Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, permettez-moi, en conclusion de ce débat, de revenir sur l’agenda stratégique de l’Union européenne, sur lequel le Conseil européen s’est accordé pour les cinq prochaines années.
Je ne rappellerai pas les quatre volets de cet agenda qui ont déjà été largement évoqués dans le débat, mais je souhaiterais souligner certaines avancées qui méritent, à mes yeux, une attention particulière. Pourquoi ? Parce que toutes témoignent d’une prise de conscience salutaire, par l’Union européenne, de la nécessité pour elle de se concevoir comme puissance, et non simplement comme espace.
Premier point, l’accent est mis par le Conseil européen sur l’importance qu’il convient d’accorder à l’euro, et plus spécifiquement au renforcement de son rôle international. La monnaie est assurément l’un des éléments fondateurs de la souveraineté. L’extraterritorialité des lois américaines, qui s’attache au dollar et contre laquelle l’agenda stratégique appelle à lutter, nous rappelle combien nous aurions à gagner à favoriser l’usage de l’euro dans les échanges internationaux. Nous pouvons aussi saluer le fait que l’agenda prévoit de finaliser l’union bancaire et l’union des marchés de capitaux, sans lesquelles l’édifice de la monnaie unique reste fragile.
Deuxième point : je relève une évolution sémantique sensible qui témoigne de l’éveil progressif du Conseil européen à la vision française d’une Europe-puissance. En matière de défense, l’agenda stratégique, tout en rappelant évidemment la nécessité d’une coopération étroite avec l’OTAN pour la sécurité de notre continent, invite à renforcer les moyens de la défense européenne et à viser la perspective d’une autonomie décisionnelle de l’Union européenne en ce domaine. Cet appel à l’autonomie de décision se retrouve d’ailleurs, comme en écho, dans les conclusions du sommet de la zone euro qui s’est tenu à la suite du Conseil européen.
Il n’y a qu’un pas de l’autonomie à la souveraineté, qui reste néanmoins un gros mot, semble-t-il. Pourtant, le Conseil européen lui-même va jusqu’à mentionner l’impératif de souveraineté européenne dans le domaine du numérique. J’y vois la confirmation que la souveraineté numérique, à laquelle notre assemblée consacre en ce moment une commission d’enquête, est un enjeu tout à fait stratégique, qui doit se concevoir à l’échelle européenne.
Troisième élément, l’agenda stratégique tel qu’il a été adopté par le Conseil européen mentionne explicitement l’impératif, pour l’Union, de se doter d’une politique industrielle. C’est un concept qui a trop longtemps été inaudible à Bruxelles, et nous pouvons nous féliciter de le voir ainsi consacré durablement. L’agenda stratégique prévoit également une mise à jour des règles européennes en matière de concurrence, que nous appelons aussi de nos vœux : il conviendra de s’assurer que cet aggiornamento se fasse bien au service de la stratégie industrielle que l’Union entend déployer.
Enfin, quatrième motif de satisfaction : l’agenda stratégique assigne clairement à l’Union européenne la mission de développer son influence et d’être plus assertive dans la défense de ses intérêts. Il vise notamment à obtenir plus de réciprocité en matière de négociations commerciales ; c’est un objectif que nous promouvons depuis longtemps, particulièrement en ce qui concerne l’ouverture des marchés publics.
Pour conclure ce débat, je veux donc saluer le nouvel agenda stratégique assigné à la Commission et au Conseil : c’est un fruit important de ce Conseil européen de 2019. Il me paraît très prometteur. Pour qu’il ne reste pas lettre morte, il doit être endossé par des personnalités qui ont à la fois l’expérience et l’ambition requises. Souhaitons donc que les prochaines nominations soient à la hauteur de cette nouvelle feuille de route de l’Union.
Je formulerais un dernier souhait. L’agenda stratégique invite l’Union à consacrer plus de ressources à sa mise en œuvre effective. Puisse en effet l’Union se doter des moyens de ses ambitions, et réveiller ainsi l’espoir d’un avenir meilleur pour l’ensemble des citoyens européens !