Cet amendement vise à instaurer une gestion collective obligatoire pour les droits voisins ; je conclurai d’ailleurs mon propos par une remarque annexe sur une sorte de lettre ouverte que j’ai découverte tout à l’heure en séance.
L’objet de cet amendement rejoint ma première intuition sur le sujet : pour que la gestion collective soit efficace, il faut que le plus grand nombre possible d’éditeurs et d’agences de presse s’allient, c’est indéniable. Une gestion collective obligatoire pourrait donc donner l’impression de représenter un gage d’efficacité.
La proposition de loi prévoit la possibilité pour ces titulaires de droits de se rassembler au sein d’un organisme de gestion collective, afin de peser davantage dans le rapport de force qui les oppose aux acteurs numériques. Elle privilégie une gestion collective volontaire, pour deux raisons.
D’une part, il existe un argument juridique. Le droit européen et le droit constitutionnel encadrent strictement les conditions dans lesquelles les États peuvent imposer une gestion collective. La gestion collective obligatoire n’est en pratique admise que dans des cas très particuliers – par exemple, la gestion d’une exception ou la mise en œuvre d’une licence légale –, mais elle ne l’est jamais lorsqu’il s’agit de l’exercice d’un droit d’exploitation d’importance majeure, comme l’est, en l’espèce, le droit voisin.
D’autre part, le caractère facultatif de cette gestion a constitué, lors de l’élaboration de la proposition de loi, l’un des points conditionnant l’accord des éditeurs et des agences de presse. Ces derniers n’ont pas souhaité être enfermés dans les négociations. Il s’agit donc d’un point d’équilibre délicat, qui pourrait fragiliser juridiquement l’édifice.
Je vous demande par conséquent, ma chère collègue, de retirer votre amendement, faute de quoi j’émettrai un avis défavorable.
Cela dit, je l’avais souligné lors des débats du mois de janvier, je suis, comme l’auteur de cet amendement, intimement persuadé que la clé du succès pour tous reposera non pas sur une obligation juridique, mais sur une obligation que je n’hésite pas à qualifier de morale. Il est impératif que la profession soit unie en totalité, et que les acteurs les plus importants ne jouent pas leur partition de leur côté. Il nous appartiendra à tous d’y veiller et de soutenir l’unité quand les négociations seront lancées.
Je profite de cette occasion pour souligner que certains représentants des auteurs s’insurgent, se disant les oubliés de ce texte. Or nous avons veillé de façon attentive à ce que, s’agissant de la presse, les journalistes puissent bénéficier des retombées de ce droit voisin. Par définition, les auteurs n’en bénéficient pas, le droit voisin n’étant pas un droit d’auteur.