Intervention de Morgan Larhant

Mission d'information Sous-utilisation des fonds européens — Réunion du 20 juin 2019 à 14h00
Audition de M. Morgan Larhant sous-directeur europe et agriculture à la direction du budget du ministère de l'action et des comptes publics et Mme Anne-Céline Didier cheffe du bureau finances et politiques de l'union européenne

Morgan Larhant, sous-directeur Europe et agriculture à la direction du budget du ministère de l'action et des comptes publics :

L'objet de votre mission d'information est une question essentielle du fait des volumes financiers en jeu - ils sont maintenant très importants - et parce qu'elle conditionne largement l'efficacité de l'action publique et l'appréciation que nos concitoyens portent sur l'Union européenne.

Par rapport à un certain nombre d'organismes que vous avez déjà auditionnés, la direction du budget a une vision plus globale et moins opérationnelle. Ses missions sont fixées par un décret du 27 mars 2007, qui prévoit notamment que la direction assure le « suivi des aspects budgétaires des travaux relatifs aux politiques européennes, à leur évolution pluriannuelle, aux modes de financement de l'Union européenne ainsi qu'à l'élaboration et à l'exécution du budget communautaire annuel ». D'un côté, nous assurons la mise à disposition de la contribution de la France à l'Union européenne, de l'autre, nous sommes l'ordonnateur du compte mutualisé et nous mettons les crédits à la disposition des organismes nationaux payeurs, notamment l'Agence de services et de paiement (ASP).

Dans ce cadre, nous suivons la consommation des crédits au niveau global, mais nous n'opérons ni contrôle ni certification et nous ne sommes pas impliqués directement dans la gestion. En revanche, nous jouons un rôle pour maximiser les retours pour la France, notamment au moment de la renégociation du cadre financier pluriannuel.

À quel niveau la France se situe-t-elle par rapport aux autres États membres ? En fait, il n'est pas évident de répondre à cette question car tout dépend du thermomètre utilisé...

Il existe aujourd'hui cinq fonds européens structurels et d'investissement (FESI) : le fonds européen de développement régional (FEDER), le fonds social européen (FSE), le fonds de cohésion, le fonds européen agricole pour le développement rural (FEADER) et le fonds européen pour les affaires maritimes et la pêche (FEAMP). Ces fonds, régis par un règlement portant dispositions communes, devraient être plus nombreux dans la prochaine programmation pluriannuelle.

Chaque fonds obéit à des logiques différentes. La France se situe de manière globale dans la moyenne européenne, sauf pour le programme Leader, où les retards sont extrêmement importants. Pour le FEADER, le taux de décaissement atteint 52 % en France mi-juin 2019, contre 45 % en moyenne dans l'Union européenne. Pour les fonds de cohésion, nous sommes dans la moyenne avec un taux de 28 %.

Au-delà de ce constat général, deux aspects peuvent être mis en exergue : de grandes disparités régionales et une singularité ultramarine. Ainsi, l'exécution des fonds va de 13 % à 39 % selon les régions pour le FEDER, le FSE et l'Initiative pour l'emploi des jeunes (IEJ), et les taux sont toujours très faibles outre-mer : 18 % pour le FSE en Martinique, 19 % à Mayotte pour le FEDER et le FSE, etc. Il est évidemment difficile de comparer les régions d'outre-mer à la métropole, mais même en comparaison des autres régions ultrapériphériques de l'Union européenne, comme Madère ou les Açores, la France ne se classe pas bien, ce qui mériterait d'être analysé.

Des traits communs à ces retards peuvent être identifiés : une adoption tardive des règlements sectoriels ; un chaînage laborieux entre cette adoption et l'agrément de la programmation, c'est-à-dire les accords de partenariat ; la multiplication des programmes opérationnels ; les difficultés que rencontrent les systèmes d'information, malgré les importants investissements réalisés, à prendre en compte un grand nombre de situations différentes ; le saupoudrage. Le Commissariat général à l'égalité des territoires a fait des propositions sur certains de ces aspects, notamment sur la multiplication des programmes opérationnels, mais nous ne pourrons jamais aboutir à un modèle unique.

Un autre élément s'est ajouté en ce qui concerne le FEADER pour le cadre financier 2014-2020 : la mise en oeuvre du registre parcellaire graphique, qui a mobilisé des ressources et entraîné des retards. En outre, le processus de décentralisation des compétences n'a pas atteint son plein équilibre sur ce fonds, ce qui pose la question de la prochaine programmation : comment la France doit-elle s'organiser pour gérer les fonds européens ? Le Président de la République a d'ailleurs parlé de « désenchevêtrement » des compétences.

Ces retards ont des conséquences concrètes sur le budget de l'Union européenne, donc sur la contribution française. Ils ont ainsi conduit à une augmentation importante des restes à liquider, qui devraient atteindre 300 milliards d'euros à la fin de 2020. Cette augmentation tend à rigidifier le budget de l'Union : ainsi, lors des deux premières années du prochain cadre financier, plus de 50 % des crédits seront consacrés au paiement des restes à liquider. De ce fait, le montant exact de la contribution de la France a fortement varié ; il a atteint un point bas en 2017. Nous sommes dans une phase de rattrapage, mais les choses ne vont pas aussi rapidement que ce que nous avions modélisé.

En ce qui concerne les retours pour la France, un « jaune » budgétaire, c'est-à-dire une annexe au projet de loi de finances, est consacré chaque année à cette question. Sur le temps long, ces retours diminuent, tant sur la politique agricole commune (PAC) du fait de la montée en puissance du second pilier que sur les autres fonds européens, notamment en raison des élargissements successifs. Cependant, nous pouvons faire mieux pour maximiser les retours pour la France.

Pour cela, il faut distinguer les programmes dont la gestion est partagée avec les États membres et ceux qui sont directement gérés par la Commission européenne. La stratégie n'est pas la même. Dans le premier cas, il nous faut agir principalement au moment de la négociation du cadre financier et des règlements sectoriels. Dans le second cas, par exemple dans le domaine de la recherche, il faut inciter les opérateurs à répondre aux appels d'offres, ce qui pose une question de gouvernance interne à la France.

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