Intervention de Brigitte Lherbier

Réunion du 2 juillet 2019 à 14h30
Interdiction des violences éducatives ordinaires — Adoption définitive d'une proposition de loi dans le texte de la commission

Photo de Brigitte LherbierBrigitte Lherbier :

Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, les violences subies par les enfants m’ont toujours interpellée. En tant qu’universitaire, ma thèse de droit portait sur le placement des enfants en souffrance intrafamiliale. Adjointe à la sécurité et à la prévention de Tourcoing, j’ai pu à maintes reprises constater que la frontière entre le tolérable et l’inadmissible des violences exercées sur les enfants par la famille était très fragile. Je me réjouis donc que ce sujet de l’interdiction des violences éducatives ordinaires soit débattu aujourd’hui dans notre Haute Assemblée. Je ne doute pas une seconde qu’une telle proposition de loi visant à les interdire sera aisément adoptée.

Il y a de cela quelques décennies, il semblait normal de frapper ou d’humilier des enfants au sein des familles ou des établissements scolaires. Quand j’étais écolière, certains de nos maîtres, considérant que nous étions trop bruyants – ou pas assez, au choix –, nous faisaient venir au tableau pour nous frapper le bout des doigts avec des règles en bois. Je m’en souviens encore ! D’autres, pour nous punir de bêtises d’enfants, avaient pris l’habitude de nous faire courir autour de la cour de l’école avec les mains sur la tête pour nous humilier aux yeux de tous. Je ne doute pas que vous vous en souveniez aussi, des années et des années après. Personne, à l’époque, n’y trouvait rien à redire et les parents doublaient souvent la punition au retour de l’écolier dans le foyer. C’était monnaie courante.

Que de chemin parcouru ! Aucun parent aujourd’hui n’accepterait de telles violences « ordinaires » à l’école. Ces pratiques sont aujourd’hui considérées comme inadmissibles. Je m’en réjouis, comme vous tous, mais ne crions pas victoire trop vite : beaucoup de travail reste à faire, notamment pour faire cesser ces violences éducatives ordinaires dans les familles.

Pourtant, la France s’est engagée depuis maintenant des décennies dans la protection de l’enfant. Les violences ordinaires peuvent prendre plusieurs formes : psychologiques, lorsque l’enfant est victime de chantage, de menaces, de culpabilisations en tous genres ; physiques, lorsque l’enfant est victime de fessées, de gifles, de projections et la liste est encore longue ; et même verbales, lorsque l’enfant est victime d’injures, d’humiliations ou de moqueries. Ces pratiques, transmises de génération en génération, ne permettent pas d’inculquer aux enfants un bon comportement, bien au contraire. C’est même l’inverse qui se produit.

De nombreuses études ont en effet prouvé qu’un enfant exposé à des violences « ordinaires » – j’ai horreur de ce mot – a plus de chances de reproduire ce cercle vicieux en grandissant. La seule conclusion qu’il peut tirer de telles méthodes « éducatives », c’est que seule la violence de la loi du plus fort peut faire force de loi. Nous ne pouvons pas accepter aujourd’hui que des enfants, nos futurs citoyens, des êtres humains égaux en droit, puissent être les victimes invisibles de violences inutiles et dégradantes qui les pénaliseront dans leur vie future et dans leur rapport à l’autre.

Le droit français interdit les violences envers les enfants dans son article 222-13 du code pénal et aggrave les sanctions lorsqu’elles sont commises par des ascendants légitimes. La France est signataire depuis 1990 de la convention internationale des droits de l’enfant de 1989. Et pourtant, ces violences subsistent. Cette proposition de loi qui vise à interdire les violences éducatives ordinaires est donc bel et bien d’actualité.

Son article 1er, qui rappelle que l’« autorité parentale s’exerce sans violences physiques ou psychologiques », est à mes yeux essentiel. C’est donc avec une grande joie que je voterai ce texte, comme l’unanimité de mes collègues présents dans cet hémicycle. Le bien-être de nos compatriotes les plus vulnérables ne saurait être victime d’oppositions partisanes. Comme le disait Jacques Chirac dans un discours en 2000 : « Le temps de l’enfance est court. Il ne se rattrape pas. » Alors, mettons tous les moyens en œuvre pour que les violences ordinaires ne privent pas nos concitoyens les plus jeunes de ce temps si précieux pour leur épanouissement. Nous comptons sur vous tous, notamment sur vous, monsieur le secrétaire d’État, pour que la protection de l’enfance soit assurée en France.

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