Mes chers collègues, après la constitution de notre mission d'information le 14 mai dernier, nous poursuivons cette semaine nos travaux en réunion plénière par une table ronde avec les compagnies aériennes opérant des lignes d'aménagement des territoires en métropole et outre-mer. Je remercie de leur présence les dirigeants des compagnies qui ont répondu à notre invitation : M. Alain Battisti, président de Chalair, M. Guillaume Collinot, directeur général de Twin Jet, M. Philippe Dandrieux, président du Directoire d'Air Corsica et M. Dominique Dufour, secrétaire général de Air Austral qui assure notamment des liaisons vers la Réunion et Mayotte.
Par égard pour nos collègues sénateurs de la Guadeloupe, membres de notre mission d'information, Mme Victoire Jasmin et M. Dominique Théophile, nous avions également sollicité les dirigeants des compagnies Air Caraïbes ainsi que Air Antilles. Ceux-ci n'ayant pas pu se rendre disponibles aujourd'hui, nous pourvoirons ultérieurement à leur audition.
Je vous rappelle que le Sénat a constitué cette mission d'information à l'initiative du groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen. Notre collègue Josiane Costes, sénatrice du Cantal, en est la rapporteure. Comme plusieurs de nos collègues, elle connait bien les problématiques soulevées par ces liaisons intérieures, au-delà de la ligne Aurillac-Paris.
L'objectif principal de notre mission est de s'intéresser avant tout aux territoires enclavés, imparfaitement desservis par le rail ou la route, qui ont besoin de dessertes et d'infrastructures aériennes pour assurer leur développement ou, tout simplement, la continuité territoriale. À cet égard, je précise qu'une délégation de notre mission d'information se rendra successivement à Quimper, Aurillac et Rodez pour rencontrer les acteurs locaux, expertiser plusieurs types de lignes d'aménagement du territoire et évaluer l'impact de ces liaisons sur le développement économique.
Pour compléter ce tableau, je précise que nous auditionnerons prochainement M. Pierre-Olivier Bandet, directeur général adjoint d'Air France HOP pour répondre également à nos questions sur les dessertes que la compagnie assure au titre des lignes sous obligation de service public. Nous aurons sans doute des questions sur la stratégie d'Air France en matière de desserte de nos territoires.
Aussi, je me réjouis que des professionnels du transport aérien régional puissent aujourd'hui nous présenter leurs activités et nous exprimer les problématiques qu'ils rencontrent dans la desserte des territoires, qu'il s'agisse de lignes commerciales et plus particulièrement de lignes sous obligation de service public (OSP).
Je cède toute de suite la parole à Josiane Costes, après quoi je propose que nos hôtes nous présentent leurs activités avant de passer aux questions plus précises de notre rapporteure puis de nos collègues.
Comme vient de le rappeler notre collègue et président Vincent Capo-Canellas, plus nous progressons dans nos auditions, plus nous observons que la continuité des lignes aériennes d'aménagement du territoire est un enjeu vital pour le développement économique et touristique des régions laissées à l'écart du TGV et des autoroutes. À l'heure de l'internet et de la mondialisation, il faut savoir que certains territoires restent à 7 heures de train de Paris, avec plusieurs changements !
Qu'il s'agisse d'Aurillac, mais aussi du Puy-en-Velay, de Rodez ou de Quimper, où je me rendrai avec plusieurs de nos collègues, la vitalité même du tissu économique et social dépend d'une liaison fiable avec Paris et les capitales régionales. La viabilité des entreprises et de nombreux emplois est en jeu.
Alors je n'ignore pas le débat ambiant sur l'environnement, défavorable au transport aérien, c'est le moins que l'on puisse dire. Il faut bien évidemment en tenir compte mais le sujet qui anime notre mission d'information est autre puisqu'il s'agit de la continuité territoriale avec des régions qui, pour la plupart, n'ont pas d'autres moyens rapides de communication que l'avion.
Aussi, en tant qu'opérateurs de lignes intérieures, vous êtes en première ligne pour nous éclairer sur les caractéristiques de vos activités, des spécificités de ces lignes d'aménagement du territoire. Votre éclairage nous sera précieux pour relayer des recommandations et de nombreuses questions se posent : combien de liaisons opérez-vous au total sur le territoire national et combien d'entre-elles le sont sous obligation de service public ? combien de villes sont desservies et combien de passagers sont transportés ? Le système des lignes d'aménagement du territoire sous obligation de service public vous semble-t-il suffisamment adapté quant à la viabilité du modèle économique, au coût du service, sa qualité, sa régularité, sa continuité, voire sa sécurité ? S'agissant plus particulièrement de l'arrivée dans les aéroports de Paris, considérez-vous que l'accueil des vols régionaux et de leurs passagers est satisfaisant ?
Chalair est une compagnie aérienne française que je dirige depuis une quinzaine d'années. Elle est née en 1986. À l'origine, elle se concentrait sur l'aviation d'affaires. Il y a une douzaine d'années, elle a diversifié son activité avec des vols sur les lignes régionales au moyen d'avions de 19 sièges, de type Beechcraft 1900. Depuis peu, nous utilisons des avions ATR de 48 à 70 sièges. Nous disposons de 14 avions, et selon les prévisions, nous transporterons 300 000 passagers l'année prochaine - nous en transportons 200 000 cette année. Notre croissance est forte. Elle est liée à une réorganisation du transport aérien régional, par le jeu des acteurs : HOP s'est progressivement retiré d'un certain nombre de lignes. En outre, le marché évolue. Les passagers ont changé, notamment par rapport au prix. Toutes ces raisons bousculent le marché régional français. Dans ce marché, les lignes d'aménagement du territoire ont la spécificité de bénéficier souvent d'un accompagnement financier.
Chalair opère une douzaine de lignes en France, dont 3 sous obligation de service public. Nous opérons sur ces dernières depuis peu. Ces lignes n'existeraient pas, bien que nous soyons une compagnie à bas coût, sans un accompagnement financier des régions et des départements. Nous opérons depuis le mois de janvier la ligne Agen-Orly, ainsi que Limoges-Lyon. Depuis mars, nous faisons Limoges-Orly. Ces lignes sont jugées essentielles par les territoires : elles représentent un vecteur économique indispensable, si on veut maintenir un tissu économique privé ou public. En outre, elle constitue un vecteur d'attrait touristique. Les touristes ne viennent pas seulement d'Angleterre, mais aussi de France. Ils peuvent venir directement au départ de Paris, ainsi qu'à travers les hubs parisiens ou de Lyon.
