Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le projet de loi de règlement que nous examinons aujourd’hui est le premier portant sur un budget voté et exécuté entièrement sous la nouvelle mandature. Le premier constat que l’on en tire est plutôt positif : comme l’an passé, on constate une certaine amélioration des comptes de l’État. Le déficit effectif s’est réduit de 0, 3 point par rapport à 2018, à 2, 5 % du produit intérieur brut. Notre dette publique, pour la première fois depuis 2007, a cessé d’augmenter plus vite que notre PIB, s’établissant, comme l’année précédente, à 98, 4 % du PIB.
Cette embellie doit toutefois être tempérée par certains facteurs, mis au jour aussi bien par la Cour des comptes que par le rapport de notre collègue Albéric de Montgolfier. D’une part, elle est en partie conjoncturelle, à la faveur d’une croissance plus forte que prévu, qui risque de s’essouffler dans les années à venir. D’autre part, elle ne permet pas de réduire l’écart qui sépare notre pays de la grande majorité de nos partenaires européens.
L’assainissement de nos finances publiques doit donc se poursuivre, ce qui demandera de passer par des mesures structurelles. Nous pouvons, en ce moment, compter sur des taux d’intérêt très bas, voire parfois négatifs, mais nous devons garder à l’esprit que ces taux ne sont pas gravés dans le marbre.
Notons toutefois que la trajectoire établie dans le projet de loi de finances pour 2019 a dû être corrigée à la baisse après les annonces intervenues en réponse au mouvement des « gilets jaunes ».
Ces mesures ont ralenti l’effort de réduction de notre déficit. Il s’agit notamment de l’augmentation de la prime d’activité, de l’élargissement du chèque énergie, de la prime à la conversion ou encore de l’annulation de la hausse de la CSG pour les revenus les plus modestes. Je tiens pourtant à les saluer, tout du moins celles que je viens de citer, car elles vont dans le bon sens sur un sujet primordial : redonner du pouvoir d’achat à nos concitoyens.
C’est d’ailleurs là toute la difficulté, corréler l’équilibrage budgétaire et une amélioration du pouvoir d’achat des Français.
La baisse des prélèvements obligatoires intervenue cette année doit être compensée. Reste à déterminer de quelle manière. Cela peut passer par une meilleure maîtrise de la dépense publique. Toutefois, attention à ne pas couper n’importe où ! Le Gouvernement semble avoir mis de côté le projet de suppression de 50 000 postes de fonctionnaires. Si tel est bien le cas, sans doute s’agit-il d’une sage décision. Il me semble en effet difficilement justifiable, dans un contexte de crise de l’éducation nationale et des hôpitaux, de réduire si massivement le nombre d’agents de la fonction publique, quand bien même les suppressions concerneraient d’autres domaines.
Une autre solution, sur laquelle nous sommes tous d’accord, est d’encourager l’investissement. Or je me demande si les outils choisis jusqu’ici sont vraiment les bons. À commencer par le crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi, le CICE, qui a été pérennisé cette année en baisse de cotisations permanente. Rien ne permet de prouver que l’effort très important concédé par l’État soit amorti. On a beaucoup parlé – et on en parle encore aujourd’hui – de Conforama, qui ne constitue qu’un cas particulier, mais intéressant, à relever. L’entreprise s’apprête à supprimer 1 900 emplois en France. Elle a pourtant bénéficié de 63 millions d’euros de crédit d’impôt sur trois ans, dont l’utilisation peut poser question.
Loin de moi l’idée de donner des leçons de stratégie, mais je me demande s’il était pertinent de dépenser 25 millions d’euros sur trois ans à compter de 2017 afin de sponsoriser la Ligue 1 de football, pour, deux ans plus tard, supprimer 1 900 emplois. Peut-être devrions-nous envisager d’autres leviers en vue d’encourager l’investissement et de récupérer des milliards d’euros précieux pour notre équilibre budgétaire.
