Intervention de François de Rugy

Commission de l'aménagement du territoire et du développement durable — Réunion du 2 juillet 2019 à 17h30
Projet de loi relatif à l'énergie et au climat — Audition de M. François de Rugy ministre d'état ministre de la transition écologique et solidaire

François de Rugy, ministre d'État :

À l'idée qu'il y aurait des nouvelles taxes, ou des taxes cachées, sur l'immobilier, je répondrai que c'est cette majorité, ce Gouvernement - et contre beaucoup d'opposition - qui supprime totalement la taxe d'habitation, l'une des deux plus grosses taxes sur l'immobilier - et qui ne pèse pas seulement sur les locataires mais aussi sur les propriétaires occupants. Il n'y a jamais eu un tel mouvement d'allégement des taxes sur le logement. Et il n'y a pas de taxe supplémentaire sur les biens immobiliers. Plusieurs outils ont été évoqués. Si l'interdiction à la location des passoires thermiques suscite des réactions violemment contrastées, la consignation lors des ventes se fait déjà, par exemple pour payer la mise aux normes de l'assainissement. En Loire-Atlantique, beaucoup de logements sont au service public de l'assainissement non collectif, et leurs propriétaires prévoient une consignation pour être protégés. Cet outil n'a pas été assez travaillé et n'a pas abouti - et n'aboutira pas pendant ce mandat. Mais ce n'est pas une taxe ! Quand on met de l'argent de côté au bénéfice d'un acquéreur pour faire des travaux, ce n'est pas une taxe qui va dans les caisses de l'État, ou des collectivités territoriales. Les mots ont un sens... Nous pourrons débattre de la meilleure façon d'orienter le marché de l'immobilier pour financer les travaux de rénovation énergétique, car il y a autant de situations que de types de logement.

La suppression des lignes aériennes intérieures ne fait pas partie de la politique de notre Gouvernement, et a été soutenue par des députés d'opposition à l'Assemblée nationale. J'ai joué le mauvais rôle : il paraît tellement simple de dire aux Français qu'on a trouvé la cause du dérèglement climatique avec les lignes aériennes... Elles ne représentent que 1 % des émissions de gaz à effet de serre de la France, pourtant. Bien sûr, il faut une contribution du transport aérien, car les Français n'acceptent pas qu'il y ait des secteurs qui ne contribuent pas à la lutte contre le dérèglement climatique. Mais interdire les lignes aériennes, je laisse cela à d'autres forces politiques ! Quant au procès pour inaction climatique, bienvenue au club ! Des associations traduisent l'État en justice. Là encore, il faut que les mots gardent un sens...

Contre les taxes, sauf sur les climatiseurs ! C'est un sujet, en effet. Bien sûr, nous voulons que les Français soient protégés contre la canicule. Cela ne passera sans doute pas par une taxe, plutôt par des normes. Si elle avait des climatiseurs efficaces, l'Inde atteindrait ses objectifs de réduction des émissions de gaz à effet de serre.

Nous cherchons des réductions de gaz à effet de serre partout. Notre production d'électricité est déjà très décarbonée, ce qui est une force par rapport à d'autres pays. Mais comme l'a dit la présidente du Haut Conseil pour le climat, cela nous oblige à jouer, pour réduire les émissions de gaz à effet de serre, sur des paramètres qui touchent directement au comportement des Français : outre l'industrie, le logement, les transports et, surtout, la voiture. Nos voisins peuvent se contenter de fermer massivement des centrales à charbon. Les Allemands, enfin, ont adopté un plan de sortie du charbon, et il faut souhaiter que les Polonais et d'autres fassent de même.

Nous ne remplaçons pas les centrales à charbon par des centrales à gaz. Je comprends les salariés de Saint-Avold, qui souhaiteraient que nous remplacions la tranche charbon que nous fermons par une tranche gaz supplémentaire. Mais notre politique n'est pas d'augmenter, même par le gaz, les émissions de gaz à effet de serre. Nous n'aurons qu'une centrale, en Bretagne, si le projet va à son terme, car il suscite de nombreux recours. Il est vrai qu'il existe des personnes qui sont à la fois contre l'ouverture de la centrale EPR de Flamanville, et qui veulent qu'on la ferme avant même que le chantier soit fini, qui sont pour la fermeture de la centrale à charbon de Cordemais, et me soupçonnent ne pas vouloir la fermer, et qui sont contre la centrale à gaz de Landivisiau ! Je ne sais pas comment ils organisent la sécurité d'approvisionnement en électricité de la Bretagne...