Nous sommes peu nombreux sur le territoire métropolitain à opérer des lignes d'aménagement du territoire, et même des lignes régionales. En effet, la pression est très forte sur les prix. On a un développement très important de lignes opérées par des opérateurs étrangers sur le territoire, comme Easyjet, Ryanair, Volotea. Ce développement du « low cost » se nourrit d'une attractivité forte des billets. Les avions assez gros permettent des prix très satisfaisants pour les gens se déplaçant pour des motifs personnels et payant eux-mêmes leurs billets. Cela crée une pression sur les tarifs. Aujourd'hui il est compliqué de vendre au véritable prix de revient un billet pour un avion plus petit. Ce billet coûte en effet beaucoup plus cher à l'exploitation, ramené au prix par siège. Aussi, pour les lignes d'aménagement du territoire, avec un avion de type ATR, entre 2 et 4 millions d'euros de subvention annuelle sont nécessaires pour que l'exploitation de la ligne soit viable. Cela dépend bien sûr du programme de vol et de la fréquence. Cette situation peut sembler souvent déraisonnable au regard des finances publiques. Mais ces subventions sont nécessaires. Le retrait de HOP d'un certain nombre de lignes témoigne qu'il n'y a pas d'effet d'aubaine et de rentabilité à exploiter ces lignes.
Nous sommes les parents pauvres parmi mes confrères. Nous n'avons que 12 avions : des Beechcrafts 1900 D de 19 sièges. Ces avions ont été mis au point pour faire des vols d'une heure à 2 heures maximum avec 15 à 19 passagers à bord. C'est dans ces conditions qu'ils sont le plus efficaces. Nous opérons 16 destinations, dont 4 à l'international. Une seule destination est subventionnée sous forme OSP. C'est la ligne entre le Puy-en-Velay et Paris. Auparavant, nous opérions aussi la ligne de Périgueux. Malheureusement, la difficulté pour Périgueux de trouver des fonds a mis fin à cette ligne. La situation devient difficile pour les acteurs économiques de ce territoire. Ils doivent soit se rendre à Limoges, soit à Bordeaux pour prendre le TGV. Je tiens d'ailleurs à signaler que si le trajet vers Bordeaux paraît simple sur une carte, il se complique dans la réalité : il faut prendre la rocade, avec les dangers de la route que cela implique.
Là où des gros appareils peuvent jouer avec le « yield management » - faire varier le prix du billet - en fonction du nombre de sièges restants, avec un avion de 19 sièges, on ne peut pas proposer des billets à 40 euros. Nos billets sont au minimum à 120 ou 150 euros. Ces tarifs ne sont pas éhontés, mais correspondent au minimum que l'on peut facturer un billet, en prenant en compte la subvention pour OSP, pour atteindre notre point d'équilibre.
Parmi les compagnies aériennes françaises, aucune n'est une « chasseuse de subventions ». Une seule de nos destinations est subventionnée. Il n'est pas dans notre modus operandi d'attendre qu'une OSP se libère, pour pouvoir s'y engouffrer et voler aux frais du contribuable. J'irai même plus loin. Je pense que certaines lignes de désenclavement sont « des lignes trop luxueuses » lorsqu'elles sont opérées par des ATR 42. Le coût en valeur absolu d'un ATR 42 est logiquement plus cher qu'un plus petit avion. Rapporté en nombre de passagers effectifs, le Beechcraft 1900 coûte moins cher.
Vous avez indiqué l'importance de la ponctualité. L'absence de ponctualité et de régularité était reprochée à HOP sur la ligne d'Agen. Ils ont été accusés de « sabotage » de la ligne. Je pense que cette expression est un peu forte. Il y a peut-être des difficultés pour maintenir un avion et être réactif. En tant que petite compagnie, notre lot quotidien est d'être plus réactif que les grosses compagnies pour pouvoir survivre dans ce monde concurrentiel.
Vous avez évoqué l'accueil réservé aux lignes régionales par le groupe ADP. Il est certain que l'on a mal vécu en 2016 et 2017 les changements de politique tarifaire d'ADP, où par le biais d'un lissage de la taxe passager on faisait croire aux compagnies que cela leur coûtait moins cher. Mais les petits avions ont moins de passagers. Dès lors, la taxe passager, même si elle baisse, ne vient pas contrebalancer la redevance d'atterrissage. Cela a eu pour effet de multiplier par 6 le prix global de l'atterrissage à Paris. Cela peut se comprendre, car d'un point de vue économique pur, nous allons prendre le même « slot » - le même espace temps -, et même parfois plus car nos avions vont moins vite que les gros avions. Mais la taxe passager qui va revenir à ADP sera de 12 passagers dans notre cas, et de 380 passagers pour un gros avion. Dès lors, il faut savoir ce que l'on veut : ADP a-t-il une pure approche économique, ou bien doit-il jouer un rôle en matière de désenclavement ? Dans ce cas, il faut permettre aux petits porteurs d'opérer dans de bonnes conditions.
Il faut également laisser la possibilité aux plus petits porteurs de répondre aux OSP. Cela n'est pas toujours le cas. On a vu récemment que les OSP de Limoges et d'autres villes demandaient un nombre minimal de 29 passagers. Forcément, les avions de 19 places ne peuvent pas répondre. Je ne vois pas bien le risque pris par les collectivités de ne pas laisser la possibilité aux petits transporteurs de répondre.
Air Corsica est la compagnie aérienne de l'aménagement du territoire. Elle repose sur le principe de continuité territoriale, inscrit dans la loi de finances de 1976 pour le transport maritime et 1986 pour le transport aérien.
Cette compagnie a 12 avions : 6 ATR 72 et 6 Airbus A320, desservant les 4 aéroports corses, à destination de Nice, Marseille, et Paris-Orly. Cela représente une douzaine de lignes. Il y a également des lignes saisonnières vers l'Angleterre, la Belgique, Nantes et Toulouse.
Le service public représente 85 % de notre activité et du chiffre d'affaires. Nous sommes d'ailleurs une société d'économie mixte, composée d'un capital social avec la collectivité de Corse et Air France. Nous faisons au total 1,8 million de passagers, dont 1,6 million de service public. La desserte insulaire est particulière en matière de service public. En effet, à part le bateau, il n'y a pas d'autres moyens. En outre, le trajet en bateau est de 8 à 15 heures. D'ailleurs, en Corse, on dit souvent que le meilleur médecin est Air Corsica. En raison de la taille de la région, il n'y a pas de CHU sur l'île. Tout le monde va se faire soigner à Marseille, en prenant le vol du matin et en rentrant le soir.
La délégation de service public aujourd'hui s'inscrit dans une doctrine communautaire écrite avec une vision libérale. C'est le défaut de départ. On vous parle de coût de revient. Le petit avion en économie aérienne est toujours plus cher que le gros, ramené au siège. À un moment donné, il faut savoir payer le prix que cela représente. Il ne s'agit pas d'une surmarge du transporteur. Les coûts de production, en tant que tels sont chers. On peut toujours faire une course à l'échalote pour faire des économies, mais il faut être conscient que ce marché est ouvert aux quatre vents. Les compensations se font au forfait maximum. S'il y a des problèmes pendant le vol, si les prix du pétrole augmentent, nous devons faire jouer des clauses d'imprévision. Généralement, les collectivités, en raison des budgets annuels, sont obligées de procéder au rattrapage sur plusieurs années. Il y a donc toujours un décalage important.
