunion en format « Normandie » afin de trouver une solution politique.

Sur ce sujet, Jean-Yves Le Drian est très clair : nous ne nous résoudrons pas à accepter une situation qui ne respecte pas les frontières internationalement reconnues. Les élections d’autodétermination, de souveraineté, doivent s’organiser dans un cas très précis. Nous ne pouvons donc pas, je le répète, accepter la situation actuelle.

M. Masson a par ailleurs fait des comparaisons plus que hasardeuses portant sur les leaders de pays qui sont nos alliés depuis longtemps. Je n’y reviendrai pas plus longuement, mais vous aurez compris le sens de ma pensée. Il est important de garder dans cette assemblée mesure et raison.

Debut de section - Permalien
Amélie de Montchalin

Monsieur Cadic, en matière de stratégie pour les Balkans, nous devons avoir, comme je l’ai dit à propos de l’Ukraine, une politique active, afin que les classes moyennes, les classes moyennes supérieures et la jeunesse de ces pays puissent y rester. Sinon, tous nos efforts diplomatiques seront vains, puisque nous n’aurons pas localement les ressources pour accompagner leur développement. C’est l’enjeu de la réunion qui se tiendra à Poznań les 4 et 5 juillet prochains et à laquelle je participerai, de même que le Premier ministre.

Ce dialogue de haut niveau vise à ce que le processus juridique des négociations en vue d’un éventuel élargissement, entre autres, s’accompagne d’une véritable stratégie économique de soutien au développement de cette zone.

Le processus de Berlin qui sera relancé, ou en tout cas approfondi, à Poznań est selon moi essentiel. Vous avez bien décrit la situation, monsieur le sénateur, et je serais ravie de poursuivre nos échanges sur ce sujet.

Madame Mélot, je tiens à dire ici formellement qu’il n’y a pas de lutte franco-allemande sur les nominations. Mme Angela Merkel, le président Macron, ainsi que nous tous savons bien qu’il n’y a pas d’autre solution que le compromis pour faire avancer l’Europe.

Nous devons donc non pas négocier un compromis mou, mais nous donner les moyens d’avancer en nommant des personnes qui ont les épaules et l’énergie pour porter ce projet. Vous l’avez bien dit, et il est utile de le répéter.

Vous êtes intervenu, monsieur Haut, sur la présidence finlandaise et son ambition pour le climat.

La Finlande, qui figurait parmi les signataires de l’appel de Sibiu, innove et, notamment sur les enjeux agricoles, cherche à lancer des initiatives tout à fait intéressantes. Nous allons donc approfondir notre réflexion avec ce pays.

Un élément clé est selon nous la part du budget européen, lequel est sous la responsabilité de la présidence finlandaise, qui sera dédiée au changement climatique. Vous le savez, nous cherchons à atteindre l’objectif de 40 % ; nous avons d’ores et déjà acté un objectif minimal de 25 %, mais nous voudrions vraiment aller plus loin.

Un autre point très important est la politique d’innovation, à laquelle la Finlande est très attentive, car elle permettra de trouver des solutions. Ce n’est pas le tout de faire de grands discours, il faut en effet des solutions concrètes et je crois que la présidence finlandaise pourra nous aider à cet égard.

Monsieur Laurent, l’heure tournant, nous n’avons plus le temps de nous lancer dans un grand débat sur les échecs, les succès et les réalités de l’Europe d’aujourd’hui.

Je suis quelque peu étonnée que vous évoquiez le programme stratégique en un seul mot. Il y a pourtant dans ce programme de quoi faire avancer un projet au service des citoyens. Nous parlons en effet d’une Europe sociale, et mettons sur la table l’idée d’un salaire plancher permettant aux personnes qui travaillent à plein temps de vivre au-dessus du seuil de pauvreté.

M. Fabien Gay proteste.

Debut de section - Permalien
Amélie de Montchalin

Si nous avons la certitude de garantir, en Europe, aux salariés travaillant à plein temps qu’ils pourront gagner au moins 50 % du salaire médian, je puis vous dire que nous aurons fait un progrès qui concernera un certain nombre de pays !

Debut de section - Permalien
Amélie de Montchalin

Je n’ai pas dit qu’il fallait se conformer à ce seuil ; mais prévoir un plancher pour l’intégralité des États membres serait déjà un progrès.

