Madame la Présidente,
Mes chers collègues,
Je suis très heureux que la Délégation sénatoriale aux entreprises ait accepté mon invitation à venir dans le Val d'Oise pour découvrir la variété des entreprises de ce département. Je remercie particulièrement notre présidente, Élisabeth Lamure, ainsi que nos collègues qui nous ont accompagnés : Michel Canevet, Éric Jeansannetas, Patricia Morhet-Richaud, Jackie Pierre ainsi que mes collègues du Val-d'Oise, Arnaud Bazin et Rachid Temal.
Nous avions un programme dense pour ce déplacement : trois visites d'entreprises - la société FAYOLLE et FILS, la société ERPRO GROUP et la société PARTNERING ROBOTICS - ainsi qu'une table ronde avec des entrepreneurs du département à la Chambre de Commerce et d'Industrie du Val-d'Oise.
Partis de bonne heure du Sénat, nous avons commencé notre journée par la visite de l'entreprise FAYOLLE et FILS à Soisy-sous-Montmorency. Nous avons été reçus par son Président, M. Louis Marandas, et son Directeur commercial, M. Christian Coudert. FAYOLLE et FILS est une entreprise familiale spécialisée depuis trois générations dans les travaux publics et l'assainissement, en France et récemment implantée Canada. Elle a su garder son esprit familial, sur lequel elle a su s'appuyer pour se développer de façon indépendante.
L'entreprise compte 1 700 collaborateurs dans le monde, dont 1 200 en France. Elle réalise un chiffre d'affaires consolidé d'environ 600 millions d'euros, dont 200 en France. C'est la première entreprise privée du Val-d'Oise. Le secteur des BTP, coeur de métier historique de l'entreprise, est subdivisé en trois métiers : la VRD (Voirie et Réseaux Divers), le bâtiment et les eaux usées et pluviales. L'entreprise développe également des activités de propreté urbaine.
On compte parmi ses clients des départements, des communautés d'agglomération et des mairies, dont la Mairie de Paris. Les dirigeants nous ont alertés sur les marchés publics où les donneurs d'ordre pratiquent des prix trop bas, synonymes de prestations « à perte » pour cette ETI, sachant que dans le secteur, le résultat net est souvent inférieur à 1 % du chiffre d'affaires. L'entreprise, de même que la Fédération Française du Bâtiment, demande à ce que des critères qualitatifs soient intégrés parmi les critères d'appels d'offres, qui reposent actuellement presque exclusivement sur le prix et occultent notamment les critères environnementaux, la création d'emplois locaux ou encore la bonne tenue des chantiers. Cette entreprise a en effet le mérite de privilégier le recrutement local, de développer un centre de recyclage et elle a été primée plusieurs années de suite par la Mairie de Paris pour la bonne tenue de ses chantiers. Il serait vertueux que ce type de démarches soit mieux valorisé dans les appels d'offre des collectivités publiques !
Outre ses métiers historiques, FAYOLLE et FILS s'est doté d'une direction logistique et d'une direction industrielle. La première gère un parc de matériel et une flotte de véhicules. La seconde développe de nouveaux matériaux innovants et écologiques afin d'approvisionner les chantiers. Ces choix stratégiques permettent à l'entreprise de contrôler la chaîne de valeur, de l'approvisionnement en matériaux à la réalisation d'ouvrages, et de rester indépendante.
Parmi ses 1 200 collaborateurs en France, on compte 500 ouvriers, que l'entreprise contribue à former et à promouvoir en interne. Le taux de roulement (turnover) est faible. L'entreprise emploie majoritairement sur des postes en lien avec le coeur de ses activités et peu sur des métiers supports, contrairement à certains grands groupes. Ainsi par exemple, une attention particulière étant portée à la satisfaction du client, les contentieux sont peu nombreux, mobilisant donc un effectif modeste sur les fonctions supports.
25 apprentis sont actuellement en poste et leur taux d'embauche est de 75 %. Comme souvent, cette entreprise fait face à des difficultés de recrutement, pour des postes de technicien qualifié, correspondant à des qualifications à bac+2, mais aussi plus globalement pour les métiers manuels, dont l'image reste encore à améliorer alors même que les plus bas salaires proposés par l'entreprise sont au moins 10 % supérieurs au SMIC. Les dirigeants ont également fait part de leurs difficultés face aux ruptures conventionnelles et aux cas de chômage volontaire, qui renforcent leurs problèmes de recrutement.
FAYOLLE et FILS, entreprise d'origine creusoise, a su se renouveler au fil des générations.
Nous avons poursuivi nos visites dans le Val d'Oise avec Saint-Leu-la-Forêt, où nous avons été accueillis par M. Cyrille Vue, à la tête de l'entreprise ERPRO GROUP, leader de l'impression 3D.
