Délégation sénatoriale aux outre-mer

Réunion du 22 janvier 2019 : 1ère réunion

Résumé de la réunion

Les mots clés de cette réunion

  • audience
  • aujourd
  • aujourd'hui
  • chaîne
  • outre-mer
  • programmes
  • télévisions
  • ultramarin
  • visibilité

La réunion

Source

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Magras

Notre Délégation sénatoriale aux outre-mer est heureuse de vous accueillir ce jour dans le cadre de l'étude qu'elle a engagée sur le thème de la représentation et de la visibilité des outre-mer dans l'audiovisuel public, étude qui est conduite par un binôme de rapporteurs constitué de M. Maurice Antiste, sénateur de la Martinique, et Mme Jocelyne Guidez, sénatrice de l'Essonne.

La représentation et la visibilité de nos outre-mer sur les ondes publiques est un sujet grave et majeur, pour les territoires concernés et leurs populations bien sûr, qui ont trop souvent le sentiment de rester à la périphérie, mais aussi pour notre pays et notre nation qui devraient davantage s'enorgueillir et revendiquer sa diversité, diversité qui fait une grande partie de sa richesse.

Or, les outre-mer, en dépit des efforts déployés par la chaîne qui aurait toujours dû leur être dédiée - et je salue à cet instant l'action menée par Wallès Kotra depuis de nombreuses années ainsi que ses équipes de France Ô que nous avons rencontrées hier - restent trop peu visibles et représentés : les ondes publiques hors France Ô n'évoquent très généralement qu'au mieux des visions de cartes postales et, plus souvent, ne parlent des outre-mer que lorsqu'une catastrophe se produit... et parfois seulement en différé...

Nos outre-mer peinent à trouver leur juste place sur les ondes publiques et la bonne formule n'a jamais été trouvée jusqu'à présent... le profil de France Ô a fluctué et, pour les autres chaînes, les exigences des cahiers des charges n'ont pas toujours été respectées, nous y reviendrons.

Aujourd'hui, l'annonce brutale de la suppression de France Ô de la TNT, sans qu'un dispositif relais ne soit clairement défini et assorti de réelles garanties, a jeté le trouble et la confusion. Certes, la décision est celle du Gouvernement mais il vous appartient de « mettre en musique » la partition : nous avons pu constater hier, lors de notre déplacement à Malakoff, que les équipes de France Ô s'y employaient avec la plus grande énergie et la meilleure détermination, mais que le balisage du chemin n'était pas encore visible de tous.

Je regrette pour ma part cette méthode consistant à prendre hâtivement des décisions sans en mesurer toutes les conséquences, pour n'organiser qu'une concertation a posteriori. Notre délégation aura à coeur de dresser un état des lieux fidèle pour formuler des préconisations constructives : tel est l'objet du travail que nous menons et la raison pour laquelle nous souhaitions vous entendre.

Debut de section - Permalien
Delphine Ernotte-Cunci, présidente de France Télévisions

Je veux revenir tout d'abord sur les prémices qui nous conduisent ici aujourd'hui, à savoir la transformation attendue de l'entreprise telle qu'elle a été annoncée d'abord par la ministre de la culture, Françoise Nyssen, puis par le Premier ministre, en juillet 2018, il y a six mois exactement.

Cette transformation se décline sur plusieurs axes :

- celui de la transformation éditoriale, avec la nécessité de refondre les grilles et de redéfinir le bouquet de chaînes linéaires traditionnelles ;

- cela passe aussi par un renforcement de l'information avec France info d'un côté et une refonte des éditions et des magazines, pour plus de culture et d'éducation sur toutes nos antennes qu'elles soient linéaires ou numériques - nous avons d'ailleurs déjà lancé un média social de la culture - et nous devons, avec les autres partenaires de l'audiovisuel public, construire une nouvelle plateforme éducative pour les parents, enfants et professeurs, sur la base de France TV Éducation ;

- le troisième axe concerne l'Europe, avec de l'innovation dans la fiction pour créer des fictions qui s'exportent, notamment chez nos homologues européens du service public. J'ai passé en octobre dernier une alliance avec les télévisions allemande et italienne, la ZDF et la RaÏ, pour coproduire ensemble des fictions qui seront diffusées dans nos pays. Nous avons déjà six projets lancés et cette alliance devrait être prochainement étendue à d'autres pays européens, notamment d'Europe du Nord. Je rappelle en outre le lancement de SALTO, également, pour constituer avec TF1 et M6 une offre de programmes français, sans avoir vocation à rivaliser avec Netflix ;

- le quatrième axe concerne la proximité avec un doublement des programmes régionaux de France 3 mais aussi une offre commune avec France Bleu de Radio France et une présence renforcée des outre-mer, appuyée en premier lieu par les outre-mer.

Lorsque l'on parle des outre-mer à France Télévisions, on a tendance à penser à France Ô car c'est ce que nous voyons dans l'hexagone mais, en réalité, la partie la plus importante ce sont les stations La 1ère. Ces stations, et c'est une particularité, sont à la fois télévision, radio et web. Il n'y a pas eu de séparation entre radio et télévision dans les stations ultramarines et c'est une bonne chose ; les équipes sont plutôt en pointe sur le média global et nous nous en inspirons d'ailleurs pour réaliser la plus forte régionalisation de France 3, d'une part, et l'évolution des métiers, d'autre part. Nous avons également une transformation technologique. Même si les chaînes de télévision sont encore très puissantes, on perd de plus en plus de téléspectateurs, notamment chez les plus jeunes. Jusque-là, on avait une durée de présence devant la télévision relativement stable, autour de 3 h 40 par jour pour un citoyen moyen de plus de 4 ans. En 2018, pour la première fois, cette durée a baissé : on perd ainsi 6 minutes en moyenne et 15 minutes chez les plus jeunes. L'attirance des réseaux sociaux, de Youtube, d'internet au sens large, fait que ces réseaux et plateformes numériques sont désormais nos premiers concurrents et prendront désormais une place de plus en plus importante dans l'attention des jeunes publics, mais pas seulement eux. C'est cette révolution qu'il faut préparer. Dans cet esprit, le Gouvernement a décidé l'arrêt de la diffusion hertzienne de France 4 et de France Ô, avec une bascule numérique sur ces deux sujets : créer à la fois une plateforme numérique pour les enfants de moins de 13 ans pour suppléer l'arrêt de la télévision traditionnelle et, dans le même esprit pour France Ô, mettre en place une plateforme numérique pour rendre plus accessible que ça ne l'est aujourd'hui et plus puissante surtout la visibilité sur le numérique, dans l'hexagone, de ce qui se fait dans nos stations ultramarines. Cela s'accompagne d'un doublement du budget numérique d'ici à 2022 mais aussi de nouveaux moyens de production - produire des fictions numériques d'abord ou des documentaires, ce sont des manières plus légères de produire que les manières traditionnelles, qu'il faut que l'on s'approprie. Cela nécessite une évolution des droits de diffusion, que nous avons aujourd'hui uniquement sur les antennes traditionnelles. C'est pourquoi j'ai récemment annoncé que nous avions conclu un accord avec les syndicats de producteurs pour avoir désormais - ce que la loi de 1986 ne nous permettait pas jusque-là - des droits numériques au même titre que nous avons aujourd'hui les droits de diffusion linéaire. Cela devra trouver une conclusion à un moment ou un autre dans la loi audiovisuelle mais il fallait, en attendant, que nous puissions commencer à investir le numérique.

Il y a évidemment la transformation de l'entreprise. Vous l'avez vu, j'ai annoncé le début d'une négociation pour une rupture conventionnelle collective afin d'abaisser les effectifs de l'entreprise d'un peu plus de 10 % à un horizon de 4 ans. Il n'est possible de fonctionner avec 10 % d'effectifs en moins que si l'on simplifie beaucoup notre façon de travailler, si l'on numérise nos processus internes, si l'on allège les structures d'encadrement, si l'on arrive à repositionner nos équipes sur de nouveaux métiers du numérique. Nous renégocierons, après rupture conventionnelle collective, l'accord collectif qui régit l'organisation et le temps de travail. Tout cela a pour but de faire des économies supplémentaires par rapport à ce qui nous a été demandé ces dernières années puisque l'on devra faire face à un retrait de la ressource publique de 160 millions par rapport à 2018, ce qui implique - c'est en net, alors que nous avons les glissements salariaux et 100 millions d'euros à mettre sur le numérique - un effort pour l'entreprise d'à peu près 400 millions d'euros.

La méthode que nous avons retenue pour transformer l'entreprise a été de consulter d'abord les publics. Nous avons lancé avec Radio France une grande consultation appelée « Ma télé demain / Ma radio demain », qui a recueilli un grand nombre de contributions : 127 000 entre le 8 octobre et le 4 novembre, soit au-delà de nos espérances - nous nous étions fixé un objectif de 100 000, largement dépassé. Nous avions découpé cette consultation en plusieurs blocs, libre à chaque contributeur de répondre à son choix. Comme nous savions qu'il y avait une problématique sur la représentation des outre-mer dans l'hexagone, nous avons consacré un bloc spécifique à l'outre-mer. Nous allons dévoiler les résultats avec Radio France début février. Il y avait des questions fermées - vite exploitables -, mais aussi beaucoup de questions ouvertes qui requièrent un travail d'analyse sémantique pour comprendre ce qui est dit à travers ces réponses.

