Condorcet l’affirmait déjà dans ses Cinq Mémoires sur l ’ instruction publique, publiés en 1791 : « Le but de l’instruction n’est pas de faire admirer aux hommes une législation toute faite, mais de les rendre capables de l’apprécier et de la corriger. Il ne s’agit pas de soumettre chaque génération aux opinions comme à la volonté de celle qui la précède, mais de les éclairer de plus en plus, afin que chacun devienne de plus en plus digne de se gouverner par sa propre raison. »
Ce projet de loi, monsieur le ministre, peut participer à la réalisation de cet objectif. Il s’agit non pas d’une petite loi, en effet, mais d’un texte qui contient des avancées précieuses, nécessaires, voire indispensables et qui sera un levier de la réussite et de l’épanouissement de nos élèves. Tel est bien l’objet de l’école.
Le parallèle avec Condorcet se justifie par des avancées majeures, que nous appelons de nos vœux depuis longtemps, en matière d’expérimentation pédagogique, avec un nouveau cadre juridique. Le Sénat y a joué tout son rôle.
Il trouve également son sens avec l’abaissement de l’âge de l’instruction obligatoire à 3 ans, contre 6 aujourd’hui. Nous l’inscrivons dans le marbre, et, même si elle était déjà presque effective, il s’agit, à mon sens, d’une disposition très importante. Il en va de même de l’obligation d’instruction jusqu’à 18 ans, qui est intéressante à double titre : elle permet d’éviter le décrochage scolaire ainsi que l’effet de seuil, qui conduisait les parents à dire à leurs enfants de 15 ans qu’il ne leur restait qu’un an à tenir.
Ce continuum vous engage, monsieur le ministre, dans le projet social, et offre une avancée certaine pour notre République.
Votre loi s’inscrit dans le prolongement de l’école obligatoire de Jules Ferry, même si l’intention était alors différente : après la défaite de 1870, il fallait faire une Nation et, bien sûr, apprendre à tous le français.
Il nous faut cependant, comme dans l’esprit de la loi Guizot, qui imposait à chaque commune d’avoir une école publique – nous pourrions ajouter « ou une école privée » –, faire sortir du sommeil cette école du socle commun en menant un débat apaisé avec les maires, les enseignants, les parents et tous les élus.
Victor Hugo, né à Besançon en 1802, a écrit un poème sur l’instruction, dans lequel il affirme que « chaque enfant qu’on enseigne est un homme qu’on gagne. »
Monsieur le ministre, j’attends avec beaucoup d’impatience la transformation des écoles supérieures du professorat et de l’éducation, les Espé, en Inspé, ou instituts nationaux supérieurs du professorat et de l’éducation. À mon sens, il s’agit d’un changement fondamental, qui doit se traduire absolument dans les contenus et qui doit déboucher sur un travail renouvelé à propos de la recherche, peut-être en renforçant le statut des enseignants-chercheurs. Tel est, selon moi, l’enjeu de la formation des enseignants et de la réussite de nos élèves.
J’ai néanmoins une crainte : par souci d’efficacité et de pragmatisme, nous avons accepté de céder sur les accompagnants scolaires, en admettant que, à partir du moment où les parents se déplaçaient pour accompagner les enfants, ils faisaient preuve, déjà, d’une volonté d’intégration.
Pourtant, à mon sens, nationalité française et identité sont maintenant des notions plus ou moins distinctes, qui ne se superposent plus exactement, alors que la Nation, entendue au sens que lui donnait Ernest Renan, exige le consentement au désir de vivre ensemble et la volonté de continuer à faire valoir un héritage commun.
La République a confié à l’école la mission de transmettre cet héritage à nos enfants. C’est pourquoi, vous l’aurez compris, je voterai en faveur de ce texte.