Intervention de Christophe Priou

Réunion du 25 juin 2019 à 14h30
Débat à la suite de la réunion du conseil européen des 20 et 21 juin 2019

Photo de Christophe PriouChristophe Priou :

Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, le Conseil européen a adopté des conclusions dans plusieurs domaines stratégiques, dont le changement climatique. La hausse des températures est une réalité éprouvée concrètement cette semaine, y compris dans cet hémicycle !

Quelle que soit la température ressentie en ce moment, il est utile d’évoquer, parmi les intérêts stratégiques de l’Union européenne à protéger, le climat. L’Union a tout intérêt à construire une Europe du climat qui ne soit pas en opposition avec le développement économique.

Le Conseil européen du 20 juin 2019 affirme que « l’Europe doit s’appuyer sur une approche inclusive et durable, qui tire parti des changements induits par la transition énergétique ». Vaste programme, aurait dit le général de Gaulle, à l’origine de bien des politiques européennes.

Plus loin, le Conseil européen explique que l’Union doit montrer la voie pour une neutralité climatique en tenant compte des situations nationales tout en étant socialement juste. C’est la quadrature du cercle.

Au-delà d’un appel à se conformer à l’accord de Paris, il n’y a rien de concret dans cette feuille de route. Pourtant, nous répétons depuis de nombreuses années que la planète ne peut plus attendre. Le marché européen de l’énergie intégré n’existe pas encore, tant s’en faut. L’accélération de la transition vers les énergies renouvelables est complexe, notamment en France.

Par exemple, en 2018, la ferme d’éoliennes offshore la plus puissante du monde a été inaugurée en mer d’Irlande. Il existe plus de 4 000 éoliennes maritimes en Europe, essentiellement réparties au large du Royaume-Uni, de l’Allemagne, du Danemark, des Pays-Bas, de la Belgique et de la Suède. Il n’y en a aucune sur les côtes françaises. Notre pays creuse son retard, alors qu’il dispose de la deuxième zone économique exclusive du monde : 11 millions de kilomètres carrés. Des industriels français finissent par développer des projets à l’étranger.

Je rappelle que le premier appel d’offres pour développer la filière remonte à 2011. Aujourd’hui, ailleurs en Europe, il faut quatre ou cinq ans pour créer un parc éolien en mer. La France double la mise avec des périodes de recours de trois ou de quatre ans supplémentaires. Une telle situation n’existe nulle part ailleurs en Europe.

Oui, l’économie circulaire devra s’appuyer sur des partenariats public-privé. Mais une fois qu’on l’a dit et répété, que fait-on ? Quels sont les investissements européens prévus pour les mobilités de demain ?

Les conclusions du Conseil européen rappellent aussi la nécessité de préserver les systèmes environnementaux, notamment les océans. Le 2 avril dernier, lors du dernier débat post-Conseil européen, je soulignais que la mondialisation des échanges s’effectuait par les océans, sur des autoroutes maritimes aux équilibres biologiques fragiles, d’où l’importance d’un « espace européen de sécurité maritime » contenu dans le paquet« Erika III ». La création de l’Agence européenne pour la sécurité maritime en 2002 a été utile, mais nous devons améliorer les dispositifs. N’oublions jamais que la souveraineté alimentaire se trouve aussi sur la mer et dans la mer.

La préservation des océans est un formidable gisement économique. Je pense, par exemple, aux larges possibilités offertes par les macro-algues et micro-algues alimentaires. Ce sont des aliments naturels produits de manière durable grâce à des procédés innovants. En raison de la croissance de la population mondiale, nous devons chercher de nouvelles sources protéiques pour nous alimenter. La mer en regorge.

La demande alimentaire mondiale augmentera probablement de 50 % d’ici à 2050. C’est donc une question de sécurité alimentaire. Nous devons également tenir compte de l’augmentation des températures, qui est susceptible de modifier l’équilibre des flores marines. L’enjeu n’est pas mince.

Les études du Centre d’études stratégiques de la marine apportent un éclairage utile sur la question de la préservation des océans et des problématiques alimentaires. L’interdépendance entre protection du milieu marin, commerce et sécurité alimentaire est forte. L’Union devrait être un moteur sur cette question éminemment maritime et européenne.

En conclusion, madame la secrétaire d’État, l’agenda stratégique mérite d’être précisé, car il n’y a aucune référence à un calendrier clairement défini pour que l’Union atteigne la neutralité climatique. C’est un échec, après l’opposition de quatre pays qui ont refusé de retenir 2050 comme date butoir. Le charbon a encore de beaux jours devant lui !

Comment l’Union européenne accompagnera-t-elle la transition énergétique des pays membres les moins riches ? Quels seront les mécanismes de compensation ? Autant de questions à résoudre avant de parvenir à l’unanimité pour graver de louables objectifs dans le marbre et les transformer en actions concrètes.

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