Intervention de Gérald Darmanin

Réunion du 11 juillet 2019 à 14h30
Orientation des finances publiques règlement du budget et approbation des comptes de l'année 2018 — Débat puis discussion en procédure accélérée d'un projet de loi

Gérald Darmanin :

Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, comme l’an dernier, la discussion qui nous occupe aujourd’hui couvre à la fois le passé et l’avenir – c’est une différence avec le débat organisé à l’Assemblée nationale –, le passé, avec le projet de loi de règlement des comptes de l’année 2018, et l’avenir, avec le débat d’orientation des finances publiques. J’en suis d’autant plus heureux que les deux ne sont évidemment pas sans lien, le passé pouvant éclairer l’avenir. Le cycle budgétaire a d’ailleurs cela de rituel qu’il permet de traduire rapidement la volonté présidentielle et l’action du Gouvernement et de fournir, quelques mois après la nomination de celui-ci, un premier bilan.

Comme le prouve le projet de loi de règlement des comptes, ce bilan est favorable, puisqu’il démontre que nous avons financé nos premières mesures en faveur du pouvoir d’achat, tout en étant sérieux budgétairement et en maîtrisant la dépense publique.

Ces bons résultats ont été acquis grâce à une action déterminée du Gouvernement et des parlementaires qui ont bien voulu nous soutenir. Ils s’accompagnent d’une remise en ordre de nos comptes publics que le projet de loi de règlement met en évidence comme les deux derniers rapports de la Cour des comptes. Je note que le rapporteur général de la commission des finances du Sénat a également salué cette remise en ordre ; ses remarques sur la sincérité budgétaire sont d’autant plus importantes à mes yeux qu’il avait mis cet aspect en avant pour refuser le dernier budget du quinquennat précédent – la Cour des comptes a d’ailleurs souligné combien le Sénat avait eu raison au sujet de cette insincérité budgétaire.

Notre devoir est de consolider les acquis du début du quinquennat et de poursuivre le rétablissement de nos comptes pour préserver la souveraineté budgétaire de notre pays, dont la signature est, comme vous l’aurez constaté, unanimement reconnue sur les marchés.

Je suis certain que nous pourrons progresser de concert sur cette voie de la sincérité pour financer les très importantes baisses d’impôts annoncées par le Président de la République. Je dis « de concert », car je ne doute pas que ceux qui, dans l’opposition, s’inquiètent du financement de ces baisses d’impôts seront les premiers à les voter… Chacun doit être cohérent !

Mesdames, messieurs les sénateurs, nous sommes en train de vivre un moment très particulier de notre histoire budgétaire et économique. Le 18 juin – date chère à la plupart d’entre nous –, la France a emprunté à des taux négatifs.

Avec deux années successives sous la barre des 3 % de déficit, nous avons réussi à redresser nos comptes publics et à emprunter, dans le même espace monétaire, à des taux d’intérêt inférieurs de plus de deux points à ceux de certains pays comme l’Italie. Nous le devons notamment au fait que nos comptes sont sincères et que nos efforts de réforme méritent que la France ait des taux d’intérêt extrêmement bas. C’est en tout cas ce que pensent nos créanciers, dont plus de la moitié réside hors d’Europe et qui possèdent l’équivalent de 100 % de notre richesse nationale.

Depuis deux ans, le déficit est inférieur à 3 %, ce qui n’était jamais arrivé depuis dix ans. Comme le constate définitivement le projet de loi de règlement, le déficit des administrations publiques s’élève in fine à 2, 5 % contre un objectif de 2, 7 % dans le dernier projet de loi de finances, soit une différence de 4 milliards d’euros. Je me permets de rappeler qu’un déficit de 2, 5 % en 2018 intégrant celui du système ferroviaire – autre aspect de sincérité budgétaire –, c’est un point de moins que le déficit estimé par la Cour des comptes à l’arrivée du Gouvernement au milieu de l’année 2017 et c’est le meilleur résultat depuis 2006. C’est une amélioration de 20 milliards d’euros par rapport aux prévisions de la Cour.

Comme vous pouvez le constater, ce résultat est avant tout le fruit d’une meilleure maîtrise de la dépense publique qui a décru en volume en 2018 pour la première fois, mais aussi d’une budgétisation sincère et d’hypothèses macroéconomiques prudentes, comme l’ont souligné la Cour des comptes et le Haut Conseil des finances publiques. Le ratio de dépenses publiques rapportées au PIB est ainsi passé de 55 % à 54, 4 % entre 2017 et 2018. Voilà plus de trente ans que cela n’était pas arrivé !

