En effet, on ne change pas une équipe qui gagne ! J'ai plaisir à travailler de nouveau avec notre collègue du Morbihan, même si je n'ai eu qu'une semaine pour préparer ce rapport.
Ce projet de loi, quelque peu baroque en effet, a été conçu par le Gouvernement comme un texte purement technique qui, initialement, devait se limiter à deux articles. L'article 1er a pour objet de ratifier l'ordonnance du 20 mars 2019 relative aux voies réservées et à la police de la circulation pour les jeux olympiques et paralympiques de 2024, tandis que l'article 2 attribue à la juridiction administrative le contentieux des déférés préfectoraux portant sur des opérations d'urbanisme, d'aménagement et de maîtrise foncière afférentes à ces jeux.
Notre commission a délégué au fond à la commission des lois l'examen des deux premiers articles de ce projet de loi, et elle n'aurait pas eu à connaître du texte si le Gouvernement en était resté là.
Mais, entre-temps, la réalité du projet de loi a beaucoup changé, comme nous l'a indiqué le président de l'Agence nationale du sport, Jean Castex.
Le Gouvernement avait prévu de créer l'Agence nationale du sport par voie réglementaire et la convention constitutive du groupement d'intérêt public avait été approuvée par arrêté du 20 avril 2019.
Or le Conseil d'État a relevé que plusieurs dispositions de la convention constitutive nécessitaient de recourir à la loi, compte tenu en particulier des distances prises avec les règles relatives aux groupements d'intérêt public définies par la loi du 17 mai 2011 de simplification et d'amélioration de la qualité du droit.
L'article 3, dont nous sommes saisis, sécurise le régime juridique de la nouvelle agence en actant dans la loi la création de l'Agence nationale du sport. Son objet premier n'est pas de clarifier son organisation, encore moins d'associer le Parlement à son fonctionnement.
Si, dans l'esprit du Gouvernement, cet article constitue une simple formalité, il évoque enfin officiellement l'Agence nationale du sport et je vous propose d'en faire une opportunité pour débattre d'une évolution majeure de notre modèle sportif.
En effet, nul ne doit mésestimer la portée du changement qui est opéré à travers les dispositions essentiellement techniques de cet article 3. Comme l'a très bien observé le Conseil d'État, la création de l'Agence nationale du sport revient pour l'État à se dessaisir des deux principales dimensions de la politique du sport : le soutien au sport de haut niveau et à la haute performance sportive, d'une part, le développement de l'accès à la pratique sportive, d'autre part. Il n'est pas anodin de noter que les recommandations du Conseil d'État, qui justifient pour l'essentiel l'article 3 du projet de loi, visent précisément à préserver une forme de contrôle de l'État sur l'Agence nationale du sport, au nom du principe selon lequel « les agences ne constituent pas des entités indépendantes et doivent intervenir dans un cadre qui leur est fixé par l'État ».
Si le Gouvernement entend donc, à travers cet article, maintenir une tutelle sur une institution à laquelle il entend confier des aspects essentiels de la politique du sport, j'observe que le projet de loi reste silencieux sur d'autres aspects, plus particulièrement le contrôle du Parlement ainsi que la place des collectivités territoriales et des fédérations sportives dans la gouvernance territoriale de l'Agence.
Les insuffisances de ce texte sont tellement nombreuses que certains d'entre nous ne souhaitent pas en discuter - je pense notamment aux signataires de l'amendement de suppression de l'article 3. On peut comprendre cette position de principe favorable au statu quo, mais supprimer l'article 3 reviendrait à nier les insuffisances de notre modèle sportif, qui nourrit un fort mécontentement de la part des fédérations sportives comme des collectivités territoriales. Que dire, par ailleurs, de nos résultats sportifs, qui stagnent à un niveau souvent insuffisant compte tenu de la qualité de nos athlètes et des moyens mobilisés ?
Je crois donc utile de nous inscrire dans le cadre de cette réforme, qui a été conçue conjointement par le Gouvernement, les collectivités territoriales et les fédérations sportives tout en associant les acteurs du monde économique.
