Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, en commission, j’ai salué cette proposition de loi, déjà améliorée lors de son examen par l’Assemblée nationale.
Malheureusement, des amendements déposés bien tardivement, madame la rapporteur, ont fait exploser l’esprit de consensus qui aurait dû nous animer sur un sujet comme le financement du secteur associatif. C’est vraiment dommage !
En tant qu’ancien ministre chargé de la vie associative, ayant porté la loi Égalité et citoyenneté, évoquée à plusieurs reprises aujourd’hui, je souscris à la volonté affichée d’amplifier l’engagement dans notre pays ou, du moins, de simplifier la vie des bénévoles et de faciliter l’accès aux financements.
Le fait que 16 millions de bénévoles fassent vivre cette démocratie au quotidien est une richesse exceptionnelle pour la France. Ces Français nous obligent, nous, responsables politiques, à être à leur hauteur pour que tout soit fait en faveur de ce don de soi. Je n’oublie pas les quelque 2 millions de salariés qui œuvrent dans le secteur à but non lucratif.
L’esprit de consensus que j’évoquais ne doit pas se traduire par un blanc-seing donné au Gouvernement. Cette proposition de loi doit être vue pour ce qu’elle est : un petit pas visant à prendre en compte les attentes d’un secteur associatif en difficulté.
En reprenant des demandes du secteur, ainsi que des mesures validées sous le précédent quinquennat, notamment certaines votées dans le cadre de cette fameuse loi Égalité et citoyenneté, mais censurées par le Conseil constitutionnel, la proposition de loi allait dans le bon sens avant son passage en commission.
Il convient néanmoins de ne pas oublier que ce texte intervient dans un contexte de désengagement de l’État envers le milieu associatif.
La suppression de plus de 250 000 contrats aidés en deux ans est un coup terrible asséné par le Gouvernement au monde associatif. Combien de structures sont aujourd’hui en péril, en grande difficulté faute de pouvoir embaucher ? Combien de personnes sont privées d’une réinsertion sociale par le biais d’un emploi dans une association ?
Le secteur associatif, les réseaux de l’éducation populaire ou les clubs sportifs, en renfort du service public, de l’école notamment, doivent être soutenus pour irriguer l’ensemble des territoires et apporter par leur présence un cadre et des repères aux enfants et aux adolescents.
C’est dès le plus jeune âge que l’incitation à l’engagement citoyen doit être une priorité. La République a besoin de contenu et de réalité. Il faut dire plus clairement quelle République nous voulons et ce que nous entendons par le terme « égalité ». Et cela doit se traduire concrètement, en amenant les nouvelles générations à s’impliquer dans le secteur associatif.
J’évoquerai la situation du service civique. En 2012, il y avait quelques milliers de volontaires, contre 125 000 à la fin du quinquennat précédent. Monsieur le secrétaire d’État, je vous remercie d’avoir stabilisé, voire conforté le budget correspondant : 500 millions d’euros, pour un objectif d’environ 150 000 jeunes en service civique par an. Permettez-moi de rappeler le coût potentiel de votre service national universel, le SNU : 1, 6 milliard d’euros ! J’espère qu’il n’y aura pas de conséquences sur d’autres financements plus utiles ou, en tout cas, plus pertinents à mes yeux.
L’évolution du financement des associations se traduisant par le recul du financement public, la proposition de loi vise à leur accorder de nouveaux moyens permettant de diversifier leurs sources de financement.
La part du financement public des associations représentait 51 % de leurs ressources en 2005. Cette part ne cesse de se réduire. En 2011, elle atteint 49 %. Les subventions publiques ont reflué de 34 % à 24 % des ressources.
Désormais, les associations, qui deviennent des outils de politique publique, sont mises en concurrence entre elles ou avec d’autres opérateurs publics, privés ou lucratifs.
Ce changement pourrait aller à l’encontre de la spécificité du modèle français d’engagement associatif, dont tous les acteurs de terrain ont conscience. Les associations créent un lien social précieux à la Nation, notamment dans les territoires ruraux et périurbains de la République, par le service complémentaire au service public. Cela a été évoqué.
Le risque d’une baisse de l’activité du monde associatif en raison d’une diminution des financements est également celui de faire reposer sur l’État une partie des missions que ce secteur assume.
On constate que les mesures fiscales des précédents budgets favorisent fortement l’épargne. Cela n’est pas critiquable en soi, mais on remarque que la traduction concrète de ces mesures est une baisse très importante des dons aux associations, alors que ces dons sont vitaux pour le mouvement que nous défendons.
