Après les stations des chaînes La 1ère de la Polynésie française et de La Réunion la semaine dernière, nous avons le plaisir aujourd'hui de nous entretenir avec Mme Yolaine Poletti-Duflo, directrice de Martinique La 1ère. Nous poursuivons ainsi, au plus près des acteurs des territoires, nos investigations sur la question de la représentation et de la visibilité des outre-mer dans l'audiovisuel public.
Madame Poletti-Duflo, vous avez été nommée directrice régionale de Martinique La 1ère fin 2017 pour, entre autres, mener à bien deux gros chantiers que sont, d'une part, le déménagement de la chaîne vers la tour Lumina et, d'autre part, l'organisation de la convergence des différents services et de leur renforcement. Vous avez précédemment été en poste au siège de Malakoff. Vous avez donc, grâce à votre parcours, une approche informée de la question qui nous préoccupe : la représentation et la visibilité des outre-mer sur les ondes publiques ainsi que les conséquences susceptibles de résulter des évolutions annoncées par le Gouvernement.
Je n'en dirai pas davantage et vais vous laisser la parole sur la base de la trame qui vous a été communiquée ; puis les rapporteurs, M. Maurice Antiste que je ne vous présenterai pas car vous le connaissez bien, et Mme Jocelyne Guidez, sénatrice de l'Essonne, que vous connaissez peut-être car elle entretient également des liens forts avec la Martinique, vous poseront quelques questions.
Avant de vous céder la parole, je veux simplement chaleureusement remercier les services de la préfecture qui ont aimablement prêté leur concours à la présente visioconférence pour permettre notre rencontre d'aujourd'hui.
Mme Yolaine Poletti-Duflo, directrice de Martinique La 1ère. - Je suis en poste en Martinique depuis décembre 2017, après avoir exercé en Nouvelle-Calédonie, à Paris et en Guadeloupe. Martinique La 1ère est dotée de 188 salariés permanents et d'un budget de plus de 26 millions d'euros. Elle rayonne sur le territoire martiniquais depuis une cinquantaine d'années grâce à la radio et la télévision. Le paysage audiovisuel se caractérise par une concurrence forte avec une dizaine de radios, dont au premier chef Radio Caraïbe international (RCI), et la chaîne ViàATV.
Notre station a déménagé tout récemment, le 21 décembre, vers la Tour Lumina après plusieurs projets de relocalisation. Nous y occupons 7 étages et disposons d'un matériel renouvelé à 98 % qui va permettre de mettre en oeuvre une stratégie de convergence des médias, - radio, télévision et services numériques - et de fonctionnement transverse alors que le fonctionnement était jusqu'à présent plutôt en silos. Outre la télévision qui enregistre des audiences confortables, le service numérique est le plus puissant du réseau ultramarin avec 1,7 millions de vues par an en moyenne. A contrario, la radio dont l'audience est stable, se meurt face à une concurrence qui va croissant et du fait d'habitudes contre-productives.
J'ai eu en charge le déménagement, ce qui fut une opération lourde et délicate, et je m'emploie à expliquer la nécessaire convergence des médias.
Les programmes proposés sont des programmes de proximité, particulièrement en radio. Nous nous efforçons de profiler les programmes télévisés en direction des jeunes, public qui nous fait traditionnellement défaut dans les stations d'outre-mer à l'exception de la Guyane. S'agissant des programmes nationaux, nous reprenons depuis trois ans les reportages réalisés par France info et parfois de France 2 pour la tranche horaire nationale de 19h30 à 19h50. Nous avons notre journal régional de 19h00 à 19h25 et relayons les directs nationaux pour les opérations exceptionnelles comme le grand débat qui s'est déroulé à l'Élysée le 1er février, soit 7 heures de direct et les réactions des auditeurs en radio filmée dans l'après-midi. Cette émission était disponible sur les réseaux sociaux et le site internet.
En 2018, nous avons régulièrement organisé des émissions en direct avec le niveau national mais ces opérations restent ponctuelles et je regrette leur faible fréquence.