Attendre l'avis de l'ASN pour fermer des centrales nucléaires ? Non, ce serait se mettre en faiblesse, puisque celle-ci ne prendra jamais la décision de fermer : elle donnera un avis sur la sécurité et sur les investissements à faire.

Sur l'hydroélectricité, il faudra sans doute faire une loi spécifique. Il y a deux possibilités. La première est de procéder au renouvellement des concessions quand elles arrivent à échéance. C'est la France qui a décidé de construire des barrages, et ceux-ci sont dans le patrimoine public : pas de faux débats, ils ne seront ni privatisés ni vendus à des Chinois. Ces barrages sont concédés, selon le modèle français, inventé par notre pays - et pas par l'Union européenne. Ce que dit l'Europe, c'est que les renouvellements de concession doivent être soumis à la concurrence, et qu'EDF jouit d'une position dominante. Les barrages ne sont certes pas dans un établissement public. C'est l'inverse : ils sont concédés à des sociétés qui ont toutes un statut privé - EDF est une société anonyme cotée en bourse. Certains sont possédés par des exploitants privés. L'autre possibilité, que l'Union européenne ne nous impose aucunement, serait de créer une société totalement publique, qui pourrait gérer ad vitam aeternam des barrages, sans renouvellement concurrentiel des concessions. EDF n'étant pas une société publique, il faudrait que cette activité soit séparée des autres activités électriques.

La transformation du CITE en prime sera réalisée en deux fois, en 2020 et 2021, pour que les ménages reçoivent l'argent au moment où ils font les travaux et non pas un an et demi après, comme c'est le cas avec le crédit d'impôt.

J'ai reçu le rapport de MM. Dantec et Roux. Il y a énormément de travail à faire pour s'adapter.

Nous aurons le débat sur la fermeture des centrales nucléaires lors de la discussion de la programmation pluriannuelle de l'énergie. Nous considérons que notre politique est équilibrée. On nous accuse de faire la sortie du nucléaire - ou de ne pas la faire ! Nous revendiquons une position équilibrée, où le nucléaire garde une place prépondérante - 50 % d'ici 2035 - pour la production d'électricité.

Ce sont les bailleurs sociaux qui font le plus pour la rénovation des logements, et ce n'est pas dans leur parc qu'il reste le plus de passoires thermiques. Ils avaient prévu 3 milliards d'euros d'investissement sur une ligne de crédit de la Caisse des dépôts : nous l'avons portée à 4 milliards d'euros. Il y a donc dans ce domaine des progrès, au bénéfice des locataires.

Il y a un vrai travail à faire avec les collectivités locales puisque ce qui a été voté en 2015 n'est toujours pas effectif, monsieur Bigot.

Sur l'éolien comme ailleurs, l'intérêt général s'oppose parfois aux intérêts particuliers. Nous devons travailler pour accroître l'acceptabilité.

Nous avons un organisme de recherche, le Commissariat à l'énergie atomique et aux énergies alternatives (CEA), qui traite l'ensemble des sujets. Par exemple, il est extrêmement offensif sur l'hydrogène.

La réforme du code minier n'est pas l'objet de cette loi, mais j'ai été mandaté par le Conseil de défense écologique pour la conduire.

Le développement de la production d'électricité par le photovoltaïque au sol ne doit pas se faire au détriment des espaces agricoles ni des espaces naturels sensibles. Cela pose des limites et il m'arrive de refuser des projets soutenus par des collectivités locales. Sur les bords d'autoroute, il s'agit surtout de talus...

Je me suis exprimé à l'Assemblée nationale sur les projets touchant aux énergies fossiles à l'étranger. Soyons concrets : on ne peut pas mettre dans le même sac le charbon, le fioul et le gaz. Nous pourrons nous passer des trois - y compris outre-mer. Dans certains pays, passer du charbon au gaz est déjà un progrès. Si des entreprises françaises qui y contribuent font l'objet d'une garantie à l'export, cela n'a rien de condamnable. On peut tout supprimer, mais il ne faudra pas aller pleurer sur Belfort, où l'on fabrique des turbines à gaz.