Il faut également noter que la mise en place du prélèvement à la source a déstabilisé le système de soutien des associations par les dons des particuliers. À cela s’ajoute – ma collègue l’a évoqué – la fin de l’ISF, avec son remplacement par l’impôt sur la fortune immobilière, l’IFI, qui a eu pour effet la réduction des dons en général.
La réforme a fait passer le nombre de foyers assujettis à cet impôt de 358 000 à 120 000, soit 66 % de foyers en moins, supprimant l’incitation qu’avaient de nombreux contribuables à faire preuve de générosité envers les fondations reconnues d’utilité publique. Cette baisse de la collecte auprès des particuliers fortunés doit être replacée dans le contexte d’une baisse générale de la collecte grand public en raison de la réévaluation du taux de contribution sociale généralisée, qui touche notamment les retraités. La CSG est un frein à la générosité collective.
Sur le texte qui nous est présenté aujourd’hui, on ne peut que constater que la position adoptée par la commission est, du début à la fin, assez déconcertante. Avec la majorité de la commission des lois du Sénat, nous faisons du surplace, voire, avec la suppression de l’article 1er, nous avons reculé.
L’article 1er est la traduction législative d’une proposition sur le financement privé du secteur associatif émise par le Haut Conseil à la vie associative depuis 2014 et défendue par le président du Mouvement associatif, que j’ai pu rencontrer.
Il ne s’agit en aucun cas d’une contrainte pour les collectivités, dès lors, je le précise, que le dispositif ouvre une simple faculté. La droite sénatoriale, je le regrette, invoque des risques de tensions dans les relations que les collectivités territoriales entretiennent avec les associations, alors que c’est sur l’association intéressée que pèsera l’obligation de définir la notion d’excédent raisonnable en démontrant le niveau de fonds propres nécessaires pour assurer son bon fonctionnement.
Je le dis sans animosité, mais avec détermination, cette position de principe de la majorité est incompréhensible, tout comme la suppression de l’article 1er bis au motif qu’il serait inadapté à la réalité des collectivités territoriales.
Contrairement aux observations émises par Mme la rapporteur, les collectivités pourront toujours gérer dans le temps les subventions qu’elles versent dès lors que le délai de versement de soixante jours court à partir de la notification de la décision dont elles sont à l’origine. En aucun cas le dispositif n’impose le versement de la totalité de la dotation, ce qui risquerait de créer des distorsions de trésorerie des collectivités territoriales.
Enfin, la suppression de l’article 4 bis nous interroge. Cet article avait pour objet de rendre inapplicable le droit de préemption aux immeubles cédés à titre gratuit à des fondations, des congrégations ou des associations ayant la capacité de recevoir ce type de libéralités.
Les motivations apportées à l’appui de la suppression de cet article par la majorité de la commission des lois du Sénat sont inappropriées. Une fois encore, madame la rapporteur, vous entendez opposer le droit des collectivités territoriales et l’intérêt du monde associatif, alors que l’objet principal de ce dispositif vise à corriger les contradictions apportées par la loi du 6 août 2015 pour la croissance, l’activité et l’égalité des chances économiques avec les dispositions de l’ordonnance du 23 juillet 2015 portant simplification du régime des associations et des fondations. Relevons, d’ailleurs, que le Sénat avait adopté cette mesure sans modification lors de l’examen du projet de loi relatif à l’égalité et à la citoyenneté. Je ne pense pas me tromper en disant que la majorité est la même aujourd’hui qu’à l’époque…
Heureusement, vous n’avez pas touché à l’affectation du produit des comptes bancaires en déshérence des associations gérées par la Caisse des dépôts et consignations au FDVA. C’est une petite consolation.
Certes, avec la proposition de loi votée par l’Assemblée nationale, le groupe socialiste et républicain restait sur sa faim.
Une réflexion lancée par le Gouvernement rassemblant l’ensemble des organisations et têtes de réseaux représentatives de la vie associative avait permis d’évoquer 59 propositions. Monsieur le secrétaire d’État, il faut reconnaître que nous sommes loin de les satisfaire avec le texte que vous avez soutenu à l’Assemblée nationale.
Même si nous aurions préféré une grande loi pour le secteur associatif, nous n’oublions pas que ce dernier a grandement besoin de ces premières mesures. Step by step ! Je rappelle que l’Assemblée a adopté la proposition de loi à l’unanimité. Je lance donc un appel à mes collègues de la majorité sénatoriale pour qu’ils reviennent sur leur vote en commission, afin que nous puissions rétablir les articles tels qu’adoptés par l’Assemblée nationale et nous diriger vers un vote conforme. Ces mesures sont urgentes. Ne ralentissons pas leur adoption en renvoyant ce texte en navette parlementaire !
Par conséquent, le groupe socialiste et républicain déterminera son vote selon la position qu’adoptera la majorité sénatoriale.