Intervention de Olivier Cigolotti

Réunion du 3 juillet 2019 à 14h30
Traité sur la coopération et l'intégration franco-allemandes — Discussion générale

Photo de Olivier CigolottiOlivier Cigolotti :

Madame la présidente, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, plus de cinquante ans après la signature du traité de l’Élysée, le traité d’Aix-la-Chapelle, signé le 22 janvier dernier, conforte l’amitié franco-allemande et traduit une volonté commune de répondre aux grands défis du XXIe siècle, par une coopération renforcée dans de nombreux domaines.

Ce traité a une double vocation : replacer, d’une part, le couple franco-allemand au cœur du projet européen, affaibli par la montée des eurosceptiques ; réaffirmer, d’autre part, le besoin de paix et la sécurité.

Force est de constater cependant que de nombreuses réserves et des approches divergentes entre Paris et Berlin rendent finalement assez limité le contenu de ce traité.

J’évoquerai pour ma part les enjeux liés à la défense, mon collègue Claude Kern ayant traité des enjeux européens et transfrontaliers.

Concernant l’aspect opérationnel, le bilan de notre collaboration est jusqu’ici très mince. La brigade franco-allemande, créée en 1989, est surtout symbolique. Les initiatives communes sont toutes relatives et s’apparentent davantage à des déploiements juxtaposés qu’à des interventions conjointes.

Malgré notre bonne entente, nos cultures sont différentes, notamment en matière de défense, de sécurité et de doctrines d’intervention. Du côté industriel, des succès sont notables ; je pense notamment à l’A400M, au radar COBRA ou encore au missile Meteor, qui ont pu voir le jour grâce à notre coopération.

Mais si nous voulons, comme ce traité le promeut, élaborer des programmes de défense communs, de nombreux défis restent à relever, notamment en termes de négociations industrielles. Notre commission a d’ailleurs insisté à plusieurs reprises sur cette question, qui peut constituer à terme un élément de blocage.

Les négociations entre les acteurs industriels français et allemands sont difficiles. Je pense ici aux exemples du leadership allemand sur le futur char lourd MGCS et, à l’inverse, au leadership français sur le SCAF. Ces deux projets peinent à trouver un équilibre industriel entre les deux partenaires. Comme cela a été rappelé par le Gouvernement, ce doit être à parts égales ! Il me semble essentiel que la France se montre intransigeante sur ce point malgré le rapport de force installé par nos amis allemands.

Pour préserver leur coopération, Paris et Berlin devront également trouver un terrain d’entente sur le sujet épineux des exportations françaises d’armements, trop souvent bloquées par les Allemands.

Face à ces dissensions, un projet d’accord est en cours de négociation. Son contenu sera déterminant tant pour l’avenir du char MGCS et du SCAF que pour la préservation de nos capacités d’exportation de matériels et d’armements.

Notre coopération avec l’Allemagne est également essentielle dans le domaine de l’aide publique au développement en faveur de l’Afrique.

L’Alliance Sahel, lancée par la France et l’Allemagne, constitue une avancée énorme vers une collaboration plus efficace dans l’aide et vers une stabilisation de la situation sécuritaire dans cette région. Les deux partenaires se doivent de montrer la voie en matière de coordination de cette politique, afin de mettre en place des programmes conjoints et, le cas échéant, de répartir les champs d’intervention pour éviter les doublons et les concurrences stériles.

Il convient d’apporter une précision concernant la revendication allemande d’obtenir un siège permanent au Conseil de sécurité de l’ONU. La France soutient cette position, dans le cadre d’une réforme plus globale visant à améliorer la représentativité de cet organe. Évidemment, il n’est en aucun cas question de céder à l’Allemagne, voire à l’Union européenne notre siège de membre permanent !

Malgré les obstacles soulignés, ce traité marque des avancées en termes de coopération. Il faudra certainement une forte volonté politique pour concrétiser ces ambitions et dépasser la simple portée symbolique de ce texte.

Le groupe Union Centriste votera en faveur de l’adoption de ce projet de loi, même s’il regrette – cela a déjà été souligné – la méthode d’élaboration du traité. Alors que les députés allemands ont été consultés par leur gouvernement, côté français, nous ne pouvons noter qu’une absence totale de concertation pour préparer ce texte, malgré les sollicitations du Sénat en ce sens.

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