Intervention de Alain Battisti

Mission d'information Transports aériens — Réunion du 18 juin 2019 à 15h30
Table ronde avec les compagnies aériennes opérant des lignes d'aménagement des territoires

Alain Battisti, président de Chalair :

Aujourd'hui, sur un vol métropolitain, les taxes et redevances représentent 50 % du billet. Air France a publié des éléments sur un Paris-Nice. Il y a 10 ans, nous étions sur 70 % de recettes et 30 % de coût. L'inflation est terrible, liée à des causes objectives : la sûreté par exemple. La menace terroriste doit être gérée. On peut discuter de la gouvernance de la sûreté aéroportuaire. Pour la totalité des aéroports, cela représente un milliard d'euros par an. Or, ce budget n'est pas piloté. Il dépend de plusieurs ministères, puis de l'appréciation de chaque préfet. Il y a ainsi un très grand nombre de règles en vigueur. La façon de fouiller, de traiter un passager, n'est pas la même à Limoges, à Toulouse ou à Nantes. Ce budget va augmenter de 250 millions d'euros par an afin d'amortir le coût des nouveaux matériels. Cela va entraîner une augmentation du prix du billet.

Pour les OSP, la répartition entre la recette et le coût est assez variable. Certaines OSP peuvent ne pas être subventionnées. Mais dans certains cas, la subvention représente la moitié du coût du billet. Cela peut représenter 90 à 100 euros par passager. Lorsqu'on atteint ces pourcentages, si un autre vecteur de désenclavement existe, les territoires arrêtent de subventionner la ligne aérienne. Par exemple, la ville de Lannion a arrêté de subventionner la ligne Lannion-Paris, avec le développement de la LGV, permettant une desserte de Paris acceptable via Guingamp pour le train, ou via Brest.

Je m'exprime ici en tant que président de la fédération nationale de l'aviation marchande : il n'y a pas d'opposition idéologique des entreprises du secteur à la privatisation d'ADP. Nous pensons même qu'ADP privatisé dans les mains d'un professionnel sera mieux géré qu'aujourd'hui. En revanche, il faut s'interroger sur la mission d'ADP. Il a une mission nationale : plus de 100 millions de passagers arrivent en France via ces deux aéroports. Ne font-ils pas partie de l'attractivité de la France ? L'État est régulateur à travers un contrat de régulation économique, actuellement en négociation. Il est un peu schizophrène, car il cherche à maximiser la valeur d'ADP dans la perspective de la privatisation. Mais en même temps, il cherche à avoir une maîtrise des trajectoires des redevances et coûts afin de rester attractif. On observe d`ailleurs en Europe une trajectoire inverse à la nôtre : dans la plupart des grandes plateformes aéroportuaires, le coût global du traitement du passager tend à diminuer. C'est également le cas au Royaume-Uni, où les aéroports sont réputés chers. En France, alors que le coût aéroportuaire était un peu plus bas que la moyenne européenne - et ADP se plaisait à le rappeler -, ADP est désormais dans le peloton de tête. C'est contraire aux intérêts du pays. Si nous n'avons pas de position idéologique sur la privatisation d'ADP, nous estimons qu'il faut un État régulateur puissant. Il faut une autorité dotée de pouvoirs d'audit et de sanctions, ce qui n'est pas le cas aujourd'hui.

Il y a quelques années, ADP a développé une formule à partir d'un avion type - l'A320 - et un remplissage moyen - 86 %. Tout ce qui est en dessous de cette moyenne voit ses coûts augmenter et ce qui est au-dessus voit ses coûts baisser. ADP a ainsi expliqué à Air France que la compagnie allait être perdante pour HOP, mais elle fera des économies sur les grands avions. Dans le cas d'un ATR 42, cela a conduit à doubler le prix du parking. Pour un Beechcraft, le prix a été presque multiplié par 6. Les avions moins remplis - c'est-à-dire ceux qui jouent le jeu de l'aménagement du territoire - sont pénalisés. In fine, cette augmentation des coûts est portée par la subvention publique.

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