Intervention de Laurent Hénart

Commission de l'aménagement du territoire et du développement durable — Réunion du 9 juillet 2019 à 9h00
Audition de M. Laurent Hénart candidat proposé par le président de la république aux fonctions de président du conseil d'administration de l'établissement public de l'état dénommé voies navigables de france vnf

Laurent Hénart, candidat proposé par le président de la République aux fonctions de président du conseil d'administration de l'établissement public de l'État dénommé Voies navigables de France :

Je débuterai ma présentation en rappelant que le conseil d'administration de VNF est une instance quadripartite qui comprend les représentants du ministère en charge des transports, des trois organisations syndicales représentatives - CFDT, CGT et FO - que j'ai longuement rencontrées avant mes auditions devant le Parlement, des professionnels du fret et de la voie d'eau, ainsi que des collectivités territoriales. J'ai accepté d'être administrateur pour deux raisons : j'avais en effet travaillé, au moment du Grenelle de l'environnement, sur le schéma national des infrastructures de transport qui était essentiel pour la région Lorraine, située au croisement des deux euro-corridors Asie-Atlantique et Mer du Nord-Méditerranée, où le caractère multimodal représente un réel atout. La Moselle, qui dispose à la fois de faisceaux autoroutier et ferroviaire, est en effet à grand gabarit jusqu'à Neufmaisons. Je me suis également impliqué, en tant que maire, dans la transition écologique et sur l'ensemble des problématiques de VNF. Avec d'autres maires mosellans, nous avons adopté une feuille de route comprenant 30 objectifs, parmi lesquels certains ont trait aux mobilités et au transfert modal, et se déclinant sur une base triennale pour les échelons de la commune, de l'agglomération et de la métropole. J'avais ainsi soutenu cette démarche qui visait à reconnaître, pour la première fois, des modes de transports non polluants - soit la voie ferrée et la voie d'eau - comme bénéficiaires majoritaires des crédits d'État. Pour toutes ces raisons, j'ai accepté d'entrer au conseil d'administration de VNF qui soutient, à l'unanimité de ses membres, ma candidature à sa présidence.

Mon projet, comme président, s'articule en quatre objectifs : le premier est d'accompagner l'évolution de cet établissement unique, au statut récent, et, dans le nouveau contexte issu de l'application de la LOM, de l'installer dans le paysage. Le rôle du président du conseil d'administration, qui ne dispose heureusement ni d'indemnités ni de moyens dédiés, est plus proche de celui d'un conseil d'orientation et de surveillance et n'a pas vocation à se substituer au directeur général, dont la fonction est exécutive. Ainsi, il est nécessaire de veiller à ce que les acteurs représentés au conseil d'administration - partenaires sociaux, économiques, territoriaux et tutelle - travaillent de concert au développement de l'établissement. Mon second objectif est d'assister le directeur général dans la défense des intérêts de l'établissement, en commençant par un travail régulier avec le Parlement, ne serait-ce qu'à l'occasion des lois de finances pour évaluer la mise en oeuvre de la LOM et du contrat d'objectifs et de performance, ainsi qu'auprès des autorités européennes qui octroient des crédits conséquents pour le développement des voies navigables. Encore faut-il que nous soyons capables d'en capter une part suffisante afin d'alimenter le budget de notre établissement. En outre, il s'agit de travailler de manière satisfaisante avec les partenaires sociaux pour que le conseil d'administration puisse relayer les priorités des collaborateurs auprès de la tutelle.

Mon troisième objectif est de parvenir, comme priorité pour l'établissement, à un niveau satisfaisant d'investissements. Or, VNF a pâti, depuis sa création, d'un niveau insuffisant de crédits pour assurer la régénération du réseau - soit 6 700 kms de voies d'eau à rapprocher des 37 000 kms de voies ferrés et des 1 700 000 kms de voies routières et autoroutières. 2 400 kms de ces voies d'eau - soit un peu plus d'un tiers de la totalité du réseau - sont à grand gabarit et le réseau est en mauvais état, en particulier pour le gabarit Freycinet. L'effort de régénération du réseau doit conduire à sa modernisation ; ce qui implique à la fois son automatisation et sa numérisation. Un effort de mutualisation avec les partenaires de VNF, pour financer les évolutions d'équipements requises par l'intermodalité, devra également être conduit.