La durée des délégations de service public dans l'aérien est limitée à 5 ans. Or, un avion ne se finance pas sur 5 ans. Cela se loue parfois sur cette période. Généralement, la location commence à 7 ans et se fait le plus souvent sur 12 ans. Si on achète un avion, il faut en amortir le coût. On trouve encore des postures idéologiques par rapport à la réalité économique que représente ce secteur. Nous sommes également confrontés à une certaine concurrence déloyale, notamment en termes de masse salariale. Les écarts peuvent être considérables, en coût et en conditions de travail.
Il existe des OSP avec exclusivité, sans exclusivité, avec compensation publique, sans compensation publique. Faire vivre une ligne avec un faible trafic demande de l'argent. Si demain on veut la développer et influencer le tissu économique, il faut y mettre les moyens. Une certaine durée est nécessaire. Si la ligne connaît des difficultés tous les deux ans et demi en raison de restructuration, le schéma s'effondre.
Enfin, le changement de grille tarifaire par le groupe ADP sur les dernières années a transféré sur les conseils départementaux et les régions l'amélioration des résultats financiers de ce groupe. Les petits avions payent proportionnellement plus chers que les gros. Pour nos A320, avec le même nombre d'activités, par un changement de la grille tarifaire d'ADP, nous avons eu une augmentation de 800 000 euros de nos charges. Et il s'agit là du seul prix du parking.
La Corse fait beaucoup d'efforts pour la tarification, avec l'existence d'un tarif pour les insulaires. Un aller-retour sur Marseille, quels que soient le jour, l'heure, avec un billet remboursable, est de 150 euros. Une diminution est d'ailleurs prévue. Plus de la moitié de ce prix est due à des taxes. Que l'on vienne en 747 ou en Beechcraft, la valeur de la taxe est la même. Il y a une divergence de pensée entre les aéroports et les compagnies aériennes. Un aéroport calcule ses recettes comme le montant de la taxe multiplié par le nombre de passagers quel que soit le prix du billet, tandis que les compagnies aériennes regardent le prix du billet. De nombreux aéroports expliquent qu'ils connaissent une augmentation du trafic. Pour eux, il s'agit d'une réussite. En réalité, il faut regarder les types de passagers transportés : s'agit-il d'une clientèle d'affaires, de tourisme ?
Air Austral est une compagnie basée à la Réunion. Elle existe depuis un peu plus de 40 ans. Cette société emploie un millier de salariés, tous basés à la Réunion. Elle a une dizaine de dessertes, essentiellement dans l'océan Indien. Nous desservons, depuis la Réunion, les îles limitrophes : Mayotte, cinq points à Madagascar, l'île Maurice, les Seychelles, les Comores, mais aussi un certain nombre de destinations en Afrique Australe, Madras en Inde et Bangkok.
La destination phare est la desserte de la métropole, avec plus de 13 vols hebdomadaires entre la Réunion et Paris-Charles de Gaulle. C'est la seule ligne à être sous OSP - sans compensation financière. Nous avons une obligation de régularité de trafic, de prendre en compte un certain nombre de publics, comme les accompagnants de personnes décédées, ainsi que d'assurer un service permanent d'évacuation sanitaire et de trafic postal. Nous faisons 8 allers-retours entre Mayotte et la Réunion. Nous avons ouvert une ligne directe en 2016 entre Mayotte et Paris, qui fait de temps en temps escale à Nairobi. 7 mois dans l'année, le vol est direct.
Notre principale contrainte est notre localisation en outre-mer. Nous travaillons sur des micro-marchés, avec un potentiel de développement contraint. Ce marché se caractérise également par une grosse saisonnalité. A la Réunion et à Mayotte, le trafic est plein pendant 5 mois et correspond aux vacances scolaires. Le reste du temps, les avions ne sont pas forcément pleins. Ils peuvent l'être, à condition de faire des tarifs extrêmement bas.
Le fait d'être basé à la Réunion induit des surcoûts en raison de la nécessité de disposer de stocks plus importants et d`équipes renforcées. Nous devons avoir une équipe technique pour s'occuper de notre flotte de 70 personnes. Si nous étions basés à Charles de Gaulle, nous sous-traiterions la totalité de l'opération. L'effectif serait moindre. Notre flotte est très disparate. Nous avons 10 avions : des ATR, des boeings 737, des 787 Dreamliners et des 777, qui sont de gros porteurs de 440 places entre la Réunion-Paris et la Réunion-Marseille.
Les charges salariales sont élevées. Si notre compagnie était basée à l'ile Maurice, nous aurions 30 % de coûts salariaux en moins.
Nous sommes également confrontés à la concurrence. La ligne Paris-La Réunion est une des rares lignes millionnaires en France, c'est-à-dire à plus d'un million de passagers. Il y en a 6 en France. Sur cette ligne, il y a 5 opérateurs. Nous sommes également en concurrence dans la zone de l'océan Indien avec des compagnies à bas coût comme Air Mauritius, Air Madagascar.
L'ADN de notre compagnie est d'avoir une mission de service public. On y trouve aussi intérêt car en contrepartie, lorsqu'il y a des mouvements sociaux sur les aéroports de métropole, le service vers l'outre-mer est préservé.
Quelles pourraient être, selon vous, les améliorations à apporter à ce système de formulation des OSP, en termes de résultats ? Faut-il renforcer les pénalités en cas de non-respect ? Vous avez cité le cas d'Agen. Je peux évoquer le cas d'Aurillac en 2018. Cela a été un enfer, avec des atterrissages à Toulouse, des annulations à répétition. Nous avions l'impression que les pénalités n'étaient pas efficaces. Que pensez-vous du recours à l'intéressement ?
Quels conseils donneriez-vous aux collectivités territoriales qui souhaiteraient développer une connectivité directe entre leurs territoires souvent enclavés et Paris ? Souvent, ces territoires ne sont pas riches.
Les pénalités sont incluses dans les contrats que nous signons avec la DGAC. Si HOP était insensible aux pénalités qui lui étaient infligées, nous qui sommes plus petits y sommes plus que sensibles. Il ne faut pas être dans une logique punitive. Le but des compagnies aériennes est de faire leur travail. Cela n'amuse personne de dérouter un avion vers Toulouse. Ces deux dernières années ont été difficiles en ressource de personnels navigants. HOP a peut-être également été impacté, ne lui permettant pas d'assurer certains vols.
