Le rapport pose la question d'une différenciation territoriale plus ambitieuse, sous une forme qui reste toutefois prudente. Il suggère ainsi d'envisager d'étendre le droit de dérogation aux actes des collectivités territoriales. Ce droit de dérogation serait exercé par les autorités décentralisées, par exemple après avis du préfet (recommandation 16) ;
Nous proposons également de réfléchir à la possibilité d'autoriser des dérogations à des normes législatives ou réglementaires sollicitées par les collectivités territoriales et relatives à leurs compétences, sous réserve, bien sûr, d'une révision constitutionnelle, et d'un mécanisme politique destiné à éviter les abus (recommandation 17). Il s'agit d'envisager un mode de dérogation à la fois plus simple et mieux encadré que celui actuellement prévu à l'article 15 du projet de révision constitutionnelle.
Vous savez en effet que la rédaction actuelle de ce texte aboutirait à ce que chaque dérogation soit autorisée par la loi lorsqu'elle touche à des normes législatives, ou par décret du Premier ministre lorsqu'elle concerne des mesures réglementaires. Dans le premier cas, à savoir les mesures de nature législative, nous ne sommes que dans une différenciation « déléguée », puisqu'il faudra à chaque fois que le pouvoir central, à savoir le Parlement et l'Exécutif, accepte la dérogation. La procédure est lourde, peut être bloquée par une majorité hostile à l'Assemblée, et risque fort d'être aussi décevante que celle que prévoit déjà le troisième alinéa de l'article 72 de la Constitution depuis 2008, qui n'a été appliqué que quatre fois en plus de dix ans.
Quant au second cas, c'est-à-dire pour les dérogations à des textes réglementaires, le texte du Gouvernement se contente d'une autorisation par un simple décret du Premier ministre, ce qui, pour le coup, ne garantirait pas un contrôle très strict et, surtout, évacue le Parlement du dispositif, alors même que la question sous-jacente est celle de l'unité nationale.
Nous proposons donc de réfléchir à un mécanisme politique unique de contrôle, pour les mesures législatives et réglementaires, qui pourrait être un accord au cas par cas du Sénat, représentant constitutionnel à la fois de la Nation et des collectivités territoriales, et qui a donc toute légitimité pour être positionné sur le sujet. Vous l'aurez compris, il s'agit d'une simple contribution au débat qui ne va pas manquer de s'engager sur la différenciation territoriale et que nous ne prétendons pas clore aujourd'hui. Il nous semble néanmoins important de bien réfléchir aux meilleures hypothèses pour ce droit à la différenciation territoriale.