Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, à la lecture de l’intitulé du projet de loi que nous nous apprêtons à examiner aujourd’hui, nul n’aurait pu penser qu’il soulèverait un débat aussi structurel sur l’avenir du sport dans notre pays. De fait, l’essentiel de nos discussions, en commission et ici même en séance, ainsi que de nos amendements, ne porte pas sur les voies réservées et la police de circulation pour les jeux Olympiques de 2024.
Loin de moi l’idée de minimiser les enjeux que recouvrent les deux articles qui abordent ce sujet, nos estimés rapporteurs, que je remercie pour la qualité de leurs travaux, les ont d’ailleurs fort bien mis en avant dans leurs rapports.
Ainsi, ce ne sont pas moins de 360 kilomètres de voies routières qui devraient être réservés sur le réseau francilien dans le cadre des Jeux, pour des périodes et selon des modalités diverses. Cela ne sera pas sans conséquence sur le trafic, déjà saturé, autour de la capitale comme à l’intérieur de ses limites, en particulier en cette période de forte affluence attendue. Si nous en comprenons cependant la nécessité, nous soutenons les amendements d’encadrement et de précision introduits par notre collègue Muriel Jourda, rapporteur pour avis de la commission des lois.
Je ne peux toutefois m’empêcher de noter que cette ordonnance intervient dans un contexte de retard important des différents grands projets d’infrastructures censés désengorger la région capitale et fluidifier les déplacements, notamment de banlieue à banlieue. J’ai évidemment à l’esprit le Grand Paris Express, dont même les lignes desservant le village et les sites olympiques risquent de ne pas être prêtes, ou encore le Charles-de-Gaulle Express. Le représentant des Yvelines que je suis déplore également fortement que la ligne 18 n’ait pas été jugée prioritaire alors que pas moins d’une dizaine de compétitions auront pour cadre ce département.
Certes, le Gouvernement ne saurait être tenu pour seul responsable du retard de projets lancés bien avant son arrivée aux responsabilités. Toutefois, si la mise en place dans les délais annoncés de ces infrastructures ferroviaires n’aurait pas rendu inutile la réservation de voies de circulation, elle en aurait sans doute atténué les effets sur la fluidité de la circulation automobile, notamment pour leurs usagers quotidiens.
Comme je le disais, l’essentiel de ce projet de loi n’est pourtant pas là.
Comme l’a souligné notre rapporteur Claude Kern, l’article 3, traitant de l’Agence nationale du sport, n’était, en effet, pas prévu à l’origine par le Gouvernement. Il a été ajouté par souci de sécurité juridique, laissant penser, au premier abord, à quelques mesures techniques ne méritant pas que nous nous y attardions, à tel point qu’il n’a pas été jugé utile de le mentionner dans le titre du projet de loi. Fort heureusement, nous nous y sommes intéressés, car les mesures que contient cet article sont de nature à déterminer l’avenir de l’ensemble du monde sportif français : elles traitent des modalités de mise en place de l’Agence nationale du sport, dont la création avait déjà été entourée d’un relatif flou artistique.
Le Gouvernement justifie le choix de créer l’Agence nationale du sport sous la forme d’un groupement d’intérêt public, un GIP, par le contexte particulier de l’organisation des jeux Olympiques et Paralympiques par la France en 2024. Si cette forme juridique a été jugée préférable à celle d’un établissement public, en raison, notamment, selon l’étude d’impact, de la collégialité renforcée qu’elle autorise et de la plus grande souplesse de fonctionnement qu’elle permet, le Conseil d’État relève que, sur plusieurs points, ce GIP s’écarte du régime général de ces groupements, ce qui conduit à s’interroger sur la véritable nature juridique de l’Agence. Le Conseil d’État considère, en outre, que le choix du statut de GIP n’est adapté qu’à des collaborations dédiées à un projet ou à la phase de mise en place d’une agence. Pour ces raisons, il estime que cette structure, créée pour des raisons très circonstancielles, n’a pas vocation à demeurer pérenne dans la forme initiale dessinée par le projet de loi.
Nous nous interrogeons donc sur la démarche du Gouvernement, laquelle consiste à nous soumettre des dispositions sur lesquelles la réflexion mériterait, manifestement, d’être approfondie. Il est regrettable à ce titre, madame la ministre, ainsi que l’a souligné la présidente Catherine Morin-Desailly, que vous ne soyez pas venue en débattre avec nous lors de nos travaux en commission.
Outre ces problématiques formelles, nous nous interrogeons sur le véritable rôle des délégués territoriaux de l’Agence, au sujet desquels le texte demeure très imprécis, alors que l’implication de l’État mérite que leur rôle exact soit clairement explicité.
Par ailleurs, nous déplorons que les collectivités territoriales ne soient pas mentionnées dans le projet de loi. Nous soutiendrons donc les amendements de notre rapporteur Claude Kern allant dans le sens de leur pleine intégration dans le nouveau dispositif. Elles ne peuvent en effet rester absentes de cette nouvelle organisation, ne serait-ce que parce qu’elles assurent, en premier lieu, le financement des équipements sportifs. De même, nous voterons les amendements qui visent à associer le Parlement au fonctionnement de l’Agence.
Vous l’avez compris, nous faisons pleinement confiance au travail remarquable de nos rapporteurs, Muriel Jourda et Claude Kern, effectué en un temps record. C’est un véritable exploit sportif !