Intervention de François de Rugy

Commission des affaires économiques — Réunion du 2 juillet 2019 à 17h30
Projet de loi relatif à l'énergie et au climat — Audition de M. François de Rugy ministre d'état ministre de la transition écologique et solidaire

François de Rugy, ministre d'État :

Sur l'opportunité d'introduire telle ou telle disposition, je vous remercie de me demander mon avis mais ce sont les parlementaires qui sont souverains quant au dépôt et à l'adoption d'amendements.

Quelques débats ont eu lieu sur le biogaz et l'éolien en mer. Sur le premier, nous travaillons avec la filière pour faire baisser les coûts. Je le revendique. D'un côté on demande que l'on en fasse plus et de l'autre que l'on prélève moins d'impôts et de taxes, or qui dit subventions importantes dit besoins de financements importants. Le compte d'affectation spéciale « transition énergétique » est directement alimenté par la taxe carbone. Il y a un lien direct entre fiscalité écologique et soutien aux énergies renouvelables. Nous avons stoppé la progression de la trajectoire de la taxe carbone mais nous voulons maintenir une trajectoire à la hausse des énergies renouvelables. Nous faisons tout pour qu'elle se fasse avec de moins en moins de subventions. Plus les technologies sont matures, moins elles ont besoin de subventions. Sur le biogaz, aujourd'hui, le coût de production à la sortie des méthaniseurs représente quatre à cinq fois le prix du gaz fossile importé. Soit on compense la différence par des subventions, soit on surtaxe le gaz importé. Quelqu'un a dit un jour qu'il fallait une taxe carbone à 200 euros la tonne pour imposer une équivalence entre biogaz et gaz importé or nous sommes à 45,50 euros la tonne et je n'ai pas entendu grand monde demander 200 euros. Les acteurs de la filière estiment l'effort demandé trop important. Je les entends et je plaide pour augmenter les objectifs et donc les subventions. J'espère être soutenu lors des discussions budgétaires. Parfois, les mêmes trouvent qu'il y a trop de subventions pour les énergies renouvelables et demandent plus de biogaz. Ayons en tête à la fois des ambitions et du réalisme budgétaire.

Nous faisons le même raisonnement pour l'éolien en mer, qui est naissant. L'appel d'offres de Dunkerque est plutôt prometteur pour ce qui est de la baisse des prix. L'éolien flottant viendra compléter l'offre. Il faudra ensuite voir comment décliner l'objectif, rehaussé, d'un gigawatt par an.

Sur le bâtiment, nous affichons un objectif pragmatique de lutte contre les passoires énergétiques. Les règles doivent être plus claires pour que les différents modes de calcul n'aient pas d'effets pervers en retirant artificiellement des logements des classes F et G.

J'en viens aux rapports sur les rénovations. Je ne saurais trop conseiller de s'en inspirer mais vous savez qu'il y a toujours un arbitrage entre les ambitions et la mise en oeuvre, y compris par la contrainte.

Concernant l'Arenh, je ne partage pas votre raisonnement. Il est très clair que la Commission européenne ne nous reprochera pas d'augmenter le volume, au contraire. On ne peut pas entendre des dizaines de questions d'actualité et lire des centaines d'articles de presse selon lesquelles l'augmentation des tarifs de l'électricité est trop élevée et que l'on nous dise qu'il faut augmenter le prix de l'Arenh pour couvrir les coûts. J'entends la revendication d'EDF. Je ne ferme pas la porte. Le Gouvernement mènera la négociation avec la Commission européenne. L'effort sur le volume la facilitera, mais nous aurons en tête le tarif final pour le consommateur. Je me sens souvent un peu seul à tenir un discours de vérité sur les sujets sensibles des prix et des taxes.

Prolonger d'un an les certificats d'économies d'énergie sans augmenter l'obligation conduirait à baisser l'effort d'un tiers. Nous proposons donc de prolonger d'un an tout en maintenant l'effort pour éviter tout mécanisme de spéculation. Les mesures prises ces derniers mois ont d'ailleurs fait baisser les prix des certificats.

Oui, nous renforçons les contrôles. Certains, à l'Assemblée nationale, voulaient tant préciser leur mise en oeuvre qu'ils n'auraient eu aucune efficacité. Nous devons pouvoir surprendre les fraudeurs.

Oui, les budgets de la stratégie nationale bas carbone sont inscrits dans la loi, à l'article 1er bis A. Au-delà des objectifs qu'il est important de fixer clairement, il faut introduire dans la loi les mécanismes concrets pour les atteindre.

L'accompagnement de la fermeture des centrales à charbon fait l'objet d'un débat politique. Certains jugent l'échéance de 2022 trop proche. Une demande de moratoire est portée par plusieurs organisations syndicales dont celle qui est majoritaire. Nous l'avons refusée. La voie est, là encore, étroite entre l'objectif pour le climat et la sécurité des approvisionnements en électricité dont nous sommes les garants.

L'objectif est bien que les salariés soient reclassés aux mêmes conditions dans les mêmes régions. Cela me semble faisable au sein d'EDF. Pour les deux sites de Saint-Avold et Gardanne qui appartiennent au groupe Uniper, la situation est un peu plus complexe. Nous travaillons avec les entreprises. Certains salariés pourront en profiter pour se reconvertir ; ce ne sera pas le même statut mais ce peut être intéressant. Quant à la reconversion des quatre sites industriels, nous travaillons avec les élus locaux car les opportunités sont différentes.

Nous menons déjà une politique de sortie du charbon et du fuel lourd outre-mer et en Corse. Je rappelle que les PPE sont spécifiques à chaque zone d'outre-mer.

Le Haut Conseil pour le climat a déjà été doté de façon importante et nous serons prêts à augmenter les moyens si besoin.

Confier tous les projets à l'autorité environnementale, c'est la noyer sous plus de 3 700 dossiers, dont une myriade de petits projets. Nous prévoyons une procédure de tri car nous estimons qu'environ 10 % des dossiers méritent une étude d'impact. Ce n'est pas parce que les préfets signent une autorisation au nom de l'État qu'ils sont porteurs du projet. Il y a une différence entre celui qui porte le projet et celui qui l'autorise.

Nous pourrons revenir au cours des questions sur les plans de prévention des risques technologiques. Quant à l'éolien, je ne doute pas que nous aurons le débat en séance. Il faut parler franchement : on ne peut pas dire d'un côté que l'on veut développer l'éolien, qui est une technologie mûre dont le coût de production baisse et se rapproche du prix de marché de l'électricité, et d'un autre côté ajouter des règles qui freinent son développement. Je suis le premier partisan d'une juste répartition de l'éolien terrestre sur le territoire. Il y a un grand vide sur le quart Sud-Ouest français. Je l'ai dit aux présidents de région : l'éolien en mer ne dispense pas de l'éolien terrestre. Nous ne sommes pas dans un développement anarchique, il y a beaucoup de règles. Les projets sont très longs à se réaliser, d'ailleurs, car il faut croiser les différents critères - et notamment celui de l'éloignement des habitations. La carte de France des possibilités d'éolien est donc assez réduite. Sur chaque territoire, on peut réfléchir à la manière d'améliorer l'acceptabilité des projets. Par exemple, certaines éoliennes sont plus grandes, plus puissantes, et donc moins nombreuses - mais elles sont plus hautes, et donc plus visibles. Atteindre nos objectifs de production d'énergie renouvelable est un enjeu économique, industriel, énergétique et bien sûr un enjeu écologique - et un enjeu citoyen.

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