Pour les salariés, des ateliers ont démarré. D'une part, pour redéfinir la place de l'outre-mer dans la nouvelle organisation du secteur des antennes et les programmes, qui est un secteur de l'entreprise qui s'est réorganisé depuis le début du mois de janvier. D'autre part, pour reconfigurer le bouquet, puisque l'on va passer de six chaînes à quatre chaînes : il ne s'agit pas de dire que l'on en supprime deux et que les autres restent intactes, il va falloir complètement repenser le bouquet dans son ensemble pour mieux prendre en compte dans les chaînes restantes à la fois l'offre jeunesse et l'offre ultramarine. Enfin, définir la nouvelle ambition numérique du groupe, en particulier pour la jeunesse et les outre-mer. Nous travaillons évidemment également avec les élus au travers des groupes de travail parlementaires pour élaborer des indicateurs de suivi de cette transformation, avec l'entreprise et les ministères concernés. La transformation d'une entreprise est un travail de longue haleine et j'imagine que nous aurons des points d'avancement réguliers.

Il y aura enfin, comme toujours à France Télévisions, un bilan annuel des efforts et de leurs résultats.

Je voudrais tout d'abord faire un état des lieux de France Ô et la délégation sénatoriale était hier sur le site de Malakoff. France Ô est redevenue une chaîne centrée sur l'outre-mer depuis 2015. Sous le mandat de mon prédécesseur, France Ô avait quelque peu changé d'objet et était devenue une chaîne de la diversité, cette terminologie étant peu explicite, et je dois dire que cela fâchait nos collègues ultramarins qui s'interrogeaient sur la définition à donner à ce mot. Quand je suis arrivée, j'ai fait le pari de dire que France Ô était la chaîne des outre-mer et non de la diversité et qu'il fallait recentrer France Ô sur sa vocation première. J'ai créé également un pôle outre-mer au sein du comité exécutif, dirigé par Wallès Kotra et qui regroupe à la fois l'ensemble des stations ultramarines et la chaîne France Ô.

Plus de la moitié de la grille de France Ô est aujourd'hui dédiée à l'outre-mer, contre un tiers en 2015 : on a vu en effet progresser la place de l'outre-mer sur France Ô. Beaucoup de programmes sont notamment produits ou coproduits avec les chaînes La 1ère, soit 20 % de la grille en 2017 contre 15 % en 2015. Là aussi, la fonction de « tête de réseau » des équipes que vous avez pu rencontrer se traduit par une augmentation des programmes coproduits avec les stations ; certains sont cités dans le document que nous vous remettons aujourd'hui et il y en a un certain nombre.

On a recentré France Ô sur les outre-mer mais c'est une chaîne dont l'audience est assez faible, il faut le dire. On a continué à faire de France Ô un soutien aux productions locales - pièces de théâtre, captations de concerts, compétitions sportives. Nous sommes assez fiers d'avoir pu obtenir la coupe du monde de football pour nos stations ultramarines ce que, dans l'hexagone, nous ne pouvions faire puisque c'est TF1 qui a obtenu les droits de diffusion. Les programmes n'ont jamais permis de dépasser une audience moyenne de 0,8 %, la part d'audience étant en baisse avec le recentrage sur les outre-mer. Il faut également le dire, les programmes les plus fédérateurs ne sont pas ultramarins : c'est « James Bond contre Dr No » et un certain nombre d'autres, notamment des fictions - soap et sitcoms. A contrario, les programmes qui sont vraiment ultramarins ont moins de succès : « Passion outre-mer » c'est 287 000 téléspectateurs - pas rien, mais pas non plus colossal... - et les « Témoins d'outre-mer », dont nous sommes assez fiers, représente 36 000 téléspectateurs.

J'en viens à l'information et aux programmes des autres chaînes nationales. On a une offre d'information pour laquelle le reproche nous était souvent fait de ne parler des outre-mer qu'en cas de catastrophe climatique ou de crise sociale particulière, mais jamais comme on parlerait de n'importe quelle région française, à l'occasion des grandes enquêtes ou des sujets d'investigation particuliers. Néanmoins, un premier tournant a été pris en 2016 avec France info puisqu'avec cette toute nouvelle chaîne on a considéré qu'il fallait relayer aussi bien l'information nationale que l'information des régions et en particulier des outre-mer. Ce sont les équipes de Malakoff qui construisent les programmes quotidiens parlant des outre-mer sur France info, sur la chaîne mais aussi le numérique, qui est très puissant puisque c'est la première offre d'information numérique en France. Nous avons également mis en place un comptage des sujets qui parlent spécifiquement des outre-mer présents dans les grandes éditions de France 2 et France 3, en précisant leur nature.

Sur les programmes autres que l'information, on a recensé une demi-douzaine de premières parties de soirée consacrées aux outre-mer. On compte des documentaires mais aussi des fictions, comme « Meurtres en Martinique » ou la très belle fiction « Le rêve français » diffusée l'année dernière. Nous nous étions engagés à faire un comptage, un bilan pour voir ensuite la progression qui sera la nôtre.

Sur le numérique, tout est à construire. Comme je le disais, les stations La 1ère sont tout à fait pionnières dans le média global radio-télé-web : les journalistes radio travaillent de concert avec les journalistes de télévision et assurent ensemble la présence sur les sites internet, qui fonctionnent bien. Ils sont aussi pionniers car il y a dans les stations ultramarines une forme de polyvalence et polycompétence qui n'existe pas dans l'hexagone aujourd'hui : il y a une vraie avancée de pratiques professionnelles dans les outre-mer. Quelques chiffres : les sites des chaînes La 1ère ont atteint plus de 48 millions de visites en 2018, ce qui marque une progression très nette par rapport à 2017. Il en va de même pour les « fans » sur Facebook. Il y a enfin une contribution très vertueuse de l'information ultramarine sur France info et l'identité même de la chaîne.

Nous avons néanmoins une ergonomie perfectible pour les internautes qui se plaignent régulièrement de ne pas pouvoir accéder à certains programmes ultramarins, la diffusion s'interrompant et affichant un écran noir. On se heurte ici à une difficulté qui est celle des droits. Nous avons parfois des droits dans les stations ultramarines que nous n'avons pas dans l'hexagone : c'est typiquement le cas, classique, du sport, mais aussi de certaines fictions. C'est une difficulté objective, exogène à notre organisation mais qu'il faut que nous arrivions à traiter. Nous avons un écosystème numérique qui n'est pas assez fort et doit être amélioré : cela vaut pour l'ensemble de l'offre de France Télévisions, et en particulier pour l'offre ultramarine.

Les attentes gouvernementales telles qu'elles ont été exprimées sont retracées dans le document dont vous disposez : il s'agit du communiqué de presse du Premier ministre qui tient lieu pour nous de feuille de route. Comment l'avons-nous traduite ? Nous avons premièrement besoin d'un réflexe outre-mer dans le traitement de l'information. Il ne faut pas uniquement aller interroger - je caricature à dessein - la mère d'élèves du 15e arrondissement de Paris à la rentrée des classes, mais penser à élargir le champ d'investigation, à parler de ce qu'il se passe dans les différentes régions de France, dans les banlieues et aussi dans les différents pays ultramarins qui n'ont pas forcément les mêmes contraintes et les mêmes sujets. Nous avons mesuré ce qu'il s'est passé sur nos différentes chaînes de septembre à fin décembre : au total, nous comptons 154 sujets ou duplex diffusés dans les grandes éditions de France 2. 42, plus contextuels, étaient en lien avec une actualité spécifique : d'une part, une actualité politique majeure avec le référendum en Nouvelle-Calédonie et, d'autre part, la crise des gilets jaunes avec le cas particulier de La Réunion. 112 sont sans lien particulier avec cette actualité spécifique. Depuis septembre, nous avons systématiquement au sein des conférences de rédaction, où se construisent les différentes éditions, un coordinateur des outre-mer qui permet de faire exister bien davantage les sujets spécifiques ou communs entre Paris, l'hexagone et les outre-mer ; cela aide beaucoup les conférences de rédaction à s'ouvrir à d'autres sujets et façons d'aborder les problèmes. C'est grâce à cela que nous avons pu faire des reportages sur des événements qui ne sont ni des catastrophes climatiques ni des conflits sociaux : la rentrée des classes, j'en parlais, ou bien Halloween.

Sur France 3, on a 110 sujets ou duplex diffusés. À titre de comparaison, sur la même période, on a traité 25 sujets sur la Corse et 110 sur la région Occitanie.