Les chaînes d'outre-mer présentent la particularité de produire des programmes pour l'ultra-proximité, au niveau régional mais aussi à l'échelle nationale. Nous avons cette capacité et cette expertise multidirectionnelle mais nous ne sommes malheureusement que trop peu relayés par les chaînes nationales en dehors de l'information sur les catastrophes naturelles qui s'abattent sur nos territoires. J'ai eu personnellement l'occasion de travailler avec France 2 et surtout France 3 avec qui nous avons un passé commun. Il nous arrive de monter des reportages en commun via Malakoff et de conjuguer alors nos moyens, mais cela reste exceptionnel.
Nous sommes en relation régulière avec les équipes de France Ô : la rédaction tient ainsi une audioconférence hebdomadaire.
La collaboration avec France Ô n'a pas toujours été satisfaisante. Cela s'explique notamment par la différence des publics cibles de cette chaîne et des chaînes La 1ère. Lorsque nous élaborons des sujets, nous avons une écriture spécifique pour un public local : en effet, dans un reportage tourné au Vauclin par exemple, nous ne commentons pas comme nous le ferions pour un public hexagonal qui ne sait pas situer cette commune. France Ô s'adresse davantage à un public parisien ou hexagonal et notre cible initiale, la Martinique, ne se sent pas forcément concernée par l'ensemble des reportages proposés par France Ô.
Nos moyens humains sont suffisants bien que vieillissants et donc peu sensibles au numérique. Ces moyens sont en diminution avec la suppression programmée de trois postes en 2019, comme en 2018. Une dizaine de postes ont été supprimés au cours des dernières années.
L'arrêt annoncé de France Ô suscite des inquiétudes car cette chaîne permet aux chaînes La 1ère d'accéder au public national et d'offrir en particulier cette exposition aux élus des territoires. Cependant, tout en ayant conscience qu'il s'agira d'un travail de longue haleine, je considère qu'une organisation utilisant les nouvelles technologies permettrait de mieux exposer l'actualité des outre-mer au plan national et de saisir des opportunités. On pourrait par exemple souligner de fortes similitudes entre la mobilisation des gilets jaunes, qui a démarré en novembre, et les événements de 2009 dans les départements d'outre-mer : or, à aucun moment les chaînes nationales n'ont opéré cette mise en perspective car il n'est pas naturel de se référer à ce qui s'est produit outre-mer alors que les comparaisons internationales sont fréquentes.
Il y a des attentes fortes des personnels de Martinique La 1ère mais aussi des publics martiniquais.
Quelles sont vos relations avec les autres chaînes La 1ère de votre bassin, particulièrement Guadeloupe La 1ère ? On nous répète régulièrement que les chaînes La 1ère doivent être des relais de l'information des pays étrangers de leur zone géographique, au nom de leur proximité. Est-ce le cas ?
Nous avons une grande proximité avec Guadeloupe La 1ère et des relations régulières mais qui ne sont pas suffisantes. J'ai pour projet de lancer des émissions de bassin, notamment dans le cadre du grand débat national, y compris avec Guyane La 1ère malgré le décalage horaire d'une heure. Concernant la Caraïbe, Martinique La 1ère dispose d'un service dédié depuis plusieurs années qui était dirigé par Marie-Claude Céleste puis Sonia Laventure. C'est un mini-service composé de quatre journalistes qui couvrent l'actualité caribéenne sous forme seulement de magazines. En effet, pour l'information, nous sommes confrontés à des difficultés pour rémunérer des correspondants des autres territoires de la Caraïbe et à des obstacles tenant aux formats des autres chaînes de radio et de télévision de la zone. Le numérique me paraît être la seule piste pour faire cause commune et échanger. Nous ne pourrions pas établir de relations pérennes avec des correspondants propres dans les autres territoires caribéens sans envisager une titularisation à terme, mais cela entre en contradiction avec notre trajectoire de réduction des effectifs.
Quelle est la place de Martinique La 1ère dans le paysage audiovisuel local ? Quels sont les taux d'audience ?
