Mesdames, messieurs les sénateurs, je tiens tout d'abord à vous assurer de ma fierté d'être à la tête de ce groupe qui n'est pas un groupe comme les autres. Il s'agit d'une entreprise unique qui s'est construite sur des savoir-faire complexes. Durant les deux dernières années, j'ai pu constater un engagement très fort des salariés - 63 000 collaborateurs dans 438 villes -, toujours fidèles aux valeurs du service public et à ces trois impératifs : sécurité, service aux clients, performance.
Le groupe RATP entre dans une phase inédite de son histoire et de multiples défis sont devant lui.
Premier défi : la transition urbaine et écologique. Décarbonner le secteur des transports est au coeur de la mission de la RATP, car le groupe se veut le partenaire privilégié des villes intelligentes et durables. Un trajet en métro émet 50 % de moins de gaz à effet de serre que le même trajet en voiture. Entre 2015 et 2025, nous allons réduire de moitié nos émissions de gaz à effet de serre. Nous avons également un plan sur le management de l'énergie pour réduire notre consommation de 20 %.
Deuxième défi : l'ouverture à la concurrence. Si ce sont d'abord des potentialités de conquête, la fin du monopole du service des bus parisiens en 2025 sera une étape majeure. À ce titre, la LOM est un acte fondateur : près de de 20 000 collaborateurs sont concernés. Il a fallu trouver un équilibre entre trois impératifs : la qualité du service public offert aux clients, la performance économique et une visibilité du contrat social offert aux salariés concernés.
Troisième défi : la recherche de relais de croissance, à la suite de la perte de ce monopole. Si j'ai repris le plan Défis 2025, j'en ai élargi le spectre, en mettant en avant nos capacités en matière de villes intelligentes et durables. RATP Dev doit atteindre d'ici à 2022 2,2 milliards d'euros de chiffre d'affaires. J'ai fait du pilier des villes intelligentes et durables le deuxième support du développement de l'entreprise et, dans ce domaine, je suis persuadée que le groupe a des atouts discriminants qu'il faut faire valoir.
Quatrième défi : les investissements. Notre objectif pour cette année est de 1,9 milliard d'euros. Le carnet de projets actuellement lancés a augmenté de 50 % entre 2016 et aujourd'hui. Ces investissements auront pour effet d'accroître les dépenses d'amortissement, ainsi que les dépenses d'exploitation et de maintenance. Par ailleurs, il faudra prévoir à l'avenir des investissements de renouvellement.
Cinquième défi : la montée en puissance du digital et des nouvelles technologies - la 5G, l'intelligence artificielle, les nouvelles mobilités. Les nouvelles technologies sont pour nous un moyen d'augmenter la productivité et d'améliorer la qualité de service. Quant aux nouvelles mobilités, elles offrent de nouvelles opportunités et sont en même temps une nouvelle concurrence.
Pour relever tous ces défis, nous nous sommes engagés dans une transformation en profondeur, inédite par son ampleur.
Quel est le bilan des deux dernières années ? Nous avons lancé quatre grands programmes de transformation prioritaires. Nous avons obtenu de très bons résultats financiers et nous nous sommes ouverts sur notre écosystème.
À mon arrivée à la tête de la RATP, j'ai voulu mettre le client au coeur du projet de l'entreprise. Nous avons travaillé sur l'information donnée aux voyageurs, en formant les conducteurs de certaines lignes, en créant un twitter par ligne, en rénovant totalement l'application RATP. Par ailleurs, aujourd'hui, le réseau est connecté à 80 %, alors qu'il ne l'était qu'au tiers à mon arrivée voilà deux ans.
La dernière enquête de satisfaction montre un taux de satisfaction de 82,2 %. Les améliorations constatées concernent entre autres l'information en cas de perturbation du trafic, la ponctualité, la propreté. Voilà qui montre que nos plans commencent à porter leurs fruits.
Ce projet s'intègre dans un plan beaucoup plus global d'excellence opérationnelle du réseau.
Le RER constitue une priorité absolue. La ponctualité du RER A a augmenté de 7 points en deux ans, grâce à l'automatisation du tronçon central et au remplacement des matériels roulants. Celle du RER B a augmenté de plus de 2,5 points en deux ans. Dans les années qui viennent, 1,4 milliard d'euros seront investis sur ces deux lignes qui sont les plus intenses d'Europe.
La ligne 4 est en voie d'automatisation, sans que cela affecte son fonctionnement. Nous sommes le seul groupe au monde à le faire.
Sur le réseau de bus, nous avons réalisé un exploit, puisque dans la nuit du 19 au 20 avril dernier, nous avons basculé les systèmes d'information et procédé à une transformation du réseau qui n'avait pas été modifié depuis les années soixante-dix. Je rappelle que 54 lignes ont été revues.
Le deuxième programme de transformation prioritaire concerne des ressources humaines, qui constituent la principale richesse du groupe avec 213 métiers et 70 compétences critiques. Dans cette période de transformation, j'accorde une attention soutenue à l'accompagnement du changement. Ainsi, un dispositif RH dédié a été mis en place et un accent particulier a été porté sur la formation et la prévention des accidents - la fréquence des accidents a d'ailleurs baissé de 20 %.
Sur le dialogue social, depuis deux ans, nous avons signé une vingtaine d'accords avec les organisations représentatives du personnel : cela va de la mise en place des ordonnances Macron à des accords sur la politique salariale ou sur l'intéressement.
Le troisième programme de transformation prioritaire porte sur l'amélioration de la compétitivité dans plusieurs secteurs de l'entreprise. En deux ans, nous avons dégagé 70 millions d'euros de gains de productivité.
Le dernier programme concerne la technologie. Nous avons lancé un plan de transformation digitale et venons d'ouvrir une usine digitale pour produire des projets.
