DISCUSSION GÉNÉRALE
Notre Assemblée a été saisie d'un texte qui comprenait deux articles. Elle en a ajouté deux, adoptant le texte en première lecture le 9 avril dernier. Le Sénat, pour sa part, a adopté le texte en première lecture le mardi 21 mai. Il a modifié deux articles et en a ajouté un. Il a par ailleurs adopté deux articles conformes. Notre commission mixte paritaire (CMP) est donc chargée d'élaborer un texte sur les trois articles restant en discussion, à savoir les articles 1er, 1er bis A et 3. Nous entendrons d'abord nos rapporteurs, qui nous diront s'il leur paraît envisageable que la CMP trouve un accord sur un texte.
Le projet de loi transmis par l'Assemblée nationale au Sénat comportait quatre articles : les deux articles initiaux tout d'abord, qui visaient pour le premier à créer une taxe sur les services numériques (TSN), pour le second à revenir sur la baisse de l'impôt sur les sociétés (IS) pour les grandes entreprises. Ensuite, deux articles additionnels introduits par l'Assemblée nationale, 1er bis et 3, prévoient la remise de rapports. Le Sénat a adopté conformes les articles 1er bis et 2, a modifié les articles 1er et 3, et a introduit, à l'initiative de la commission des finances, un nouvel article 1er bis A. Seuls trois articles restent donc en discussion (articles 1er, 1er bis A et 3), avec en particulier l'article 1er, qui instaure la TSN.
Permettez-moi de revenir rapidement sur l'article 2, qui reporte la trajectoire de baisse de l'IS pour les grandes entreprises en 2019. Cette mesure de rendement, nous le savons, était nécessaire. Il s'agissait d'une « contrepartie » des mesures que nous avons adoptées en décembre dernier pour répondre au mouvement social que nous traversions.
Le Sénat a finalement adopté cet article, mais ne nous trompons pas sur ce que l'article ne dit pas : un nouveau report en 2020 est à prévoir, comme cela a été annoncé dans la presse et nous avons pu aussi le mettre en évidence dans le cadre de l'examen du programme de stabilité.
Nous aurons l'occasion d'en parler dès le débat d'orientation des finances publiques, puis d'examiner la mesure qui sera, à n'en pas douter, proposée à l'automne. Je considère toutefois qu'en actant un nouveau report, le Gouvernement se condamnerait à ne pas pouvoir respecter son objectif d'atteindre un taux de 25 % en 2022. J'espère que nous trouverons la recette pour y parvenir, mais plus nous nous rapprocherons de cette échéance, plus l'objectif sera compliqué à atteindre.
Revenons au sujet qui nous occupe aujourd'hui, la création de la TSN. Je pense que nous pouvons parvenir à un accord sur ce dispositif.
Nous partageons tous l'objectif d'assurer une plus juste répartition de l'imposition des entreprises, quels que soient les modèles d'activité et en tenant compte du développement du numérique.
Le système fiscal international actuel ne nous le permet pas ; une réforme est à l'étude sous l'égide de l'Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE). Elle pourrait se concrétiser plus rapidement que nous l'anticipions il y a encore quelques mois.
Nous considérons que la solution dont nous discutons constitue un « pis-aller », c'est-à-dire un « plan C », dans l'attente d'un accord international et en l'absence d'accord européen. Ce dernier n'est pas possible actuellement, en raison de l'opposition d'un certain nombre d'États membres.
C'est à l'aune de ces deux éléments de contexte que nous avons abordé la taxe proposée, en prévoyant d'en limiter la durée dans le temps jusqu'en 2021. À cette date, M. Pascal Saint-Amans nous a indiqué croire en la possibilité d'un accord international. Il faut rappeler ce caractère temporaire de la taxe, dans l'attente d'une solution coordonnée. Le ministre de l'économie et des finances lui-même s'y est engagé. Nous avons donc souhaité inscrire dans la loi cette date butoir.
Une fois partagé cet objectif de faire changer le système d'imposition applicable aux « géants du numérique » et le constat d'une taxe nécessairement temporaire, le Sénat a par ailleurs souhaité modifier un dispositif qui nous est apparu, sous certains égards, économiquement imparfait, complexe à mettre en oeuvre, et juridiquement risqué.
