Intervention de Delphine Ernotte-Cunci

Délégation sénatoriale aux outre-mer — Réunion du 22 janvier 2019 : 1ère réunion
Représentation et visibilité des outre-mer dans l'audiovisuel public — Audition de Mme Delphine Ernotte-cunci présidente de france télévisions

Delphine Ernotte-Cunci, présidente de France Télévisions :

Vous venez de citer une obligation du cahier des charges qui n'est pas satisfaite, à savoir le bulletin d'information de France 3. Sachez que quand je suis arrivée en fonction, ce bulletin n'existait pas. Peut-être qu'il n'a jamais existé... en tout cas il n'existait pas en 2015. Pour autant, et ce n'est pas non plus dans le cahier des charges, aucune obligation ne nous a été faite de réaliser trois bulletins d'information par jour sur France info et, pourtant, nous l'avons fait ! Je comprends que vous comptiez les points négatifs mais je vous demande, pour être équilibrés, de compter les points positifs. Nous l'avons fait ici, quand personne ne nous l'avait demandé : c'est bien parce que nous sommes conscients de la nécessité de renforcer la visibilité des outre-mer et que nous considérions - comme nous avons un travail approfondi avec les régions hexagonales - qu'il fallait avoir une information sur la nouvelle chaîne d'information publique. Cela ne répond pas à votre question sur le respect du cahier des charges mais répond aux conditions de la visibilité.

Nous avons énormément d'indicateurs de suivi par le CSA dans le cahier des charges, dans le COM : tellement que je serais incapable de vous en dresser une liste précise et exhaustive. Je pense qu'une des conditions est de changer un peu les choses : il faut être dans l'esprit et non dans la lettre. La visibilité n'est pas de faire un bulletin tous les jours. La visibilité, c'est considérer que les territoires ultramarins appartiennent à la France comme n'importe quel autre de ses territoires. Il s'agit donc, quand on aborde un sujet - par exemple sur les grandes métropoles - de ne pas oublier les métropoles d'outre-mer.

Le second sujet est presque à l'opposé. Il s'agit de voir que certains territoires d'outre-mer sont aux avant-postes sur certains sujets qui, à plus ou moins long terme, vont nous concerner. Ainsi, par exemple Mayotte, avec une immigration que l'on ne sait pas forcément contrôler : qu'est-ce que cela provoque dans la population, quelle est la réaction de l'État, que peut-on faire ? On sait que ce sujet pourrait concerner d'autres territoires dans le monde. Savoir comment on fait ici peut servir d'enseignement pour d'autres territoires.

C'est à la fois une forme de normalisation mais aussi l'idée qu'il se passe des choses très fortes en outre-mer ce qui pousse à se demander comment on peut faire en sorte que celles-ci nous enrichissent tous. On peut compter le nombre de sujets dans l'information mais ce qui importe est que les journalistes se sentent un peu ultramarins, qu'ils conversent avec leurs collègues, qu'ils se sentent proches de nos concitoyens ultramarins. Ce n'est pas vrai que pour les outre-mer : nous avons la même problématique avec les zones rurales ou les marges de la République. Il faut être en prise, sentir et être proche de ceux pour lesquels on travaille tous les jours. L'humain est la condition la plus importante et cela ne se décrète pas avec des indicateurs : il faut du travail, du temps, de la confiance. Tant que nous en serons à nous dire que France Télévisions fait cela sous la contrainte - et ce n'est pas le cas aujourd'hui - nous nous tromperons de combat.

Il faut utiliser les vrais leviers pour faire bouger l'ensemble de la maison, pour intéresser et créer des passerelles. Quand on parle du sujet calédonien récent : pour la première fois des journalistes de la rédaction nationale ont fait confiance à leurs collègues de Nouvelle-Calédonie. Les journalistes de France 2 sont allés se présenter à la station de Nouméa à leur arrivée, les sujets ont été montés par les techniciens de Nouméa. Il y a eu une démarche collective de travail en commun et cela laisse des traces. La prochaine fois qu'il y aura un sujet à traiter en Nouvelle-Calédonie, le réflexe d'appeler le collègue local pour le solliciter sur des éclaircissements ou pour la réalisation interviendra. C'est ce travail, cette dimension humaine qui, à mon avis, est indispensable pour réussir le pari que nous faisons là, celui de la visibilité, dans les deux sens.

Je prends un autre exemple : la présence de Wallès Kotra au comité exécutif ; je l'ai évoqué il y a quelques semaines devant les députés. Nous avons eu le cas d'une intervenante voilée sur un plateau et la question de son admission sur un plateau de France Télévisions suscitait des interrogations et des débats jusqu'à ce que Wallès Kotra nous rappelle qu'il y a en France un territoire musulman, Mayotte, et nous explique comment la question avait été réglée là-bas ; nous avons ensuite décidé d'appliquer ce qui avait été fait à Mayotte. Quand nous aurons acquis ce réflexe de regarder ce qu'il se passe ailleurs, nous aurons gagné.

Je laisse Francis Donnat vous répondre sur le regard du CSA sur l'exercice de nos missions.

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