Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, tout sauf anodin ! Le projet de loi en discussion ce jour nous avait été présenté par le Gouvernement comme un texte technique, il est pourtant bien plus que cela ! Il représente aujourd’hui pour nous, avant tout, l’opportunité précieuse d’ouvrir un débat devant le Parlement sur un sujet majeur auquel celui-ci n’avait jusqu’ici pas été associé : l’avenir de la politique du sport en France, de son ministère et la création de l’Agence nationale du sport.
Nous saluons l’initiative de notre rapporteur, Claude Kern, qui a replacé l’examen de ce projet de loi dans une perspective cohérente avec la réalité des enjeux qui sont devant nous.
La création de l’Agence nationale du sport pose ni plus ni moins la question de la pérennité du ministère des sports en France à plus ou moins long terme, dans la mesure où cet organisme doit en effet faire sienne une grande partie de ses moyens et de ses prérogatives. Cette nouvelle collégialité dans la conduite d’une politique publique marque une rupture culturelle significative : comme l’a voulu le Conseil national de la Résistance, c’est l’État, et lui seul, qui demeure en France, depuis soixante-quinze ans, le garant de l’intérêt général.
Les acteurs du sport et les collectivités territoriales ont appelé de leurs vœux une évolution du modèle sportif français, ils se sont impliqués dans la réforme en cours, nous ne l’ignorons pas. Aussi, parce que nous voulons le débat, nous ne souscrirons pas à la proposition de suppression de l’article 3, même si les insuffisances de ce texte sont nombreuses.
L’exécutif affiche sa volonté, à travers la création de cette nouvelle agence, de favoriser le dialogue et la concertation sur le terrain, tout en conservant une forme de primauté de l’État. Les travaux de notre rapporteur pointent pourtant le caractère pour le moins précaire d’un tel équilibre.
Nous ne trouvons pas, dans les réponses qui nous sont apportées aujourd’hui par le Gouvernement, la garantie que notre pays continuera de bénéficier, dans les prochaines années, d’une politique publique du sport pleine et entière. La proposition de notre rapporteur de prévoir la présence de parlementaires au sein de l’Agence nationale du sport permettra ainsi, très opportunément, à la chambre haute et à la chambre basse d’exercer leur pouvoir de contrôle.
Dans la même perspective, la faculté donnée aux commissions des affaires culturelles et à celles des finances du Sénat et de l’Assemblée nationale de formuler un avis sur les conventions d’objectifs signées entre l’État et l’ANS, ou encore de suivre leur mise en œuvre, manifeste notre volonté de veiller à la pérennité d’un service public du sport en France.
La capacité de l’ANS à remplir efficacement ses missions demeure aussi suspendue au sort qui sera réservé aux conseillers techniques sportifs. Nous connaissons la préoccupation constante de notre rapporteur pour la préservation de la précieuse ressource que représentent les CTS, qui se trouvent aujourd’hui dans une incertitude profonde après que le Gouvernement a affiché son intention de les transférer vers les fédérations.
Cette situation de crise est dommageable, d’abord, pour les premiers intéressés, mais également pour l’ensemble du sport de haut niveau français, et ce alors que la France s’apprête à accueillir les Jeux de la trente-troisième olympiade de l’ère moderne. Soucieux d’apporter des éléments de réponse à la situation actuelle, notre rapporteur souhaite faire affecter les conseillers techniques sportifs par le responsable de la haute performance à l’ANS.
Cette initiative s’inscrit dans le même esprit que les précédentes : la Haute Assemblée a ainsi voté, dans le cadre de l’examen du projet de loi de transformation de la fonction publique, une mesure visant à protéger les fonctionnaires exerçant des missions de conseiller technique sportif d’un éventuel transfert obligatoire aux fédérations sportives. Toutefois, une concertation étant toujours engagée entre le ministère et ces agents, nous ne souscrirons pas à la proposition de notre rapporteur, dont l’intention était très louable, car une affectation de ces agents à l’Agence pourrait être interprétée comme une forme d’affaiblissement du ministère. Une éventuelle inscription à l’ordre du jour d’un projet de loi sur le sport – on parle de 2020 – offrira, en outre, un cadre plus approprié pour clarifier la situation des CTS avec le recul nécessaire.
L’incertitude qui les affecte touche également les acteurs locaux, qui ignorent encore tout de l’organisation territoriale de l’Agence. En choisissant d’inscrire d’ores et déjà dans la loi les principes de sa gouvernance territoriale, notre rapporteur fait œuvre utile, car l’absence de calendrier de déploiement de son volet territorial fait en effet craindre aux acteurs locaux la mise en place, d’ici à 2024, d’un dispositif transitoire privilégiant le très haut niveau. Telle n’était pourtant pas leur attente. Aussi le Sénat se veut-il soucieux d’apporter la même clarification quant au rôle joué par les élus locaux au sein de l’Agence que celle que le Gouvernement a introduite s’agissant de l’État.
Les inquiétudes autour des moyens financiers dévolus à l’ANS sont également vives. Le compte risque de ne pas y être. Les ressources allouées au sport en France ne devraient pas sortir intactes de ces bouleversements en matière de gouvernance, qui, comme bien souvent, ont également une motivation budgétaire.
Comme l’a justement relevé le Conseil d’État, la création de l’ANS est lourde de conséquences. Elle conduira l’État à se dessaisir des deux principales dimensions de la politique du sport en France : le soutien au sport de haut niveau et à la haute performance sportive ainsi que le développement de l’accès à la pratique sportive.
Le Gouvernement ayant privilégié la voie réglementaire pour créer l’Agence, le Parlement n’avait pas eu la faculté de débattre de cette réforme, laquelle est tout sauf anecdotique. Le groupe du RDSE se félicite donc que la Haute Assemblée ait pu œuvrer sur ce sujet et entreprendre d’apporter des éléments de réponse aux nombreux points encore en suspens. Notre groupe formulera également des propositions au cours du débat, afin, notamment, d’affirmer le rôle des élus locaux et d’ancrer l’Agence dans la proximité. Comme le disait le baron de Coubertin, l’important, c’est de participer !