En ce qui concerne l'intéressement, il faut savoir que la rémunération de la compagnie se fait par le financement de la collectivité, et par la fréquentation. Si nous avons plus de passagers, on peut espérer ne pas avoir besoin de faire fonctionner le complément de financement par la collectivité. Malheureusement, cela n'arrive jamais. Cela revient à dire que ces lignes ne peuvent pas être à l'équilibre. Toutes les compagnies ont un point d'équilibre qui est fonction du nombre de passagers transportés. Certes, certaines villes, comme Brive et Lyon, auraient besoin d'être desservies entre elles, car leurs bassins économiques communiquent. Mais nous sommes transporteurs, nous ne sommes pas « risqueurs » aériens. C'est à l'État de supporter ce risque. La collectivité doit donc faire remonter à l'État son besoin de liaisons, et pas forcément depuis Paris. Nous sommes dans un historique français de construction en toile d'araignée depuis Paris. Mais les liaisons transversales existent. Certes, il y a moins de passagers, mais ces lignes sont génératrices de revenus pour les régions. Ces dernières sont donc les mieux placées pour les défendre auprès de l'échelon central.
Si vous deviez suggérer aux pouvoirs publics d'améliorer le système des OSP, vers quoi pourrait-on aller ? Comment vous aider à rendre ce marché plus mature et plus facilement exploitable pour vous ?
Notre coût de production sur les OSP est aussi élevé que sur les autres destinations. On pourrait penser à une incitation économique lorsque l'on vole sur OSP, avec un plan fiscal allégé sur les salariés. On pourrait également imaginer étendre une partie de cet allégement sur les autres routes, si la régularité est bonne ou si un objectif de passagers est atteint.
Nous ne pouvons pas non plus rentrer dans une logique où nous serions dans une situation d'attentisme par rapport à l'État pour pouvoir gagner de l'argent. Savoir que l'analyse faite par la collectivité est juste en termes d'estimation du nombre de passagers est important. Pour la ligne Limoges-Paris, nous faisions entre 5 000 et 7 000 passagers par an. D'ailleurs, j'effectuais cette ligne sans OSP. Il faut se demander ce qui est pertinent ou pas de mettre en place. Nous ne sommes pas là pour créer des routes à tout prix, mais pour répondre à des besoins économiques. De manière imagée, a-t-on besoin que la communauté finance le billet d'avion d'un jeune de Limoges se rendant à Paris pour aller voir sa grand-mère ?
Nous ne l'avons pas interrompu, mais une OSP a été mise en place imposant l'utilisation d'avions avec 28 sièges. Avec nos avions de 19 places, nous ne pouvions pas y répondre.
Il y avait une attente de la puissance publique d'avoir une plus grande capacité de transport par avion, avec des effets collatéraux pour vous.
Pour prendre l'exemple de Limoges, c'est faisable en train en 3h15-3h30. Il y a d'autres moyens de voyager que l'avion. Mais je prends le cas de territoires très enclavés, comme le Cantal, Castres, Agen, Rodez. Nous n'avons pas d'autres moyens de rejoindre la capitale que l'avion. La position des collectivités territoriales et de l'État n'est pas la même.
Je vous rejoins sur ce point. Autant pour des villes comme Aurillac, il y a un besoin historique de transport, autant pour Le-Puy-en-Velay, le besoin n'est pas suffisamment important pour opérer cette ligne avec un ATR 72. Cela n'a aucun sens économique. De même, M. Brice Hortefeux, vice-président du Conseil régional, a voulu créer une liaison entre Lyon et Clermont-Ferrand il y a quelques mois. Elle ne sert à rien. Si Air France y a mis fin, c'est qu'elle n'était pas utilisée. Les passagers ne sont pas au rendez-vous.
Il y a aussi la liberté des collectivités locales de vouloir développer des lignes. Je comprends aussi que si des collectivités souhaitent voir le nombre de sièges proposés augmentés, cela peut avoir des effets collatéraux pour des lignes sur lesquelles opèrent de plus petits avions.
Nous opérons sur la ligne Le-Puy-en-Velay-Paris. Nous avons mis en place une navette terrestre entre Mende et Le-Puy-en-Velay, afin de pouvoir acheminer les gens qui sont à Mende vers l'aéroport. Ils sont libérés des contraintes de parking. Cela nous permet de renforcer la liaison entre Paris et Le-Puy-en-Velay, et pour la collectivité, cela coûte moins cher de mettre en place ce minibus.
Les collectivités locales sont aussi dans leur rôle pour essayer de définir le besoin de ceux qui veulent être transportés.
J'exploite des avions de 19, 48 et 79 sièges. Nous avons emporté face à Twin Jet la liaison Limoges-Orly. Nous avons plus que doubler le nombre de passagers, et nous allons bientôt le quadrupler, témoignant de l'existence d'un besoin. En revanche, je rejoins ce que dit mon collègue, le marché dépend de nos clients. Si on s'adresse seulement au monde économique, il y a une acceptabilité du prix du billet aux alentours de 200 euros l'aller-retour. Si on souhaite un avion accessible à tous, financé par la collectivité, le prix du billet doit être plus bas, aux alentours d'une centaine d'euros. Il faut savoir que la moitié de ce prix de billet est de la taxation.
Les collectivités décident de l'ambition pour leurs territoires. Ce n'est pas à la compagnie d'imposer ce qu'elle veut, en fonction des outils dont elle dispose.
L'attente environnementale est de plus en plus forte. Le débat récent sur la volonté de taxer le kérosène le démontre. Il faut améliorer l'acceptabilité de l'avion. On pourrait imaginer, dans le cadre des OSP, d'avoir un intéressement sur les avions éco-responsables, qui consomment le moins. Est-il raisonnable de faire voler un avion à réaction de 50 sièges, plutôt qu'un avion à turbine, afin de gagner 6 minutes sur un vol au départ du centre de la France ? On peut imaginer une évolution dans les critères des OSP, favorisant les turbopropulseurs propres. L'acceptabilité par le passager d'un avion un peu plus lent peut être acquise si on lui en explique les raisons. Sur un Rodez-Orly, un avion à hélices de type ATR de dernière génération génère 40 % d'émission de CO2 en moins.
Il y a eu une défaillance d'une entreprise du secteur, pour des raisons objectives. Ce n'est pas une raison pour changer la loi et les règles relatives aux pénalités pour les nouveaux prétendants aux OSP. Ces pénalités seront au final incluses dans le prix et dans la demande de subvention. On risque de se retrouver avec des OSP pour lesquels il n'y aura aucune compagnie intéressée. Dans certains cas, nous ne sommes pas très loin de cette situation. Ainsi, à Agen, nous étions les seuls à candidater.
J'appelle à la cohérence dans les décisions. Certains élus se sont plaints, à juste titre, de la défaillance d'opérateurs. Il y a eu jusqu'à 25 % d'annulations sur certaines liaisons. Néanmoins, ce même opérateur a été reconduit au moment du renouvellement des OSP. Cela était le cas à Castres ou à Aurillac. Sa reconduction s'est faite avec un budget en hausse d'un million d'euros.
