Le Sénat a adopté une attitude pragmatique sur ce projet de loi, tout en nuançant l'ambition de son intitulé : il ne s'agit pas de « transformer » la fonction publique, mais d'offrir de nouvelles souplesses aux employeurs tout en maintenant les garanties du statut général.
Nous regrettons toutefois l'engagement de la procédure accélérée et des délais particulièrement contraints pour un texte qui dépasse aujourd'hui les 110 articles. Le projet de loi a été déposé à l'Assemblée nationale le 27 mars 2019 ; nous l'adopterons définitivement en moins de quatre mois. Je ne suis pas certaine que les décrets d'application de ce texte soient publiés aussi rapidement...
Au Sénat, nous étions deux rapporteurs : M. Loïc Hervé s'est chargé des questions de déontologie, de formation et d'égalité professionnelle ; pour ma part, je me suis concentrée sur les questions statutaires, le dialogue social et la discipline.
Nous tenons à remercier nos collègues députés Émilie Chalas, rapporteure, et Guillaume Gouffier-Cha, chef de file du groupe La République En Marche sur ce texte. Nous avons eu des échanges à la fois sincères et constructifs, s'appuyant sur une connaissance concrète de la fonction publique territoriale et de la gestion des ressources humaines. Chacun a travaillé à un accord, en engageant un dialogue direct et positif, même sur les points les plus techniques, et en faisant les concessions nécessaires.
Je tiens à rappeler que le texte initial reprenait déjà plusieurs propositions du Sénat, comme l'harmonisation du temps de travail ou l'introduction, à titre expérimental, de la rupture conventionnelle dans la fonction publique.
Lors de nos travaux, nous avons enrichi ce projet de loi en adoptant, au total, 154 amendements en commission et 125 amendements en séance publique. Le texte que nous vous proposons aujourd'hui préserve de nombreuses avancées du Sénat.
Concernant les sujets que j'ai plus particulièrement suivis, je souhaite mentionner six apports essentiels : le durcissement des règles applicables aux fonctionnaires territoriaux momentanément privés d'emploi (FMPE) ; la valorisation du mérite des agents, avec la possibilité d'attribuer des primes de service ; l'assouplissement du recours aux contrats dans la fonction publique territoriale, notamment pour les agents de catégorie C ; l'établissement d'une feuille de route triennale, permettant aux employeurs territoriaux d'avoir plus de visibilité sur les décisions de l'État ; l'amélioration des procédures disciplinaires avec la suppression des commissions de recours ; la suppression d'un renvoi à un décret en Conseil d'État pour définir les missions des directeurs généraux des services (DGS).
Ce dernier point a fait couler beaucoup d'encre. Nous invitons plutôt les différents acteurs à signer une charte de bonnes pratiques, respectueuse du rôle des élus dans la gestion des ressources humaines. En parallèle, nous avons prévu de nouvelles garanties pour les DGS, comme leur exclusion du décret encadrant les recrutements dans les collectivités territoriales, le renforcement des garanties offertes lorsqu'ils quittent leur poste ou la sécurisation du « double détachement ».
Nous ne sous-estimons pas les efforts consentis par l'Assemblée nationale, ce qui nous conduit à vous proposer un texte de compromis.
En contrepartie, nous avons accepté, avec M. Loïc Hervé, plusieurs concessions importantes. Le point le plus délicat concerne les commissions administratives paritaires (CAP) : notre texte de compromis acte la réduction du champ des CAP, même si nous ne sommes pas convaincus de l'opportunité de cette réforme. Pour améliorer le dispositif, nous avons toutefois prévu l'intervention d'un collège employeur dans les centres de gestion.
En outre, nous avons admis la suppression d'articles importants concernant le devoir de réserve ou le licenciement pour insuffisance professionnelle après passage en CAP.
Enfin, nous avons accepté que le Gouvernement soit habilité à légiférer par ordonnances pour réformer le dialogue social, alors qu'un projet de loi spécifique nous semblait préférable.
La précision apportée par le Sénat concernant les conseillers techniques et sportifs (CTS) ne serait pas conservée : le débat se poursuivra certainement sur cette question. Hier, nous avons eu l'assurance par un courrier de la ministre des sports qu'aucun détachement d'office de CTS ne serait réalisé avant les conclusions d'une mission de conciliation, menée par deux médiateurs indépendants.