M. le sénateur Dominati m’a questionnée sur le cadre financier pluriannuel, le CFP. Effectivement, en 2014, le lancement du nouveau cadre financier pluriannuel a pris du retard, la négociation s’étant terminée tardivement. Par ailleurs, il s’est produit en France, en parallèle, un mouvement de décentralisation vers les régions. Nous en avons payé les conséquences. La montée en charge du budget européen a été ralentie.
Chers amis sénateurs, comme je l’ai rappelé lors de mon audition avant la réunion du Conseil, j’ai besoin de vous. Nous ne pouvons pas négocier, comme certains d’entre vous l’ont souligné, un budget de cohésion, un budget sur la PAC, c’est-à-dire des politiques qui sont extrêmement importantes pour nous, si nous ne montrons pas très activement que nous sommes ensuite capables de bien dépenser l’argent que l’Union européenne met à la disposition des acteurs au sein de l’Union européenne pour soutenir des politiques publiques. Si vous voulez renforcer la position française dans ces négociations, tout ce que vous pourrez faire en tant qu’acteurs territoriaux de premier plan pour accélérer la programmation et le paiement des fonds européens dans vos territoires sera extrêmement utile. Nous pourrons ainsi montrer que, si nous négocions fortement à Bruxelles, ce n’est pas parce que nous aimons faire de grands discours, mais c’est parce que ces politiques sont pour nous un outil essentiel en faveur du développement économique, social et territorial.
J’ai engagé des échanges avec de nombreux présidents de région. Jacqueline Gourault et le Premier ministre ont également entamé des discussions sur la bonne utilisation et la bonne gestion des fonds. La Cour des comptes a rendu un rapport à ce titre. Sachez que votre action dans ce domaine sera pour nous extrêmement utile.
Monsieur Cyril Pellevat, vous avez souligné que de nombreux sujets épineux nous attendaient. Effectivement, l’Europe avance par petits pas, mais le chemin parcouru est tout de même long ! Au mois d’octobre, un rendez-vous important nous attend, qu’il s’agisse de l’élargissement, du budget européen ou de la mise en œuvre d’un agenda stratégique plus concret. Quoi qu’il en soit, il ne faut pas être triste à l’idée que les choses se fassent de manière séquentielle. En revanche, il faudra être attentif à ne laisser de côté aucun sujet. Vous pouvez évidemment compter sur notre vigilance absolue.
Madame la sénatrice Guillotin, vous avez évoqué la neutralité carbone. Pour reprendre vos propos, vous percevez comme un signal négatif le fait nous n’ayons pas inscrit 2050 comme date butoir dans le corps du texte des conclusions. Bien sûr, nous aurions préféré obtenir l’unanimité, mais je tiens à rappeler d’où nous sommes partis. Au mois de mars, soit il y a trois mois, quand la France a avancé cette idée, quatre pays seulement la soutenaient. En mai, elle recueillait d’adhésion de huit pays, plus un, la Lettonie s’étant greffée au mouvement sur la grande place de Sibiu. Avant le Conseil, nous étions entre douze et quinze, et pendant les discussions nous sommes parvenus à rassembler vingt-quatre pays autour de notre proposition.
Une chose est claire aujourd’hui : la Commission est officiellement mandatée pour travailler à la mise en œuvre de proposition pour atteindre la neutralité carbone en 2050. Par conséquent, elle va devoir faire des propositions qui vont dans notre sens. C’est un fait que quatre pays se sont opposés à adopter le principe de la neutralité carbone en 2050, mais c’est aussi un fait que la Commission va devoir réfléchir à des actions concrètes pour y arriver. Je tenais donc à nuancer votre sentiment d’échec, qui a été aussi mis en avant par M. Christophe Priou.