Avec 180 sujets, France info s'impose comme la seule chaîne qui intègre pleinement les outre-mer, et c'est normal puisque nous l'avions conçue ainsi dès le départ et nous allons continuer. Il est vrai que c'est un moteur très puissant sur le numérique ; cela permet aussi de faire éclore l'accès à l'information via le numérique sur les chaînes La 1ère. Au-delà de ces chiffres, il y la volonté et les liens que l'on tisse avec les hommes. Pour préparer la couverture du référendum en Nouvelle-Calédonie, Wallès Kotra a emmené le patron de l'information de France Télévisions en Nouvelle-Calédonie pour qu'il comprenne sur place l'importance de ce qui se jouait. À son retour, celui-ci a relayé le caractère majeur du sujet et donné une impulsion très positive pour que la rédaction nationale, à la fois de France 2 et France 3 fusionnées - traitent finement ce sujet complexe. Cela a permis de ne pas être dans l'information pure mais de fournir, en s'appuyant sur l'expertise de leurs collègues de Nouvelle-Calédonie, un décryptage et une contextualisation. Nous avons fait de même sur un tout autre sujet qu'est la Route du Rhum, entre France 3 et certaines de nos stations. Là aussi, cela permet de tisser des liens, d'apprendre à se faire confiance, ce qui n'était pas jusque-là fréquent dans notre entreprise.

Debut de section - Permalien
Walles Kotra, directeur du pôle outre-mer à France Télévisions

Les liens humains sont un paramètre important dans la manière de prendre en compte l'outre-mer. Il y a souvent trop de méconnaissance, chacun restant dans son périmètre. Pour ce qui est de l'information, il y a une vraie volonté de Yannick Letranchant, directeur de l'information, qui se déplace d'ailleurs outre-mer, d'organiser des réunions avec l'encadrement national auxquelles je participe. On a mis en place une structure de veille avec une personne dans la rédaction nationale et des personnes à Malakoff pour un travail quotidien.

Au mois de mars prochain, nous réunissons tous les rédacteurs en chef des régions de France 3, des stations d'outre-mer et de la rédaction nationale.

Debut de section - Permalien
Delphine Ernotte-Cunci, présidente de France Télévisions

Plus largement, au-delà de l'information, il y a une volonté d'avoir une présence plus large des sujets ultramarins dans l'ensemble de nos programmes. On s'est engagé à proposer une première partie de soirée ultramarine par mois sur France 2, France 3 ou France 5. Pourquoi une première partie de soirée ? Parce que c'est le temps fort, le moment où il y a le plus d'audience sur nos chaînes. Sur des genres très différents les uns des autres : pas seulement des magazines - vous faisiez référence aux cartes postales : il ne s'agit pas de cela -, des fictions, des documentaires historiques, tous les genres que nous exploitons couramment sur nos antennes.

Nous avons également commencé à travailler sur une semaine des outre-mer en se disant que cela pouvait nous permettre, en mobilisant toutes nos émissions de toutes nos chaînes, de susciter une prise de conscience de l'ensemble de nos équipes rédactionnelles - je prends au hasard « C dans l'Air » sur France 5, le « 13 h » sur France 2. C'est une manière de mobiliser à l'intérieur de la maison pour acquérir un traitement « normalisé » des outre-mer, ce qui n'est pas le cas aujourd'hui. Il y a déjà eu des réunions avec le directeur des programmes, Takis Candilis, pour programmer cette semaine avant la trêve estivale, vraisemblablement en juin.

Nous sommes en train de refondre complètement l'organisation des programmes - nous avions une organisation par chaîne et des coordinations pour s'harmoniser - en suivant l'organisation qui est de plus en plus adoptée par les services publics en Europe, de la BBC et des services publics du nord de l'Europe. Nous avons ainsi décidé de nous organiser plutôt par genres - documentaires, fictions... - et d'avoir une direction des antennes qui répartit et programme au mieux sur les différentes antennes. C'est une réorganisation très importante qui change les habitudes de tout le monde. Pour ne pas perdre cette volonté d'avoir beaucoup plus de sujets ultramarins sur différents genres et les différentes antennes, nous avons créé à partir des équipes de Malakoff, à la suggestion de Wallès Kotra, une direction des programmes ultramarins pour avoir toujours cette vigie qui nous interpelle. Cette direction sera présente dans tous les comités décisionnels au jour le jour.

Il y a enfin la représentation des outre-mer dans nos projets, documentaires ou créations et, à ce titre, un travail à faire avec nos partenaires producteurs.

J'en viens, pour finir, à la transformation numérique de l'offre outre-mer. Nous avons déjà une application qui fonctionne plutôt bien - on peut choisir son territoire, regarder les chaînes en direct sous réserve du fameux écran noir faute de droits de diffusion... - Mais nous pensons qu'il faut améliorer l'ergonomie, comme globalement l'ergonomie de toutes nos applications. Il faut surtout permettre par exemple, à partir de France.tv, d'accéder aux programmes ultramarins - ce qui n'est pas le cas aujourd'hui - tout en ayant une identité et une cohérence plus forte sur nos différents sites propriétaires, que ceux-ci soient accessibles depuis un mobile, un ordinateur ou une télévision, et que l'on puisse retrouver l'ensemble des créations ultramarines, des magazines ou journaux d'information. C'est un travail important qui n'est pas propre aux outre-mer, qui est cohérent avec l'ensemble du travail que nous avons à réaliser sur le numérique sur l'ensemble de notre offre, mais qui trouve une attention particulière sur la jeunesse et les outre-mer.

Il faut également - c'est une demande qui revient très fortement de la part de nos concitoyens de manière très générale - que nous réfléchissions à la manière dont nos concitoyens arrivent à interagir avec nous. Il y a une demande d'interactivité croissante, cela ne vous étonnera pas dans le contexte social actuel. Aujourd'hui, avec l'application ultramarine sur notre smartphone, on ne peut pas interagir, ni avec les journalistes ni avec les gens qui s'occupent des programmes. Nous avons aussi à inventer cela. Nous l'avons expérimenté sur France info, cela fonctionne extrêmement bien ; il faut que l'on définisse aussi ce type de conversations sur le site ultramarin.

Ce travail, nous voulons le mener à bien avec l'ensemble de nos équipes. Les personnels aimeraient qu'on leur dise où nous en serons exactement dans 1, 2 ou 4 ans et, en même temps, veulent participer - cela peut paraître contradictoire mais se comprend très bien humainement. C'est très important de les impliquer, en particulier les équipes de Malakoff qui travaillent sur ces sujets depuis longtemps et figurent parmi nos experts parisiens, pour construire avec eux ce nouveau site ultramarin et définir quels genres, quels grands événements devront être traités sur nos antennes traditionnelles. Il faut construire ensemble ce nouveau projet pour une offre numérique qui sera lancée avant la fin de l'année.

En matière d'attractivité, il faut penser, au-delà de l'entreprise même, à l'écosystème qui vit en lien avec France Télévisions, à savoir la production. Nous nous sommes engagés à maintenir un cofinancement à hauteur de 10 millions d'euros dédiés à des productions France Ô - les chaînes La 1ère ou antennes nationales - les chaînes La 1ère, c'est-à-dire dévolus à des productions locales avec des producteurs ultramarins. Nous allons renouveler la production d'un feuilleton ultramarin qui sera tourné en Nouvelle-Calédonie à partir de mars 2019. Il faut aussi que nous améliorions la qualité de diffusion des chaînes La 1ère, que nous allons passer en haute définition à partir de 2020 grâce aux fréquences libérées par France Ô et France 4.

Pour finir, un sujet important soulevé par les stations est qu'une des concurrences subies localement est celle de France 4, regardée par beaucoup d'enfants ultramarins. La fin de la diffusion hertzienne de France 4 intéresse d'une certaine manière les stations ultramarines, certains programmes très regardés pourraient être basculés sur les chaînes La 1ère pour renforcer leur attractivité. Nous n'avions pas forcément vu ce sujet que les patrons de stations ont relevé.

Nous allons également diffuser France info sur la TNT outre-mer dès 2019, ce n'était pas encore le cas. France 24 arrête en effet sa diffusion outre-mer et nous avons considéré qu'il fallait une chaîne d'information en continu outre-mer.

Je voudrais, avant de répondre à vos questions, vous rappeler les principaux engagements pris et que nous commençons déjà à mettre en oeuvre sur nos antennes :

- être capables d'avoir un sujet ou un duplex par jour ;

- en première partie de soirée, au moins une grande première partie de soirée par mois ;

- en dépit des économies réalisées chaque année sur les programmes, les 10 millions investis dans les cofinancements avec les chaînes La 1ère seront maintenus. En plus de ceux-ci, nous maintenons un feuilleton quotidien tourné outre-mer à destination des stations La 1ère, aussi disponible sur l'offre numérique dédiée ;

- une présence renforcée de France Télévisions dans les territoires avec la HD pour les chaînes La 1ère et France info dès 2019 ;

- une « semaine des outre-mer » chaque année.

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Magras

Je vous remercie pour votre propos liminaire ainsi que les informations qui nous sont transmises.

Je ne sais pas dans quelle mesure vous avez participé à la décision du Gouvernement de supprimer la chaîne France Ô, mais vous comprendrez que cette décision ait pu susciter des inquiétudes.

J'ai apprécié, lors du déplacement d'hier, les explications fournies par la direction exécutive du pôle outre-mer quant à la mise en oeuvre de la transformation demandée. J'entends votre propos. Notre premier reproche sur cette décision a été la méthode. Nous avons eu le sentiment que l'on allait réformer la télévision à destination des ultramarins sans les associer à cette décision. Celle-ci a généré des inquiétudes tant auprès des personnels que des salariés ou des producteurs, qu'auprès des ultramarins de l'hexagone ou des hexagonaux intéressés par les outre-mer.