Sur le plan économique, la taxe proposée pose plusieurs difficultés. En taxant le chiffre d'affaires, elle revêt un caractère procyclique évident. Elle peut frapper des entreprises qui perdent de l'argent. Elle peut aussi conduire à une double imposition de nombreuses entreprises qui acquittent déjà leurs impôts sur les bénéfices qu'elles réalisent en France. L'objet n'est pas d'ajouter de la fiscalité supplémentaire à une entreprise qui paie déjà de l'impôt. Il s'agit de taxer des entreprises qui ne paient pas d'impôt sur les sociétés.
Malheureusement, nous n'avons pas trouvé de mécanisme de déduction juridiquement acceptable. L'an dernier, dans le cadre de sa résolution européenne sur les propositions de directive de la Commission européenne de mars 2018, le Sénat avait envisagé un mécanisme de « super déduction » en charge de la taxe sur les services numériques au titre de l'impôt sur les sociétés. Ce mécanisme n'est pas possible pour une taxe nationale, car il agrandirait le risque de l'intégrer dans le champ des conventions fiscales internationales, ce qui la priverait de toute portée.
Afin de proposer une solution plus limitée dans son impact mais permettant de prendre en compte cette situation de double imposition, le Sénat a proposé un mécanisme de déduction de la TSN de la contribution sociale de solidarité des sociétés (C3S). Quoiqu'imparfaite car ne compensant notamment pas totalement la double imposition, cette solution permettait de réduire l'impact de cette taxe pour les entreprises installées en France et qui ne réalisent pas encore de bénéfices, nombreuses dans le secteur numérique.
Le dispositif est aussi complexe dans sa mise en oeuvre, en ce qu'il vise à appréhender la valeur résultant du « travail gratuit » des utilisateurs. Il repose sur une assiette calculée au moyen d'un pourcentage représentatif des utilisateurs situés en France. Il en résulte deux conséquences : d'une part, le périmètre des services assujettis est fortement contraint juridiquement et rend complexe toute modification de l'assiette qui pourrait être pertinente économiquement ; d'autre part, la taxe nécessite de connaître la localisation des utilisateurs, ce qui pose des questions quant à sa faisabilité technique et au respect des exigences de protection des données personnelles.
Pour ces raisons, le Sénat a renvoyé à un décret en Conseil d'État le soin de définir les modalités de localisation des utilisateurs. Dans l'étude d'impact, il est indiqué que ces modalités se font par l'adresse IP (protocole internet) ou par « tout autre moyen », mais cela n'est pas précisé dans le texte.
Juridiquement, la TSN constitue un pari à bien des égards : son assiette vise à territorialiser des revenus générés par les utilisateurs français sans qu'ils soient effectivement déclarés en France, en s'extrayant des conventions fiscales de répartition des bénéfices. Nous avons souhaité sécuriser le dispositif et réduire les risques juridiques identifiés, qui sont une source potentielle de contentieux.
Nous avons également précisé les conditions d'assujettissement des entreprises pour permettre de percevoir la taxe dès 2019. D'autres ajustements techniques et de coordination sont encore nécessaires, nous y reviendrons.
Surtout, nous nous sommes préoccupés du risque de remise en cause de la taxe au titre des aides d'État. Sans préjuger du fond, il nous paraissait essentiel de respecter la forme, qui commande de notifier tout projet d'aide d'État à la Commission européenne. Dès lors que la taxe ne frapperait que des grandes entreprises internationales, il convient d'être prudent. Si elle était qualifiée d'aide d'État, sans notification préalable, la taxe serait invalidée sans même être contraire aux traités européens. En matière d'aides d'État, ce n'est pas parce que l'on notifie que la taxe sera qualifiée d'aide d'État, mais si la taxe n'est pas notifiée et qu'elle est invalidée, il sera nécessaire de rembourser les entreprises qui l'ont acquittée. Ce serait la pire solution !
