Ce qui différencie les outre-mer de l'hexagone, c'est que nous agissons sous la pression démographique de nos populations. Si l'on met de côté la Martinique où la population vieillit, énormément de jeunes nous réclament de pouvoir vivre comme tous les jeunes de leur âge sur le territoire français ; c'est la force des événements qui nous oblige à évoluer, à inventer une nouvelle façon de fonctionner, à réinventer la place du service public auprès du public. Nous l'avons bien vu lors des crises, qu'elles se situent en Guyane ou à Mayotte : en avril 2017, au moment d'un épisode extrêmement tendu devant la préfecture de Guyane qui risquait d'être envahie par la population et les 500 frères cagoulés, nous avions un car de télévision avec un moyen d'émission traditionnel à l'entrée de la préfecture. En même temps, nous avions également des journalistes qui travaillaient sur Facebook avec leur smartphone. Nous avons fait le choix de ne pas déclencher le car de télévision et de nous appuyer sur notre expertise numérique en mettant sur l'antenne télé le signal émis à partir d'un smartphone. Plusieurs journalistes se sont relayés pendant plus de 3 heures 40 pour suivre cet événement. Nous avons eu plus de 6 millions de vues sur notre offre numérique.
En ma qualité de directeur de l'information, j'estime qu'il faut distinguer selon la temporalité de l'information. Il y a un temps différent pour raconter un événement et pour l'expliquer. Le numérique et la radio sont les médias de l'immédiateté. Parce que nos journalistes sont en direct, ce sont aussi des médias de la responsabilité la plus augmentée quant à l'impact de l'image diffusée. Il faut avoir conscience que chaque mot ou chaque image peut avoir un impact immédiat non seulement sur les gens qui, ce jour-là, sont devant la préfecture de Cayenne mais également sur ceux qui n'y sont pas et peuvent vouloir les rejoindre. Dans ce contexte, nous devons nous interroger sur ce qui peut pousser une personne à regarder en fin de journée un journal télévisé alors qu'au moment du générique elle a l'impression de déjà tout savoir. Le rôle de journal, complémentaire, est de décrypter les événements, de les mettre en perspective et de les analyser. Pour revenir sur les événements de Guyane, cette journée-là, il y a eu une grande quantité de messages toxiques qui ont été véhiculés. C'est donc la responsabilité du service public d'être présent sur le numérique pour contrer ces fake news, en expliquant ce qui est vrai et ce qui est faux. Si nous apportons l'antidote exclusivement à la télévision, et non là où a eu lieu la contamination, nous sommes inefficaces.