Si on veut rendre les OSP plus attirantes, il faut prendre en compte des phénomènes nouveaux. Je pense à la volonté de créer une troisième rotation. Habituellement, il y a un aller-retour dans la journée, avec un vol le matin vers 8 heures et un retour le soir. Cette organisation représente un socle sur lequel il ne faut pas revenir. En revanche, en ajoutant une troisième rotation, on peut créer une opportunité pour la compagnie de mieux utiliser ses employés et ses machines, et donc de réduire un petit peu le prix unitaire du siège. Toutefois, il faut être certain que le marché réagisse. Dans une ville de 25 000 habitants, avec une agglomération contenant 40 000 habitants, je ne suis pas certain qu'une troisième rotation, cinq jours par semaine soit nécessaire. De la même façon, les vols du samedi matin ou du dimanche soir peuvent pour certaines destinations être discutables. Il faut avoir une analyse fine de la situation, au cas par cas : tout d'abord parce que ce sont les élus qui décident. En outre, cela peut correspondre à des objectifs touristiques qui ne sont pas forcément perçus par la compagnie. Un petit peu de souplesse avec la possibilité de présenter plusieurs scenarii pourrait être une évolution intéressante des OSP.
Vous suggérez que l'opérateur qui répond à une OSP puisse proposer des variantes, avec une troisième rotation, ou faire évoluer la desserte le week-end par exemple ?
Je vais vous donner un exemple sur les semaines du mois de mai. L'obligation de service public oblige à voler le lundi matin, jour ouvré. Mais le mardi est férié. Nous connaissons la pratique des « ponts » et des « viaducs » de mai en France : au final, les avions volaient à vide le lundi. Cela coûte très cher, car nous l'incluons dans nos calculs pour définir nos recettes et nos dépenses. De même, certains vols du dimanche soir peuvent être intéressants en été ou en période touristique. En revanche, il faudrait pouvoir les supprimer l'hiver. Dans l'OSP, 3 ou 4 programmes différents pourraient être proposés et les opérateurs décident d'y répondre avec une proposition budgétaire, ou encore on pourrait laisser la liberté à l'opérateur dans une certaine volumétrie de sièges offerts - en indiquant par exemple l'obligation d'offrir 60 000 sièges dans l'année - de les répartir selon les attentes supposées. Toutefois, et je le répète, il appartient aux collectivités de décider, car elles connaissent mieux les besoins que les opérateurs.
Nous sommes soumis au droit communautaire relatif au SIEG et au principe du juste prix. On peut comprendre ce principe dans la mesure où il s'agit de deniers publics. Toutefois, il serait bon que les rémunérations pour les opérateurs puissent être supérieures. Le rendement est limité à 3 % dans le cadre des SIEG.
Il existe des pénalités pour service non fait. Dans les anciens dossiers de la DGAC pré-Union européenne, une marge d'aléas de 3 % était autorisée. Mais il faut également avoir une gestion intelligente entre l'opérateur et la collectivité. Effectuer un vol un jour de pont parce que l'OSP l'exige, alors même qu'il n'y a pas de demande, n'a aucun sens.
Le petit avion est plus cher que le gros avion. Pour que les entreprises vous proposent un bon suivi, cela peut coûter plus cher, en raison de notre présence sur des bases multiples. Nous devons disposer de pièces sur toutes ces bases, afin que nos avions puissent voler. Il faut prendre en compte le coût de la ponctualité et la régularité. Il faut aussi payer la main d'oeuvre qualifiée, avec des horaires à forte amplitude. Ces niveaux d'exigence doivent être pris en compte. Se focaliser uniquement sur un prix bas permettra peut-être à la collectivité de verser une subvention plus faible, mais l'avion ne sera pas à l'heure : il ne sera pas capable de faire face aux aléas.
Madame la rapporteure a évoqué les pénalités. Nous sommes sous OSP sans compensation. Nous préférons nettement la notion d'incitation, plutôt que la notion de pénalité. Nous opérons à quasiment 10 000 kilomètres de la France métropolitaine. À partir du moment où l'on a le moindre problème, son traitement prend des proportions importantes. Il faut parfois 24 heures pour réparer un avion, ce qui n'arriverait pas sur les grands aéroports métropolitains.
L'échange que nous avons aujourd'hui est très instructif et très intéressant pour nous qui sommes de province et nous sentons abandonnés. Je découvre des compagnies que je ne connaissais pas. Quelles sont vos ambitions ? J'ai été président d'un syndicat mixte d'un aéroport. Lorsque nous lançons des appels d'offre, vous ne répondez pas. Soit nos appels d'offre n'ont pas d'intérêt pour vous en termes financiers - nous ne sommes pas dupes, il y a une obligation de résultats -, soit ces questions ne sont pas dans votre philosophie, et je peux comprendre que vous soyez moins intéressé par l'aéroport de Rodez que par d'autres aéroports.
Sans vous demandez votre position sur la privatisation d'Aéroport de Paris, que pensez-vous des services de ces aéroports ? J'arrive parfois sur Paris, je tourne pendant 20 minutes, j'attends le bus une demi-heure. Quelquefois, on perd autant de temps dans l'aéroport que sur le trajet.
Pour rechercher un équilibre financier que vous êtes en droit d'attendre dans l'exploitation de vos entreprises, vous paraît-il judicieux de créer une structure à l'image de la Commission de régulation de l'énergie (CRE) pour l'électricité, qui permettrait d'avoir un véritable aménagement du territoire ? Vous savez que sur une ligne intérieure, vous n'allez pas gagner d'argent, mais, en revanche, vous allez pouvoir être bénéficiaire sur une autre ligne. Ce juste prix permettrait d'avoir un aménagement du territoire. Nous savons que sur une ligne Rodez-Paris, la contribution est relativement chère. Les collectivités participent, l'État également - car cette ligne est classée aménagement du territoire -, mais à faible niveau. Une structure nationale pourrait-elle rationnaliser le rapport entre les différents types de lignes ? Demain, vous pouvez développer cette France très rurale qui se sent abandonnée. Nous ne travaillons plus avec HOP, car nous ne sommes pas satisfaits du service. Il y a une place à prendre dans les réseaux internes.
Une OSP va être lancée : répondez-y s'il vous plaît !
Je souhaite vous interroger sur les taxes aéroportuaires. Existe-t-il des exemples à l'étranger où des méthodes de calcul de taxe plus justes et concourant mieux à l'aménagement du territoire sont utilisées ? ADP devient un produit intéressant à vendre en raison de l'afflux de taxes. Que pouvez-vous suggérer comme critère de tarification ? J'ai toujours pensé qu'ADP avait une mission de service public, notamment en matière d'aménagement du territoire de notre pays.
La défiscalisation pour l'acquisition des avions en outre-mer existe-elle toujours ? Avez-vous des suggestions sur ce point ?
Je souhaite revenir sur l'impact des décisions d'ADP sur les coûts fixes des compagnies. Que pensent les chefs d'entreprise que vous êtes d'une éventuelle privatisation d'ADP ?