Le Gouvernement nous propose de faire cavalier seul et d'être le premier pays de l'Union européenne à mettre en oeuvre une taxe sur les services numériques. Renforçons au moins sa sécurité juridique par un simple courrier envoyé à Bruxelles. Par le passé, nous avons eu des exemples qui nous incitent à la prudence. Rappelez-vous la convention fiscale avec le Panama, dont l'autorisation de ratification avait été refusée par le Sénat : on nous disait que tout allait bien, qu'il n'y avait aucun problème, et quelques années plus tard étaient révélés les Panama Papers ; on peut également citer la contribution de 3 % sur les dividendes.
C'est tout l'objet de l'article 1er bis A, introduit par le Sénat à mon initiative. La notification relevant des pouvoirs de l'exécutif, nous estimons indispensable que le Gouvernement se justifie s'il maintenait son choix de ne pas notifier la taxe sur les services numériques à la Commission européenne.
Le Sénat et l'Assemblée nationale ont donc validé le principe de la création d'une taxe sur les services numériques, reposant sur une assiette et des modalités qu'aucun amendement adopté ne remettait finalement drastiquement en cause.
Joël Giraud et moi-même avons travaillé ces dernières semaines pour parvenir si possible à un texte commun. Je proposerai de rejoindre la position de la majorité de l'Assemblée nationale sur certains points, notamment sur un point essentiel : le fait de ne pas enserrer la taxe dans une date butoir, afin de laisser au Gouvernement une pleine marge de manoeuvre pour négocier au niveau international. Il ne faut pas affaiblir la position de la France. Nous entendons aussi les arguments contre la déduction de la taxe sur la C3S, même si la double imposition est critiquable.
En revanche, plusieurs mesures du Sénat demeurent, en particulier le rapport exigeant du Gouvernement de se justifier sur l'absence de notification au titre de l'encadrement des aides d'État. D'autres dispositions techniques et d'amélioration des mesures proposées sont également conservées.
De plus, les initiatives du Sénat ont permis d'aboutir à des compromis sur deux points essentiels. D'une part, les services connexes à la mise en relation des utilisateurs, comme les services de livraison ou de stockage, sont exclus de l'assiette de la taxe dans des conditions économiquement fidèles à son objectif. D'autre part, les préoccupations que nous avons exprimées sur les moyens retenus pour localiser les terminaux en France, dans le respect des exigences de protection des données personnelles, font également l'objet d'une proposition de modification que nous vous soumettons.
Cette taxe n'est pas la solution miracle. Nous sommes les premiers à essuyer les plâtres. La solution européenne ou internationale était sans doute préférable. J'espère que nous parviendrons à une solution mondiale et j'espère que la position de la France y aidera. C'est dans cet esprit que nous sommes parvenus à un travail en commun que nous vous proposons à cet instant.
Albéric de Montgolfier vient de le dire, nous vous proposons un texte de compromis équilibré, fruit de nos échanges préparatoires à cette CMP. Il nous est en effet apparu qu'il était possible d'esquisser, entre nos deux assemblées, des pistes de convergences. L'adoption conforme par le Sénat de l'article 2 sur le taux de l'IS a, selon moi, rendu possible un accord sur le texte entre nos deux assemblées ou, à tout le moins, en a grandement accru les chances.
Cela a été rappelé, le projet de loi comportait initialement deux articles. L'Assemblée nationale et le Sénat ont, chacun, apporté des modifications à l'article 1er mais les deux assemblées se sont retrouvées sur l'équilibre général de la TSN, c'est-à-dire sur les principales caractéristiques de l'assiette, sur le taux, sur les redevables et sur les modalités de déclaration, de paiement et de contrôle.
Nos deux assemblées partagent également le même point de vue sur cette taxe, tout comme d'ailleurs le Gouvernement. Nous reconnaissons que la TSN n'est pas parfaite, puisqu'elle porte sur le chiffre d'affaires. Cependant, elle est nécessaire pour qu'un premier pas soit fait face aux défis de la numérisation de l'économie. Elle permet d'éviter l'écueil des conventions fiscales et, en tout état de cause, elle a vocation à être provisoire. Nous nous rejoignons ainsi sur l'essentiel ; ce qui me rend confiant dans la possibilité d'une CMP conclusive aujourd'hui.
