Par ailleurs, le pilotage des opérateurs, largement soumis à l'urgence, manque de prévisibilité et de connaissance des publics.
L'ouverture de places hivernales est une source d'incertitude pour les gestionnaires. Malgré les efforts croissants des services de l'État pour une gestion prévisionnelle des campagnes hivernales, notamment par l'identification du foncier disponible pour accueillir des places exceptionnelles, l'ouverture des places se fait fréquemment dans l'urgence. Dans cette situation, la sélection des opérateurs se fait souvent de gré à gré, et conduit à solliciter de grands opérateurs qui ont la capacité d'agir dans des délais contraints.
Les opérateurs sélectionnés sont souvent amenés à procéder à l'ouverture de places avant que les financements dédiés ne soient versés voire arbitrés. Le coût d'une place hivernale, qui doit amortir sur une courte durée les aménagements réalisés, peut s'avérer très supérieur à celui d'une place pérenne en centre d'hébergement, alors que les conditions d'accueil sont bien moins favorables.
Les gestionnaires sont aussi confrontés à des incertitudes à la fin de chaque période hivernale, À la mi-mars 2019, ils ne connaissaient toujours pas le nombre de places qui allaient être pérennisées sur les 14 000 ouvertes pour l'hiver 2018-2019. La décision du Gouvernement de pérenniser 6 000 places n'a été rendue publique que le 1er avril. Dans l'attente de cette décision, ils ignoraient le nombre de personnes accueillies qui allaient devoir sortir des dispositifs hivernaux. Les décisions de pérennisation gagneraient donc à être davantage anticipées, en concertation avec les gestionnaires, pour assurer une meilleure continuité de l'offre d'hébergement.
Pour une meilleure préparation des périodes hivernales, des marges de progrès existent également. Pour la première fois, à l'été 2018, un appel à candidature a été initié par l'État en Ile-de-France afin d'identifier un socle de 2 800 places à ouvrir pour l'hiver. Nous proposons de renouveler cette procédure chaque été pour assurer une gestion prévisionnelle des dispositifs hivernaux, en particulier dans les grandes zones urbaines.
Au-delà de l'hiver, nous considérons que la prévisibilité d'ouverture de places pour le parc pérenne peut également être améliorée par une meilleure formalisation des procédures d'ouverture de places et par une gestion prévisionnelle du foncier. C'est en particulier le cas pour les nuitées d'hôtels, dont une partie seulement est sélectionnée selon une procédure de marché public. Nous proposons donc de renforcer la formalisation des procédures de sélection des opérateurs de l'hébergement d'urgence en ayant recours à des appels à candidature ou des appels à projet selon les besoins.
En outre, il nous semble que l'État dispose d'une connaissance trop limitée des publics accueillis dans les dispositifs d'hébergement d'urgence. Si l'État est le financeur de la politique d'hébergement, la régulation de l'offre et de la demande d'hébergement est largement déléguée aux services intégrés d'accueil et d'orientation (SIAO). Cette régulation s'est d'ailleurs considérablement améliorée avec la montée en charge des SIAO qui coordonnent, à l'échelle du département, la veille sociale, les demandes d'hébergement en gérant le « 115 » et l'orientation des publics.
La connaissance du secteur s'est aussi améliorée avec, d'une part, le développement du système d'informations des SIAO, partagé par tous les acteurs, et d'autre part, l'obligation pour les gestionnaires de remplir chaque année une enquête nationale des coûts destinée à mieux connaitre les besoins et les disparités de financement. Pour autant, la qualité de l'information disponible dépend des données demandées et transmises par les opérateurs. Certains responsables de services déconcentrés nous ont indiqué que les données disponibles n'étaient pas suffisantes pour assurer un pilotage satisfaisant.
Des informations plus précises sur les publics hébergés pourraient être demandées aux opérateurs. L'État dispose par exemple du nombre de demandeurs d'asile hébergés dans le parc généraliste mais il ignore la part de personnes non régularisées, alors que certains opérateurs ont effectué des enquêtes sur la situation administrative des publics qu'ils accueillent. Or il est nécessaire d'avoir une connaissance précise des publics accueillis pour adapter au mieux les structures d'hébergement et l'accompagnement social. Nous proposons donc qu'un travail soit engagé entre l'État et les opérateurs visant à compléter et préciser la nature des données à recueillir pour disposer d'une meilleure connaissance des publics hébergés.