Intervention de Christine Lavarde

Réunion du 11 juillet 2019 à 14h30
Orientation des finances publiques règlement du budget et approbation des comptes de l'année 2018 — Suite du débat et rejet en procédure accélérée d'un projet de loi

Photo de Christine LavardeChristine Lavarde :

Le montant de la dette cumulé a progressé de 56, 6 milliards d’euros entre 2017 et 2018. À la fin de 2018, la dette des administrations publiques s’élève à 2 315, 3 milliards d’euros. D’après l’Insee, ce montant s’établit à 2 358, 9 milliards d’euros à la fin du premier trimestre de 2019, soit une augmentation de 43, 6 milliards d’euros en trois mois !

La politique monétaire accommodante de la Banque centrale européenne, la BCE, avec une politique de taux très bas, joue temporairement un rôle d’anesthésiant pour ce qui est de l’effet de la dette sur l’équilibre des finances publiques. La charge d’intérêt a ainsi baissé de 200 millions d’euros en 2018.

Selon la Fondation pour la recherche sur les administrations et les politiques publiques, l’Ifrap, le maintien des taux à leur niveau de 2010 a permis à la France d’économiser près de 19 milliards d’euros entre 2010 et 2016 ; le Gouvernement annonce que 10 milliards d’euros supplémentaires seront économisés jusqu’en 2021.

Cette situation conjoncturelle favorable ne doit pas nous rendre aveugles : une épée de Damoclès est suspendue au-dessus de nos têtes ! Selon les prévisions de l’Agence France Trésor, une augmentation des taux de 1 point se traduirait par une hausse de la charge de la dette de 2 milliards d’euros la première année, de 4, 7 milliards d’euros la deuxième année et de 18, 8 milliards d’euros la dixième année.

Jusqu’à présent les conditions de financement favorables de la dette française par rapport à celles des autres pays de la zone euro ont masqué notre incapacité relative à réduire notre déficit structurel.

Pour notre pays et pour les générations futures, nous espérons, comme le Gouvernement, que la croissance de la dette restera limitée en 2019 au niveau de 0, 5 point annoncé.

Nous constatons simplement qu’en un an le volontarisme a laissé place à une succession de dépenses budgétaires de court terme : alors que la réduction de la dette rapportée au PIB entre 2017 et 2022 devait être de 7, 8 points dans le programme de stabilité d’avril 2018, contre 5 points prévus dans la loi de programmation des finances publiques, elle n’est plus que de 1, 6 point dans le document d’orientation des finances publiques.

Dans son rapport de janvier 2019, intitulé La dette des entités publiques : périmètre et risques et réalisé à la demande de la commission des finances du Sénat, la Cour des comptes relève que « l’augmentation de la dette publique résulte en partie de l’absence de mécanismes contraignants de désendettement ».

Monsieur le ministre, pourquoi ne pas copier les initiatives de la Suisse, de la Suède ou de l’Allemagne ?

Le Parlement suisse a ainsi défini un frein à l’endettement, mécanisme budgétaire visant à éliminer le déficit structurel des finances fédérales. Le frein à l’endettement repose sur une règle simple : « sur l’ensemble d’un cycle conjoncturel, le montant total des dépenses ne doit pas excéder celui des recettes ». Dit autrement, dans ce paradigme budgétaire, seul un déficit conjoncturel est toléré.

Ce mécanisme a fait ses preuves : en 2018, la Confédération suisse a dégagé un excédent de 2, 9 milliards de francs suisses, après en avoir dégagé un de 4, 8 milliards en 2017. Voilà qui laisse rêveur !

En 2009, en Allemagne, la CDU-CSU et le SPD ont voté ensemble la loi dite Schuldenbremse, qui fonctionne sur un équilibre des finances publiques à terme. Les objectifs que s’était donnés le gouvernement allemand en juillet 2015 à l’horizon de la fin de l’année 2019 seront tenus au-delà des espérances, puisque la dette publique est désormais inférieure à 60 % du PIB.

Les exemples de nos voisins nous montrent que la dette n’est pas une fatalité !

À l’image de l’article 115 de la Loi fondamentale pour la République fédérale d’Allemagne, pourquoi ne pas inscrire également dans le marbre de notre Constitution que les recettes et les dépenses doivent s’équilibrer ?

Par ailleurs, l’État devrait s’imposer à lui-même la règle d’or des collectivités locales : la section de fonctionnement doit s’équilibrer sans recours à l’emprunt ; l’endettement n’est pas mauvais en soi s’il sert à financer l’avenir.

Le ministre Bruno Le Maire a invité l’Eurogroupe à signer un pacte de croissance, visant à profiter des taux d’intérêt bas pour avancer dans trois directions : « la poursuite des réformes structurelles », « le respect des règles européennes en matière de dépenses publiques » et « plus d’investissements pour l’innovation, plus d’investissements pour la recherche, plus d’investissements pour les infrastructures ». Voilà ce que nous invitons le Gouvernement à faire !

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