Notre radio enregistre une audience moyenne de 19 % et progresse actuellement grâce à la redynamisation de la tranche du matin, le taux d'écoute de RCI s'établissant à 40 %. En télévision, nous précédons ViàATV avec près de 100 000 téléspectateurs pour la tranche du soir, soit 28 % de part d'audience. Le journal de 13 heures fonctionne également très bien. Depuis trois ou quatre ans Martinique La 1ère est repassée en tête, devant ViàATV. Nous avons l'avantage de pouvoir diffuser des reportages de France 2, France 3 ou France info mais aussi des autres stations du réseau outre-mer. Nous adhérons à cette dynamique de convergence et il y a eu un regroupement des antennes de radio et télédiffusion il y a moins de six mois.
Avez-vous des liens directs avec d'autres chaînes de France Télévisions ? On constate une présence de sujets réalisés par les chaînes La 1ère dans les grilles de France info : y a-t-il des commandes spécifiques ? Êtes-vous en liens directs avec France info ?
Nous n'avons pas de lien direct avec France info ; nous passons par l'intermédiaire de France Ô pour exposer nos reportages sur France info. La petite équipe dirigée par Stéphane Bijoux y retraite nos sujets pour en adapter le contenu à l'écriture spécifique de France info. Ce sont des reportages qui évoquent des sujets propres aux outre-mer comme les sargasses ou les cheveux crépus.
Il nous arrive par ailleurs de rencontrer nos collègues de France info lors des réunions du Comex à Paris tous les trois mois, mais il n'y a pas de relation directe entre notre rédaction et la leur.
Comment cela s'organise-t-il avec les rédactions nationales pour couvrir une actualité locale ?
Lorsque le sujet concerne le niveau national, nous sommes assaillis d'appels de France 2, France 3, LCI ou même CNews. Pour réaliser du direct, nous avons un dispositif léger le « corner info » : après un contact technique avec la chaîne parisienne puis un contact éditorial avec le rédacteur en chef, le délai de mise en place est inférieur à 24 heures, parfois même de 3 à 4 heures. Au cours des dernières années, les directs ont été régulièrement réalisés avec France info et France 3 mais exceptionnels avec France 2.
Pour Irma, alors que les équipes de Guadeloupe La 1ère étaient en place à Saint-Barthélemy la veille du cyclone, nous avons pourtant vu débarquer des équipes nationales venues couvrir l'événement. Avez-vous le sentiment que les chaînes nationales ne s'appuient pas suffisamment sur compétences locales ?
Nous disposons des moyens techniques et humains et pour autant France 2, notamment, sûre de son savoir-faire, envoie systématiquement ses propres équipes. Cependant, il est vrai que nous sommes extrêmement sollicités localement et que nous avons souvent besoin de renforts.
Ainsi, si nos équipes voient d'un bon oeil la volonté affichée de renforcer la présence des outre-mer sur les chaînes nationales, elles n'y croient pas véritablement car cela nécessiterait que soient acquis des automatismes, et nous en sommes loin même si je sais que nos dirigeants oeuvrent en ce sens. Cette façon d'agir en méconnaissant les potentiels locaux se vérifie à chaque catastrophe de grande ampleur : nous l'avoir vécu pour le cyclone Hugo, hier pour Irma et encore tout récemment pour la situation au Venezuela pour la couverture de laquelle le service Caraïbe de Martinique La 1ère avait envisagé d'envoyer sur place une équipe. Ce déplacement a été empêché par le consulat qui exigeait des visas de courtoisie. France 2 avait pu dépêcher une équipe à Caracas au départ des États-Unis.
Ce témoignage conduit à s'interroger sur la place laissée aux outre-mer sur les ondes publiques après la disparition de France Ô de la TNT !
Quelles sont vos sources de financement et quelle est la part de chaque contributeur ? Les collectivités interviennent-elle en appui ? Quels montants consacrez-vous chaque année aux coproductions ? France Ô vient-elle en appui de ces montants ? Êtes-vous en mesure de monter des projets avec différentes chaînes La 1ère de manière autonome ? Cela a-t-il déjà été le cas ? Le milieu de la production audiovisuelle local est-il « armé » pour répondre à vos commandes ? Des groupes hexagonaux sont-ils intéressés et présents ?
