« La France et l’Allemagne sont essentiellement l’Europe. » Cette citation vous semble certainement récente, et totalement d’actualité. Pourtant, elle date du XIXe siècle, et elle est d’un de nos plus grands penseurs : Victor Hugo.
Lors de l’une de ses premières rencontres avec la Chancelière Angela Merkel, le président Emmanuel Macron a émis le souhait de marquer la singularité des relations entre la France et l’Allemagne en complétant le traité d’amitié entre les deux pays, le fameux traité de l’Élysée du 22 janvier 1963. Ce traité, l’un des plus importants de l’histoire de la Ve République, avait besoin à ses yeux d’être complété, actualisé, pour donner un souffle nouveau à la relation entre nos deux pays.
Nos amis allemands n’étaient pas demandeurs, mais ils ont salué cette initiative, qui pouvait relancer la coopération franco-allemande au service de la politique européenne.
Chers collègues, arrêtons-nous un instant sur l’importance du traité de l’Élysée, que le traité d’Aix-la-Chapelle vient compléter.
Il date de 1963. En un siècle, la France et l’Allemagne s’étaient déchirées par trois fois dans des conflits parmi les plus meurtriers et les plus sanglants de l’histoire de l’humanité. Moins de vingt ans après la Seconde Guerre mondiale, qui avait dévasté l’Europe, moins de vingt ans après l’occupation brutale de la France par l’Allemagne, comment envisager de tendre la main à la jeune République fédérale ?
Il fallait le caractère visionnaire et la stature immense du général de Gaulle et son intuition des enjeux de la construction européenne et de l’absolue nécessité d’une coopération entre la France et l’Allemagne pour faire accepter ce traité. À l’époque, c’est notre pays qui était économiquement, politiquement et culturellement le partenaire dominant de ce duo. La France tendait la main dans un formidable geste de pardon et de réconciliation. Le Général, qui avait vécu dans sa chair les deux conflits mondiaux, proposait, contre une grande partie de l’opinion française, une coopération visionnaire fondée sur les échanges, la jeunesse, la rencontre.
Le traité de l’Élysée a permis des politiques communes dans tous les domaines de l’État, des échanges entre citoyens, fonctionnaires, industriels, artistes, parlements, qui permettent une communication simple et parfois une résolution des différends quand ceux-ci, inévitablement, surgissent. Ces inévitables différends existent, car, précisément, nous sommes différents ; c’est une réalité indéniable, mais nullement insurmontable.
Et malgré cela, depuis ces dernières décennies, nos deux pays ont appris à travailler ensemble, à se connaître, à dialoguer, à se comprendre.
Rappelons-nous, pour ne citer qu’un exemple, la crise financière systémique de l’année 2008 et le travail en commun réalisé par le président Nicolas Sarkozy et la Chancelière Angela Merkel. Si les deux dirigeants n’avaient pas pu travailler main dans la main, il est probable que la crise qui secouait l’Union européenne et l’euro n’eût pas été résolue ni la situation stabilisée.
Nous voyons tous les jours les jumelages de villes – vous-mêmes, chers collègues, faites vivre ces jumelages –, les rencontres entre clubs sportifs, les échanges scolaires et universitaires, les couples binationaux. À tout cela s’ajoute évidemment la vie des entreprises et des professionnels, des liens économiques extrêmement soutenus, des partenariats industriels dont nous pouvons tous être fiers ; je pense en particulier à la réussite d’Airbus-EADS. Toutes ces initiatives, nationales comme locales, ont fait que les Français et les Allemands vont à la rencontre les uns des autres, découvrent l’autre pays, qu’ils ne connaissent souvent pas très bien. Comme dans Le Petit Prince d’Antoine de Saint-Exupéry, ils ont appris à s’apprivoiser.
Le traité de l’Élysée est un exemple unique au monde regardé avec curiosité et intérêt par de nombreux pays. Il fait notre fierté. Il est l’un des legs les plus importants du gaullisme. Le traité d’Aix-la-Chapelle vient compléter le traité de Gaulle-Adenauer en créant un comité de coopération transfrontalière, en améliorant les liaisons ferroviaires transfrontalières, en renforçant les coopérations bilatérales dans le spatial, l’énergie, la recherche et l’innovation, en créant quatre instituts culturels intégrés et en élargissant les programmes de mobilité de l’Office franco-allemand pour la jeunesse.
En revanche, nous aurions pu souhaiter des progrès dans l’apprentissage de la langue du voisin, pour sortir de cette « amitié muette » dont avait parlé Jacques Chirac en 2003, lors de la célébration du quarantième anniversaire du traité de l’Élysée.
Dans le domaine de la défense, l’article 4 du traité d’Aix-la-Chapelle renforce la coopération entre les forces armées, en vue d’instaurer une culture commune et d’opérer des déploiements conjoints et vise à consolider la base industrielle et technologique de défense européenne. Le système de combat aérien du futur, le SCAF, et le futur système terrestre MGCS illustrent cette volonté exprimée dans l’article 4 du traité d’Aix-la-Chapelle.
Attaché à une coopération constructive avec l’Allemagne, le groupe Les Républicains votera en faveur de l’adoption du traité d’Aix-la-Chapelle, dans lequel il voit un signe positif, porteur d’avenir pour la relation franco-allemande, mais il restera vigilant quant à la mise en place de mesures concrètes, à une évaluation des politiques envisagées, pour qu’il soit digne du traité de l’Élysée.
Le général de Gaulle disait : « Le patriotisme, c’est aimer son pays ; le nationalisme, c’est détester celui des autres. » Alors, soyons patriotes, aimons notre pays ! Le traité d’Aix-la-Chapelle est dans l’intérêt de la France, dans l’intérêt de l’amitié franco-allemande, dans l’intérêt de l’Europe !