Dans cette optique, vous créez treize missions de service public afin de permettre aux cliniques commerciales de choisir, parmi ces treize missions, celles qui permettront les plus fortes rémunérations, c’est-à-dire les plus grands profits pour leurs actionnaires.
Cette démarche est à la fois dogmatique et économique.
Elle est dogmatique en ce que votre gouvernement, qui prônait encore, avant l’émergence de la crise, la « concurrence libre et non faussée », ne peut accepter que des secteurs entiers restent hors du domaine marchand.
La privatisation est pour vous non seulement un moyen, mais également une fin en soi.
Elle constitue un objectif économique, puisqu’il s’agit d’appliquer la révision générale des politiques publiques à l’hôpital. Et comment ne pas faire le lien entre le déficit de l’assurance maladie et la volonté de réduire une des sources principales de ce déficit, c’est-à-dire les dépenses relatives à l’hôpital public, notamment en faisant peser une pression constante sur les établissements publics de santé quant à leur équilibre financier, sans tenter de leur apporter les ressources nécessaires ? De toute évidence, ils meurent de sous-financement.
Pour mémoire, vous avez instauré pas moins de trois mesures permettant aux directeurs des agences régionales de santé de moduler les dotations attribuées au titre des missions d'intérêt général et à l'aide à la contractualisation, les MIGAC, et, plus grave encore, vous avez introduit une disposition qui permet aux directeurs des ARS d’exiger des directeurs des hôpitaux qu’ils opèrent, dans le cadre de leur plan de retour à l’équilibre, la suppression d’un certain nombre de postes.
C’est cela que, comme les organisations syndicales, comme la Fédération hospitalière de France, nous redoutons : un immense plan social pouvant porter sur des milliers d’emplois. J’ai évoqué le chiffre, à long terme ou à moyen terme, de 20 000.
On sait bien que la restructuration – inévitable, puisqu’on se dirige vers la refonte de la carte hospitalière – conduira certainement à réduire le nombre des établissements de santé. Deux cents ? Trois cents ? L’avenir le dira.
Sans doute seront-ils transformés en établissements d'hébergement pour personnes âgées dépendantes, en établissements de soins de suite, en établissements de réadaptation.
Le seul point sur lequel vous avez reculé et qui a été au cœur de la discussion – et vous en avez fait un élément d’annonce au premier jour du débat –, c’est le report de la convergence tarifaire de 2012 à 2018.
S’agissant de la médecine de ville, je ne peux que regretter la tiédeur des mesures prises et déplorer celles que notre assemblée a supprimées. Je pense particulièrement au, à l’inversion de la charge de la preuve pour les patients qui s’estiment victimes d’une discrimination illégale dans l’accès aux soins. À l’évidence, notre assemblée a été la caisse de résonance du corps médical et paramédical.
Au début de nos travaux, à l’occasion de la présentation de la motion tendant à opposer l’exception d’irrecevabilité, j’interrogeais notre assemblée en ces termes : « Ce projet de loi permettra-t-il de garantir le droit fondamental de nos concitoyens à la santé, notamment en termes d’accès aux soins ? » Après quatre semaines de débats, il est possible de répondre. Et malheureusement, en la matière, votre loi ne sera pas du tout efficace. Comment pourrait-elle l’être dès lors que vous avez systématiquement refusé d’encadrer et de limiter les dépassements d’honoraires, dont on sait qu’ils représentent la principale barrière dans l’accès aux soins ?
Vous êtes restée sourds aux attentes de nos concitoyens les plus modestes, ceux qui, aujourd’hui, peinent à se soigner et opèrent déjà des choix entre leur santé et leur survie quotidienne.
Nous ne pouvons nous satisfaire de cette situation, d’autant moins que, d’après les récentes déclarations du Président de la République, ce gouvernement entend amplifier le champ de compétences des mutuelles complémentaires, au détriment de la protection sociale, c’est-à-dire de l’assurance maladie obligatoire. Autrement dit, il entend faire peser sur les patients eux-mêmes le financement de leur propre droit à la santé. Une telle proposition est, dans la situation actuelle de démutualisation, une véritable provocation.
Par ailleurs, vous avez refusé d’encadrer l’installation des médecins libéraux. Pourtant, nous nous sommes tous accordés sur un point : il existe, à l’heure actuelle, une véritable inadéquation entre les besoins en soins de ville et l’installation des professionnels. Notre désaccord porte sur les réponses à y apporter.
Pour vous, défenseurs de la liberté des médecins, il faut poursuivre la politique incitative lancée depuis des années, c’est-à-dire celle qui n’a pas permis de résorber les déserts médicaux, quand elle ne les a pas amplifiés.
Pour notre part, nous considérons que, face à ce constat, il est nécessaire de procéder à une véritable réforme de la médecine de ville.
C’est pourquoi nous avons proposé, au travers de la reconnaissance du droit à coter CS et de l’extension des rémunérations complémentaires au paiement à l’acte, une revalorisation de la médecine générale, avec un corollaire fondamental pour notre groupe – mais surtout pour celles et ceux de nos concitoyens qui vivent dans les zones de montagnes, à la campagne ou dans les quartiers difficiles –, l’installation des médecins dans les seuls secteurs sous-denses.
Il est de notre devoir d’assurer l’accès continu aux soins de nos concitoyens. Je dois regretter, madame la ministre, mes chers collègues, que, en la matière, nous n’y soyons pas parvenus.
Pour toutes ces raisons, pour celles que nous avons exposées durant ces débats, nous voterons contre ce projet de loi.
À l’évidence, François Autain, moi-même et les membres du groupe CRC-SPG, remercions l’ensemble de nos collaborateurs qui, tout au long de ces semaines, ont permis que ce débat puisse se dérouler dans les meilleures conditions. Le ton a été celui que l’on connaît, mais sur le fond, croyez-moi, nous assistons véritablement aujourd’hui à ce que je considère comme le démantèlement du service public hospitalier !