80 % de notre budget correspond aux salaires et les 20 % restants sont dédiés à la production. Il y a quatre magazines d'information dont un consacré au sport. Pour la partie documentaire, nous bénéficions d'un appui financier de France Ô de l'ordre de 10 millions d'euros par an pour les chaînes La 1ère du bassin Antilles-Guyane mais Martinique La 1ère ne perçoit pas d'aide des collectivités.
Un séminaire avec les producteurs s'est déroulé en Guyane à la mi-octobre 2018 : les moyens diffèrent d'un territoire à l'autre et un gros travail de coordination est en cours. Cependant, il est clair que nous n'avons pas les moyens de nos ambitions et que nous sommes confrontés aux exigences de réduction des effectifs ces dernières années qui réduisent les marges de manoeuvre.
Toutes les co-productions que nous réalisons le sont avec le soutien financier du CNC.
Que va changer pour vous l'arrêt de la diffusion de France Ô sur la TNT annoncé pour 2020 ? Quels sont les enjeux attachés à un passage de votre chaîne en HD ? Qu'attendez-vous de la plateforme numérique annoncée dans le cadre de la réforme ? Quelle est votre stratégie de développement numérique pour la station ? Quels sont les enjeux et conséquences du déménagement de Martinique La 1ère ?
Les conséquences de la disparition de France Ô du linéaire n'ont pas été totalement évaluées et les producteurs ont des raisons de s'inquiéter car leur accompagnement fonctionnait très bien jusqu'à présent. Il y aura un impact certain et on compte beaucoup sur le redéploiement des moyens au profit des chaînes La 1ère. Au plan humain, on ne sait pas ce que deviendront les personnels de France Ô : ils ne seront pas réaffectés outre-mer puisque nous supprimons des postes.
Les enjeux de la HD sont majeurs car le sort des chaînes La 1ère est liée à la qualité de l'image dès lors que la plupart des chaînes locales émettent déjà en HD ; il s'agit même d'un enjeu social. La plateforme numérique en cours d'élaboration pourrait nourrir Martinique La 1ère en contenus antenne ; nos magazines pourraient y être diffusés afin de toucher un public plus jeune. En 2019, nous voulons conforter notre développement numérique avec la mise en place d'une rédaction commune et des contenus davantage ciblés sur la nouvelle génération des 15-25 ans, la « génération colibri » qui butine.
Le déménagement n'était pas nécessairement souhaité par tous et la station a connu 4 à 5 projets de relocalisation depuis 2001. Ce chantier, que j'ai pris en cours, s'est bien déroulé. Il y a toutefois un problème de prise en main des nouveaux outils malgré les 140 000 euros investis dans la formation. Une partie du personnel n'a pas pris la mesure des évolutions et il a fallu dispenser récemment de nouvelles formations pour apaiser le climat social. Le processus d'appropriation est en cours et l'installation est bien meilleure aujourd'hui que sur l'ancien site où l'organisation était particulièrement cloisonnée.
Martinique La 1ère a un public fidèle mais vieillissant et il est urgent de concevoir des produits plus courts à destination des jeunes.
La Guadeloupe comme la Martinique souffrent d'un déficit démographique et les jeunes quittent ces territoires. Comment comptez-vous davantage les prendre en compte dans votre programmation ? Pensez-vous que les chaînes La 1ère pourraient accueillir des journalistes de France Ô à l'horizon 2020 en cas de suppression de sa diffusion sur la TNT ?
Nous n'allons pas attendre 2020 pour agir. Nous nous adressons en priorité au public martiniquais, au plan local comme au plan national, public fidèle et qui nous suit également sur le site internet.