Les relais dans les collectivités locales sont en effet nécessaires. Nous allons travailler avec les associations d'élus sur les meilleures contractualisations. Cela dit, il n'y pas de trésor caché. J'avais ouvert un débat sur la trajectoire de la taxe carbone. Déjà, 12 milliards d'euros vont aux collectivités locales, fléchés sur la transition écologique.

Le train de Rungis est un sujet connexe. On se retrouve à régler les problèmes qui se sont accumulés depuis des années et qu'on a laissé pourrir. Nous cherchons des solutions concrètes, y compris en faisant une délégation de service public ou avec un autre opérateur, si la SNCF n'est pas capable de proposer une autre solution que l'augmentation de 30 % du prix. Il faut que chacun prenne ses responsabilités. Ce n'est pas le Gouvernement qui organise les trains, qui les conduit, qui veille à ce qu'ils soient bien entretenus...

Sur le petit hydroélectrique, il ne faut pas se payer de mots. Si on peut le faire sans créer de nouveaux conflits, on le fait. Mais il y a les fédérations de pêcheurs... Je viens de rendre les décisions sur une douzaine d'appel d'offres : les prix vont de 100 à 110 euros le mégawattheure d'électricité, soit deux fois le prix du marché. Ce n'est pas une production d'électricité bon marché.

Oui, la méthanisation doit être adossée à l'agriculture. D'ailleurs, il serait bon que les budgets agricoles y contribuent, et pas simplement le budget de l'énergie.

Je ne peux pas laisser dire que notre politique n'est assortie d'aucune politique industrielle ou de recherche. Il suffit de regarder les crédits de recherche du CEA pour développer de nouvelles filières comme l'hydrogène, ou les crédits et subventions d'investissement que nous sommes prêts à mettre sur la table. Nous voudrions notamment que les batteries soient produites en Europe plutôt qu'en Chine.

L'éolien en mer ou offshore flottant est une filière industrielle française qu'on soutient, notamment par des appels d'offres à des prix très au-dessus du marché. L'usine à Saint-Nazaire de General Electric prouve que, si cette entreprise est en difficulté à certains endroits, elle peut se développer dans l'éolien. General Electric embauche à Cherbourg, tout comme Siemens au Havre, pour fabriquer des éoliennes. Et de nombreux sous-traitants et entreprises de métallurgie se sont diversifiés dans ce secteur, notamment dans les régions traditionnellement industrielles que sont la Picardie et le Nord-Pas-de-Calais, où il n'y a pas que des soutiens pour l'éolien.

Sur la méthanisation, ce sont des entreprises françaises qui fabriquent les machines. La filière bois et forêts doit aussi faire partie du débat. Quant à l'hydrogène, nous ne faisons pas que de l'affichage : nous nous donnons les moyens d'apporter un soutien public à la filière, car l'hydrogène vert coûte deux à trois fois plus cher que l'hydrogène noir. En matière de batteries, on n'a jamais autant investi dans les infrastructures ferroviaires : 75 % des investissements publics sont dans le ferroviaire ! On le voit partout dans le Grand Paris, qui consiste en transports en commun, en tramways, en métros et en RER.

Nous partageons votre avis sur les freins à la rénovation énergétique, monsieur Gold, et nous procédons à des simplifications. Il faut aussi des aides adaptées aux différentes situations, mais le barème doit être clair, stable et connu - mais modulé en fonction des revenus.

Un député d'un groupe minoritaire à l'Assemblée nationale, mais majoritaire au Sénat, m'a fait des reproches sur les frais de raccordement, disant que c'était une façon de cacher les coûts du renouvelable. Nous assumons de mutualiser les coûts, tant sur l'électricité que sur le gaz, pour contribuer au bon fonctionnement global de nos réseaux et de l'approvisionnement.

Oui, il y a urgence à agir. Je ne peux pas laisser dire qu'on ne fait rien sur les constructions neuves ! Nous révisons la réglementation thermique 2012 afin de la transformer en une réglementation environnementale 2020 plus globale, qui intégrera l'empreinte carbone de la construction - ce qui obligera à sortir du tout-béton - et sera effective en 2020.

C'est moi qui ai rétabli l'aide aux fenêtres, qui avait été purement et simplement supprimée. Les professionnels du bâtiment et les artisans nous ont indiqué que, pour certains, c'était important. L'aide est moins importante qu'avant, car ce n'est pas le geste le plus efficace, ni celui qui produit le plus d'économies d'énergie ; mais c'est un geste d'économie d'énergie, et beaucoup de Français entrent dans les travaux par ce biais.

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