Intervention de Laure Darcos

Réunion du 4 juillet 2019 à 10h30
Pour une école de la confiance — Adoption définitive des conclusions modifiées d'une commission mixte paritaire

Photo de Laure DarcosLaure Darcos :

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le projet de loi pour une école de la confiance a suscité un certain espoir, en raison des difficultés rencontrées par notre système éducatif. Il a aussi provoqué de profondes inquiétudes, chez les élus locaux, les enseignants et les parents d’enfants handicapés, en raison de la création des pôles inclusifs d’accompagnement localisés, les PIAL. Cette mesure, qui ne figurait pas dans le texte initial, a été introduite en séance publique à l’Assemblée nationale par un amendement du Gouvernement.

Pour ma part, j’insisterai sur les avancées en matière d’inclusion scolaire, lesquelles sont nombreuses, grâce au Sénat, qui a su prendre en compte à la fois les besoins des élèves handicapés et les attentes professionnelles fortes de leurs accompagnants. Je remercie très sincèrement notre rapporteur Max Brisson et la présidente de la commission Catherine Morin-Desailly de leur soutien à ce sujet.

La loi du 11 février 2005 pour l’égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées a érigé en principe la scolarisation en milieu ordinaire des enfants handicapés et, depuis la loi du 8 juillet 2013 d’orientation et de programmation pour la refondation de l’école de la République, le service public de l’éducation doit veiller à l’inclusion scolaire de tous les enfants, sans exception.

Dans ce contexte, le nombre d’enfants handicapés scolarisés a connu une augmentation considérable, de 210 000 en 2004 à 391 000 à la rentrée 2017, entièrement réalisée en milieu ordinaire, comme l’a souligné notre rapporteur. Ce processus doit beaucoup aux aides humaines, individuelles ou mutualisées, prescrites par les commissions des droits et de l’autonomie des personnes handicapées, les CDAPH.

Ces ressources humaines sont cependant de plus en plus difficiles à recruter, et le statut précaire, la faiblesse des rémunérations, l’absence de perspectives d’évolution professionnelle et l’inexistence de la formation n’y sont pas étrangers. À cela s’ajoute la multiplication des prescriptions individuelles pour des quotités horaires déterminées qui rigidifient considérablement le système et rendent le métier d’accompagnant peu attractif.

Autant d’enjeux auxquels le Gouvernement n’a répondu que très partiellement, en se contentant, d’une part, de créer les pôles inclusifs d’accompagnement localisés, qui sont censés être un outil de gestion des ressources humaines et, à ce titre, sont fortement décriés par les accompagnants des élèves en situation de handicap, les AESH ; d’autre part, de prévoir que les AESH soient recrutés par contrat d’une durée de trois ans renouvelable une fois.

Lors de l’examen du projet de loi par la commission de la culture, plusieurs amendements visant précisément à répondre aux attentes exprimées par les familles et les AESH ont été adoptés.

Notre collègue Olivier Paccaud a ainsi présenté un amendement tendant à préciser que les PIAL ne pouvaient pas avoir pour seul objet d’être des outils de gestion des AESH, mais devaient constituer des pôles de ressources à destination de l’ensemble de la communauté éducative, en associant au dispositif les professionnels de santé. Il a également défendu le recrutement conjoint des AESH par l’État et par les collectivités territoriales, afin de favoriser leur emploi à temps complet, ainsi que la prise en charge des élèves en situation de handicap hors du temps scolaire.

Notre collègue Philippe Mouiller a, quant à lui, proposé que le retour à une aide individuelle soit possible à chaque instant de la scolarité. Cette disposition utile a malheureusement été supprimée par la CMP.

Lors de la séance publique, le texte a été de nouveau enrichi par les apports de plusieurs amendements de notre collègue Philippe Mouiller.

Le premier visait à renforcer la coopération entre les professionnels de l’éducation nationale et ceux du secteur médico-social dans l’objectif d’une école plus inclusive, en assurant la présence et l’intervention des équipes médico-sociales au sein des établissements scolaires. Le second tendait à élargir à l’ensemble des établissements et des services médico-sociaux accompagnant les jeunes en situation de handicap la possibilité de s’organiser en dispositif intégré, comme c’est le cas pour les instituts thérapeutiques, éducatifs et pédagogiques, les ITEP. L’appui médico-social au parcours scolaire des jeunes élèves handicapés s’en trouvera facilité.

Enfin, s’il n’était pas envisageable de créer un nouveau corps au sein de l’éducation nationale pour y intégrer tous les accompagnants des élèves en situation de handicap, j’ai souhaité, pour ma part, mettre l’accent sur leur formation professionnelle continue.

Alors que la demande de suivi individuel ou mutualisé des élèves handicapés explose et que le milieu scolaire ordinaire accueille une plus grande diversité de handicaps, le besoin de formations adaptées s’avère particulièrement aigu, de l’avis même des accompagnants, qui jugent indispensable un renforcement de leur professionnalisation.

C’est pourquoi j’ai proposé au Sénat que leur formation professionnelle continue soit fixée conformément à un référentiel national et adaptée à la diversité des élèves.

Mes chers collègues, la CMP a maintenu la très grande majorité des dispositions concernant l’école inclusive que nous avions adoptées en première lecture. Nous nous en réjouissons : ce sont de nouvelles avancées pour les enfants, leurs familles et leurs accompagnants, mais aussi pour la société tout entière, avec le renforcement de l’égalité réelle des droits des élèves handicapés.

Permettez-moi toutefois d’exprimer un regret : celui d’avoir dû retirer, en CMP, face à des incompréhensions et à des attaques injustifiées, une disposition qui précisait que la scolarisation en milieu ordinaire était un droit, dans la mesure où elle favorisait les apprentissages et permettait de conforter l’enfant handicapé dans ses acquis pédagogiques.

Avec cet amendement, il n’était évidemment pas question, pour moi, de mettre en cause le droit à une scolarisation dans un environnement classique, mais plutôt d’éviter que le Gouvernement ne soit tenté de maintenir le statu quo concernant les instituts médico-éducatifs, ou IME, qui souffrent d’un manque cruel de places.

Dans certains départements, par exemple dans l’Essonne, le personnel de ces IME est ainsi en diminution, notamment avec le retrait des professeurs des écoles. Ce n’est pas acceptable : ceux-ci doivent pouvoir continuer à y exercer.

Notre devoir collectif est clair : tout enfant, quelle que soit sa situation personnelle, doit être accueilli dans le système éducatif de la Nation.

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