Debut de section - PermalienPhoto de Maurice Antiste

Je vais commencer par vous poser la même question qu'au ministre de la culture jeudi.

Les cahiers des charges et les contrats d'objectifs et de moyens (COM) successifs de France Télévisions prévoient, décret après décret et COM après COM, une visibilité des outre-mer sur l'ensemble des chaînes, notamment France 2 et France 3.

Je vais vous citer - et ce n'est qu'un premier exemple - le COM 2011-2015 : « France Télévisions renforcera les liens entre les rédactions de France 2, France 3 et celles de RFO, de façon à amplifier la diffusion en métropole d'images et de reportages en provenance de l'outre-mer ».

Ce renforcement, appuyé sur le pôle outre-mer, ne correspond-il pas précisément à l'ambition aujourd'hui affichée par le Gouvernement ?

Dès lors, quelles ont été les raisons impérieuses qui ont pu empêcher France Télévisions de respecter la mission inscrite dans son contrat ? Les cahiers des charges et les contrats d'objectifs et de moyens ne sont-ils à vos yeux que des déclarations de bonnes intentions ? Si oui, gagnons du temps : n'en écrivons plus.

La visibilité des outre-mer dans l'audiovisuel passe, en partie, par sa place dans l'information.

Aussi, faut-il qu'un ouragan dévaste Saint-Barthélemy pour que ces îles apparaissent sur les chaînes publiques ?

Quelle réactivité, dans le traitement des informations concernant les outre-mer ? Combien de temps, madame la présidente, a-t-il fallu pour que le téléspectateur hexagonal découvre le problème des sargasses, majeur aux Antilles ?

Faut-il que la Guyane et Mayotte subissent en 2017 et 2018 des troubles importants durant des semaines pour finalement avoir 30 secondes au 20h ?

Si les chaînes La 1ère font un travail exceptionnel au niveau local, les informations qui font des audiences atteignant parfois 75 % comme en Guadeloupe ne semblent jamais atteindre Paris.

On nous dit qu'une prise de conscience serait en cours, madame la présidente, à France Télévisions. Mais regardons la période récente. Maryse Condé a reçu en décembre dernier le Prix Nobel alternatif de littérature. Quelle chaîne, à part France Ô, a consacré des programmes à cette grande auteure ?

Plus globalement, on nous parle pour France Ô de « chaîne alibi ». Mais en quoi l'existence de cette chaîne a-t-elle privé France Télévisions de la possibilité de programmer des programmes dédiés aux outre-mer sur ses autres chaînes ?

Debut de section - PermalienPhoto de Jocelyne Guidez

Nous avons évoqué avec le ministre jeudi les critiques que subit souvent France Ô.

Je me permets de vous lire un nouvel extrait du COM 2011-2015 « France Ô s'efforce de raconter de belles histoires, fait appel à l'empathie, à l'émotion, aux impulsions créatrices et à l'intelligence humaine. »

Qui a la responsabilité de cette rédaction ? Je le dis à nouveau : de qui se moquait-on ? Quelle a été la réelle ambition de France Télévisions pour cette chaîne?

Et si le problème ce n'était pas France Ô mais le manque d'ambition qu'on lui porte ?

Je parle d'ambition, mais je vous pose aussi cette question concrète : quel a été l'effort de France Télévisions pour promouvoir cette chaîne ?

Quelles annonces sur France 2 et France 3 pour relayer les programmes de France Ô ? Rien, si ce n'est l'annonce à 20 h 30 des programmes du soir sur l'ensemble des chaînes du groupe : quelques secondes.

Étiez-vous contraints sur ce point ?

Cette chaîne est dans l'hexagone une fenêtre sur les outre-mer, mais elle est aussi et surtout une passerelle, entre les outre-mer et l'hexagone et entre les territoires eux-mêmes. C'est une symbolique forte et nous avons aujourd'hui le sentiment, avec la décision précipitée du Gouvernement, qu'un grand gâchis est en train de se produire.

Mais quels sont les moyens de cette chaîne ? On nous parle de 25 millions d'euros. Est-ce exact ?

Cela représente 1,16 % du coût de la grille du groupe France Télévisions. Cela vous semble-t-il correspondre à la mission dévolue à cette chaîne ?

Concrètement, quelle économie produira la fin de la diffusion de France Ô sur la TNT ?

Debut de section - Permalien
Delphine Ernotte-Cunci, présidente de France Télévisions

J'entends vos propos et votre préambule était assez clair. Je tiens à redire ici qu'en tant que présidente de France Télévisions, pas plus que mes prédécesseurs je n'autodétermine les missions et les COM qui nous sont confiés. Vous évoquez un COM 2011-2015 auquel je n'ai pas pu contribuer : j'ai été nommée en 2015 et aucun de nous trois aujourd'hui n'était en poste à cette date. Je vais répondre par une petite pirouette : peut-être que l'entreprise n'a pas répondu au cahier des charges mais l'État non plus. Les financements prévus au COM 2011-2015 n'ont jamais été versés comme ils l'auraient dû. Nous avons peut-être un problème global : l'entreprise ne tient pas sa part mais on peut dire que le COM n'a été respecté ni d'un côté, ni de l'autre. Quant au COM suivant, c'est exactement la même chose. C'est sans doute ici un problème de gouvernance plus large.

Sur la visibilité des outre-mer, je rejoins globalement ce que vous dites. Vous avez raison et c'est d'ailleurs ce constat qui nous pousse à changer nos pratiques, à la fois à mesurer, à objectiver les choses mais aussi à entraîner par des liens beaucoup plus forts entre les hommes, sur la base d'une confiance qui n'existait pas jusque-là entre les journalistes de la rédaction nationale et les journalistes des stations ultramarines. Il faut bien voir que France Télévisions est une entreprise qui s'est construite par fusion de plusieurs entreprises : France 2, puis France 3, puis RFO. En réalité, la greffe, d'une certaine manière, n'a jamais vraiment été réalisée. Et cet ostracisme à l'égard des sujets ultramarins comme des sujets régionaux, que l'on peut légitimement ressentir, est un peu la maladie endémique de cette maison. Ce manque de confiance que nous essayons de corriger a toujours existé et pas seulement entre les rédactions nationales et les outre-mer. Dans tous les secteurs de la maison, nous sommes dans une configuration de silos qui ne communiquent pas.

Vous preniez comme exemple, madame la sénatrice, le fait que l'on n'annonce pas les programmes de France Ô depuis les autres chaînes. Cette annonce qui précède la première partie de soirée a été un combat incroyable, pour France Ô comme les autres. Cela est très récent : il était inimaginable il y a encore quelques temps que France 2 annonce les programmes d'une autre chaîne. C'est cette transversalité, le fait de sentir que nous oeuvrons pour le même objectif que nous sommes en train de construire dans l'ensemble de cette maison.

Vous le disiez, nous ne restituions pas assez bien l'information. C'est vrai, je ne peux pas dire autre chose. C'est pour cela que nous avons commencé à mesurer et que nous allons continuer afin d'objectiver. La mesure ne fait pas tout : on voit bien qu'à l'occasion d'une catastrophe naturelle on peut avoir beaucoup de sujets et cela ne répond pas à l'objectif qui est de parler des outre-mer en dehors des grands événements. Vous citiez Maryse Condé : c'est vrai que l'on n'en a peut-être pas parlé dans le journal mais François Bunuel l'a interviewée dans la seule émission sur les livres en Europe, en première partie de soirée, dans « La grande librairie ». Ce n'est pas parfait, mais ce n'est pas rien non plus... Cela est venu en plus de la soirée spéciale sur France Ô.

Vous m'interrogiez sur les aspects financiers. France Ô coûte aujourd'hui 25 millions d'euros, dont 10 millions qui sont en réalité partagés avec les stations ultramarines. Quand nous disons que nous maintenons les 10 millions d'euros, il s'agit de cette partie dédiée aux coproductions avec les chaînes ultramarines. Nous allons investir sur le numérique 15 millions. Cette somme est très réduite au regard des efforts demandés à l'entreprise. Ce que je veux dire par là, c'est qu'au fond, ce n'est pas l'arrêt de France 4 ni de France Ô qui va régler la question des efforts nécessaires de l'entreprise pour rentrer dans l'épure budgétaire.

Pour ce qui est du fond, il m'appartient de mettre en musique ce que l'État actionnaire a décidé, mais il y a aussi ce que je vois dans les autres pays européens. J'ai pris depuis le 1er janvier des responsabilités au sein de l'Union européenne de radio (UER) et cela me donne une ouverture sur ce qu'il se passe dans les autres services publics européens et me permet de voir comment ceux-ci ont évolué et sont parfois « en avance » sur nous mais au mauvais sens du terme. Je prends l'exemple des pays du nord de l'Europe : le premier média en Suède est Netflix, loin devant la SVT qui est pourtant une télévision publique plébiscitée par ses citoyens. Il en va de même en Norvège : l'entreprise préférée des Norvégiens est leur télévision publique et, pourtant, elle est de plus en plus bousculée par les plateformes américaines. C'est un phénomène qui dépasse les services publics. Toutes ces entreprises - et nous le sommes aussi - sont obligées de faire des choix drastiques sur leurs chaînes traditionnelles qui vont être amenées pour certaines d'entre elles à disparaître afin de pouvoir investir sur le numérique. C'est un phénomène qui n'est pas proprement français. Tout le monde s'interroge : quand nous avons demandé à la patronne de la télévision suédoise combien de chaînes de télévision il lui resterait, elle considérait qu'une seule avait un avenir certain.