Quelle est la répartition des charges dans le prix du billet, en fonction du modèle de l'avion, les charges de personnel et les différentes taxes ? J'ai cru comprendre que les taxes représentaient la moitié du prix du billet. Par ailleurs, pouvez-vous revenir sur les recettes : le billet, les subventions publiques qui peuvent vous être apportées selon les destinations ? Je souhaiterai disposer de plus d'éléments sur ces deux points en fonction des matériels utilisés et des destinations.
Aujourd'hui, sur un vol métropolitain, les taxes et redevances représentent 50 % du billet. Air France a publié des éléments sur un Paris-Nice. Il y a 10 ans, nous étions sur 70 % de recettes et 30 % de coût. L'inflation est terrible, liée à des causes objectives : la sûreté par exemple. La menace terroriste doit être gérée. On peut discuter de la gouvernance de la sûreté aéroportuaire. Pour la totalité des aéroports, cela représente un milliard d'euros par an. Or, ce budget n'est pas piloté. Il dépend de plusieurs ministères, puis de l'appréciation de chaque préfet. Il y a ainsi un très grand nombre de règles en vigueur. La façon de fouiller, de traiter un passager, n'est pas la même à Limoges, à Toulouse ou à Nantes. Ce budget va augmenter de 250 millions d'euros par an afin d'amortir le coût des nouveaux matériels. Cela va entraîner une augmentation du prix du billet.
Pour les OSP, la répartition entre la recette et le coût est assez variable. Certaines OSP peuvent ne pas être subventionnées. Mais dans certains cas, la subvention représente la moitié du coût du billet. Cela peut représenter 90 à 100 euros par passager. Lorsqu'on atteint ces pourcentages, si un autre vecteur de désenclavement existe, les territoires arrêtent de subventionner la ligne aérienne. Par exemple, la ville de Lannion a arrêté de subventionner la ligne Lannion-Paris, avec le développement de la LGV, permettant une desserte de Paris acceptable via Guingamp pour le train, ou via Brest.
Je m'exprime ici en tant que président de la fédération nationale de l'aviation marchande : il n'y a pas d'opposition idéologique des entreprises du secteur à la privatisation d'ADP. Nous pensons même qu'ADP privatisé dans les mains d'un professionnel sera mieux géré qu'aujourd'hui. En revanche, il faut s'interroger sur la mission d'ADP. Il a une mission nationale : plus de 100 millions de passagers arrivent en France via ces deux aéroports. Ne font-ils pas partie de l'attractivité de la France ? L'État est régulateur à travers un contrat de régulation économique, actuellement en négociation. Il est un peu schizophrène, car il cherche à maximiser la valeur d'ADP dans la perspective de la privatisation. Mais en même temps, il cherche à avoir une maîtrise des trajectoires des redevances et coûts afin de rester attractif. On observe d`ailleurs en Europe une trajectoire inverse à la nôtre : dans la plupart des grandes plateformes aéroportuaires, le coût global du traitement du passager tend à diminuer. C'est également le cas au Royaume-Uni, où les aéroports sont réputés chers. En France, alors que le coût aéroportuaire était un peu plus bas que la moyenne européenne - et ADP se plaisait à le rappeler -, ADP est désormais dans le peloton de tête. C'est contraire aux intérêts du pays. Si nous n'avons pas de position idéologique sur la privatisation d'ADP, nous estimons qu'il faut un État régulateur puissant. Il faut une autorité dotée de pouvoirs d'audit et de sanctions, ce qui n'est pas le cas aujourd'hui.
Il y a quelques années, ADP a développé une formule à partir d'un avion type - l'A320 - et un remplissage moyen - 86 %. Tout ce qui est en dessous de cette moyenne voit ses coûts augmenter et ce qui est au-dessus voit ses coûts baisser. ADP a ainsi expliqué à Air France que la compagnie allait être perdante pour HOP, mais elle fera des économies sur les grands avions. Dans le cas d'un ATR 42, cela a conduit à doubler le prix du parking. Pour un Beechcraft, le prix a été presque multiplié par 6. Les avions moins remplis - c'est-à-dire ceux qui jouent le jeu de l'aménagement du territoire - sont pénalisés. In fine, cette augmentation des coûts est portée par la subvention publique.
Le but n'était-il pas d'avoir des avions plus remplis, afin de réduire le nombre de vols ?
Certaines raisons sont vertueuses. Le nombre de mouvements à Roissy et Orly est limité. Il y a donc un intérêt à avoir des avions plus gros et plus remplis. Cette modification de la structure tarifaire a été très pénalisante et s'est faite au détriment des territoires.
Le but de ma compagnie est de « grossir » et d'être au service des territoires. Nous basons nos personnels au plus près des avions.
En ce qui concerne les services d'ADP, il y a des phénomènes conjoncturels. Vous évoquiez les avions qui devaient attendre pendant 30 minutes. De nombreux travaux sont en cours à Orly en ce moment. Ils obligent à une régulation et sont dommageables. La régulation crée des retards, et les petits avions - ceux de moins de 180 sièges - sont pénalisés au profit des avions plus gros. En effet, ces avions, qui peuvent venir de la Réunion par exemple, peuvent se retrouver avec des réserves faibles de kérozène. On préfère ainsi retarder nos petits avions territoriaux que ceux qui viennent de plus loin. Les travaux vont se poursuivre. Nous avons d'ailleurs une obligation d'abattement de notre programme à 80 % du programme nominal pour les mois à venir en raison de ceux-ci.
Vous évoquiez la création d'une structure. À une époque, il y avait Air Inter, qui était une entreprise privée à vocation de service public affirmée. Nous avons été confrontés à des dérégulations majeures aux États-Unis et en Europe, qui ont conduit au schéma que nous connaissons, avec le développement des low cost. Je ne suis pas certain que la bonne solution soit de recréer une structure nationale pour l'aménagement du territoire.
La péréquation entre les lignes a été faite jusqu'à présent par le groupe Air France. Il y avait de véritables péréquations entre les lignes. Le repositionnement sur des avions de 200 sièges pour HOP fait que cette péréquation ne se fera plus sur des avions plus petits.
Lorsque l'on répond à une OSP, il nous est ouvert la possibilité de ne pas utiliser la totalité de la subvention et d'en affecter une partie sur d'autres lignes. L'approche de HOP en matière de péréquation m'interroge. Selon les journaux, HOP a perdu 200 millions l'année dernière. Si je perdais un million d'euros, mon patron serait mécontent de mes services. Cela dépend donc de ce que l'on est capable de faire financièrement parlant.
Par rapport aux services d'ADP, le bus est pour nous la double peine : non seulement les passagers attendent en raison des travaux, mais en plus, nous devons payer le transport en navette. En effet, la liaison en bus n'est pas opérée par ADP, mais est sous-traité. De même, les assistants aéroportuaires privés ne dépendent pas d'ADP. En quoi ADP nous aide-t-il ?