J'attends de France Ô de véritables contenus et non des reportages alibis. Les ultramarins ne sont pas des Français entièrement à part mais des Français à part entière. On doit parler d'eux sur les ondes comme on parle des concitoyens des autres régions de France et il convient de ne pas attendre qu'une catastrophe hors norme se produise pour le faire. Nous disposons d'outils légers pour traiter les sujets d'actualité en direct et qui permettent aussi de transmettre des images. Il faut aussi valoriser les initiatives et réussites d'entreprises mises en oeuvre par des ultramarins sur le territoire hexagonal : la future plateforme numérique devra répondre à ce besoin.
Martinique La 1ère aurait besoin d'effectifs supplémentaires pour développer le numérique mais également la radio et pourrait accueillir des journalistes actuellement en poste au siège de Malakoff. Mais l'impératif de réduction des effectifs ne prend pas cette orientation alors même que nous aurions besoin de rajeunir l'équipe de Martinique La 1ère dont la moyenne d'âge est supérieure à 50 ans.
Pour les scolaires, nous élaborons actuellement un partenariat avec le rectorat pour tourner des émissions destinées aux jeunes. À cet effet, nous travaillons avec l'association Lumina de valorisation de la jeunesse et du patrimoine martiniquais. Je ne baisse pas les bras et je veux porter ces projets avec nos personnels ici et les équipes à Paris qui se tourneraient vers le numérique
J'ai pris connaissance du mouvement de protestation de Polynésie La 1ère menaçant de bloquer la tenue du 16e Festival international du film documentaire océanien (FIFO) à Tahiti. Se sont-ils sentis dépossédés de l'événement par les équipes parisiennes ? L'écoute est-elle suffisante ?
Les stations des chaînes La 1ère jouissent d'un fonctionnement totalement autonome et bénéficient de renforts pour les opérations exceptionnelles à la demande des directeurs régionaux. Pour le Tour des yoles, par exemple, notre budget s'élève à 450 000 euros et nous déployons une soixantaine de personnes alors que France Ô en envoie quatre en renfort. Il n'y a pas de mainmise de Paris sur les productions locales et je pense que le mouvement social en Polynésie a sans doute été déclenché par le plan de transformation présenté par la présidente de France Télévisions qui affiche un objectif de suppression de 2 000 postes d'ici 2022 pour recruter en contrepartie 1 000 jeunes : ce plan suscite en effet des inquiétudes.
Il fut une époque où France 3 rendait compte régulièrement de ce qui se passait dans les régions d'outre-mer et ce n'est plus le cas aujourd'hui. Cela crée une lacune et a fait disparaître un lien.
La suppression du journal de France 3 a effectivement fait disparaître une fenêtre sur les outre-mer et France info est aujourd'hui le seul relais. Pourtant, nous disposons localement des moyens techniques de faire du direct et de travailler de concert malgré les décalages horaires qui constituent un frein. Cette question a été évoquée dans le cadre du chantier de la transformation qui est en cours et les outre-mer expriment une demande forte de contact avec l'échelon national, notamment en direction des publics de l'hexagone, ultramarins ou pas, mais aussi des autres territoires. Rendre compte des seuls événements exceptionnels - débordements climatiques ou échouage massif de sargasses - ou de la météo n'est pas suffisant.
La télévision est un vecteur de cohésion nationale et il est nécessaire de parler davantage des outre-mer en dehors des phénomènes apocalyptiques comme le fait notamment TF1 dans son journal de la mi-journée en présentant tour à tour les régions de l'hexagone.
L'exemple du carnaval est éloquent : sont présentés régulièrement les carnavals qui se déroulent à l'étranger, comme le carnaval de Rio ou de Venise, mais jamais ceux des outre-mer alors même qu'ils correspondant à une tradition antillaise forte. On parle de la Route du Rhum qui relie Saint-Malo à Pointe-à-Pitre, mais jamais des compétitions de va'a de Polynésie. Les outre-mer offrent des panoplies de déclinaisons pour les chaînes nationales et il faut qu'elles se saisissent de ces opportunités, a fortiori puisque les reportages existent localement et que nous tournons déjà en HD, seule la diffusion étant encore en SD. Nos équipes éditoriales sont correctement formées et le réseau des chaînes La 1ère relie 9 stations sur 3 océans, ce qui représente une chance exceptionnelle. Il ne manque que la volonté pour que les chaînes nationales rendent compte des réalités des outre-mer.