Cela n'est pas forcément négatif mais prend acte du fait que de plus en plus de gens - les jeunes, c'est certain, mais pas que les jeunes - considèrent qu'ils ont le choix entre une télévision publique programmée à heure fixe et un catalogue exceptionnel de programmes - Netflix, Amazon Prime video, demain des offres chinoises - ; ils arbitrent entre ces choix et vont de plus en plus vers les programmes américains. On peut considérer que, si c'est au bénéfice des consommateurs et téléspectateurs, tant mieux... Mais il y a un problème : si demain il n'y a plus que des programmes américains et chinois regardés par nos concitoyens, serons-nous encore complètement français ? Il y a un besoin de soutenir et maintenir cette culture française.

Je comprends que vous puissiez trouver cette décision difficile mais, sans parler de France Ô ou France 4 en particulier, la réduction du nombre de chaînes en linéaire pour pouvoir avoir les moyens d'investir sur le numérique se voit partout en Europe. Je pense que c'est une nécessité car notre financement baisse et que nous devons nous adapter aux nouveaux usages.

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Magras

Nous comprenons la nécessité de moderniser. En vous écoutant, on peut garder l'espoir que le futur cahier des charges sera mieux respecté, mieux contrôlé, mieux évalué et, sans doute les parlementaires ont-ils à ce titre un rôle à jouer.

Debut de section - PermalienPhoto de Maurice Antiste

Intéressons-nous une fois encore aux cahiers des charges.

On nous dit, et M. Donnat encore hier, qu'il suffirait que des exigences claires soient formulées dans votre cahier des charges.

Prenons le cahier des charges de France Télévisions. Il y est prévu qu'un « bulletin d'information sur l'outre-mer est programmé en semaine sur l'antenne de France 3, à une heure d'écoute appropriée ».

Pourtant, je crois que le « journal de l'outre-mer » a disparu des grilles de France 3 depuis 2015.

Madame la présidente, le cahier des charges que je cite est toujours bien en vigueur, clair et précis : est-il pour autant respecté ?

Aussi, on nous dit que les programmes ultramarins feront demain plus d'audience sur les grandes chaînes qu'actuellement sur France Ô : mais pourquoi donc avoir supprimé le « journal de l'outre-mer » de la tranche d'information de la mi-journée sur France 3, tranche d'audience très favorable ?

Des exigences existent, nous vous en avons cité plusieurs, dans le cahier des charges de France Télévisions. Le régulateur qu'est le Conseil supérieur de l'audiovisuel (CSA) vous a-t-il fait des observations au sujet du respect de celles-ci ? A-t-il relevé la disparition du « journal de l'outre-mer » sur France 3 ?

Debut de section - PermalienPhoto de Jocelyne Guidez

Nous le disions à M. Riester jeudi dernier, les formules se sont succédé et accumulées dans les lois et cahiers des charges pour que les grandes chaînes publiques accèdent au respect d'un aspect de leur mission de service public, à savoir la visibilité de ces territoires de la République que sont les outre-mer.

Le constat est pourtant bien là et nous connaissons la très faible présence des programmes ultramarins sur les grandes chaîne publiques, encore plus aux heures de grande écoute, et nous prenions à l'instant l'exemple de France 3 sur l'information.

Ce constat, madame la présidente, aboutit à une conclusion pessimiste : comment, madame la présidente, peut-on avoir confiance dans le respect futur d'exigences qui en plus de 20 ans n'ont jamais été satisfaites... ? Comment avoir confiance en la solution avancée d'éventuels indicateurs qui apparaissent comme autant de totems dont les garanties apportées sont plus qu'incertaines ?

Surtout, comment, si nous ne pouvons pas aujourd'hui avoir confiance dans le respect du cahier des charges, les citoyens peuvent-ils avoir confiance en l'audiovisuel public pour les représenter, pour leur ressembler ?

Si les formules se sont succédé, je le disais, cette exigence ne devrait même pas avoir à être inscrite dans des textes normatifs contraignants : il en va de la mission du service public.

Aussi, ma question est simple, madame la présidente : que faut-il que nous écrivions dans la loi, que faut-il que le Gouvernement écrive dans les cahiers des charges pour qu'enfin les chaînes publiques s'astreignent à respecter cette mission fondamentale de représentation de la société française et de l'ensemble des territoires ?

L'audiovisuel doit pouvoir s'émanciper du diktat des audiences, mais c'est pourtant aussi beaucoup sur les audiences que France Ô est attaquée.

De fait, les grandes chaînes sont soumises à certains impératifs. Que ferez-vous demain si les programmes que l'on nous annonce dédiés aux outre-mer - un soir par mois nous dit-on - réalisent des audiences inférieures à la moyenne ?

Debut de section - PermalienPhoto de Sylvie Robert

Je vais vous demander de vous abstraire de vos contraintes financières, techniques, de l'audimat... J'ai posé une question analogue au ministre de la culture sur la notion, dense, de visibilité. Madame la présidente, quels sont les facteurs de réussite de cette visibilité et que recouvre pour vous ce terme ? Comment l'évalue-t-on ? Que représente pour vous la visibilité des outre-mer dans une chaîne de service public ?

Debut de section - Permalien
Delphine Ernotte-Cunci, présidente de France Télévisions

Vous venez de citer une obligation du cahier des charges qui n'est pas satisfaite, à savoir le bulletin d'information de France 3. Sachez que quand je suis arrivée en fonction, ce bulletin n'existait pas. Peut-être qu'il n'a jamais existé... en tout cas il n'existait pas en 2015. Pour autant, et ce n'est pas non plus dans le cahier des charges, aucune obligation ne nous a été faite de réaliser trois bulletins d'information par jour sur France info et, pourtant, nous l'avons fait ! Je comprends que vous comptiez les points négatifs mais je vous demande, pour être équilibrés, de compter les points positifs. Nous l'avons fait ici, quand personne ne nous l'avait demandé : c'est bien parce que nous sommes conscients de la nécessité de renforcer la visibilité des outre-mer et que nous considérions - comme nous avons un travail approfondi avec les régions hexagonales - qu'il fallait avoir une information sur la nouvelle chaîne d'information publique. Cela ne répond pas à votre question sur le respect du cahier des charges mais répond aux conditions de la visibilité.

Nous avons énormément d'indicateurs de suivi par le CSA dans le cahier des charges, dans le COM : tellement que je serais incapable de vous en dresser une liste précise et exhaustive. Je pense qu'une des conditions est de changer un peu les choses : il faut être dans l'esprit et non dans la lettre. La visibilité n'est pas de faire un bulletin tous les jours. La visibilité, c'est considérer que les territoires ultramarins appartiennent à la France comme n'importe quel autre de ses territoires. Il s'agit donc, quand on aborde un sujet - par exemple sur les grandes métropoles - de ne pas oublier les métropoles d'outre-mer.

Le second sujet est presque à l'opposé. Il s'agit de voir que certains territoires d'outre-mer sont aux avant-postes sur certains sujets qui, à plus ou moins long terme, vont nous concerner. Ainsi, par exemple Mayotte, avec une immigration que l'on ne sait pas forcément contrôler : qu'est-ce que cela provoque dans la population, quelle est la réaction de l'État, que peut-on faire ? On sait que ce sujet pourrait concerner d'autres territoires dans le monde. Savoir comment on fait ici peut servir d'enseignement pour d'autres territoires.

C'est à la fois une forme de normalisation mais aussi l'idée qu'il se passe des choses très fortes en outre-mer ce qui pousse à se demander comment on peut faire en sorte que celles-ci nous enrichissent tous. On peut compter le nombre de sujets dans l'information mais ce qui importe est que les journalistes se sentent un peu ultramarins, qu'ils conversent avec leurs collègues, qu'ils se sentent proches de nos concitoyens ultramarins. Ce n'est pas vrai que pour les outre-mer : nous avons la même problématique avec les zones rurales ou les marges de la République. Il faut être en prise, sentir et être proche de ceux pour lesquels on travaille tous les jours. L'humain est la condition la plus importante et cela ne se décrète pas avec des indicateurs : il faut du travail, du temps, de la confiance. Tant que nous en serons à nous dire que France Télévisions fait cela sous la contrainte - et ce n'est pas le cas aujourd'hui - nous nous tromperons de combat.

Il faut utiliser les vrais leviers pour faire bouger l'ensemble de la maison, pour intéresser et créer des passerelles. Quand on parle du sujet calédonien récent : pour la première fois des journalistes de la rédaction nationale ont fait confiance à leurs collègues de Nouvelle-Calédonie. Les journalistes de France 2 sont allés se présenter à la station de Nouméa à leur arrivée, les sujets ont été montés par les techniciens de Nouméa. Il y a eu une démarche collective de travail en commun et cela laisse des traces. La prochaine fois qu'il y aura un sujet à traiter en Nouvelle-Calédonie, le réflexe d'appeler le collègue local pour le solliciter sur des éclaircissements ou pour la réalisation interviendra. C'est ce travail, cette dimension humaine qui, à mon avis, est indispensable pour réussir le pari que nous faisons là, celui de la visibilité, dans les deux sens.