Pour ce qui concerne le climat, ce que nous avons obtenu est également, à mon avis, le signal que nous avançons. Nous pouvons discuter du point de savoir si c’est satisfaisant ou suffisant, mais il est réducteur de dire que nous n’avançons pas ! Nous devons certainement aller plus vite et plus loin ; je rappelle néanmoins que l’inscription des termes « Europe sociale » résulte d’une demande française. Au départ, il n’était question que d’une « Europe inclusive ». Or nous avons considéré que nous pouvions assumer collectivement les termes d’« Europe sociale ». Il faudra décliner ensuite les objectifs à défendre, projet par projet.

Monsieur Leconte, il est une autre phrase de Jean Monnet que j’aime beaucoup, selon laquelle il faut avoir en tête, plutôt que de l’optimisme ou du pessimisme, de la détermination. À votre discours, pas totalement exempt de relents de déclinisme, je préfère l’attitude consistant à regarder précisément, projet par projet, comment nous pouvons avancer au cours des prochaines années.

Je peux vous rassurer, les commissaires sont bien solidaires de la feuille de route du président de la Commission, laquelle travaille dans l’intérêt général de l’Union européenne. Ils ne sont donc pas les représentants des intérêts nationaux.

Vous avez également évoqué la politique de l’asile. Le Conseil européen mentionne bien dans ses conclusions qu’il est proposé, à l’unanimité du Conseil, de revoir le fonctionnement du règlement de Dublin et de mener en matière d’asile une véritable politique de responsabilité et de solidarité.

Il n’est donc pas vrai, comme vous l’avez dit, que rien n’est prévu sur l’asile. Vous le savez, la France est très claire sur ce point : si nous ne respectons pas aujourd’hui les valeurs de l’Europe, c’est parce que nous n’avons pas réussi à nous organiser pour accueillir ceux qui ont besoin, en toute légitimité, de protection. Par ailleurs, le règlement de Schengen est totalement déséquilibré : le pilier de la circulation intérieure est bien en place, mais nous sommes en retard sur le point des frontières extérieures.

Monsieur Longeot, nous travaillons beaucoup, avec Bruno Le Maire, sur les dossiers de l’industrie européenne et de la concurrence dans les différents cercles, et notamment au sein du conseil Compétitivité.

Debut de section - Permalien
Amélie de Montchalin

Ces sujets sont essentiels, car, derrière la politique de la concurrence et de l’industrie, il y a la possibilité de créer des emplois et de développer la prospérité économique.

Lorsque nous parlons de recherche au niveau européen et que nous consacrons 100 milliards d’euros au programme Horizon Europe sur sept ans, quand nous protégeons nos actifs stratégiques, c’est l’industrie de demain que nous construisons. Qu’il faille, là aussi, aller plus loin, j’en suis d’accord : c’est une ambition que nous partageons.

Vous avez dit, monsieur Huré, qu’il fallait un budget beaucoup plus élevé.

Certains de vos collègues siégeant sur les mêmes travées que vous ne manquent pas de faire savoir, lors du débat sur les prélèvements sur recette au bénéfice de l’Union européenne, que l’Europe coûte cher, mais je ne crois pas que ce soit une bonne façon de présenter les choses. Les ressources propres sont en effet un bon moyen de sortir de l’idée selon laquelle c’est le contribuable national qui alimente les fonds.

Je tiens aussi à mettre en avant une idée que Jean Arthuis a longuement défendue : il faut s’assurer que le budget européen est bien complémentaire du budget national et qu’il n’y ait pas de doublons ; cela signifierait, sinon, que les contribuables et les acteurs économiques paient deux fois. Les nouvelles initiatives européennes doivent donc être complémentaires et non similaires aux actions lancées au niveau national.

J’aurais plaisir à vous faire part, sur ce sujet, des avancées que nous pourrons mener dans les prochains mois. La « taxe plastique » est ainsi une ressource propre intéressante, qui permettra de financer le budget de l’Union sur la base du plastique non recyclé. Les pays, les collectivités et les acteurs qui recycleront ce matériau seront exemptés de la participation à ce financement.

J’espère que ledit financement sera égal, à terme, à zéro, ce qui voudrait dire que l’on sera parvenu à recycler l’ensemble du plastique. En attendant que cet objectif soit atteint, il s’agit d’une bonne ressource, qui peut être incitative.

Applaudissements sur les travées du groupe La République En Marche ainsi qu ’ au banc de la commission.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Marc Gabouty

La parole est à M. le vice-président de la commission des affaires européennes.

