Je remercie également Maud Petit, dont je salue la présence en tribunes. Elle a su imposer l’examen du texte dans une niche parlementaire à l’Assemblée nationale et le faire adopter ; elle a permis aussi que nous discutions aujourd’hui du même texte que les députés. Je suis heureuse que son texte soit adopté. Le mien aurait pu l’être également, mais c’est le résultat qui compte, et nous ressentons collectivement un grand bonheur.
Je remercie aussi le président de la commission des lois – je charge Mme la vice-présidente de lui transmettre nos remerciements –, qui s’est engagé pour que le Sénat adopte ce texte.
Je remercie M. le secrétaire d’État du soutien qu’il a apporté à ces propositions de loi.
Je remercie les membres des associations et les personnalités qui ont assisté à nos débats cet après-midi. La loi qu’elles ont portée depuis tant d’années est sur le point d’être adoptée, et elles vont être bien désœuvrées à présent…
Je rends hommage à Edwige Antier, qui, rappelons-le, fut la première à déposer une proposition de loi pour interdire les violences éducatives.
Nous n’en avons pas forcément conscience aujourd’hui, mais ce texte est historique. Quand on regarde la sociologie de l’éducation, l’histoire des droits de l’enfant, il y a quelques lois qui comptent, et celle-ci en fera partie, tout comme la première, au IVe siècle après Jésus-Christ, qui mit fin au droit de vie et de mort du pater familias sur ses enfants, ou encore celle de 1841, qui interdit le travail des enfants. Autant de grands bonds dans l’histoire…
Nous votons cette loi au Sénat cent ans après la création, par la Société des Nations, du Comité des droits de l’enfant, qui élabora ensuite la première déclaration des droits de l’enfant. C’est une belle façon de célébrer cet anniversaire et je voudrais rendre hommage à Janusz Korczak, dont les travaux furent consacrés à la dignité des enfants et qui a inspiré toutes les politiques de protection de l’enfance. N’oublions pas non plus qu’il accompagna volontairement les enfants dont il s’occupait jusqu’au camp d’extermination.
Selon le préambule de la Déclaration de Genève de 1924, « l’humanité doit donner à l’enfant ce qu’elle a de meilleur ». Aux termes de l’article 5 de ce même texte, « l’enfant doit être élevé dans le sentiment que ses meilleures qualités doivent être mises au service de ses frères ». La proposition de loi qui nous est présentée aujourd’hui s’inscrit dans la filiation de ces très beaux articles.
Je voudrais aussi rassurer certains de nos collègues. Ce n’est pas la première fois que nous votons des restrictions, des limites, des contraintes à la liberté éducative. Le code Napoléon autorisait un père à faire emprisonner son enfant pendant un mois sans justification ; il suffisait qu’il en fasse la demande au président du tribunal. Tel était, à l’époque, le visage de la liberté éducative. Heureusement, nous y avons mis fin !
Le devoir d’instruction, la protection des enfants et l’apprentissage de la dignité constituent d’autres limites à la liberté éducative.
Tout à l’heure, une collègue s’inquiétait que nous passions beaucoup de temps à parler de la fessée, un sujet guère intéressant, alors que nous n’agissions pas contre la « vraie » violence.
Arrêtons de dire que nous ne faisons rien contre la vraie violence. Nous ne faisons sans doute pas suffisamment, mais nous ne laissons pas les enfants abandonnés sans aucune protection. Les lois sur la protection de l’enfance sont là, les services sociaux sont là et tous nos collègues élus dans des départements savent que nous agissons pour protéger nos enfants.
Par ailleurs, je ne connais pas la différence entre la « vraie » violence et la « moindre » violence quand il s’agit d’enfants. Frapper un enfant, c’est abuser de la force physique de l’adulte. Le rapport de force est tellement disproportionné que tout geste pouvant être considéré comme une petite violence entre adultes représente en réalité une grande violence pour un enfant.
Nous avons mis plusieurs années à faire adopter cette loi, mais, en fin de compte, je me dis que ce ne fut pas du temps perdu. L’opinion a évolué, le Sénat également et, aujourd’hui, ce texte ne provoque plus les ricanements ni les quolibets qu’il suscitait à l’époque. Il intervient à un moment où le pays est prêt à le porter et le faire appliquer. Il nous reste à accompagner les parents pour que l’esprit de cette loi, civile et non pénale, soit partagé par tous.