Il faut remédier au déficit de visibilité des outre-mer sur les chaînes nationales et que ceux-ci ne soient pas uniquement mis en exergue lorsqu'ils sont victimes de phénomènes climatiques exceptionnels ou d'événements politiques graves. Il faut surveiller l'évolution rapide des technologies car en matière d'information les réseaux sociaux deviennent plus performants et concurrencent les autres médias. La nouvelle télévision locale, Caledonia, est très réactive pour les informations de proximité. Qu'en est-il des chaînes La 1ère ?
Caledonia a d'emblée été performante sur le numérique ce qui lui permet d'être très réactive sur le terrain, pour des événements locaux notamment comme la foire de Mare ou celle de Bourail. Les personnels des chaînes La 1ère sont davantage formés aux médias traditionnels, radio et télévision. Martinique La 1ère dispose désormais d'équipements plus performants que les autres stations. Les territoires du Pacifique, les plus éloignés de l'hexagone, sont nettement sous-représentés et il faudrait mettre en place une véritable stratégie pour aménager leur visibilité sur les chaînes nationales ; cette stratégie devra être imposée pour éviter qu'elle ne se résume à des reportages alibis.
Qu'en est-il de la formation des jeunes aux métiers du secteur audiovisuel dans le cadre de l'Université des Antilles ? Si l'on compare France Ô à un chef de famille, quel sera l'impact de sa disparition de la TNT et de son transfert vers l'univers du numérique ? Le réseau des chaînes La 1ère ne sera-t-il pas orphelin et comment l'héritage sera-t-il réparti ? Que deviendront les publics ultramarins de l'hexagone auxquels s'adressait France Ô ?
France Ô s'adresse essentiellement à la communauté ultramarine de l'Île-de-France. France Ô a une ligne trop élitiste. J'attends de la relation avec France Ô qu'elle soit plus pragmatique et réaliste.
À la création de France Ô, les chaînes locales ont exprimé leur hostilité car elles voyaient dans France Ô un concurrent direct absorbant des ressources budgétaires. Lors de la bascule annoncée vers le numérique, nous souhaiterions que les moyens dévolus à France Ô - la chaîne ayant un budget équivalent à celui d'une station d'outre-mer - soient réaffectés aux stations des chaînes La 1ère qui en ont besoin, notamment pour développer la co-production et la réalisation de documentaires qui pourraient être diffusés sur les chaînes grandes nationales. Le coût d'un documentaire transversal sur les sargasses par exemple ne saurait être absorbé aujourd'hui pas une seule station.
Concernant la formation, nous éprouvons des difficultés à pérenniser des relations avec l'université et les écoles de journalisme car la politique de réduction des effectifs ne permet pas l'embauche de jeunes malgré nos ambitions éditoriales pour le développement du numérique.
Nous avons perçu les inquiétudes et parfois la résignation des personnels de Malakoff face à la suppression de France Ô lors de notre visite au siège. Certains imaginent que la bascule vers le numérique pourrait placer France Ô dans une situation avant-gardiste.
Je partage cette ambition numérique qui met d'emblée en connexion avec le monde entier et dont la gestion est moins onéreuse. La plateforme ne devra cependant pas se substituer aux stratégies numériques de chaque station qui doivent pouvoir continuer à rendre compte des événements de proximité, compétition sportive ou autre.
La TNT reste pour moi plus confortable, en termes de qualité d'image notamment.
Pensez-vous que la couverture numérique des outre-mer sera suffisante à l'horizon 2020 et n'y a-t-il pas une question de coût qui se posera à l'utilisateur ?
Le délai est en effet très court et il faudrait une période transitoire qui permette de former les équipes au numérique. Il faudra également veiller à ce que la nouvelle plateforme numérique n'absorbe pas les plateformes locales.