Nous avons auditionné M. Augustin de Romanet il y a quelques jours. Il nous a indiqué que le droit européen ne permettait pas forcément à l'aéroport de réaliser cette prestation. Nous avons également relevé qu'il faudrait regarder parmi les avions étant « au contact » à l'atterrissage le nombre d'avions venant des territoires et des petites villes.
Les transports en bus sont autorisés par ADP, mais ils ne sont pas opérés par ce dernier. Ils dépendent et sont opérés par les compagnies aériennes qui les utilisent.
M. de Romanet nous a indiqué qu'Aéroports de Paris n'était pas indifférent à la qualité de chaîne globale de transport pour un passager.
En matière de sûreté, des raisons réglementaires expliquent les différences de mesures applicables, en fonction de la taille des aéroports.
La péréquation est une bonne idée, mais il faut la mettre en miroir avec le droit européen. Je ne suis pas sûr que cela soit possible.
Le pourcentage des taxes représente la moitié du prix du billet, auquel s'ajoutent d'autres taxes : la taxe de balisage par exemple qui se retrouve dans les comptes de la compagnie, ou encore la TVA. On peut concevoir que quelqu'un payant un billet en business class peut payer 100 euros de taxe supplémentaires, mais cela n'est pas cohérent pour des billets subventionnés. Le montant perçu est fixe quel que soit le point de décollage de l'avion en France. Pour moi, une partie du service public devrait être exonérée de ces taxes.
La sûreté est une affaire régalienne. Or, aujourd'hui, nous devons être le fournisseur de la ressource, demander aux chambres de commerce de nous fournir du personnel, alors qu'il s'agit d'une affaire de policiers. Si vous ramenez le prix de la sûreté en France au remplissage d'un A320 à 85 %, c'est équivalent voire plus cher que le coût de l'enregistrement des bagages et de l'accueil du passager en escale.
Pour la privatisation d'ADP, je n'ai pas de position particulière. Toutefois, l'on constate que l'on veut rendre la mariée belle pour la vendre. On a demandé des rendements de banquiers à un établissement public. Il est de 8 %, alors même que ne sont pas incluses les boutiques ! Cherchez l'erreur. On risque d'avoir un transfert des charges à la première occasion sur les autres, c'est-à-dire in fine sur les régions.
Les taxes aéroportuaires doivent être un outil de désenclavement. On devrait pouvoir agir sur celles-ci afin de faire baisser les prix des billets d'avion des territoires enclavés. Une façon de baisser les coûts est de transférer à l'État les tâches relevant de sa compétence. Nous avons évoqué la sûreté. Je vous donnerai un autre exemple : en matière de lutte contre l'immigration clandestine, une compagnie transportant une personne non munie de papiers en règle doit payer une amende de 10 000 euros. Nos personnels sont donc des auxiliaires de l'État non rémunérés et sont chargés de vérifier si une personne se présentant à l'enregistrement a bien des papiers en règle. Tous ces points grèvent le coût d'exploitation d'une compagnie.
Nous bénéficions de défiscalisation sur les appareils au titre de l'investissement industriel basé outre-mer. Mais cela ne concerne que des appareils exploités sur des lignes qui ne touchent pas l'Union européenne. On ne peut pas, au titre du désenclavement, acheter un avion neuf, le mettre sur la ligne Mayotte-Paris et bénéficier d'une exonération fiscale, car le trajet relie deux territoires de l'Union européenne.
Nous avons entendu vos remarques sur la politique tarifaire, ainsi que sur les coûts de sûreté.
Je rejoins la problématique de mon collègue sur le transport par navette sur le tarmac de l'aéroport. Avez-vous identifié d'autres contraintes techniques ?
Pour le Finistère, je suis inquiet pour l'OSP en cours, car je n'ai pas cru déceler dans votre propos la capacité ou l'envie d'opérer la ligne Quimper-Paris qui réalisait en 2013 105 000 passagers, et 78 000 passagers. HOP a annulé 150 vols l'année dernière. Cela explique la chute de la fréquentation. Il est nécessaire que d'autres prestataires se fassent connaître face à HOP qui a annoncé être à nouveau candidat.
Je souhaite revenir sur la performance globale de la chaîne logistique : on attend beaucoup dans les aéroports.
Estimez-vous qu'il existe, au niveau local, une instance de dialogue, permettant de réunir tous les acteurs, qu'ils soient partenaires ou prestataires ? Nous avons souvent tendance à vous considérer comme des prestataires, et ainsi à ne pas assez partager les stratégies.
Que pensez-vous du contrôle aérien ? Nous avons en France un problème avec le logiciel Foreflight. L'État s'est désengagé du contrôle aérien, en laissant aux plateformes aéroportuaires le soin de gérer elles-mêmes ce service.
Enfin, je souhaite évoquer Cherbourg. Cette ville a perdu une OSP sous prétexte qu'il y a une liaison ferroviaire permettant de rejoindre Paris en 3 heures. Or, cela n'est pas vrai. La liaison ferroviaire est catastrophique. Comment faire pour ces territoires qui sont à la limite d'un temps de desserte ferroviaire raisonnable ? Pourrait-on imaginer des « sauts de puce » pour venir chercher une clientèle ?
Notre rapporteure a auditionné ce matin les syndicats des contrôleurs aériens. La notion de désengagement de l'État est à pondérer. Elle ne s'applique qu'aux petites plateformes.
Vous avez une connaissance du territoire et des besoins. L'offre crée également la demande. La création d'une ligne peut entraîner une demande pas forcément décelable aux premiers abords. Travaillez-vous avec la SNCF, pour que l'intermodalité soit la plus efficiente possible ? Avez-vous une carte idéale des dessertes aériennes des territoires, indiquant où il serait nécessaire de mettre en place vos services, car la desserte ferroviaire n'est pas une solution acceptable ou possible ? Ces informations nous seraient utiles dans le cadre du débat remettant en cause l'intérêt de l'avion et insistant sur son aspect polluant.
Ma deuxième question porte sur la saturation de l'espace aérien. Beaucoup d'avions sont retardés ou annulés pour cette raison. L'augmentation du trafic de 2 % par an n'est pas prise en compte par le système français, et il semblerait que dans les arbitrages qui sont faits, vous ne faisiez pas partie des priorités. Avez-vous le sentiment que la situation s'aggrave ?
Pour le trafic, les chiffres sont mêmes plus élevés. Nous étions, de mémoire, à une croissance de 7 % l'année dernière.
Vous semblez, pour certains d'entre vous, être prisonniers d'ADP. Les coûts augmentent pour représenter désormais la moitié du billet. Avez-vous étudié la possibilité d'utiliser d'autres aéroports et aérodromes en périphérie de Paris, comme celui de Beauvais, Pontoise ou Lognes, afin de payer moins de taxes, et avoir un meilleur service pour les passagers - par exemple en perdant moins de temps lors du contrôle aérien ?