Je prends un autre exemple : la présence de Wallès Kotra au comité exécutif ; je l'ai évoqué il y a quelques semaines devant les députés. Nous avons eu le cas d'une intervenante voilée sur un plateau et la question de son admission sur un plateau de France Télévisions suscitait des interrogations et des débats jusqu'à ce que Wallès Kotra nous rappelle qu'il y a en France un territoire musulman, Mayotte, et nous explique comment la question avait été réglée là-bas ; nous avons ensuite décidé d'appliquer ce qui avait été fait à Mayotte. Quand nous aurons acquis ce réflexe de regarder ce qu'il se passe ailleurs, nous aurons gagné.

Je laisse Francis Donnat vous répondre sur le regard du CSA sur l'exercice de nos missions.

Debut de section - Permalien
Francis Donnat, secrétaire général de France Télévisions

Je me permets de préciser deux éléments. Premièrement, non, le CSA ne nous a jamais fait d'observation au sujet de la disposition du cahier des charges qui prévoit un bulletin d'information ultramarin sur France 3. Le cahier des charges, qui est un décret, mériterait d'être actualisé et purgé de mentions obsolètes. Ainsi la mention de RFO a-t-elle été nettoyée il y a deux ans à peine.

Le second point sur lequel je souhaite revenir porte sur notre rapport d'exécution annuel des charges qui pèsent sur France Télévisions. Le CSA a rendu à la fin de l'année un avis qui donnait un satisfecit global sur l'ensemble de nos obligations. Cet avis du CSA a été présenté à notre conseil d'administration qui l'a validé. Je rappelle que siègent dans ce conseil d'administration à la fois des personnalités représentant l'État, des personnalités qualifiées désignées par le CSA, un représentant du Sénat et un de l'Assemblée nationale.

Debut de section - PermalienPhoto de Maurice Antiste

Quel est votre calendrier pour mener cette réforme ?

Aussi, quelles sont vos exigences à l'égard du pôle outre-mer, de ses moyens et, surtout, de ses équipes dont le travail au service de l'information et de la production de contenus sur nos territoires est plus que reconnu ?

Nous entendons de fortes inquiétudes sur le devenir du pôle outre-mer de France Télévisions. Que restera-t-il de ce pôle après la réforme ? Combien de personnels ont selon vous leurs postes menacés du fait de l'arrêt de France Ô sur la TNT ? Que va devenir très concrètement le site de Malakoff ?

Comment se répartit l'enveloppe consacrée à la production au sein de France Télévisions ? Comment garantir à l'avenir des productions dédiées aux outre-mer ? Comment assurer une répartition entre projets locaux et projets nationaux pour les outre-mer ?

Pouvez-vous nous assurer que l'enveloppe actuellement consacrée aux productions ultramarines sera - au moins - sanctuarisée ? Quels obstacles voyez-vous, dans la suppression de France Ô de la TNT, pour le recours aux subventions du Centre national du cinéma et de l'image animée (CNC), par exemple ?

Debut de section - PermalienPhoto de Jocelyne Guidez

Lorsque nous parlons de « suppression de France Ô » on nous répond « transformation » et « bascule numérique ».

Ce schéma de « bascule d'une chaîne hertzienne en plateforme de contenus en ligne » relève-t-il d'une vision avant-gardiste ? Le passage radical d'un support à un autre ne risque-t-il pas d'occasionner un trou d'air ?

Comment prenez-vous en compte le fait que, dans de nombreux territoires, l'accès à internet est parfois inexistant sur des régions entières ? Quels obstacles voyez-vous en termes de droits de diffusion ?

Le Gouvernement annonce une « plateforme numérique » qui proposerait des contenus en ligne et une création renforcée. Quel bilan tirez-vous de l'offre en ligne actuellement disponible ? Quelles sont aujourd'hui les audiences des programmes disponibles en vidéo à la demande ? Qu'attendez-vous de la future offre ?

Debut de section - Permalien
Delphine Ernotte-Cunci, présidente de France Télévisions

Sur le calendrier, je rappelle que la demande du Gouvernement est la fermeture des canaux hertziens en 2020. Nous avons travaillé avec les équipes sur cette question. Nous avons des calendriers qui sont plus proches des calendriers scolaires - septembre à septembre - que des calendriers administratifs calés sur l'année civile. Nous avons donc pensé qu'il serait préférable de fermer non au 1er janvier 2020 mais à la pause estivale pour enclencher une rentrée télévisuelle différente en 2020. Pour France 4 comme pour France Ô le calendrier est celui d'une extinction du canal hertzien mi-2020. C'est pourquoi nous mettons tous nos efforts sur l'amélioration de l'offre numérique en 2019 pour avoir le temps d'un recouvrement nécessaire entre l'offre linéaire traditionnelle et l'offre numérique et pouvoir faire monter en puissance l'offre numérique.

Concernant Malakoff, je connais l'inquiétude particulière des salariés. Ce que je voudrais dire en préambule, c'est que ces salariés sont des salariés de France Télévisions : il n'y a pas d'autre structure juridique au sein de notre maison - à part nos succursales. Il n'y aura pas plan social à Malakoff. En revanche, je suis en train de préparer une rupture conventionnelle collective qui ouvrira une capacité de départ volontaire à tous les salariés de cette maison, ceux de Malakoff comme ceux de Vanves. Nous aurons évidemment une attention particulière quand il s'agira par exemple de constituer le pôle programmes ultramarins : nous nous tournerons évidemment vers Malakoff car c'est là que réside aujourd'hui la compétence ultramarine.

Concernant le site même, nous n'avons pas prévu de changement. Il y a cependant des tas de sites que nous vendons pour améliorer nos finances : pour l'instant Malakoff n'en fait pas partie ; peut-être en sera-t-il autrement un jour, et ce pour des raisons d'économies sur l'immobilier. Nous essayons de rassembler au maximum les gens sur le site central à Paris, la maison de France Télévisions.

Sur la production dédiée, comment peut-on la garantir ? Cela est audité extrêmement précisément par les instances qui nous surveillent, le CSA, la commission des affaires culturelles de l'Assemblée nationale, la commission de la culture du Sénat et le conseil d'administration qui a à connaître par le menu de tous les investissements en création. Par ailleurs, en matière de production, nous avons un sous-comité des engagements, émanation du conseil d'administration qui valide ou non les projets d'investissements conséquents. Tout cela est extrêmement transparent, il n'y a aucun mystère dans la manière dont nous dépensons l'argent en programmes au sein de France Télévisions.

Concernant la production dédiée et l'appel aux financements du CNC, dans la mesure où il n'y aura plus forcément de canal hertzien traditionnel associé aux productions ultramarines, c'est un sujet que nous n'avons pas encore traité. Il faudra que nous l'abordions avec le CNC pour essayer de trouver une solution. Il est vrai que cela peut être un problème pour certains producteurs ultramarins.

Sur les chiffres de rattrapage numérique, nous ne les avons pas ici mais pouvons vous les faire parvenir.

Debut de section - PermalienPhoto de Stéphane Artano

Je vous remercie pour vos explications et pour le document communiqué. Concernant le CNC, j'avais posé la question au ministre de la culture mais n'ai pas obtenu de réponse. Basculer du hertzien au numérique, cela coupe l'accès au CNC. Cela posera des difficultés aux producteurs ultramarins mais aussi à la chaîne par ricochet car cela veut dire qu'il n'y a plus de production audiovisuelle : vous ajoutez une difficulté financière à des productions qui peuvent connaître déjà des problèmes techniques.

J'ai par ailleurs une crainte. La ligne éditoriale des chaînes La 1ère peut être différente de celle de France Ô : il y a des productions audiovisuelles locales qui ne trouvent pas leur place dans la grille de France Ô. On peut avoir le même problème des productions locales des stations La 1ère vers les antennes nationales de France Télévisions. L'intérêt des productions audiovisuelles locales n'est pas de tourner en boucle sur nos antennes locales mais bien de rayonner en dehors des territoires. L'ambition des chaînes n'est pas seulement d'être sur le numérique mais d'être aussi sur le hertzien.

Il y a pour moi un vrai sujet sur l'avenir de la production audiovisuelle mais aussi sur la ligne éditoriale. C'est le Gouvernement qui va fixer la ligne de conduite. Quel est son l'objectif : veut-on éduquer ? Distraire ? J'ai bien conscience des quatre chantiers que vous avez évoqués et que M. Donnat a évoqués l'an dernier à l'occasion d'une table ronde organisée par M. Riester alors député. J'ai l'impression que l'on parle des moyens avant de parler de la ligne éditoriale et que l'on procède à l'envers. Nous avons peu de visibilité.

Quelle va être la place des programmes créateurs de liens, comme « Les Témoins d'outre-mer (LTOM) » ? Ces programmes ont également un objectif de reconnaissance.