Dans les premières esquisses de l'Agence, il était prévu que celle-ci se concentre sur le haut niveau, dans la perspective des jeux olympiques et paralympiques de Paris 2024, mais les acteurs de terrain ont souhaité que la pratique sportive ne soit pas oubliée.
La double compétence est ainsi inscrite au fronton de l'Agence nationale du sport. Le texte proposé pour le nouvel article L. 112-10 du code du sport prévoit, en effet, que celle-ci est chargée de favoriser le sport de haut niveau et la haute performance sportive, en particulier dans les disciplines olympiques et paralympiques, mais aussi de développer l'accès à la pratique sportive.
Le Conseil d'État a souhaité mentionner que cette délégation de compétence s'exerçait dans le cadre de la stratégie définie par l'État dans une convention d'objectifs signée entre l'Agence et l'État. Il était nécessaire de passer par la loi pour rappeler le rôle du Gouvernement dans la détermination de la politique publique du sport et la stratégie nationale et internationale en matière de sport de haut niveau, de haute performance sportive et de développement de la pratique sportive. J'observe néanmoins que la rédaction du projet de loi fait peu de cas du rôle du Parlement, tant pour contribuer à l'élaboration de cette politique publique que pour contrôler sa mise en oeuvre. Pourquoi ne pas s'inspirer des contrats d'objectifs et de moyens dans l'audiovisuel public, qui associent les commissions de la culture et des finances dans l'élaboration et la mise en oeuvre de la stratégie des entreprises publiques ? Pourquoi, par ailleurs, ne pas prévoir la présence de parlementaires au conseil d'administration ? Je vous ferai des propositions en ce sens.
Le deuxième alinéa du texte proposé pour l'article L. 112-10 précise ensuite les modalités d'intervention de l'Agence nationale du sport : il lui revient d'apporter son concours aux projets et aux acteurs, notamment les fédérations sportives, contribuant au sport de haut niveau, à la haute performance sportive et au développement de l'accès à la pratique sportive.
Enfin, le dernier alinéa proposé pour ce nouvel article n'est pas le moins important : il prévoit pour l'Agence nationale du sport un statut de groupement d'intérêt public (GIP) particulier, qui relève des dispositions générales de la loi du 17 mai 2011 de simplification et d'amélioration de la qualité du droit, mais qui comporte aussi des dérogations.
La principale dérogation aux principes du GIP concerne les ressources de l'Agence nationale du sport. Selon l'article 98 de la loi du 17 mai 2011, les partenaires du GIP doivent mettre en commun les moyens nécessaires à l'exercice de leurs activités. Or, en l'espèce, comme le précise le nouvel article L. 112-11 du code du sport, l'essentiel des ressources de l'Agence proviendra des trois taxes affectées dont bénéficiait déjà le Centre national pour le développement du sport, le CNDS. Cette dérogation peut surprendre, mais elle est nécessaire. Personne en effet ne peut imaginer que les crédits très importants, supérieurs à 12 milliards d'euros, que les collectivités territoriales consacrent chaque année au financement du sport transitent par l'Agence.
Le même article L. 112-11 rend obligatoires la présence d'un commissaire du Gouvernement et le contrôle économique et financier de l'État, alors qu'il ne s'agit que d'une faculté selon la loi du 17 mai 2011. Il est aussi prévu que l'Agence publie annuellement un rapport d'activité.
Pourquoi, dans ces conditions, recourir à un GIP ? Le statut d'établissement public aurait pu également être retenu, d'autant qu'il avait servi pour le CNDS. La réponse du ministère et de la direction de l'Agence tient à la souplesse que permet le GIP, en termes de gestion, avec le recours possible à des professionnels de droit privé, et de financement - l'Agence n'exclue pas de développer des financements innovants comme la commercialisation de marques propres ou le financement participatif.
Si le statut de GIP apparaît donc pertinent pour lancer l'Agence, il ne devrait pas être pérenne, le Conseil d'État ayant rappelé que « le choix du statut de GIP n'est adapté qu'à des collaborations dédiées à un projet ou à la phase de mise en place d'une agence ». La convention constitutive prévoit d'ailleurs dans son article 4 que, d'ici le 31 décembre 2025 au plus tard, l'action de l'Agence « sera évaluée de manière globale et indépendante afin que les membres puissent confirmer le bien-fondé du GIP et de ce nouveau modèle sportif ».
