Intervention de Joël Giraud

Commission mixte paritaire — Réunion du 26 juin 2019 à 18h40
Commission mixte paritaire sur le projet de loi portant création d'une taxe sur les services numériques et modification de la trajectoire de baisse de l'impôt sur les sociétés

Joël Giraud, député, rapporteur pour l'Assemblée nationale :

Albéric de Montgolfier vient de le dire, nous vous proposons un texte de compromis équilibré, fruit de nos échanges préparatoires à cette CMP. Il nous est en effet apparu qu'il était possible d'esquisser, entre nos deux assemblées, des pistes de convergences. L'adoption conforme par le Sénat de l'article 2 sur le taux de l'IS a, selon moi, rendu possible un accord sur le texte entre nos deux assemblées ou, à tout le moins, en a grandement accru les chances.

Cela a été rappelé, le projet de loi comportait initialement deux articles. L'Assemblée nationale et le Sénat ont, chacun, apporté des modifications à l'article 1er mais les deux assemblées se sont retrouvées sur l'équilibre général de la TSN, c'est-à-dire sur les principales caractéristiques de l'assiette, sur le taux, sur les redevables et sur les modalités de déclaration, de paiement et de contrôle.

Nos deux assemblées partagent également le même point de vue sur cette taxe, tout comme d'ailleurs le Gouvernement. Nous reconnaissons que la TSN n'est pas parfaite, puisqu'elle porte sur le chiffre d'affaires. Cependant, elle est nécessaire pour qu'un premier pas soit fait face aux défis de la numérisation de l'économie. Elle permet d'éviter l'écueil des conventions fiscales et, en tout état de cause, elle a vocation à être provisoire. Nous nous rejoignons ainsi sur l'essentiel ; ce qui me rend confiant dans la possibilité d'une CMP conclusive aujourd'hui.

À l'issue de nos échanges préalables, nous avons abouti à une position commune qui, me semble-t-il, constitue un bon équilibre entre le texte adopté par l'Assemblée nationale et celui adopté par le Sénat, dont une grande partie des modifications est reprise, notamment celle qui tenait particulièrement à coeur à Albéric de Montgolfier, sur les motifs d'une non-notification de la taxe à la Commission européenne.

Pour éviter de reprendre la parole trop longuement sur chaque proposition de rédaction et modification suggérée, je vais vous en dresser le tableau. La position commune vous est présentée sous la forme d'un texte comparatif qui, partant du projet de loi adopté par le Sénat, indique les ajustements suggérés, consistant soit en un retour au texte de l'Assemblée nationale, soit en des améliorations nouvelles.

Dans le détail, ce texte prévoit, par rapport à la version du Sénat, les modifications suivantes.

Nous vous proposons tout d'abord de revenir sur deux mesures adoptées par le Sénat consistant à exclure du champ de la TSN certains services, alors que rien ne justifie une telle exclusion. Il s'agit des services de mise en relation dont le mode de rémunération repose sur un abonnement, tels que les sites de rencontres et des systèmes informatisés de réservation, les SIR. Sur ce dernier point, je précise que Bercy travaille avec les entreprises concernées pour aboutir à un rescrit afin de sécuriser leur situation. Cela illustre que le débat que nous avons eu sur ce sujet a été tout sauf inutile.

Nous vous proposons ensuite de supprimer l'imputation de la TSN sur la C3S. L'idée était originale mais juridiquement risquée. Le gage financier associé est également supprimé, par coordination.

Trois autres modifications apportées par le Sénat font l'objet de propositions de rédaction de compromis. Le bornage temporel de la taxe, entre 2019 et 2021, risquerait de nuire aux négociations internationales en cours. Le récent sommet du G20 à Fukuoka a montré que l'existence de la TSN était un facteur de dynamisme dans ces négociations. Cependant, le souci manifesté par le Sénat à travers ce bornage est partagé, et c'est pourquoi nous proposons de renforcer la volonté politique sur le caractère provisoire de la taxe. Nous avons, en quelque sorte, tenu à nous montrer plus affirmatifs sur ce point.

Nous proposons de revenir également sur une mesure adoptée au Sénat relative aux moyens de localisation, mais elle tient compte de la position manifestée par le Sénat. Elle s'inspire de la rédaction de la proposition de directive de la Commission européenne du 21 mars 2018, avec un dispositif plus souple que le renvoi à un décret en Conseil d'État - ce qui devrait limiter les retards de mise en oeuvre -, et souligne le nécessaire respect des règles de protection des données personnelles.

Le troisième compromis porte sur les activités connexes à des prestations taxables. Nous proposons de traduire l'objectif poursuivi par les deux assemblées sur ce point, et de reprendre les termes employés en droit européen s'agissant des opérations complexes en matière de taxe sur la valeur ajoutée.

Toutes les autres modifications apportées par le Sénat à l'article 1er sont conservées, à savoir, outre les corrections rédactionnelles : la clarification opportunément apportée sur la territorialisation en matière de publicité ciblée, le report d'un mois de la date limite de paiement de l'acompte en 2019, de celle de la fin de la période de référence retenue pour cet acompte et de la date limite pour opter pour le régime de groupe, ainsi que l'importante précision introduite à l'initiative d'Albéric de Montgolfier sur les modalités particulières prévues pour 2019. Sur ce point, nous vous proposons un complément précisant que l'entreprise qui aurait versé l'acompte unique en 2019, mais qui se révélerait finalement non assujettie, est remboursée. Cela paraît évident mais, en l'état du texte, ce n'est pas si clair, puisque ce dernier ne prévoit de remboursement que pour les redevables de la TSN, ce que ne sont pas les entreprises qui ne sont pas assujetties à la taxe.

L'enrichissement du rapport annuel sur l'état des négociations internationales d'un volet sur une coopération renforcée est aussi conservé, et la suppression de la mention prévoyant la possibilité d'organiser un débat sur ce rapport est maintenue : nos deux assemblées ont en effet déjà toute latitude pour le faire, sans avoir besoin pour cela de la loi. La même modification apportée à l'article 3 est elle aussi conservée.

Nous vous proposons également de conserver l'article 1er bis A, introduit à l'initiative d'Albéric de Montgolfier, prévoyant la remise par le Gouvernement d'un rapport sur les motifs de la non-notification de la taxe à la Commission européenne.

Enfin, l'article 3 serait conservé dans la rédaction du Sénat.

J'ajoute que nous proposons également une clarification rédactionnelle ainsi que la correction d'une coquille et d'une erreur de référence.

Avec ces modifications, le texte que nous vous soumettons me paraît constituer un bon compromis : il conserve l'essentiel du dispositif et des améliorations que l'Assemblée nationale et le Sénat ont apportées, tout en prévoyant d'utiles enrichissements.

Je voudrais, enfin, me féliciter du toujours excellent travail en commun mené avec mon collègue du Sénat. Je vous invite donc, pour couronner cette bonne entente et ces efforts méritoires, dans les circonstances politiques actuelles, à adopter le texte qui vous est proposé par les deux rapporteurs. Je vous remercie.

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