Vos remarques montrent que nous partageons le même point de vue. Désormais il convient de faire bouger les lignes. Cela ne sera pas simple ! L'Europe est une addition d'égoïsmes nationaux. On monte de grandes opérations avec l'Allemagne, mais combien d'apprentis allemands en France ? Très peu... J'espère que la convergence du droit de l'apprentissage pourra constituer la première pierre d'une convergence des législations sur le droit du travail et des législations sociales.
Les grandes entreprises sont les mieux préparées pour mettre en oeuvre le projet rapidement et elles entraîneront par capillarité leurs sous-traitants. J'ai eu l'occasion d'échanger avec un garagiste qui avait accepté d'accueillir un jeune apprenti slovaque. Il n'avait pas osé en parler à l'avance à ses collaborateurs craignant leur opposition. Or l'expérience a été une formidable aventure humaine. Ceux qui ont participé à l'expérimentation sont donc les mieux à même d'en faire la promotion.
Partir six mois, pour un jeune, n'est pas anodin : il doit quitter ses amis, sa famille, etc. Les jeunes reviennent transformés, avec une formation enrichie, une confiance en eux accrue. Si nous arrivions à bâtir un système de formation inspiré du modèle finlandais, nous pourrions lutter contre le décrochage. Chaque jeune a un talent, des centres d'intérêt. Il faut partir de là pour construire une feuille de route personnelle. Cela suppose de revoir l'offre d'enseignement et ses modalités de diffusion, notamment en développant le recours au e-learning, car les jeunes peuvent apprendre beaucoup en ligne par eux-mêmes, tandis que les enseignants pourront consacrer davantage de temps à conseiller les jeunes, les coacher, les mettre en confiance - ce qui est irremplaçable.
Je me sens encouragé par vos propos. Libre de mes obligations de parlementaire, je compte m'investir dans cette fondation qui me semble d'intérêt général. J'ai reçu une proposition pour l'installer aux Arts et métiers. Je compte la lancer en septembre. J'ai envoyé un courrier à tous les parlementaires européens pour les inciter à ne pas laisser tomber ce sujet essentiel pour l'Europe. Notre récente conférence avait pour thème : « La mobilité des apprentis : un outil pour l'employabilité des jeunes et la compétitivité de l'économie européenne ». Nous ne devons laisser personne au bord du chemin car nous avons besoin de tous.
La France est en retard pour l'enseignement des langues. Je l'ai vu au Parlement européen, tous nos collègues des autres pays sont bilingues. Si l'on n'est pas capable de s'exprimer dans une autre langue, on se retrouve relégué au second rang et l'on perd toute autorité.
Les artisans d'art ont toute leur place dans le dispositif. Comme je le disais, les grandes entreprises m'ont indiqué qu'elles étaient prêtes à entraîner avec elles leurs sous-traitants. L'essentiel est de lancer le mouvement, de montrer que le dispositif est opérationnel ; ainsi on lèvera les résistances, des syndicats notamment. L'essentiel est que l'initiative parte du terrain, sur la base d'expérimentations. Progressivement, les branches délivreront leurs diplômes sans se préoccuper de ce qu'en pense l'Éducation nationale.
Il faut aussi que les budgets soient appropriés. Nos modes de financement sont d'une grande complexité ; il conviendrait d'en simplifier l'architecture car ce qui est compliqué est rarement gouvernable.
Il convient de démocratiser Erasmus pour l'ouvrir aux apprentis des niveaux IV et V, aux membres des classes les plus populaires. Il ne faut pas se résigner à l'échec scolaire. Autrement on alimente le populisme qui se nourrit du vote de ceux qui ont le sentiment de ne pas être écoutés ni pris en compte. Erasmus est un bon levier pour transformer l'Europe.