À l'issue de nos échanges préalables, nous avons abouti à une position commune qui, me semble-t-il, constitue un bon équilibre entre le texte adopté par l'Assemblée nationale et celui adopté par le Sénat, dont une grande partie des modifications est reprise, notamment celle qui tenait particulièrement à coeur à Albéric de Montgolfier, sur les motifs d'une non-notification de la taxe à la Commission européenne.
Pour éviter de reprendre la parole trop longuement sur chaque proposition de rédaction et modification suggérée, je vais vous en dresser le tableau. La position commune vous est présentée sous la forme d'un texte comparatif qui, partant du projet de loi adopté par le Sénat, indique les ajustements suggérés, consistant soit en un retour au texte de l'Assemblée nationale, soit en des améliorations nouvelles.
Dans le détail, ce texte prévoit, par rapport à la version du Sénat, les modifications suivantes.
Nous vous proposons tout d'abord de revenir sur deux mesures adoptées par le Sénat consistant à exclure du champ de la TSN certains services, alors que rien ne justifie une telle exclusion. Il s'agit des services de mise en relation dont le mode de rémunération repose sur un abonnement, tels que les sites de rencontres et des systèmes informatisés de réservation, les SIR. Sur ce dernier point, je précise que Bercy travaille avec les entreprises concernées pour aboutir à un rescrit afin de sécuriser leur situation. Cela illustre que le débat que nous avons eu sur ce sujet a été tout sauf inutile.
Nous vous proposons ensuite de supprimer l'imputation de la TSN sur la C3S. L'idée était originale mais juridiquement risquée. Le gage financier associé est également supprimé, par coordination.
Trois autres modifications apportées par le Sénat font l'objet de propositions de rédaction de compromis. Le bornage temporel de la taxe, entre 2019 et 2021, risquerait de nuire aux négociations internationales en cours. Le récent sommet du G20 à Fukuoka a montré que l'existence de la TSN était un facteur de dynamisme dans ces négociations. Cependant, le souci manifesté par le Sénat à travers ce bornage est partagé, et c'est pourquoi nous proposons de renforcer la volonté politique sur le caractère provisoire de la taxe. Nous avons, en quelque sorte, tenu à nous montrer plus affirmatifs sur ce point.
Nous proposons de revenir également sur une mesure adoptée au Sénat relative aux moyens de localisation, mais elle tient compte de la position manifestée par le Sénat. Elle s'inspire de la rédaction de la proposition de directive de la Commission européenne du 21 mars 2018, avec un dispositif plus souple que le renvoi à un décret en Conseil d'État - ce qui devrait limiter les retards de mise en oeuvre -, et souligne le nécessaire respect des règles de protection des données personnelles.
Le troisième compromis porte sur les activités connexes à des prestations taxables. Nous proposons de traduire l'objectif poursuivi par les deux assemblées sur ce point, et de reprendre les termes employés en droit européen s'agissant des opérations complexes en matière de taxe sur la valeur ajoutée.
Toutes les autres modifications apportées par le Sénat à l'article 1er sont conservées, à savoir, outre les corrections rédactionnelles : la clarification opportunément apportée sur la territorialisation en matière de publicité ciblée, le report d'un mois de la date limite de paiement de l'acompte en 2019, de celle de la fin de la période de référence retenue pour cet acompte et de la date limite pour opter pour le régime de groupe, ainsi que l'importante précision introduite à l'initiative d'Albéric de Montgolfier sur les modalités particulières prévues pour 2019. Sur ce point, nous vous proposons un complément précisant que l'entreprise qui aurait versé l'acompte unique en 2019, mais qui se révélerait finalement non assujettie, est remboursée. Cela paraît évident mais, en l'état du texte, ce n'est pas si clair, puisque ce dernier ne prévoit de remboursement que pour les redevables de la TSN, ce que ne sont pas les entreprises qui ne sont pas assujetties à la taxe.
L'enrichissement du rapport annuel sur l'état des négociations internationales d'un volet sur une coopération renforcée est aussi conservé, et la suppression de la mention prévoyant la possibilité d'organiser un débat sur ce rapport est maintenue : nos deux assemblées ont en effet déjà toute latitude pour le faire, sans avoir besoin pour cela de la loi. La même modification apportée à l'article 3 est elle aussi conservée.