Sur le plan budgétaire, on constate globalement la convergence du travail de la direction de l'établissement et des travaux de Philippe Duron au sein du Conseil d'orientation des infrastructures (COI). Ainsi, un budget annuel, qui oscille entre 240 et 250 millions d'euros, est nécessaire pendant dix ans pour assurer la régénération du réseau. Tel est l'objectif que l'établissement doit atteindre en trois exercices, c'est-à-dire d'ici 2022. Vous avez rappelé les mauvais chiffres de la période 2012-2017 durant laquelle l'investissement annuel oscillait entre 120 et 140 millions d'euros. Depuis lors, celui-ci a enregistré une progression pour s'établir, en 2018, à 160 millions d'euros. Nous espérons mobiliser, en 2019, quelque 180 millions d'euros si les affectations de crédits européens se confirment ; 60 millions d'euros nous manquent. Comment parviendrons-nous à atteindre ces 240 millions annuels ? Le Parlement, dans la LOM, a prévu une montée en puissance des crédits de l'agence de financement des infrastructures de transport de France (Afitf), qui devraient passer de 113 à 133 millions d'euros d'ici à 2023. Outre la consolidation des crédits européens pour 2018 et 2019, nous essayons d'anticiper le prochain cadre budgétaire septennal de l'Union. Enfin, la transformation de la taxe hydraulique en redevance peut nous permettre de moduler la contribution des usagers en fonction de leurs sollicitations du réseau et de dégager de nouveaux crédits que nous entendons intégralement consacrer à l'investissement. Tel est le montage qui devrait nous permettre d'atteindre, en trois exercices, ce seuil de 240 millions d'euros nécessaire à la régénération du réseau.

D'autres sujets doivent être abordés, comme la maîtrise des dépenses de fonctionnement de l'établissement, qui sera au coeur du COP. Il faudra inscrire la politique d'investissement dans la durée afin de rationaliser les points d'implantation de VNF et d'utiliser plus massivement les nouvelles technologies pour le fonctionnement concret, la surveillance et la maintenance du réseau. Il nous faudra également travailler de concert avec les collectivités territoriales sur les trois objectifs que la LOM a fixés à l'établissement : le fret fluvial, le développement des territoires et la valorisation des patrimoines et des paysages par le tourisme et la gestion de la ressource hydraulique. Les acteurs ayant un intérêt direct dans ces trois secteurs doivent pouvoir travailler dans un cadre contractuel avec l'établissement, à l'instar d'un contrat associant l'État, la Région, les comités de bassins et VNF, permettant de programmer des études communes et de susciter un consensus quant aux investissements à conduire. Il ne s'agit nullement de transférer les charges d'investissements à ces autres acteurs mais plutôt de permettre à VNF, fort de sa prochaine réorganisation, de les assumer pleinement. En effet, la maîtrise d'ouvrage n'est pas, pour l'heure, suffisamment calibrée pour réaliser 240 à 250 millions d'investissement annuels et les élus locaux savent que l'inscription de crédits d'investissements n'est guère pertinente en l'absence d'une maîtrise d'ouvrage en mesure de conduire effectivement les opérations afférentes. Aussi, une réorganisation est programmée sur ce sujet.

En outre, les canaux peuvent être des axes partagés entre plusieurs activités comme le tourisme, le fret, la gestion hydraulique mais ils pourraient aussi être mobilisés pour traiter des questions comme les randonnées pédestres et cyclistes et également dans le cadre de maillages de réseaux comme le très-haut débit. Du point de vue du conseil d'administration, une telle démarche doit être envisagée avec les opérateurs de l'eau et les collectivités territoriales, sous l'égide de la région. Ainsi, j'en ai parlé au président de la Région Grand-Est qui serait disponible pour engager sa collectivité dans une démarche de ce type. Je rappelle que VNF a déjà passé des conventions avec plusieurs collectivités : l'Occitanie pour le Canal du Midi, la Région Bourgogne pour la valorisation du réseau touristique, ou encore, de manière plus localisée, avec le département des Vosges et l'intercommunalité d'Épinal pour le Canal des Vosges. Cette politique conventionnelle incombe, selon, moi, au président du conseil d'administration, à même de développer les relations entre l'établissement et les élus.

Enfin, j'en viens à mon dernier objectif : les sujets juridiques vont être structurés à travers le COP qui apportera une plus grande stabilité aux relations entre l'État et l'établissement dans les dix prochaines années. Pour ma part, j'ai indiqué à la tutelle, au conseil d'administration, aux organisations syndicales et à l'Assemblée nationale, que je ne proposerai pas au conseil d'administration un COP validant la dé-navigation, que préconisaient certes les deux rapports présentés par Philippe Duron - Mobilité 21 et le rapport du COI. Cette démarche ne me paraît pas adaptée. Les économies de fonctionnement suscitées, en interdisant la navigation sur certains tronçons du réseau, seraient en effet faibles, puisque nous conservons l'obligation de gestion de la ressource hydraulique. En revanche, la dé-navigation nuirait considérablement à l'efficacité du réseau. Mieux vaut faire l'effort d'investir, y compris dans le fonctionnement, et d'assurer l'autofinancement de l'établissement dans la longue durée, plutôt que de mettre en oeuvre cette stratégie théorique de dé-navigation qui ne répond nullement aux réels besoins, notamment de transfert modal vers le fret. Je vous remercie de votre attention et reste à votre entière disposition pour répondre à vos questions.

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