Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, Françoise Dolto, dès la fin des années soixante-dix, affirmait que « l’enfant, dès son plus jeune âge, est un être de langage, il convient de l’écouter avec sérieux. Il est à égalité d’être avec un adulte, à ce titre il est un analysant à part entière. »
Il faudra ensuite attendre 1989 pour que soit adoptée la Convention internationale des droits de l’enfant, consacrant l’enfant comme une personne à part entière.
Définir et renforcer les droits des enfants, c’est faire un pas vers l’égalité, donner aux enfants une véritable place dans la société et prendre en compte l’importance d’une étape de la vie au cours de laquelle se développe la perception des autres.
Cette prise en compte est primordiale, car elle intervient à une période essentielle de la construction de l’individu. C’est là qu’il acquiert des valeurs et des normes qu’il internalise et qui conditionneront l’adulte de demain.
Depuis plusieurs années, les études le prouvent : le recours à la violence, notamment la fessée considérée encore comme une méthode éducative, favorise pourtant l’agressivité des enfants, conforte la baisse de leur estime et peut pénaliser leurs résultats scolaires. Plus alarmant, cette violence est parfois la porte d’entrée de châtiments plus graves. Aussi, il est important que nos enfants n’identifient plus la violence comme un mode d’éducation.
Si certains pays comme la Suède ont légiféré à ce sujet depuis près de quarante ans, la France, elle, continue de violer ses engagements internationaux. Doit-on s’accommoder de cette loi du plus fort, où il suffit d’en venir aux mains pour régler un conflit et éduquer un enfant ?
Si le code pénal interdit déjà toute forme de violence physique envers les enfants, notamment les plus jeunes, en en faisant une circonstance aggravante, rien n’est prévu à ce sujet dans le code civil. Cette proposition de loi, en prévoyant à l’article 371-1 du code civil que « l’autorité parentale s’exerce sans violences physiques ou psychologiques », vient clarifier la situation et poser un principe clair. Aucune éducation ne peut se faire par le châtiment corporel. En faisant un pas dans cette voie, la France honore enfin ses engagements internationaux.
Ici, il s’agit de poser l’interdit de manière civile. Le but n’est pas de stigmatiser, ni de culpabiliser les parents, mais d’orienter vers un changement des pratiques sur le long terme. Le but n’est pas, comme nous avons pu l’entendre, de s’immiscer dans la vie familiale, mais bien de poser un interdit pour faire évoluer les mentalités dans un pays où 85 % des parents ont encore recours à la fessée.
J’en conviens, l’éducation n’est pas toujours chose aisée, à une époque où les parents sont le plus souvent sous pression. Le lien familial s’est transformé ces dernières années, mais il est aujourd’hui nécessaire de faire évoluer les modes d’éducation. De nombreux exemples montrent qu’il existe des méthodes plus douces et vertueuses pour se faire écouter des enfants.
Si j’en reviens au texte, outre la disposition prévoyant que l’autorité parentale s’exerce sans violence, ce dernier prévoit également une sensibilisation aux violences éducatives ordinaires lors de la formation des assistants maternels. Ils peuvent ainsi mieux identifier l’impact de telles pratiques sur l’enfant et développer un environnement éducatif plus sain.
Ce texte vient apporter de nouveaux droits aux enfants et prendre en compte leur intérêt supérieur, conformément à la convention internationale des droits de l’enfant.
Comme l’avait dit ma collègue Josiane Costes lors de la lecture du texte proposé par notre collègue Laurence Rossignol, c’est aux magistrats de la chambre criminelle de la Cour de cassation de se saisir de cette loi pour mettre fin à cette pratique d’un autre temps.
Ma conviction profonde, c’est qu’il nous faudra à l’avenir être toujours plus vigilants sur les droits de l’enfant. Le récent rapport du Défenseur des droits sur ces sujets va d’ailleurs dans ce sens, en préconisant par exemple que les conseils départementaux ou les établissements hospitaliers désignent des référents en protection de l’enfance, ou en suggérant d’inscrire dans la loi l’interdiction de toute rétention administrative pour les familles avec enfants, et ce quelles que soient les circonstances.
Enfin, je rappellerai que notre intervention dans le domaine des droits de l’enfant est essentielle. Comme l’explique Pierre Verdier, nous sommes passés d’une conception d’intérêt de l’enfant à une définition des droits de l’enfant. Le droit, justement, vient alors comme un régulateur de pratiques. Il accompagne avant de sanctionner, il protège avant de punir et offre un cadre législatif pour une meilleure éducation.
Je conclurai mon intervention par une remarque de forme : je trouve regrettable, en matière de travail législatif, que nous ayons eu à nous prononcer deux fois sur un texte quasi identique. Même si le temps législatif est long, j’espère qu’à l’avenir les différents groupes à l’Assemblée nationale comme au Sénat travailleront de concert afin que cette situation se reproduise le moins possible.