Je veux bien tout entendre, mais on ne peut pas décemment soutenir que ce budget a été « préservé », selon vos termes, alors qu’il accuse une baisse de 6 % par rapport au dernier exercice.
Par ailleurs, le Sénat a adopté, dans le projet de loi pour une école de la confiance, des dispositifs ambitieux pour une pratique quotidienne des activités physiques et sportives à l’école ainsi que pour l’accompagnement des jeunes souhaitant accéder au plus haut niveau sportif. Las, la majorité gouvernementale n’en a soutenu aucun lors de la commission mixte paritaire.
Enfin, il y a deux semaines, le Sénat a inscrit dans les missions de la future Agence nationale de la cohésion des territoires le soutien aux politiques de la culture et du sport, terreau indispensable à la cohésion sociale. Le Gouvernement soutiendra-t-il cette mesure ?
S’agissant du projet de loi en discussion, nous nous étonnons que le Gouvernement n’assume pas l’inscription dans son titre de l’Agence nationale du sport, alors qu’il s’agit là de son véritable enjeu. Cette dissimulation initiale souligne certainement la fébrilité du Gouvernement à ce sujet, et nous ne pouvons que le regretter. Cela cacherait-il d’autres intentions moins louables ? Comme un grand nombre de mes collègues, je m’interroge sur votre objectif à terme. En confiant à cette agence des missions qui relevaient jusqu’à présent du ministère des sports, ne risque-t-on pas de vider celui-ci de sa substance et, in fine, de programmer sa disparition pure et simple ?
Sans parler de privatisation rampante du service public – j’en laisserai le soin à d’autres –, je m’inquiète du transfert décisionnel vers des instances qui échapperont à un contrôle digne de ce nom.
Le groupe Les Républicains du Sénat soutient le principe d’une évolution du modèle sportif qui a été mis en œuvre par le général de Gaulle. Cependant, celui-ci a fait ses preuves, et il est envié par de nombreuses nations dans le monde ; si l’objet de ce texte est de réformer pour réformer, par pur principe, ce n’est pas une bonne chose. Le ministère des sports a son utilité, nous en sommes convaincus, comme nous sommes convaincus des bienfaits d’une gouvernance partagée et d’un pouvoir plus important confié aux fédérations, notamment concernant le haut niveau.
Depuis janvier 2018, de nombreuses tables rondes et ateliers ont été organisés, ce qui a permis à l’ensemble des acteurs de discuter et de travailler à un nouveau modèle plus coopératif et à une gouvernance partagée entre l’État, le mouvement sportif, le monde économique et les collectivités territoriales, dont je veux à mon tour rappeler qu’elles sont les véritables financeurs du sport en France, avec plus de 12 milliards d’euros annuels de dépenses. Ces différents acteurs ont réussi à aboutir à un accord de gouvernance partagée, au sein d’une agence qui aura la charge du haut niveau et de la pratique quotidienne pour tous.
J’en profite pour rappeler, et ce n’est pas le moindre des griefs, qu’à aucun moment les parlementaires n’ont été associés à ces travaux. Nous votons pourtant le budget des politiques publiques sportives et nous en contrôlons l’utilisation ; nous sommes également quotidiennement au contact des acteurs de terrain du milieu sportif. Nous ne pouvons que regretter que, sur un sujet si important pour la France, la représentation nationale n’ait même pas été interrogée.
Je n’ignore pas que, à votre arrivée, madame la ministre, le rapport de ces travaux était pratiquement achevé. La mission qui vous incombe est désormais de les mettre en œuvre, ce à quoi vous vous êtes attelée.
En avril dernier, le groupement d’intérêt public « Agence nationale du sport » a été officiellement lancé ; son deuxième conseil d’administration s’est tenu voilà quelques jours. La structure existe donc, mais son fonctionnement demeure très flou, et personne n’est aujourd’hui en mesure de nous expliquer concrètement comment cette agence se déclinera sur les territoires, ni quelle sera la répartition exacte entre les missions qui lui seront attribuées et celles que vous conserverez. Au cours des différentes auditions menées par le rapporteur, de nombreux partenaires ou membres nous ont fait part de leurs inquiétudes.
Vous avez retenu le groupement d’intérêt public comme format de cette nouvelle agence, malgré les réticences du Conseil d’État. Depuis lors, un recours a été engagé par de nombreux syndicats pour remettre en cause votre décision. Nous imaginons donc très bien que l’élaboration précipitée de ce projet de loi vise à conforter l’agence…
L’article 3 soulève de nombreuses questions. Nous espérons que nos débats permettront de les résoudre, au moins en partie, et, ainsi, de rassurer le mouvement sportif.
J’évoquerai maintenant quelques-unes de ces questions relatives à la mise en place de l’agence sur lesquelles il me semble essentiel que le Gouvernement apporte des éclaircissements.
D’abord, qu’en est-il de la pérennité de cette agence ? Le Conseil d’État a émis de claires réserves sur la longévité du groupement d’intérêt public et le financement de celui-ci. Allez-vous suivre ses recommandations ? Alors que le modèle de l’agence est censé être un héritage des jeux de 2024 pour notre pays, circonscrire sa durée de vie remettrait en cause cet objectif et rendrait encore plus incompréhensible sa mise en œuvre.
Ensuite, avec votre majorité, allez-vous soutenir le dispositif adopté en commission pour permettre à des parlementaires de siéger au sein de l’agence ? Là aussi, nous entendons un double discours : alors que la proposition de loi déposée par notre collègue Michel Savin en février dernier a été largement soutenue sur nos travées, toutes tendances politiques confondues, et qu’elle a recueilli un écho plutôt favorable de votre part, votre majorité remettrait aujourd’hui en question cette avancée ? Il est urgent d’éclaircir ce point, absolument déterminant.