S’attaquer aux statuts particuliers est une vieille rengaine, je dirais même un chiffon rouge agité pour dénigrer, voire effacer des pans entiers de notre histoire, au cours desquels des luttes sociales ont été victorieuses. Ces luttes ont permis d’obtenir des garanties collectives afin de ne pas laisser l’individu seul et désemparé.
Après les cheminots et les postiers, c’est maintenant au tour des fonctionnaires ! Je me souviens de ce que disait Mme Parisot, l’ancienne présidente du Medef : « La vie est précaire, alors le travail doit l’être lui aussi. »
Cette philosophie est aujourd’hui appliquée à la fonction publique de manière dogmatique et dangereuse, puisque la stabilité de l’emploi public est le corollaire du temps long qui caractérise l’action publique, l’intérêt général, la permanence et la continuité de l’État.
Il serait à ce titre intéressant, puisque cette réforme est un copier-coller des ordonnances Travail, de se pencher plus sérieusement sur les conséquences de ces réformes sur la dégradation des conditions sociales et sur la démocratie sociale. Le nouveau monde que vous voulez nous imposer n’est-il pas en réalité un grand retour en arrière ?
La réforme que vous nous présentez est bien plus insidieuse que la suppression pure et simple du statut des fonctionnaires. Certes, elle ne supprime pas, mais elle introduit le ver dans le fruit.
En effet, la possibilité de recourir à des contractuels à la place de fonctionnaires placés sous un statut protecteur ouvre la voie au dépérissement de la fonction publique telle que nous la connaissons. Qui, demain, voudra passer un concours, alors que le même emploi sera potentiellement accessible par copinage ou complaisance politique, rompant ainsi avec la notion d’une fonction publique de carrière ?
Les ruptures conventionnelles et autres détachements d’office ouvrent parallèlement la voie à la suppression annoncée de 120 000 postes de fonctionnaires, à laquelle vous vous disiez pourtant opposé, monsieur le secrétaire d’État, en 2017…
Ce projet de loi porte donc une atteinte grave à notre morale républicaine, celle du mérite et de l’égalité d’accès aux emplois publics. Vous l’aurez compris – les amendements que nous avons déposés allaient évidemment dans le même sens –, nous voterons contre ce projet de loi qui organise la privatisation de l’appareil d’État et entretient la confusion sur les finalités de l’action publique.