Nous vous proposons également de conserver l'article 1er bis A, introduit à l'initiative d'Albéric de Montgolfier, prévoyant la remise par le Gouvernement d'un rapport sur les motifs de la non-notification de la taxe à la Commission européenne.
Enfin, l'article 3 serait conservé dans la rédaction du Sénat.
J'ajoute que nous proposons également une clarification rédactionnelle ainsi que la correction d'une coquille et d'une erreur de référence.
Avec ces modifications, le texte que nous vous soumettons me paraît constituer un bon compromis : il conserve l'essentiel du dispositif et des améliorations que l'Assemblée nationale et le Sénat ont apportées, tout en prévoyant d'utiles enrichissements.
Je voudrais, enfin, me féliciter du toujours excellent travail en commun mené avec mon collègue du Sénat. Je vous invite donc, pour couronner cette bonne entente et ces efforts méritoires, dans les circonstances politiques actuelles, à adopter le texte qui vous est proposé par les deux rapporteurs. Je vous remercie.
EXAMEN DES ARTICLES
Article 1er
La première modification proposée consiste à supprimer le bornage temporel de la TSN entre 2019 et 2021.
Nous vous proposons effectivement de revenir à la rédaction de l'Assemblée nationale en supprimant le bornage temporel. Mais cela ne remet pas en cause notre soutien au caractère provisoire de la taxe.
La deuxième modification suggérée consiste à revenir sur l'exclusion du champ de la taxe des services dont le mode de rémunération repose sur des abonnements, qu'a introduite le Sénat.
La troisième modification proposée concerne les systèmes informatisés de réservation (SIR). Il s'agit ici de supprimer leur exclusion du champ de la TSN introduite par le Sénat.
J'ai été assez convaincu par Joël Giraud sur ce sujet. Le risque est que si l'on commence à faire des exclusions, cela fragilise l'assiette même de la taxe sur le plan juridique.
Mais il y a d'autres éléments dans le texte qui excluent les services financiers. Il y a déjà des exceptions, même si elles sont de natures différentes.
C'est effectivement un sujet sur lequel nous avions beaucoup échangé au moment de l'examen du texte, et j'avais été assez satisfaite de voir l'amendement du Sénat qui excluait ces services. Je rejoins donc les propos du Président : il y a d'autres éléments exclus. J'entends les risques de remise en cause de la cohérence de l'assiette de la taxe, mais cela ne peut pas être reçu comme tel. Au demeurant, aujourd'hui, quelles certitudes avons-nous sur la manière dont Bercy peut appréhender cette situation particulière, au regard notamment des sociétés exploitant des SIR qui ont plusieurs activités ?
Nous avons un engagement clair de Bercy que le rescrit fiscal existera. Comptez sur les deux rapporteurs généraux pour être très vigilants sur ce point-là, qui constitue un élément important de l'accord. La solution trouvée permet de répondre aux craintes des SIR mais aussi aux exigences juridiques qui s'imposent au dispositif.
Ce qu'attendaient les SIR n'est pas un rescrit, mais une exemption. Ce n'est pas tout à fait la même chose. Cela étant, il fallait être d'accord. Nous avons reçu les SIR, et il s'agissait de comprendre s'il y a bien intermédiation numérique ou pas dans ce type de métier, et de savoir s'il se situe dans le champ ou non. Le rescrit le dira.
Vient ensuite une proposition de clarification rédactionnelle.
Effectivement M. le Président, il s'agit de consolider l'intention du législateur s'agissant de la double non-imposition des mêmes services au titre des deux assiettes de la TSN, intermédiation d'une part, publicité ciblée d'autre part. C'est une clarification, mais d'importance.
Nous proposons ensuite une rédaction correspondant à ce qu'Albéric de Montgolfier et moi-même avions dit lors de nos interventions liminaires, s'agissant des modalités de localisation des services. Mention expresse est faite du nécessaire respect des règles en matière de protection des données personnelles. Conséquence de cette proposition, l'alinéa 41 de l'article, dans la rédaction du Sénat, est supprimé.
