Intervention de Michel Magras

Délégation sénatoriale aux outre-mer — Réunion du 5 février 2019 : 1ère réunion
Représentation et visibilité des outre-mer dans l'audiovisuel public — Audition de Mme Yolaine Poletti-duflo directrice de la station martinique la 1ère

Photo de Michel MagrasMichel Magras, président :

Après les stations des chaînes La 1ère de la Polynésie française et de La Réunion la semaine dernière, nous avons le plaisir aujourd'hui de nous entretenir avec Mme Yolaine Poletti-Duflo, directrice de Martinique La 1ère. Nous poursuivons ainsi, au plus près des acteurs des territoires, nos investigations sur la question de la représentation et de la visibilité des outre-mer dans l'audiovisuel public.

Madame Poletti-Duflo, vous avez été nommée directrice régionale de Martinique La 1ère fin 2017 pour, entre autres, mener à bien deux gros chantiers que sont, d'une part, le déménagement de la chaîne vers la tour Lumina et, d'autre part, l'organisation de la convergence des différents services et de leur renforcement. Vous avez précédemment été en poste au siège de Malakoff. Vous avez donc, grâce à votre parcours, une approche informée de la question qui nous préoccupe : la représentation et la visibilité des outre-mer sur les ondes publiques ainsi que les conséquences susceptibles de résulter des évolutions annoncées par le Gouvernement.

Je n'en dirai pas davantage et vais vous laisser la parole sur la base de la trame qui vous a été communiquée ; puis les rapporteurs, M. Maurice Antiste que je ne vous présenterai pas car vous le connaissez bien, et Mme Jocelyne Guidez, sénatrice de l'Essonne, que vous connaissez peut-être car elle entretient également des liens forts avec la Martinique, vous poseront quelques questions.

Avant de vous céder la parole, je veux simplement chaleureusement remercier les services de la préfecture qui ont aimablement prêté leur concours à la présente visioconférence pour permettre notre rencontre d'aujourd'hui.

Mme Yolaine Poletti-Duflo, directrice de Martinique La 1ère. - Je suis en poste en Martinique depuis décembre 2017, après avoir exercé en Nouvelle-Calédonie, à Paris et en Guadeloupe. Martinique La 1ère est dotée de 188 salariés permanents et d'un budget de plus de 26 millions d'euros. Elle rayonne sur le territoire martiniquais depuis une cinquantaine d'années grâce à la radio et la télévision. Le paysage audiovisuel se caractérise par une concurrence forte avec une dizaine de radios, dont au premier chef Radio Caraïbe international (RCI), et la chaîne ViàATV.

Notre station a déménagé tout récemment, le 21 décembre, vers la Tour Lumina après plusieurs projets de relocalisation. Nous y occupons 7 étages et disposons d'un matériel renouvelé à 98 % qui va permettre de mettre en oeuvre une stratégie de convergence des médias, - radio, télévision et services numériques - et de fonctionnement transverse alors que le fonctionnement était jusqu'à présent plutôt en silos. Outre la télévision qui enregistre des audiences confortables, le service numérique est le plus puissant du réseau ultramarin avec 1,7 millions de vues par an en moyenne. A contrario, la radio dont l'audience est stable, se meurt face à une concurrence qui va croissant et du fait d'habitudes contre-productives.

J'ai eu en charge le déménagement, ce qui fut une opération lourde et délicate, et je m'emploie à expliquer la nécessaire convergence des médias.

Les programmes proposés sont des programmes de proximité, particulièrement en radio. Nous nous efforçons de profiler les programmes télévisés en direction des jeunes, public qui nous fait traditionnellement défaut dans les stations d'outre-mer à l'exception de la Guyane. S'agissant des programmes nationaux, nous reprenons depuis trois ans les reportages réalisés par France info et parfois de France 2 pour la tranche horaire nationale de 19h30 à 19h50. Nous avons notre journal régional de 19h00 à 19h25 et relayons les directs nationaux pour les opérations exceptionnelles comme le grand débat qui s'est déroulé à l'Élysée le 1er février, soit 7 heures de direct et les réactions des auditeurs en radio filmée dans l'après-midi. Cette émission était disponible sur les réseaux sociaux et le site internet.

En 2018, nous avons régulièrement organisé des émissions en direct avec le niveau national mais ces opérations restent ponctuelles et je regrette leur faible fréquence.

Les chaînes d'outre-mer présentent la particularité de produire des programmes pour l'ultra-proximité, au niveau régional mais aussi à l'échelle nationale. Nous avons cette capacité et cette expertise multidirectionnelle mais nous ne sommes malheureusement que trop peu relayés par les chaînes nationales en dehors de l'information sur les catastrophes naturelles qui s'abattent sur nos territoires. J'ai eu personnellement l'occasion de travailler avec France 2 et surtout France 3 avec qui nous avons un passé commun. Il nous arrive de monter des reportages en commun via Malakoff et de conjuguer alors nos moyens, mais cela reste exceptionnel.

Nous sommes en relation régulière avec les équipes de France Ô : la rédaction tient ainsi une audioconférence hebdomadaire.

La collaboration avec France Ô n'a pas toujours été satisfaisante. Cela s'explique notamment par la différence des publics cibles de cette chaîne et des chaînes La 1ère. Lorsque nous élaborons des sujets, nous avons une écriture spécifique pour un public local : en effet, dans un reportage tourné au Vauclin par exemple, nous ne commentons pas comme nous le ferions pour un public hexagonal qui ne sait pas situer cette commune. France Ô s'adresse davantage à un public parisien ou hexagonal et notre cible initiale, la Martinique, ne se sent pas forcément concernée par l'ensemble des reportages proposés par France Ô.

Nos moyens humains sont suffisants bien que vieillissants et donc peu sensibles au numérique. Ces moyens sont en diminution avec la suppression programmée de trois postes en 2019, comme en 2018. Une dizaine de postes ont été supprimés au cours des dernières années.

L'arrêt annoncé de France Ô suscite des inquiétudes car cette chaîne permet aux chaînes La 1ère d'accéder au public national et d'offrir en particulier cette exposition aux élus des territoires. Cependant, tout en ayant conscience qu'il s'agira d'un travail de longue haleine, je considère qu'une organisation utilisant les nouvelles technologies permettrait de mieux exposer l'actualité des outre-mer au plan national et de saisir des opportunités. On pourrait par exemple souligner de fortes similitudes entre la mobilisation des gilets jaunes, qui a démarré en novembre, et les événements de 2009 dans les départements d'outre-mer : or, à aucun moment les chaînes nationales n'ont opéré cette mise en perspective car il n'est pas naturel de se référer à ce qui s'est produit outre-mer alors que les comparaisons internationales sont fréquentes.

Il y a des attentes fortes des personnels de Martinique La 1ère mais aussi des publics martiniquais.

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