La politique de l'innovation a été entièrement revue et réorientée sur quatre sujets principaux : l'intelligence artificielle, l'internet des objets, les véhicules autonomes et le building information modeling.
En 2018, notre chiffre d'affaires a crû de 3,2 %, ce qui représente 5,563 milliards d'euros. RATP Dev a crû de plus de 9 % - 1,2 milliard d'euros. Cette croissance du chiffre d'affaires s'est traduite par une hausse de la rentabilité. Notre profitabilité a augmenté deux fois plus vite que notre chiffre d'affaires. Tout cela ne s'est pas ensuivi d'une dégradation de nos investissements. Au contraire, ceux-ci ont représenté 1,6 milliard d'euros cette année.
Par cette capacité d'autofinancement, nous avons pu autofinancer toute la part de financement des investissements qui nous revenait en vertu du contrat de délégation de service public avec Île-de-France Mobilités. Nous avons même pu légèrement réduire la dette. L'objectif fixé par l'État actionnaire pour 2020 a ainsi été atteint dès la fin de 2018.
Enfin, nous avons ouvert la RATP à des partenariats innovants, par exemple avec Eiffage. Nous avons également doublé le fonds RATP capital innovation pour prendre des participations dans les start-ups, par exemple Cityscoot.
Quelles sont les priorités que j'envisage pour le groupe, si je suis reconduite dans les fonctions ?
Il ne s'agit pas de changer le plan stratégique, bien au contraire, il faut poursuivre dans cette direction et accélérer l'accompagnement à la transformation d'entreprise. Une fois la LOM promulguée, il nous restera peu de temps pour nous préparer à la perte du monopole des bus.
Notre première priorité concernera l'exploitation des réseaux et l'amélioration de la qualité de service. Le réseau est très sollicité : cela a représenté 3,4 milliards de voyages en Île-de-France l'année dernière. Le trafic ne cesse d'augmenter et le moindre incident surligne se répercute sur toutes les autres. Aujourd'hui, 7 lignes de métro sont saturées sur tout ou partie du réseau.
D'ici à 2032, un volume inédit de matériel roulant nouveau sera mis en service sur le réseau ferré - 65 % du parc actuel sera changé.
Notre ambition concerne également la conversion des bus d'ici à 2025. Celle-ci passe nécessairement par la conversion des centres. En 2021, 18 centres seront convertis en même temps. Il s'agit là d'un exploit technique.
Nous avons également mis en place des plans ciblés sur les irritants que ressentent les clients. Nous sommes en train de nous doter d'un net promoter score sur les lignes de métro, afin de prendre des mesures plus rapidement. Nous avons également engagé de nouvelles formations pour nos agents.
Enfin, alors que la sûreté s'était améliorée en 2018, elle s'est dégradée en 2019. Nous travaillons de façon très étroite avec Île-de-France Mobilités, mais nous avons besoin du soutien de l'État sur ce sujet.
En matière d'investissement, dans les cinq ans qui viennent, nous passerons le cap des 2 milliards d'euros par an.
La deuxième priorité consiste à se préparer à l'ouverture à la concurrence, qui est inscrite dans les textes depuis dix ans, mais que la LOM a rendue plus que concrète. Nous avons perdu le premier appel d'offres, qui concerne le T9. Il nous faut tirer les enseignements de cet échec, pour nous préparer pour 2025. D'ici là, nous répondrons à des appels d'offres concernant les bus de grande couronne, dont la RATP n'a que 7 % des parts de marché.
Les décrets d'application de la LOM sont fondamentaux, puisqu'ils concerneront le transfert de personnels, le cadre social territorialisé. Il est crucial que ces textes soient pris dans des délais raisonnables.
Nous allons devoir engager sous l'égide de l'Autorité de régulation des activités ferroviaires et routières (Arafer) une séparation totale entre le gestionnaire d'infrastructure du Grand Paris et l'opérateur de transports afin de pouvoir candidater sur les lignes du Grand Paris Express. Nous sommes absolument positifs sur l'intervention à venir de l'Arafer. C'est un point extrêmement important pour la régulation du secteur : l'Arafer est un arbitre indépendant et compétent, qui sait prendre des décisions dans un environnement complexe.
La troisième priorité porte sur la future négociation du contrat avec Île-de-France Mobilités. Dans ce cadre, il est fondamental de préserver la capacité à investir. La pérennité du modèle économique de la RATP, qui démontre sa capacité à savoir investir et à délivrer ses projets, est très importante. La rémunération des capitaux engagés sera absolument clé pour nous - c'est d'ailleurs ce qui se passe dans tous les secteurs dérégulés.
La quatrième priorité porte sur le développement du groupe en matière de smart city. RATP Habitat et RATP Real Estate sont capables de développer des projets urbains complexes, en Île-de-France, mais aussi en France et à l'étranger. La question porte aujourd'hui plus sur la data et les données que sur le transport. Nous sommes en pointe sur le sujet. Nous avons livré un Mobility as a service (MaaS) à Annemasse au mois de janvier dernier.
La cinquième priorité consiste à accélérer le développement en France et à l'international. Nous avons récemment gagné les réseaux d'Angers, de Brest, de Creil, de Saint-Malo ou de Riyad.
La France est au coeur de notre stratégie de développement. Nous opérons déjà dans une quarantaine d'agglomérations et nous savons proposer des solutions pour de petites agglomérations.
Mesdames, messieurs les sénateurs, vous l'avez constaté, mon ambition est vaste, la feuille de route est claire. Je suis entourée d'une équipe de professionnels. Ces prochaines années seront déterminantes pour nous. Je veux que le groupe sorte renforcé de cette période hautement concurrentielle. J'y mettrai toute mon énergie, si vous m'accordez votre confiance.