Pourquoi atterrissons-nous à Orly et pas ailleurs ? Tout d'abord, parce que cet aéroport nous est imposé. Ensuite, les aéroports sont soumis à des contraintes en raison des riverains. Tous ne peuvent pas accueillir nos avions. Enfin, il est nécessaire d'avoir une infrastructure logistique afin de permettre aux passagers de rejoindre leur destination finale.
Pour Cherbourg, un opérateur privé ne va pas y aller seul. Cette ligne a été financée. En raison de la baisse de charges d'Areva, il y a eu une diminution du nombre de passagers. L'équilibre économique de cette ligne - un double aller/retour sur Orly - n'est plus au rendez-vous. Je me suis personnellement rendu à Cherbourg afin de rencontrer le maire et les entrepreneurs. Il n'y a pas que Paris. On pourrait imaginer une destination en étoile, avec un jour un aller-retour vers Paris, le lendemain un aller-retour vers Lyon, le surlendemain vers Limoges...
En tant qu'opérateur, nous savons qu'il y a une évolution réglementaire imposée du contrôle aérien. Celle-ci tend à fluidifier le contrôle aérien par la mise en place d'un système embarqué. Cela permet des échanges plus fluides avec le sol. Chacun a un avis sur les systèmes dont se dote la DGAC pour gérer le ciel français. Vous avez évoqué le désengagement supposé de l'État par rapport aux aéroports régionaux. Je pense que vous faites référence au démantèlement des ILS sur les aéroports régionaux. Ce n'est pas forcément un mal. Une première analyse montre que le maintien en service sur une petite plateforme d'un ILS représente un coût important. Il est remplacé par un système équivalent mais autonome : l'approche GNSS. Nos avions disposent désormais de GPS beaucoup plus performants qu'auparavant. Charge à la région et aux services techniques de la navigation aérienne de mettre en place une procédure GNSS, c'est-à-dire un atterrissage autonome par le guidage. Il n'y a donc plus la fameuse ligne autonome indiquant à l'avion par où il doit passer pour se poser. Cela a coûté cher aux compagnies, car il a fallu investir dans cette nouvelle technologie. Lorsque Orly interdit aux avions non équipés de GNSS de se poser, cela a un coût qui n'a pas forcément été répercuté en temps et en heure dans les OSP.
Nous opérons avec des gros porteurs de 360 à 440 places. Nous ne pouvons pas opérer sur de petites plateformes aéroportuaires. Nous opérons ainsi vers Charles de Gaulle ou Marseille.
Vous avez parlé d'instances de dialogue. Air Austral est une société privée dont le principal actionnaire est une société d'économie mixte (SEM) composée de collectivités locales. Nous avons au sein de cette SEM un comité stratégique regroupant les principaux actionnaires. Il discute avec le management de la compagnie une fois par an des orientations stratégiques. Cela nous permet de nous confronter à la volonté des élus de désenclaver le territoire, et de faire valoir nos propres contraintes et ambitions en tant qu'entreprise privée.
Vous avez évoqué le lien avec le train. Nous travaillons beaucoup avec la SNCF. Nous sommes le premier client de TGV Air. Nous le considérons comme une voie de correspondance comme une autre. Beaucoup de nos clients partent de Mayotte ou de la Réunion vers la métropole. Nous les débarquons à Charles-de-Gaulle où se trouve une gare SNCF. Nous arrivons à nous entendre et faire en sorte qu'une personne arrivant à Charles-de-Gaulle puisse ensuite prendre le train pour se rendre ailleurs.
Pour ceux qui veulent développer le tourisme, le transporteur aérien seul, surtout avec des avions de 19 sièges, ne pourra pas développer cette activité, s'il n'est pas accompagné par la région ou le département. Ce n'est pas parce que l'on va faire des vols, même sur Rome, que le remplissage sera immédiat. Il faut du temps, de l'argent et une connaissance de la destination.
Nous avons peu de relations avec le train. Je prendrai un seul exemple : nous n'avons pas de statistiques sur le nombre de passagers utilisant le train entre Paris et Lyon, ou Paris et Marseille. Nous sommes incapables de dessiner une carte idéale de la desserte aéronautique. Globalement, il y a une augmentation du trafic, en nombre de passagers transportés. En revanche, le nombre de mouvements d'avions est plutôt en baisse de l'ordre de 2 % chaque année. Les avions sont plus gros et mieux remplis. On assiste déjà à une croissance du transport aérien avec un nombre d'avions et une émission de pollution qui tendent à se réduire. Air France, sur les dix dernières années, a connu une croissance de 40 % de passagers, mais n'a pas émis un gramme de plus de CO2. Les marchands d'apocalypse habitant dans le centre de Paris et incapables de distinguer le patou des brebis en Corse sont en train de parler d'une apocalypse qui n'existe pas. Le transport aérien est plutôt vertueux, car le coût du carburant est notre premier poste de dépenses. Cela passe par une réduction de la consommation, et donc par des investissements importants, des progrès techniques et des matériaux certifiés - avec des moteurs plus efficients, des matériaux plus légers.
Nous sommes un mode de transport polluant. Mais tous les autres modes de transport le sont également. Dans le transport ferroviaire, on n'analyse jamais le coût carbone de la construction d'une voie. Par exemple on avait imaginé le bilan carbone de la LGV entre Paris et Bordeaux sur 16 ou 19 sillons. Aujourd'hui entre 12 et 13 sillons sont exploités. Cela augmente l'empreinte de la construction de 50 %. Les coûts d'amortissement en termes de CO2 pour une ligne de train se calculent sur 20 ans. Il faut également prendre en compte le coût de la rame, de l'entretien. En outre, 50 % de l'énergie est perdu lorsque l'on achemine l'électricité sur une grande distance.
Le contrôle aérien est coûteux mais efficace. On assiste à un retrait des contrôleurs au profit de contrôles AFIS pris en charge par les territoires et les chambres de commerce. La sécurité n'en est pas réduite, mais le coût est transféré.
Êtes-vous optimistes vis-à-vis des biocarburants utilisables en aviation ? Y-a-t-il un travail approfondi sur ce point ?
Le biocarburant est au point. Les moteurs sont certifiés. Les essais ont été faits, à la charge des compagnies aériennes. Air France notamment a dépensé plusieurs millions d'euros sur ce sujet. Elle a fait voler des A320 sur la ligne Toulouse-Paris pendant plusieurs années. Elle fait venir le carburant depuis le Brésil par bateau. On peut utiliser le bio-fioul demain matin. Mais il n'existe pas en France de filière de production de bio-carburant. J'avais interpellé il y a 4 ans Manuel Valls et Ségolène Royal à ce sujet au salon du Bourget. Ils m'avaient indiqué la mise en place dans l'année d'une filière. Elle n'existe toujours pas aujourd'hui. Les industriels sont prêts, les compagnies sont prêtes.
Je sais qu'il y a des réflexions en France afin de produire ces biocarburants dans le sud de la France. Je vous remercie pour vos interventions. La mission continuera ses auditions demain.
La réunion est close à 17 h 20.