Si l'existence de l'Agence n'est donc pas garantie au-delà des jeux de Paris 2024, une autre incertitude concerne la mise en place de la gouvernance territoriale, plus particulièrement les concours apportés à la pratique du sport pour tous.
Le texte proposé pour le nouvel article L. 112-12 du code du sport ouvre un débat sensible en faisant du préfet de région le délégué territorial de l'Agence nationale du sport au niveau régional. Selon les services du ministère des sports, les règles constitutives des GIP obligent à désigner dans la loi le responsable de l'échelon territorial, lorsqu'il y en a un. Il ne serait donc pas possible de prévoir que le délégué territorial est élu par les différents partenaires. Par ailleurs, si le rôle de ce délégué n'est pas précisé dans l'article 3, on peut imaginer qu'il pourrait lui incomber d'ordonnancer des dépenses essentiellement publiques et qu'il n'est pas anormal que ce rôle revienne au représentant de l'État. Je vous proposerai d'adopter une précision en ce sens.
Pour autant, cette désignation du préfet suscite une réaction défavorable du mouvement sportif, qui craint à la fois un investissement variable de ce haut fonctionnaire selon les territoires et une gestion directive de la concertation dans l'hypothèse où il lui reviendrait d'animer les conférences régionales du sport et les conférences des financeurs.
Pour répondre à ces objections sérieuses, il me semblerait pertinent d'inscrire dès maintenant dans la loi le principe de la création des conférences régionales du sport en charge d'établir le projet territorial et des conférences des financeurs. La loi pourrait prévoir que ces deux types de structures élisent leurs présidents en leur sein, ce qui exclurait dans les faits une présidence du préfet. J'ajoute que l'inscription des modalités de la gouvernance territoriale dans la loi permettrait de mettre un terme au soupçon de report de la construction du second pilier de l'Agence nationale du sport relatif au développement de la pratique du sport.
À l'issue de la première série d'auditions conduites dans le cadre de la mission d'information sur les nouveaux territoires du sport, je ne peux que partager ces inquiétudes, mes interlocuteurs ayant tous indiqué qu'ils ne disposaient d'aucune précision sur la mise en place de ce pilier territorial. Certains ont même considéré qu'il faudrait plusieurs années pour qu'une nouvelle organisation succède au CNDS, dont les commissions territoriales ont été maintenues en activité malgré la suppression de l'établissement public.
Les autres dispositions de l'article 3 concernent la lutte contre la corruption et l'application des règles relatives à la transparence de la vie publique. Le nouvel article L. 112-13 prévoit en particulier les modalités de soumission de l'Agence nationale du sport au contrôle de l'Agence française anticorruption. Par ailleurs, le président, le directeur général et le responsable de la haute performance sont soumis aux obligations de déclaration de situation patrimoniale et de déclaration d'intérêts prévues par l'article 11 de la loi du 11 octobre 2013.
Vous l'aurez compris, mes chers collègues, la création de l'Agence nationale du sport constitue bien le coeur du projet de loi. C'est pourquoi je vous proposerai de modifier l'intitulé du projet de loi, qui ne la mentionne pas.
Par ailleurs, par cohérence avec les travaux menés avec notre collègue Michel Savin sur l'avenir des conseillers techniques sportifs, il m'a semblé également opportun de prévoir que ces cadres d'État, dont le ministère des sports ne voulait plus et que beaucoup de fédérations n'ont pas les moyens d'accueillir, rejoignent l'orbite de la nouvelle Agence nationale du sport. Celle-ci pourrait avoir la responsabilité de leurs affectations, de leur formation et de l'évaluation de leurs compétences, en veillant à leur répartition équitable entre les disciplines.
Cette proposition pourrait permettre de mettre un terme à une crise qui n'a que trop duré et, surtout, d'assurer la cohérence de la réforme souhaitée par le Gouvernement, en donnant à l'Agence les ressources humaines nécessaires pour accomplir ses missions.
En conclusion, je vous propose que nous saisissions l'occasion de l'examen de ce projet de loi pour apporter d'indispensables garanties à la nécessaire réforme de notre modèle sportif.