Debut de section - PermalienPhoto de Cyril Pellevat

Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, permettez-moi, en conclusion de ce débat, de revenir sur l’agenda stratégique de l’Union européenne, sur lequel le Conseil européen s’est accordé pour les cinq prochaines années.

Je ne rappellerai pas les quatre volets de cet agenda qui ont déjà été largement évoqués dans le débat, mais je souhaiterais souligner certaines avancées qui méritent, à mes yeux, une attention particulière. Pourquoi ? Parce que toutes témoignent d’une prise de conscience salutaire, par l’Union européenne, de la nécessité pour elle de se concevoir comme puissance, et non simplement comme espace.

Premier point, l’accent est mis par le Conseil européen sur l’importance qu’il convient d’accorder à l’euro, et plus spécifiquement au renforcement de son rôle international. La monnaie est assurément l’un des éléments fondateurs de la souveraineté. L’extraterritorialité des lois américaines, qui s’attache au dollar et contre laquelle l’agenda stratégique appelle à lutter, nous rappelle combien nous aurions à gagner à favoriser l’usage de l’euro dans les échanges internationaux. Nous pouvons aussi saluer le fait que l’agenda prévoit de finaliser l’union bancaire et l’union des marchés de capitaux, sans lesquelles l’édifice de la monnaie unique reste fragile.

Deuxième point : je relève une évolution sémantique sensible qui témoigne de l’éveil progressif du Conseil européen à la vision française d’une Europe-puissance. En matière de défense, l’agenda stratégique, tout en rappelant évidemment la nécessité d’une coopération étroite avec l’OTAN pour la sécurité de notre continent, invite à renforcer les moyens de la défense européenne et à viser la perspective d’une autonomie décisionnelle de l’Union européenne en ce domaine. Cet appel à l’autonomie de décision se retrouve d’ailleurs, comme en écho, dans les conclusions du sommet de la zone euro qui s’est tenu à la suite du Conseil européen.

Il n’y a qu’un pas de l’autonomie à la souveraineté, qui reste néanmoins un gros mot, semble-t-il. Pourtant, le Conseil européen lui-même va jusqu’à mentionner l’impératif de souveraineté européenne dans le domaine du numérique. J’y vois la confirmation que la souveraineté numérique, à laquelle notre assemblée consacre en ce moment une commission d’enquête, est un enjeu tout à fait stratégique, qui doit se concevoir à l’échelle européenne.

Troisième élément, l’agenda stratégique tel qu’il a été adopté par le Conseil européen mentionne explicitement l’impératif, pour l’Union, de se doter d’une politique industrielle. C’est un concept qui a trop longtemps été inaudible à Bruxelles, et nous pouvons nous féliciter de le voir ainsi consacré durablement. L’agenda stratégique prévoit également une mise à jour des règles européennes en matière de concurrence, que nous appelons aussi de nos vœux : il conviendra de s’assurer que cet aggiornamento se fasse bien au service de la stratégie industrielle que l’Union entend déployer.

Enfin, quatrième motif de satisfaction : l’agenda stratégique assigne clairement à l’Union européenne la mission de développer son influence et d’être plus assertive dans la défense de ses intérêts. Il vise notamment à obtenir plus de réciprocité en matière de négociations commerciales ; c’est un objectif que nous promouvons depuis longtemps, particulièrement en ce qui concerne l’ouverture des marchés publics.

Pour conclure ce débat, je veux donc saluer le nouvel agenda stratégique assigné à la Commission et au Conseil : c’est un fruit important de ce Conseil européen de 2019. Il me paraît très prometteur. Pour qu’il ne reste pas lettre morte, il doit être endossé par des personnalités qui ont à la fois l’expérience et l’ambition requises. Souhaitons donc que les prochaines nominations soient à la hauteur de cette nouvelle feuille de route de l’Union.

Je formulerais un dernier souhait. L’agenda stratégique invite l’Union à consacrer plus de ressources à sa mise en œuvre effective. Puisse en effet l’Union se doter des moyens de ses ambitions, et réveiller ainsi l’espoir d’un avenir meilleur pour l’ensemble des citoyens européens !

Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains, du groupe Union Centriste ainsi que du groupe La République En Marche.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Marc Gabouty

Nous en avons terminé avec le débat à la suite de la réunion du Conseil européen des 20 et 21 juin 2019.

Mes chers collègues, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à vingt et une heures trente.

La séance est suspendue.

La séance, suspendue à vingt heures, est reprise à vingt-et-une heures trente, sous la présidence de Mme Catherine Troendlé.