Ce groupe est doté de trois sites de production en France : à Saint-Leu-la-Forêt, à Toulouse et au Quesnoy, dans le département du Nord. Il propose une large gamme de technologies de fabrication additive, complétée par des services d'ingénierie (design, optimisation topologique), mais aussi d'usinage, d'injection plastique et de finition. L'entreprise ERPRO maîtrise les différentes technologies d'impression 3D, telles que le dépôt de fils ABS, l'impression 3D couleur, la stéréo-lithographie (il s'agit d'une technique de prototypage rapide, qui permet de fabriquer des objets solides à partir d'un modèle numérique) ; je citerai aussi le frittage de poudre polymère, la fusion métallique, l'usinage, le moulage silicone, la peinture et l'injection plastique...
L'entreprise propose ses services à des secteurs aussi divers que l'automobile, l'aéronautique, le médical, la cosmétique, l'architecture, l'industrie ou encore le design.
En 2018, près de 10 millions de pièces ont été produites et le groupe souhaiterait, d'ici 2021, multiplier ce chiffre par 5 afin de répondre aux nouvelles demandes et de conquérir de nouveaux marchés. Pour cela, de nouveaux investissements sont réalisés, comme l'acquisition d'une nouvelle imprimante 3D. Cela s'inscrit dans le plan de développement de son parc machines qui s'oriente désormais vers la fabrication additive en grande série, encore impossible il y a peu de temps.
L'entreprise reste leader de l'impression 3D en France grâce à l'avance technologique qu'elle détient. Savez-vous que l'imprimante 3D était une invention française mais que cette innovation n'avait pas reçu le soutien nécessaire et n'avait donc pas été brevetée ? La technologie a donc été développée aux États-Unis, ce qui explique une certaine dépendance vis-à-vis des fabricants d'imprimantes 3D, qui sont américains ou allemands, et qui louent leurs matériels.
Nous avons pu visiter les ateliers de l'entreprise et assister aux différentes étapes de production. Très instructif ! On y trouve des ingénieurs, des techniciens qualifiés et de jeunes opérateurs. Pour ses recrutements, l'entreprise mise davantage sur les compétences personnelles et comportementales (les softskills) et la motivation des candidats que sur leurs seules qualifications. Elle accorde de l'importance à la formation et à l'évolution de ses employés. Néanmoins, elle fait également face à des difficultés de recrutement, comme souvent. Cette entreprise opère sur des nouveaux métiers, dont les formations n'existent pas.
ERPRO GROUP est un bel exemple de réussite d'une entreprise innovante, qui a su trouver sa place sur le marché international et devenir leader français dans son secteur. Implantée dans le département du Val-d'Oise, elle a su se développer, preuve que l'innovation peut être valorisée dans les territoires périurbains, même si la question de la mobilité reste un problème à traiter d'urgence. Implantée dans ma ville de Saint-Leu-la-Forêt, cette entreprise grandit vite, domine le secteur et recrute à un niveau local. Il est toujours très intéressant et encourageant pour des élus de voir des entreprises se développer dans nos territoires. Néanmoins, la question de la mobilité reste un problème à traiter d'urgence car même dans le Val-d'Oise à une dizaine de kilomètres de Paris, les difficultés de transports y sont majeures.
Après ces visites de terrain, nous nous sommes rendus à la Chambre de Commerce et d'Industrie du Val-d'Oise afin d'échanger avec des entrepreneurs du département autour d'une table ronde.
Il nous a été fait part, une nouvelle fois, de l'inquiétude quant à l'avenir des chambres consulaires. La baisse de leurs moyens représente une crainte pour les entrepreneurs que nous avons rencontrés, dans la mesure où la CCI du département accompagne plus de 1 700 entreprises et 10 000 créations ou demandes de créations par an. Elle assure aussi le financement d'écoles d'enseignement supérieur et de Centres de Formation des Apprentis. Le chômage des jeunes se situant autour de 15 à 20 % dans l'Est du département et les entreprises se plaignant de ne pas pouvoir recruter de jeunes techniciens qualifiés (à des niveaux bac+2), la baisse du financement de ces établissements pose un réel problème aujourd'hui et à venir.
À cet égard, les difficultés de recrutement ont été évoquées par la quasi-totalité des entrepreneurs, insistant sur le manque de candidats pour de nombreux types de postes, notamment de techniciens qualifiés, d'encadrants, de comptables, de développeurs informatiques...
Le déficit d'offres de formation dans le département pour certains secteurs comme l'aéronautique, dont les formations sont aujourd'hui regroupées sur le plateau de Saclay, alimente aussi ce déficit.