Je tiens, par ailleurs, à souligner, après vous, monsieur le ministre, l’effort consenti par les collectivités territoriales. La progression de leurs dépenses de fonctionnement a été nettement moindre que l’objectif fixé dans le cadre de la contractualisation, se situant à 0, 3 % contre une prévision de +1, 2 %. Les collectivités territoriales se sont donc pleinement inscrites dans l’effort collectif de rationalisation des dépenses publiques. Les arbitrages ont sans doute été douloureux. Quoi qu’il en soit, les efforts consentis par les collectivités ont permis de dégager une marge de manœuvre pour accroître les dépenses d’investissement, qui ont progressé de 4, 9 % entre 2017 et 2018. Ce chiffre flatteur ne doit toutefois pas faire oublier la disparité des situations. Les territoires les plus fragiles doivent, plus que jamais, être accompagnés.
Je pense réunir l’ensemble des élus du groupe du RDSE, dans toute sa diversité, en affirmant que nous devons mettre l’accent sur la fonction publique de proximité.
Le Premier ministre, lors de sa déclaration de politique générale, a eu quelques mots encourageants pour les territoires. Il a dit vouloir « éviter de creuser un fossé entre deux France que certains voudraient opposer, mais qui ne peuvent ni vivre ni réussir l’une sans l’autre : la France des métropoles mondialisées et la France périphérique ». Nous ne pouvons qu’approuver cette déclaration d’intention. Elle doit maintenant être suivie d’actes concrets.
Monsieur le ministre, lors de votre visite dans mon département, la Creuse, qui a été un moment fort, vous avez évoqué une réorganisation des services de la direction générale des finances publiques, la DGFiP. Il y a, à ce sujet, des inquiétudes sur le terrain, que je veux faire remonter. Nourries des constats de disparition des services publics, elles concernent, entre autres, les risques de fermeture des trésoreries. Nos concitoyens demandent d’avoir, en face d’eux – et cette revendication est portée par les élus – des interlocuteurs humains plutôt que des ordinateurs. Nous veillons à ce que le service public de proximité soit réellement rendu. Nous serons vigilants sur ce sujet, même si vous partagez, je le sais, cette préoccupation.
Par ailleurs, la vitalité des territoires est irriguée par le tissu associatif, que certaines mesures ont mis à mal. Je pense à la suppression de l’impôt sur la fortune, qui a curieusement anesthésié la philanthropie des donateurs. Je pense également à la réduction du nombre de contrats aidés et, plus généralement, à la baisse notable des crédits de la mission « Travail et emploi ». Faisons très attention à ne pas abandonner nos associations ! En tant que rapporteur de la mission « Sport, jeunesse et solidarité », je serai particulièrement attentif aux conditions de la mise en place de l’Agence nationale du sport, l’ANS.
En ce qui concerne les comptes de la sécurité sociale, comme l’a indiqué M. le rapporteur général, la tendance amorcée en 2015 se poursuit et le déficit continue de refluer, en continuité avec la démarche entamée sous la précédente mandature. En 2018, les comptes sociaux se sont rapprochés de l’équilibre. Le déficit du régime général et du Fonds de solidarité vieillesse, le FSV, est tombé à 1, 2 milliard d’euros en 2018, contre 5 milliards d’euros en 2017. Les efforts doivent se poursuivre pour permettre à notre modèle social de fonctionner pleinement.
Enfin, la Cour des comptes a relevé un effort de sincérisation du budget, que je ne peux que saluer. Il est primordial de se fonder sur des projections fiables afin de pouvoir maîtriser les dépenses.
En conclusion, mes collègues du groupe du RDSE et moi-même voterons – avec quelques abstentions – ce projet de loi de règlement du budget et d’approbation des comptes, en espérant nous être fait entendre sur nos remarques. L’intérêt général et les services de proximité doivent être au cœur de nos réflexions budgétaires. Nos territoires ruraux ou périurbains, nos territoires d’outre-mer, nos petites villes et leurs habitants ne peuvent pas être oubliés.