Dans les faits, les résultats sont là, et ce quels que soient les acteurs de la dépense publique.

À l’échelon de l’État, le Gouvernement a strictement tenu, monsieur le rapporteur général, l’objectif de dépenses qu’il s’était fixé en loi de finances initiale, soit 425, 4 milliards d’euros, en dépit d’une révision à la hausse à la fois de la charge de la dette et de notre contribution au budget européen.

Sur la norme de dépenses pilotables, c’est-à-dire ce qui est « à la main » des ministères, l’État a même dépensé 1, 4 milliard d’euros de moins que l’objectif voté dans le budget pour 2018, ce qui explique en partie l’amélioration du déficit public.

Ces évolutions sont clairement en rupture avec les années passées, au cours desquelles la charge de la dette comme le budget européen étaient quasi systématiquement révisés à la baisse, ce qui facilitait l’exercice de bouclage du budget dans un contexte de dépassement budgétaire.

Dans la sphère sociale, l’objectif d’évolution des dépenses de l’assurance maladie a été respecté et la maîtrise des dépenses de santé a rendu possible, monsieur le rapporteur général de la commission des affaires sociales, le redéploiement de plus de 300 millions d’euros en faveur de l’hôpital. De fait, le redressement des comptes de la sécurité sociale s’est consolidé malgré le ralentissement conjoncturel du second semestre 2018 qui a pesé sur les recettes du régime général. Cela démontre qu’il est possible de tenir les comptes sociaux, désormais proches de l’équilibre – situation que la sécurité sociale n’a pas connue depuis 2001 –, tout en finançant les mesures de pouvoir d’achat en faveur des actifs.

Dans les collectivités territoriales, mesdames, messieurs les sénateurs, force est de constater que la contractualisation, tant décriée, était conforme à la Constitution et qu’elle a bien fonctionné. Les chiffres figurent dans le bilan détaillé demandé par le Parlement au Gouvernement en application de la dernière loi de programmation des finances publiques : en moyenne, les collectivités locales entrant dans le champ de cette contractualisation ont connu une diminution de leurs dépenses de fonctionnement bien supérieure à l’objectif de Cahors. Les plus grosses d’entre elles, environ 320, ont effectivement tenu leurs dépenses de fonctionnement, tout en investissant comme elles ne l’avaient jamais fait, même en tenant compte du cycle électoral.

Vous constaterez aussi que les autres collectivités sont restées proches de l’objectif national, si bien qu’en moyenne les résultats de l’année 2018 sont globalement favorables – l’évolution des dépenses de fonctionnement de l’ensemble des collectivités a nettement ralenti et a été contenue à 0, 3 %. L’investissement public est reparti à la hausse et la Cour des comptes a eu raison de souligner que la politique du Gouvernement a permis aux collectivités de s’engager de nouveau sur la voie de l’investissement.

Au-delà de la qualité des résultats budgétaires eux-mêmes, ce projet de loi de règlement témoigne également d’une gestion budgétaire plus apaisée et plus respectueuse de l’autorisation parlementaire. Sous le gouvernement précédent, le gel atteignait 8 % contre 3 % dorénavant ; le ministre de l’économie et des finances et moi-même proposerons de reconduire ce taux. Pour la première fois depuis l’application de la loi organique relative aux finances publiques, le Gouvernement n’a présenté aucun décret d’avance.

Pour autant, si nous devons nous réjouir de ces résultats, nous ne saurions nous en contenter, tant les défis qui nous attendent sont nombreux. Je vous rappelle en effet que nous aurons, en 2019, le déficit le plus élevé de l’Union européenne avec l’Italie et que la France devra continuer à fournir des efforts pour pouvoir être respectée dans le concert des nations compte tenu du déficit moyen constaté dans l’Union européenne.

Malgré ces bons résultats, la dette, que nous avons réussi à stabiliser – cela n’était pas arrivé depuis fort longtemps –, ne sera pas réduite de cinq points d’ici à 2022. Cependant, elle baissera bien d’ici à la fin du quinquennat.

Mesdames, messieurs les sénateurs, le message que nous aimerions vous délivrer à l’occasion de ce débat est triple : pragmatisme, détermination et constance.

Pragmatisme, car nous souhaitons maintenir les efforts budgétaires pour atteindre 2, 1 % de déficit public, soit une baisse de 1, 3 % en deux ans. Nous financerons l’intégralité des mesures annoncées par le Président de la République – elles sont toutes inscrites dans les documents budgétaires et il n’y a pas de mauvaise surprise à attendre.