En ce qui concerne la PAC, madame la sénatrice, oui nous sommes volontaires, oui nous cherchons à stabiliser les fonds. Entre 2014 et 2020, 52 milliards d’euros avaient été consacrés au premier pilier de la PAC. Nous voudrions également programmer 52 milliards d’euros entre 2021 et 2027. Par ailleurs, 9, 9 milliards d’euros avaient été consacrés au deuxième pilier. Nous voudrions nous rapprocher le plus possible de ces montants. Aujourd’hui, 8, 56 milliards sont consacrés au deuxième pilier et 50 milliards au premier pilier. Il faut donc faire un effort. Quoi qu’il en soit, si l’on s’arrête à une question de montant, on passe à côté du sujet. Cette PAC doit être une PAC de modernisation, de transformation, de capacité pour les agriculteurs à diversifier leur activité. Elle doit les inciter à être plus résilients aux chocs de marché, aux chocs climatiques et aux chocs liés à des pratiques culturales différentes. Utiliser moins d’intrants chimiques, cela signifie aussi plus de volatilité dans la production. Par conséquent, tout ce qui pourra conduire à stabiliser et à lisser les revenus me semble être une bonne option. C’est le sens des discussions conduites par Didier Guillaume au sein du conseil Agriculture. Soyez donc rassurés, nous sommes sur ce sujet très mobilisés.
Vous m’avez aussi interrogée sur le budget de la zone euro, tout comme MM. Haut et Longeot. La France, par la voix de son président, mais c’était déjà le cas avant lui depuis de nombreuses années, considère – c’est aussi ce que pensent de nombreux économistes – qu’une politique monétaire commune doit normalement être associée à un outil budgétaire commun. C’est ce que l’on appelle le policy mix, le budgétaire et le monétaire devant se compenser selon la nature du cycle économique. L’accord annoncé lors de l’Eurogroupe Écofin est une bonne nouvelle. Il acte l’idée que nous pouvons à dix-neuf – et pas à vingt-huit, c’est essentiel – nous doter d’un instrument qui soutienne à la fois les réformes et l’action de convergence.
Nous n’abandonnons pas l’idée selon laquelle nous parviendrons, un jour, à mettre en place un outil de stabilisation, notamment pour l’assurance chômage, et nous nous réjouissons d’ores et déjà d’avoir acté ce principe.
Il est essentiel selon moi d’avoir également acté – ce sera l’un des éléments de la négociation du cadre financier pluriannuel – le financement de ce budget par des ressources propres autonomes, afin que nous n’ayons pas à attendre 2027 pour trouver des tuyaux d’abondement pour sa montée en charge.
La question du volume du budget est importante, de même que celle de la gouvernance. Nous nous réjouissons, là aussi, des pas que nous avons faits, sans pour autant nous en satisfaire. Le Président de la République a été très clair sur ce point : il faut envisager les choses dans la continuité. La présidence finlandaise actuelle, ainsi que le changement de gouvernement en Finlande, va nous aider à convaincre de nouvelles personnes de l’importance et de la pertinence de cet outil.
Nous devons répéter cette tâche chaque fois que les gouvernements changent dans les pays : il faut de nouveau remobiliser, en expliquant combien cet outil est important.
Vous m’avez interrogée sur la situation en Ukraine et sur les vues de M. Volodymyr Zelensky. Je suis allée à Kiev pour son investiture et Jean-Yves Le Drian s’est également rendu sur place, à la fin du mois de mai, avec M. Heiko Maas, son homologue allemand. Quant à M. Zelensky, il est venu à Paris le 17 juin. Nous entretenons, vous le voyez, une relation diplomatique très forte avec ce pays, car nous pensons qu’il convient – pour les accords de Minsk, le Donbass, la Crimée et, plus largement, pour la région – de consentir un effort diplomatique important afin que nous puissions avancer sur ces dossiers.
Ce qu’a dit M. Zelensky dans son discours d’investiture est très intéressant. Il a notamment appelé les Ukrainiens qui étaient partis à revenir. Plus de 5 millions d’entre eux ont quitté le pays au cours des cinq ou six dernières années. Il s’agit, mécaniquement, de ceux qui, au sein de la population, ont le plus de capacités financières, culturelles, intellectuelles, qui disposent des ressources pour faire redémarrer l’économie et, plus globalement, le développement du pays. Nous aimerions pouvoir soutenir M. Zelensky dans cette démarche. Mais pour que le retour de ces personnes soit possible, il doit d’abord mener à bien le travail qu’il souhaite engager en termes de lutte contre la corruption et de pacification.
Il semble que M. Masson ait quitté l’hémicycle… Je tiens néanmoins à rappeler quelques éléments, évoqués également par M. Leconte, sur la Crimée.