Nous proposons également d'améliorer le dispositif relatif aux prestations connexes des services taxables, telles que les activités logistiques. C'est une rédaction qui reprend les termes de la jurisprudence de la Cour de justice de l'Union européenne (CJUE) sur les prestations complexes en matière de TVA. Nous avons convenu de cette rédaction avec Albéric de Montgolfier pour bien préciser les choses.
Nous partagions la même préoccupation de ne pas taxer un certain nombre de services logistiques ou connexes qui sont facturés aux entreprises sur les places de marché. La rédaction que l'on propose en commun améliore les choses et est plus précise.
Ensuite, il est proposé de supprimer l'imputation de la TSN sur la C3S.
À mon grand regret ! Il n'y avait pas de problème par rapport aux conventions fiscales, mais c'était un symbole pour montrer que nous ne voulions pas de double imposition pour les entreprises qui paieraient déjà leurs impôts en France, et notamment la C3S.
L'imputation proposée par le Sénat présentait également une difficulté au regard de l'encadrement des aides d'État.
Nous proposons ensuite de corriger une erreur matérielle portant sur la date limite de la période de référence.
Nous proposons également de préciser que les entreprises qui auraient versé l'acompte en 2019, mais se révèleraient finalement non assujetties à la TSN, sont remboursées.
Nous revenons ensuite au coeur du sujet. En effet, nous concevons cette taxe comme un dispositif transitoire, dans l'attente d'une solution internationale. La rédaction du Sénat avait précisé que le dispositif que nous mettons en place a vocation à s'éteindre en inscrivant dans la loi un bornage temporel. En modifiant le contenu du rapport demandé, notamment en remplaçant un conditionnel par un futur simple dans la demande de rapport, la présente proposition de rédaction affirme plus clairement la volonté politique du Parlement sur ce point. La France prend l'initiative en amont des autres pays : j'espère que cela encouragera à trouver un dispositif international. En tout état de cause, la taxe que nous créons ne peut avoir qu'une vocation transitoire.
La commission mixte paritaire adopte l'article 1er dans la rédaction issue de ses travaux.
Article 1er bis A
La commission mixte paritaire adopte l'article 1er bis A dans la rédaction du Sénat.
Article 3
La commission mixte paritaire adopte l'article 3 dans la rédaction du Sénat.
Je souhaite revenir sur l'article 1er bis A. Je comprends mal la motivation de cet article : le rapport au Gouvernement ne risque-t-il pas d'affaiblir notre texte, en rappelant qu'il aurait fallu notifier ? Et quel est le fondement d'un tel rapport ?
Un article précis de doctrine fiscale, paru dans une revue réputée, considère notamment que dès lors qu'un effet de seuil implique que seules certaines grandes entreprises seraient visées, notre dispositif pourrait être requalifié en aide d'État. L'avis du Conseil d'État, rendu public, ne tranche pas clairement ce point : il indique seulement que la CJUE ne s'est pas prononcée sur cette question. Nous n'avons donc aucune certitude sur l'avenir d'une taxe qui touchera vraisemblablement vingt-neuf groupes non français et un seul groupe français.
Je ne partage pas l'interprétation de cet article de doctrine. Je répète que je crains que le doute créé par un tel rapport ne conduise à un affaiblissement du texte.
Il s'agit donc plutôt d'un signal d'alarme.
Il est certain que cette taxe est susceptible d'alimenter des contentieux. Faute de pouvoir notifier nous-mêmes ou l'exiger du Gouvernement, ce qui constituerait une injonction, la demande de rapport est l'alternative que nous avons trouvée.
J'estime plus prudent de notifier la taxe également au titre de la directive « e-commerce » qui, au-delà de la question des aides d'État, est particulièrement contraignante en matière de taxe sur les services numériques. Même s'il n'y a sans doute pas de risque, je pense nécessaire de porter à la connaissance de la Commission européenne l'existence de cette taxe.
Il faut, en effet, éviter la situation dans laquelle nous aurions à rembourser une taxe aux « GAFA » : le signal politique serait catastrophique.
Cette précision, qui ne figurait pas dans le texte initial, est un apport utile du Sénat. Au pire, la disposition est superfétatoire ; s'il y a un problème, nous nous féliciterons d'avoir adopté le présent article.
La commission mixte paritaire adopte le texte issu de ses délibérations.
La réunion est close à 19 h 15.