Mais précisément, comment s’annonce cette rentrée ?
Ce sont 362 écoles qui vont être fermées. Aucune sans l’accord du maire, a indiqué le Président de la République à l’issue du grand débat… Mais à force de diminutions de dotations, de pressions, pas toujours amicales, en faveur de regroupements d’écoles, de nombreux maires se résignent à la fermeture. D’autres doivent recourir à la justice pour se faire entendre.
Vous sembliez pourtant convenir lorsque nous avions abordé le sujet, monsieur le ministre, de la nécessité de renforcer le dialogue, afin de ne pas en arriver à cette judiciarisation, qui n’est bonne pour personne. Sous cet angle, il reste des marges de progrès.
Certes, ce mouvement n’est malheureusement pas nouveau – l’Association des maires ruraux de France montre que, depuis le début des années 1980, le nombre d’écoles a diminué quatre fois plus vite que le nombre d’enfants. Mais ce fait devient de plus en plus insupportable à mesure que nos concitoyens voient leur territoire abandonné par la plupart des services publics et des institutions républicaines.
Dans ce contexte, nous nous réjouissons, et c’est bien là la seule vraie victoire pour nos territoires et nos enfants, que la forte mobilisation ait eu raison des établissements publics des savoirs fondamentaux, comme notre assemblée l’a souhaité. Ces derniers auraient effectivement accéléré cet affaiblissement du service public de l’éducation dans nos territoires.
Aux côtés de toute la communauté éducative, des élus et des parents d’élèves, nous resterons extrêmement vigilants sur ce point.
Contrairement aux annonces du Président de la République, là encore à l’issue du grand débat, la généralisation de classes à moins de 24 élèves en grande section de maternelle, cours préparatoire – ou CP – et cours élémentaire de première année – ou CE1 – ne sera pas non plus pour cette rentrée.
Dans l’académie de Rouen, par exemple, vos services sont en train de réexaminer – je souhaite vivement que des postes soient attribués – la situation de classes de maternelle à plus de 30 élèves !
De tels effectifs en maternelle affaiblissent la mesure que vous vouliez « phare » de ce projet de loi. Pour que l’instruction obligatoire à partir de 3 ans soit le progrès social que vous revendiquez, et que nous défendons pour notre part depuis toujours, alors il faut garantir un bon accueil des plus jeunes enfants !
De même, les conséquences budgétaires de la scolarisation à 3 ans pour les communes demeurent un problème majeur, avec, en plus, le risque de créer de véritables inégalités entre communes. Nous avons exposé en détail cette problématique au cours des débats.
Toujours dans l’académie de Rouen, le nombre de postes ouverts au dernier concours de professeurs des écoles a diminué de 45 unités par rapport à l’an passé. Ce n’est évidemment pas un cas isolé !
Cette réduction du nombre de postes ouverts au concours se conjugue à une nette dégradation de l’attractivité du métier d’enseignant.
Au plan national, ce sont plus de 800 postes qui risquent de ne pas être pourvus à la rentrée. C’est davantage qu’en 2018, où leur nombre était déjà supérieur à celui de 2017.
Voilà pourquoi aucune de nos craintes n’est véritablement levée sur le sort des assistants d’éducation, qui ne sont plus garantis, à l’issue de la commission mixte paritaire, de disposer d’un enseignant-tuteur. Dans un contexte de pénurie organisée, le risque est grand qu’ils ne se retrouvent devant des classes.
Si la formation continue des enseignants hors temps de travail a été supprimée du texte issu des travaux du Sénat, vous avez publié un décret, monsieur le ministre, permettant de réquisitionner les enseignants sur leur temps de vacances.
S’agissant de l’école inclusive, j’ai déjà eu l’occasion de dire nos craintes que ne se substituent aux besoins d’accompagnement des enfants en situation de handicap les besoins de l’institution scolaire et, surtout, les moyens qu’elle y consentira, notamment en raison de la généralisation des pôles inclusifs d’accompagnement localisés.
Les petites avancées en faveur d’un meilleur statut pour les auxiliaires de vie scolaire, les AVS, et les AESH se heurtent à la réalité suivante : une circulaire, prévoyant le passage à des contrats de trois ans, avec des temps de travail calculés sur la base minimale de 41 semaines, est visiblement interprétée de façon très diverse d’une académie à l’autre, certaines allant jusqu’à continuer à faire signer des contrats d’un an. De quoi craindre une rentrée de nouveau chaotique sur ce plan, ce qui n’est, vous en conviendrez, mes chers collègues, absolument pas tolérable pour les familles !
Enfin, le caractère élitiste et discriminant des établissements d’enseignement international est encore aggravé par l’accord intervenu en commission mixte paritaire, confirmant l’accélération de la mise en place d’une école à deux vitesses. « Nous assistons à une stratégie d’une partie de nos élites pour finalement mieux contrôler leur reproduction sociale et lever les derniers obstacles que l’“ancien monde” leur opposait ». Cette analyse n’est évidemment pas la mienne ; parue dans Le Figaro, elle émane de l’historien Arnaud Teyssier.
En peu de temps, et sans avoir besoin de recourir à la procédure législative, le Gouvernement conduit en effet des réformes lourdes, structurelles, qui modifient l’organisation, les finalités et le fonctionnement de l’éducation nationale : enseignement professionnel, baccalauréat, lycée, programmes, tout y passe, sans oublier la sélection imposée à l’accès à l’enseignement supérieur !
Mais qu’on ne s’y trompe pas : si les dispositions du présent projet de loi ont été adoptées dans les deux hémicycles, le pays ne les a pas acceptées. La mobilisation dans nos territoires a été inédite et l’opposition conjointe des acteurs de l’éducation comme des parents d’élèves et des élus locaux témoigne d’un mécontentement qui ne s’évanouira pas une fois la loi promulguée.
Pour ces raisons, nous voterons contre ce texte.