En toute humilité vous avez admis que, sur l'aspect promotion de l'ergonomie, il y avait un travail à faire. C'est vrai et on peut sans doute s'inspirer d'Arte, dont l'application que j'utilise est très bien faite. L'application france.tv de France Télévisions est parfois plus compliquée, il y a mieux à faire en termes d'ergonomie sur le numérique et il y a là un enjeu d'efficience et d'efficacité, notamment pour les programmes ultramarins, même si la question se pose dans les mêmes termes en global, pour toutes les régions.

L'humain est, vous le disiez tout à l'heure, la condition la plus importante. Je siège à la commission des affaires sociales et j'ai une préoccupation qui est l'accompagnement à la transformation. Vous l'avez rappelé dans une interview récente que vous avez réduit les effectifs de plus de 800 ETP depuis 2012. On vous prescrit une baisse de 1 000 aujourd'hui avec 400 millions d'euros d'effort financier.

Mon inquiétude est l'accompagnement des équipes sur le terrain dans cette transformation, notamment dans les stations locales qui sont souvent contraintes.

Vous indiquez maintenir les 10 millions d'euros pour la production : cela veut dire qu'on ne pourra pas faire plus qu'aujourd'hui. Peut-être fera-t-on différemment, me direz-vous. Je suis inquiet pour les stations. À Saint-Pierre-et-Miquelon, l'heure du journal télévisé a été modifiée d'une demi-heure. Personne ne nous l'a dit, mais beaucoup pensent que cela est dû à des considérations financières. On se pose des questions sur les capacités des stations locales et ce qui est vrai dans mon territoire doit être vrai ailleurs.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Leleux

Je n'entrerai pas maintenant dans le fond des questions. Vous le savez, la commission de la culture suit de manière permanente l'évolution de l'audiovisuel en général et de l'audiovisuel public en particulier, dans la perspective d'une réforme annoncée sur laquelle nous avons quelques bribes d'information.

Nous sommes attentifs et vigilants à la commission de la culture sur l'identification de tout le monde dans le service public. Chacun doit pouvoir se reconnaître : c'est le cas dans les différentes catégories sociales mais aussi d'un point de vue territorial. La présence des outre-mer dans le service public est donc évidemment une exigence. Comment la rendre pratique et concrète ? C'est un sujet. La situation actuelle ne semble pas la meilleure en termes d'audiences et de représentativité de la diversité. C'est pour cela que nous sommes intéressés par le prisme retenu par la délégation aux outre-mer pour observer cette situation de manière à enrichir nos propres réflexions sur l'ensemble de la réforme qui portera un grand nombre de sujets.

Nous sommes très attentifs au fait que les ultramarins se reconnaissent dans le service public, qu'ils y soient présents tout comme les autres territoires, que ce soit avec l'accent marseillais ou l'accent du Nord. Tout le monde doit s'y retrouver. Nous serons attentifs aux résultats de ces travaux et je vous remercie, madame la présidente, de présenter les idées en cours de réflexion en ce qui concerne les outre-mer.

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Magras

La délégation et la commission ont des missions distinctes et chacune tient son rôle.

Debut de section - PermalienPhoto de Antoine Karam

Avec 42 ans de mandat politique, j'ai appris à ne plus être candide : nous assistons à la lutte du pot de terre contre le pot de fer. Par philosophie, je défends toujours l'humain. Des centaines d'agents sont concernés. Vous nous avez donné quelques assurances. Sachant que nous devions nous rencontrer aujourd'hui, j'ai reçu des appels de syndicats qui attendent des garanties pour les personnels.

Je viens d'accompagner un mouvement de grève de 42 jours en Guyane sur la transformation d'un hôpital. Entre ce que l'on annonce et le résultat, il y a toujours un décalage.

Donnez des assurances aux personnels concernés pour que l'on ne se retrouve pas une nouvelle fois dans la rue.

Debut de section - PermalienPhoto de Victorin Lurel

Je commencerai par vous dire que j'ai peut-être un autre prisme que la délégation, même si je partage et appuie ce qui est en cours, à savoir se placer déjà dans quelque chose de l'ordre du fait accompli, à savoir la disparition prochaine de France Ô. J'avoue avoir du mal à l'accepter.

Je ne crois pas du tout à l'orientation qui a été prise ni à son efficacité, je l'ai dit et le redis ici. Et ce d'autant plus qu'un débat national est ouvert où le Président de la République sollicite les propositions et une vision nouvelle : j'espère que mes compatriotes diront qu'ils veulent conserver France Ô, même avec un petit budget de 25 millions d'euros pour 0,8 % d'audience, ce qui n'est pas moins, au demeurant, que France info.

Je me situe un peu en amont du fait accompli que nous sommes collectivement en train de ratifier et me demande comment, techniquement, améliorer l'offre télévisuelle qui sera faite aux outre-mer. J'estime qu'elle ne sera pas bonne, quel que soit le talent et le dévouement que vous y mettrez : le compte n'y sera pas, je le dis clairement.

Par exemple, sur la TNT, ce décrochage dont nous savons qu'en Europe les expériences n'ont pas été concluantes, la BBC le montre. Nous ne sommes pas correctement reliés au haut débit outre-mer. Sauf déjà à accepter le fait accompli que France Ô ne sera plus captée outre-mer. Le haut débit n'arrivera qu'en 2022 au mieux. On sait que la plupart des plans de financement de l'installation du haut débit et de la fibre optique n'est pas bouclée outre-mer, au point que l'on vient de donner 50 millions à la Martinique, autant peut-être pour la Guyane et l'arrière-pays guyanais : cela ne va pas arriver tout de suite.

France Télévisions n'a pas éprouvé le besoin de faire en sorte que Public Sénat soit captée outre-mer dans le bouquet gratuit. On nous a dit qu'il fallait 1 à 2 millions d'euros pour financer cela : personne ne l'a pris en compte au nom de la visibilité.

Ces situations vont persister. Aussi, si je souscris à l'exercice qui est fait ici, j'en connais les limites.

Enfin, on vous demande de faire des efforts, d'abord environ 50 millions d'euros d'économies, puis 400 millions d'euros dont 160 en baisses de dotations publiques et, dans le même temps, on vous demande d'investir 420 millions d'euros, de ne pas baisser la garde. Vous n'y arriverez pas. Pour le faire, vous allez supprimer 2 000 emplois dont 1 000 nets.

Bien sûr, Malakoff appartient à France Télévisions. Lorsque je vous avais entendue avec notre collègue Catherine Troendlé, vous nous aviez dit que la suppression de Malakoff n'était pas dans votre feuille de route. Madame la présidente, pouvez-me garantir que le siège de Malakoff ne sera pas vendu ? J'entends des choses contraires. Pouvez-vous m'assurer que pour financer l'installation de la cité du cinéma dans la plaine de Saint-Denis la vente de Malakoff ne sera pas un apport ? C'est peut-être ici une rumeur dont je me fais le porte-parole mais j'ai entendu cela de vos syndicats. Pouvez-vous nous garantir ici, devant la délégation, qu'au-delà des redéploiements internes le siège de Malakoff, cette visibilité physique, sera conservé ?

La visibilité réside aussi dans la présence de journalistes ultramarins à France Télévisions. Dans les séries, les documentaires, les émissions aujourd'hui, je ne vois aucun ultramarin en prime time : en Angleterre cela est différent. On a du mal dans le traitement de l'information à reconnaître les nôtres, qui ont pourtant fait de bonnes études. Peut-on avoir cette garantie de votre part dans le cadre de cette réforme ?

Peut-on dire ici que la délégation, à la faveur du débat national, demande que France Ô soit maintenue - certes revue et corrigée, avec une transformation vers un média global avec les chaînes La 1ère ? Je ne comprends pas le redéploiement proposé qui est une usine à gaz. On va nous vanter le numérique comme mode idéal de la diffusion et, d'ici quelques temps, on nous fera des rapports sur des progressions peu crédibles relatives au nombre de clics. Je suis très sceptique sur la pertinence de l'exercice qui nous est vendu là.

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Magras

Pour rassurer Victorin Lurel, nous sommes au début de l'instruction de cette étude et aucune conclusion n'est pour le moment établie. Nous partons cependant des orientations annoncées pour conduire nos travaux.

Debut de section - Permalien
Delphine Ernotte-Cunci, présidente de France Télévisions

Sur le CNC, il y a effectivement un sujet. Cependant, le CNC suit également la révolution numérique puisqu'il a prévu un budget d'accompagnement des productions nativement numériques. On est ici dans un entre-deux et c'est pour cela que nous devons en parler. Il peut y avoir des modifications des règles de financements pour suivre ces évolutions. Je suis assez confiante sur le fait que nous puissions en débattre avec eux et trouver des solutions.

Concernant la production locale et la production nationale, je tiens à préciser que les 10 millions sanctuarisés sont essentiellement pour les productions locales : il y a en plus des productions nationales pour les antennes de France Télévisions financées par des budgets classiques.

Debut de section - Permalien
Walles Kotra, directeur du pôle outre-mer à France Télévisions

Nous pouvons prendre l'exemple du documentaire. Nous essayons d'ouvrir des cases dans chacune des stations et, en plus, d'avoir une case documentaire outre-mer sur chacune des chaînes France 2, France 3 et France 5. C'est important pour les producteurs. Tous les documentaires produits par les stations seront ensuite disponibles sur france.tv : il s'agit ici d'un écosystème.