Nous travaillons à la fois sur la diminution des dépenses fiscales et sociales inefficaces et sur celle des dépenses publiques. La logique est simple : au moment où la France réalise la plus grande baisse d’impôts, tant pour les ménages que pour les entreprises, qu’un gouvernement de la République n’ait jamais décidée, nous faisons également « la peau » – permettez-moi cette expression ! – à certains dispositifs dérogatoires.

Je pense notamment à la limitation de la déduction forfaitaire spécifique, DFS, une niche sociale qui date de 1930. La DFS vient artificiellement majorer les allégements généraux dont bénéficient les entreprises par rapport au droit commun. L’encadrement de cette majoration des allégements généraux par la DFS devrait représenter quelque 400 millions d’euros d’économies dès l’année prochaine. C’est aussi une mesure sociale ; je prends un exemple concret : elle permettra aux femmes qui sont en congé de maternité de percevoir un niveau d’indemnités plus élevé qu’aujourd’hui du fait du changement d’assiette des cotisations.

Un effort sera aussi nécessaire en matière de réduction des dépenses. Je tiens à souligner que celui-ci concernera toutes les sphères de la dépense publique : l’État, la sécurité sociale et les collectivités locales – les contrats dits de Cahors seront poursuivis.

Pour l’État, les plafonds qui vous sont présentés aujourd’hui témoignent, je le crois, de la crédibilité de l’engagement annoncé par le Premier ministre à cette tribune il y a quelques semaines. L’effort passera par la rationalisation des agences et des opérateurs.

Pour la sécurité sociale, nous tiendrons la maîtrise des dépenses sous Ondam – l’objectif national de dépenses d’assurance maladie. Je m’en suis récemment expliqué devant votre commission des affaires sociales.

Je sais, mesdames, messieurs les sénateurs, que les collectivités territoriales sauront prendre leur part de responsabilité dans cet effort, notamment les plus grandes d’entre elles – les communes plus rurales doivent avoir une plus grande liberté tant en investissement qu’en fonctionnement. Si vous me permettez de l’exprimer ainsi, il est assez légitime que les plus gros fassent le plus d’efforts !

Notre détermination à accélérer les réformes qui permettront à notre économie de se remettre en mouvement est intacte.

En ce qui concerne la réforme de la fiscalité locale qui est tant attendue, j’ai déjà eu l’occasion de m’exprimer sur plusieurs points. Le projet de loi de finances inclura la mesure permettant de supprimer la taxe d’habitation pour les 20 % des foyers les moins pauvres, ainsi que le remplacement durable de cette taxe par l’attribution aux communes de la taxe foncière et aux départements d’un impôt national. Je suis certain que le Sénat consacrera de longues heures de débat à ce sujet ! Cela serait légitime. Le Gouvernement entend appliquer cette réforme au 1er janvier 2021 – il me semble que le Parlement est d’accord avec ce calendrier –, ce qui nous permettra d’opérer les modifications qui seraient éventuellement nécessaires dans le courant de l’année 2020.

Nous devons également travailler sur les réformes très importantes déjà adoptées par le Parlement et sur celles à venir qui concernent la fonction publique, les retraites, l’assurance chômage, l’audiovisuel public.

Tout aussi intacte est notre détermination à rendre tangibles nos priorités, en les finançant.

Je pense notamment au renforcement sans précédent des moyens régaliens de l’État : ainsi, la loi de programmation militaire prévoit une augmentation de crédits de 1, 7 milliard d’euros par an, ce qui n’était jamais arrivé depuis la fin de la Guerre froide ; les recrutements de forces de sécurité – police et justice – sont inscrits conformément aux annonces du Président de la République.

Je pense également à la revalorisation des prestations sociales, à la suppression intégrale de la taxe d’habitation et à la baisse du taux de l’impôt sur les sociétés, mais aussi aux mesures d’urgence économique et sociale que le Sénat a bien voulu adopter.

Troisième maître mot : la constance.

Notre pragmatisme et notre détermination font preuve d’une constance indiscutable, puisque les deux objectifs principaux que nous nous sommes fixés sont maintenus : réduction de trois points du poids de la dépense publique dans le PIB pour financer la réduction d’un point de nos prélèvements obligatoires. Le ministre de l’économie et des finances et moi-même sommes fiers de présenter pour 2020 une diminution d’impôt de 27 milliards d’euros au bénéfice des ménages – c’est la plus grande baisse d’impôt jamais décidée.

Grâce au prélèvement de l’impôt à la source – mesure que le rapporteur général de la commission des finances a soutenue dans cet hémicycle…

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