Comme pour chacune de nos études, nous cherchons à recueillir l'information au plus près des territoires, ce qui nous conduit à organiser des visioconférences avec nos interlocuteurs locaux. Nous sommes donc en liaison aujourd'hui avec M. Gora Patel, directeur de la station Réunion La 1ère, avec qui nous avons déjà eu un échange lors de notre visite au siège de France Ô, lundi 21 janvier. Je remercie très vivement le conseil départemental qui a accepté d'abriter la visioconférence et M. Patel qui a consenti à se rendre dans ses locaux.
Notre étude sur la représentation et la visibilité des outre-mer dans l'audiovisuel public, engagée à la suite de l'annonce faite par le Gouvernement de la suppression de France Ô sur la TNT et de l'élaboration, en contrepartie, d'une offre numérique ainsi que d'une meilleure représentation sur les chaînes nationales, a pour ambition de dresser un état des lieux et de formuler des recommandations pour rendre effective la prise en compte des outre-mer.
Nous voulons rapidement mener cette réflexion et définir des exigences et des garanties. Le rôle joué dans les territoires par les stations La 1ère est évidemment au coeur du sujet, raison pour laquelle nous voulons vous entendre. La Réunion est en effet le territoire le plus peuplé des outre-mer et la scène audiovisuelle y est très concurrentielle, ce qui lui confère une configuration doublement particulière.
Comme vous le savez, les rapporteurs que nous avons désignés sont Mme Jocelyne Guidez, sénatrice de l'Essonne, et M. Maurice Antiste, sénateur de la Martinique.
Notre secrétariat vous a fait parvenir une trame qui retrace les points saillants sur lesquels nous désirons recueillir vos observations.
À moins que les rapporteurs ne désirent intervenir, je vous cède la parole.
M. Gora Patel, directeur de la chaîne Réunion La 1ère. - Je vous remercie pour l'organisation de cette audition, depuis le conseil départemental de La Réunion. Avant de répondre à vos questions, je tiens à apporter quelques précisions sur la situation de la station Réunion La 1ère.
Vous le disiez, nous sommes à La Réunion dans une situation spécifique de forte concurrence. Si nous devions nous comparer à la métropole, nous dirions que La 1ère est face à Antenne Réunion dans la situation de France 2 par rapport à TF1. Il faut noter que la station Réunion La 1ère couvre la télévision, mais aussi la radio et le numérique.
Longtemps, La 1ère a été la seule télévision du territoire, avant l'arrivée de la concurrence et avant, surtout, l'arrivée de la TNT. L'arrivée du bouquet TNT a provoqué une chute mécanique d'audience du service public. Si nous prenions une métaphore, nous sommes passés d'un supermarché avec une multitude de rayons à une dispersion de rayons spécialisés et, partant, à une mission réduite pour le distributeur initial, et ce du jour au lendemain. Le fonds de commerce de Réunion La 1ère, sa grille, reposait sur les programmes de France 2, France 3, France 4, France 5 et France Ô : ceci n'était plus possible quand ces chaînes ont été diffusées en direct. Du jour au lendemain, nous nous sommes retrouvés sans presqu'aucun programme. Nous avons connu, je le disais, une chute de l'audience, qui s'est cependant restaurée depuis quelques années dans le paysage audiovisuel réunionnais, pour la télévision comme la radio. Cette remontée se fait notamment grâce à l'appui d'internet.
Je prendrai ici un exemple pour expliquer l'importance d'internet. Hier soir, se tenait à la Cité des arts à Saint-Denis une cérémonie pour le nouvel an chinois, avec la visite du consul de Chine et d'une délégation chinoise, un défilé de mannequins avec des vêtements en brocart venus spécialement. On nous a demandé de retransmettre cet événement non pas à la télévision mais sur internet : nous avons fait un Facebook Live suivi par des milliers de personnes à travers le monde, jusqu'en Chine. Cela était inimaginable hier, nous n'aurions fait que de la télévision : internet nous donne une autre dimension. Nous nous inscrivons complètement dans les nouvelles technologies et prenons toute notre place dans le numérique.
Je vous le disais lors de la brève visioconférence réalisée à Malakoff la semaine passée, notre présence sur internet s'est illustrée récemment avec les manifestations des gilets jaunes à La Réunion. Lors de la visioconférence avec la ministre des outre-mer depuis la préfecture, une retransmission était annoncée de ses échanges avec une délégation de gilets jaunes en direct à la télévision, la radio et internet. Une décision a finalement été prise, avec une communication confuse, au ministère ou à la préfecture, de ne pas faire cette retransmission. Les gilets jaunes refusaient tout dialogue si cette séquence n'était pas diffusée. Nous avons été mobilisés et avons retransmis sur internet, par Facebook live, avec reprise ensuite à la télévision : cette opération a permis de faire baisser la pression et de favoriser l'instauration du dialogue.