Debut de section - Permalien
Delphine Ernotte-Cunci, présidente de France Télévisions

Je voudrais revenir sur une question à laquelle je n'ai pas répondu tout à l'heure et qui fait écho à ce que disait Victorin Lurel. Il faut certes sortir du diktat de l'audience à tout prix. Mais il est impensable d'entretenir une chaîne de télévision publique regardée par moins de 2 % des Français. On ne peut pas consacrer autant d'argent à travers la redevance, lever autant d'impôt, pour ne concerner que 2 % des Français. Je ne parle pas ici des stations ultramarines dont les audiences sont très bonnes et dont nous sommes très fiers. Quant à France info, on ne peut pas comparer France Ô à cette chaîne qui a seulement deux ans et dont les audiences progressent. L'audience de France Ô n'atteint d'ailleurs plus 0,8 %, elle a encore baissé, mais nous ne sommes pas là pour une bataille de chiffres.

Par ailleurs, nous ne faisons pas la course à l'audience. Quand le jeudi soir nous avons un magazine d'information comme sur le glyphosate la semaine dernière, ce n'est pas pour faire de l'audience. Quand nous avons sur France 3 l'autre jour un documentaire sur les enfants placés, qui a fait beaucoup parler, ce n'est pas une formidable audience. Quand on relance « Le grand échiquier » - il y a eu 2 millions de téléspectateurs - on est très content avec ce chiffre mais on est très en deçà des barèmes de la chaîne : peu importe. Je pense que ce n'est ni le diktat de l'audience - et nous savons délibérément sur certains sujets que nous n'atteindrons pas les standards de la chaîne, mais ce n'est pas grave à condition que ce soient des sujets de service public -, mais, en même temps, on ne peut pas dire que l'on fasse fi de l'audience moyenne. Si l'on ne parle à personne, nous n'avons plus d'utilité. Ce qui justifie l'utilité sociale du service, ce sont ceux qui nous regardent, soit sur la télévision soit sur le numérique.

Nous sommes par ailleurs entrés dans un monde où nous ne sommes plus obligatoires. On raisonne parfois encore en se disant qu'en mettant un programme sur une chaîne il sera regardé : non. Les gens hésitent aujourd'hui entre la télévision, les réseaux sociaux, Netflix, Youtube, Amazon Prime. Ils ne sont plus tributaires de ce qu'il se passe à la télévision comme autrefois quand nous avions une, deux ou trois chaînes. Nous sommes dans un monde totalement concurrentiel. La part de temps que nous occupons dans l'imaginaire et dans la vie de nos concitoyens est là très importante.

La question des taux d'audience ne doit pas être omniprésente mais il faut un public. Nous allons sans doute changer les critères : l'audience instantanée ne veut pas dire grand chose, nous regardons ce que nous appelons la couverture. Il faut savoir qui l'on atteint en France chaque semaine par catégorie de population, par exemple les jeunes. On touche aujourd'hui 70 % de téléspectateurs toutes les semaines, 90 % tous les mois, 50 % tous les jours. Comment arrive-t-on à progresser ? Comment peut-on s'assurer que l'on touche autant les 15-25 ans que les 65-80 ans ? Cela nous préoccupe beaucoup : c'est le fondement de notre légitimité.

Le fait que l'audience de France info baisse est un sujet et cela veut dire que ce n'est peut-être pas le bon moyen de s'adresser aux jeunes notamment. C'est vrai pour France info, c'est vrai sur les autres chaînes. C'est pour cela qu'il faut que nous investissions sur le numérique. Ce n'est pas simplement parce que c'est la mode.

Vous parliez de la ligne éditoriale, qui est essentielle évidemment. Ce que nous disons, c'est que puisque nous avons changé d'univers, puisque nous ne sommes plus dans un monde où l'on émet et où l'on est regardé car il n'y a pas le choix, il faut répondre aux attentes des téléspectateurs. C'est la raison pour laquelle nous avons lancé cette grande enquête. Que nous disent-ils ? L'information est très importante, avec une demande de lutte contre les fake news. La culture, au sens de connaissance, est importante sur le service public, avec du documentaire historique, sérieux, d'actualité. Le divertissement, il faut être lucide : la télévision reste un divertissement nécessaire. La fiction, enfin, la fiction française en particulier recueille l'adhésion du plus grand nombre et on le voit à la fois sur les chaînes linéaires et sur le numérique.

La ligne éditoriale doit être assez complète : il ne s'agit pas d'exclure un genre mais de voir plutôt la façon de concevoir ce genre. Sur le service public, que ce soit un jeu, un divertissement, une fiction ou un documentaire, il faut apprendre quelque chose. Il ne faut pas bannir un genre réputé moins noble, il faut une manière de l'exercer qui doit être la spécificité du service public.

Nous avons néanmoins renforcé la culture et la connaissance sur nos chaînes. J'évoquais de grands sujets et documentaires, comme « L'histoire d'une nation », qui ne sont pas des programmes qui feront des dizaines de millions de téléspectateurs mais qui sont des programmes importants, utilisés ensuite par les collèges et les lycées ; ils ont une deuxième vie grâce à l'éducation nationale et France TV éducation - nous faisons des master classes à partir de ces outils.

Il ne m'appartient pas en tant que présidente de France Télévisions de prendre les décisions sur ce que doit être la vision du service public. Il m'appartient en revanche de mettre en oeuvre de façon intelligente et de veiller à une bonne concordance entre les attentes et les moyens. Souvent, on ajoute des attentes et on enlève des moyens et là, je dois le dire, je pense que nous avons atteint une limite.

Vous en parliez, l'accompagnement des salariés est ma première préoccupation. Il ne s'agit pas des salariés qui vont partir - ce n'est que sur la base du volontariat - mais de ceux qui vont rester. Comment fait-on avec -20 % de salariés en 10 ans pour exercer nos métiers ? Peu d'entreprises publiques ont connu cela. Par chance, il y a une évolution technologique et des méthodes de travail qui font que l'on peut produire de manière beaucoup plus légère que par le passé : c'est cela qu'il faut que nous nous appropriions. Il y a par ailleurs une polycompétence qui existe ici ou là, notamment dans les stations ultramarines mais aussi sur France info ou sur la chaîne NOA, qu'il faut que nous partagions plus largement. Il y a enfin trop de fonctions supports et trop de management.

C'est avec ces trois conditions-là : qu'on embrasse les nouvelles technologies - que l'on numérise au maximum les processus pour simplifier -, que l'on installe de vrais parcours professionnalisant avec de la formation et des mobilités et enfin que l'on réduise tout ce qui est superfétatoire et permette d'avoir une organisation plus légère, plus réactive mais aussi plus responsabilisante. Cela n'est pas facile, surtout que nous avons 4 ans pour atteindre l'objectif, mais cela est faisable. Il faut en revanche une forme de pérennité dans l'action et une constance, pas de revirements tous les six mois. Une entreprise se pilote comme un paquebot. Il y a besoin aussi de discuter avec les salariés et organisations syndicales et il faut pouvoir compter sur un soutien de l'ensemble de la sphère publique, notre actionnaire, avec un cap qui ne varie pas afin de pouvoir avancer sereinement, sinon nous n'y arriverons pas.

Concernant Malakoff, j'apprends une rumeur sur la cité du cinéma... elle n'est pas arrivée jusqu'à moi. Il n'y a aucun projet à cet endroit et il n'y a aucun projet de fermeture de Malakoff, aucun.

Debut de section - PermalienPhoto de Victorin Lurel

Dans le cadre de ce redéploiement nous sommes très inquiets pour le personnel.

Debut de section - Permalien
Delphine Ernotte-Cunci, présidente de France Télévisions

Cela est évidemment compliqué pour les personnels de France Télévisions et je le comprends, nous en sommes soucieux avec Wallès Kotra. Ce sont pourtant des salariés de France Télévisions même s'ils se vivent encore différemment et pensent que la fermeture de France Ô conduit à celle de Malakoff. Il y a un pôle outre-mer très fort, ce sont les neuf stations ultramarines qui pèsent très lourd, 1 500 personnes sur les 9 500 aujourd'hui. La tête de réseau des stations reste à Malakoff. France Ô, sur Malakoff, cela est très peu : 50 personnes sur 300, je crois.

Debut de section - PermalienPhoto de Victorin Lurel

Vous nous avez déjà dit cela avant la réforme et avant les propos du président qui nous a traités d'archaïques, d'« anti-modernes » si nous ne suivions pas la sortie de la TNT. C'est vous qui êtes en charge et gérez cette feuille de route. Nous avons ici votre assurance que le siège de Malakoff n'est pas en cause.

Debut de section - Permalien
Delphine Ernotte-Cunci, présidente de France Télévisions

Oui.

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Magras

Les inquiétudes sont nombreuses. Les questions sur les personnels sont normales et il est nécessaire d'apporter des assurances et des réponses concrètes.

Je ne peux pas terminer cette audition sans rappeler notre regret de la manière dont ces orientations ont été prises et de la méthode qui a été celle du Gouvernement.

Je vous remercie pour les réponses que vous avez pu apporter aux questions des différents collègues.