L'image dont pâtissent les secteurs de l'industrie ou du BTP est un autre problème de taille : les entrepreneurs n'ont cessé d'affirmer que des emplois stables et rémunérateurs y existent pourtant et que des perspectives d'évolution y sont possibles, avec parfois des possibilités de reprise ou de création d'entreprise. Selon eux, l'Éducation nationale devrait contribuer à réhabiliter ces métiers et, plus largement, les métiers manuels, encore trop souvent présentés comme des voies réservées aux cas d'échec scolaire.
Autre difficulté récurrente : celle de la mobilité. En effet, la desserte de certaines villes du Val-d'Oise reste à améliorer et pèse sur le recrutement par les entreprises dont le siège est encore difficilement accessible avec les transports publics. Enfin, les entrepreneurs, lorsqu'ils arrivent à recruter, ont souvent des difficultés à conserver leurs employés : ils sont concurrencés par les grandes entreprises du secteur qui « débauchent » les employés qu'ils ont formés.
Le financement des PME, TPE et ETI a été également évoqué. Dans les secteurs industriels ou dans les activités de recherche et développement, il nous a été fait part des difficultés rencontrées pour se financer auprès d'établissements publics comme la BPI ou auprès de banques commerciales.
Les entrepreneurs ont évoqué l'équilibre financier très fragile de leur entreprise, menacé par le poids normatif qui ne cesse d'augmenter. Pour nombre d'entre eux, le développement de l'activité économique serait encouragé par une stabilité réglementaire, une simplification des normes et un allègement de certaines contraintes excessives, quitte à limiter les aides aux entreprises en contrepartie.
Enfin, au vu du peu de sécurité dont ils bénéficient aujourd'hui et des risques qu'ils prennent, certains demandent à ce que leur statut permette une meilleure protection. Nous avions l'exemple d'un dirigeant d'entreprise qui avait dû vendre son entreprise qui s'était retrouvée en redressement judiciaire.
Les dernières inquiétudes exprimées ont concerné la taxation des contrats courts, des normes de RSE imposées par la loi PACTE, ou encore au problème spécifique des drones. En effet, l'insuffisant contrôle des vols amateurs pourrait nuire au développement de cette filière.
Notre journée s'est terminée par la visite de l'entreprise PARTNERING ROBOTICS, où nous avons été accueillis par M. Thibaut Cambon, Responsable financier de l'entreprise. PARTNERING ROBOTICS est une start-up spécialisée dans la fabrication de robots dotés d'intelligence artificielle et chargés de purifier l'air dans les espaces intérieurs.
L'entreprise a été fondée en 2007 par Ramesh Caussy, Docteur diplômé de l'École Polytechnique. Actuellement, deux robots sont proposés à la location : l'un analyse la qualité de l'air ambiant, le volume sonore, la température, la luminosité et dresse une carte, sorte de relevé météo intérieur. Le robot se déplace de façon autonome sur 1.000 m² dans des environnements complexes en purifiant l'air. Le second robot, immobile, est doté des mêmes capacités de purification d'air. Ces robots filtrent 99,95 % des polluants, bactéries, virus et allergènes, en utilisant une technologie similaire à celle que l'on trouve dans les blocs opératoires.
Les données recueillies permettent de cibler les endroits pollués pour ensuite éliminer les sources de pollution et détecter les problèmes. Elles peuvent également être utilisées par le Comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail (CHSCT) des entreprises.
L'entreprise cible tout particulièrement les Établissements Recevant du Public Sensibles, qui doivent surveiller la qualité de l'air intérieur en application de la loi portant sur l'engagement national pour l'environnement. Depuis 2018, les maternelles, écoles élémentaires et crèches y sont soumises et d'autres établissements seront progressivement concernés. De grandes entreprises utilisent également déjà les services de ces robots.
PARTERING ROBOTICS, dont les robots sont labellisés « Origine France garantie » et marqués CE, ne dépend ni de capitaux ni de fournisseurs étrangers. Sa reconnaissance comme FrenchFab atteste de sa capacité à créer des emplois industriels en France.
La démarche de cette start-up est de contribuer au bien-être, l'air respiré en intérieur étant jusqu'à deux fois plus pollué que l'air extérieur à cause du mobilier ou de machines comme les imprimantes, qui émettent des particules fines. Voici une transition toute trouvée, Mme la Présidente, pour la suite de l'ordre du jour, notre dernière Journée des Entreprises ayant partiellement porté sur cette thématique du bien être en entreprise.
J'ai été très heureux de présenter ces belles réussites à mes collègues. J'espère qu'ils auront découvert avec intérêt la diversité du tissu économique de mon département. Sa vitalité repose sur des entrepreneurs qui se battent pour créer de la valeur et de l'emploi, malgré les difficultés rencontrées, difficultés que j'ai tenu à relayer auprès de notre Délégation.
Je vous remercie.