Nous avons procédé à l'audition de M. Laurent Hénart, dont la nomination est envisagée par le Président de la République pour exercer les fonctions de président du conseil d'administration de VNF.
Le vote se déroulera à bulletins secrets, comme le prévoit l'article 19 bis du Règlement du Sénat, et les délégations de vote ne sont pas autorisées, en vertu de l'article 1er de l'ordonnance n° 58-1066 du 7 novembre 1958 portant loi organique autorisant exceptionnellement les parlementaires à déléguer leur droit de vote.
Le dépouillement se déroulera demain à l'issue de la table ronde, simultanément avec la commission du développement durable de l'Assemblée nationale.
Il est procédé au vote.
Ce point de l'ordre du jour a fait l'objet d'une captation vidéo qui est disponible en ligne sur le site du Sénat.
La réunion est levée à 10h25.
La réunion est ouverte à 14 h 30.
Mes chers collègues, nous reprenons nos travaux avec l'audition, organisée en application de l'article 13 de la Constitution, de Mme Catherine Guillouard, que le Président de la République propose de renouveler dans ses fonctions de présidente-directrice générale de la RATP.
Au terme de cette audition, nous procéderons à un vote. Le dépouillement du scrutin aura lieu demain, en même temps qu'à l'Assemblée nationale. Si plus des trois cinquièmes des membres des deux assemblées se prononçaient défavorablement, madame Guillouard, vous ne seriez pas renouvelée dans vos fonctions.
La dernière fois que nous vous avons reçue, c'était il y a deux ans, dans un format identique, lors de votre audition avant votre nomination à la tête du groupe, à la suite du départ d'Élisabeth Borne, appelée au Gouvernement. Vous nous aviez alors indiqué que votre mission serait de « mettre en musique » les priorités stratégiques définies dans le plan « Défis 2025 » par votre prédécesseur, c'est-à-dire de poursuivre le développement de la RATP et de son offre de mobilité, d'améliorer sa performance opérationnelle et de préparer l'échéance de l'ouverture à la concurrence.
La RATP procède aujourd'hui à des investissements colossaux pour régénérer le réseau, accroître l'offre de transports, notamment à travers la mise en circulation de lignes de bus supplémentaires et la modernisation et l'extension du métro, en particulier le prolongement de la ligne 14 dans le cadre du Grand Paris express. Sur ce dernier projet, le calendrier a dérapé : il a trois ans de retard. Le prolongement de la ligne 12 accuse lui aussi des retards importants. Pourquoi ces grands projets connaissent-ils systématiquement des retards de cette nature ?
La qualité de services est aussi un sujet préoccupant. Sur les lignes A et B du RER, les usagers se plaignent d'importants problèmes de ponctualité.
Comment comptez-vous agir dans le cadre d'un second mandat pour résoudre ces problèmes, notamment en ce qui concerne la ponctualité ?
Se pose aussi la question du verdissement de la flotte des autobus. Vous avez pris des engagements : à l'horizon de 2025, 100 % des autobus seraient électriques ou au gaz naturel. Ces engagements sont-ils toujours d'actualité ?
Dans le cadre de l'ouverture progressive à la concurrence, notamment à l'horizon de 2025 pour les lignes de bus, se posent la question du transfert des personnels et du dialogue social ainsi que celle de la compétitivité de la RATP. Je rappelle que demain sera examinée la commission mixte paritaire du projet de loi d'orientation des mobilités, ou LOM, texte qui fixe le cadre social de l'ouverture à la concurrence.
Pourquoi êtes-vous candidate au renouvellement de votre mandat et pourquoi devons-nous être convaincus que vous êtes la personne idoine pour ce poste ?
Mesdames, messieurs les sénateurs, je tiens tout d'abord à vous assurer de ma fierté d'être à la tête de ce groupe qui n'est pas un groupe comme les autres. Il s'agit d'une entreprise unique qui s'est construite sur des savoir-faire complexes. Durant les deux dernières années, j'ai pu constater un engagement très fort des salariés - 63 000 collaborateurs dans 438 villes -, toujours fidèles aux valeurs du service public et à ces trois impératifs : sécurité, service aux clients, performance.
Le groupe RATP entre dans une phase inédite de son histoire et de multiples défis sont devant lui.
Premier défi : la transition urbaine et écologique. Décarbonner le secteur des transports est au coeur de la mission de la RATP, car le groupe se veut le partenaire privilégié des villes intelligentes et durables. Un trajet en métro émet 50 % de moins de gaz à effet de serre que le même trajet en voiture. Entre 2015 et 2025, nous allons réduire de moitié nos émissions de gaz à effet de serre. Nous avons également un plan sur le management de l'énergie pour réduire notre consommation de 20 %.
Deuxième défi : l'ouverture à la concurrence. Si ce sont d'abord des potentialités de conquête, la fin du monopole du service des bus parisiens en 2025 sera une étape majeure. À ce titre, la LOM est un acte fondateur : près de de 20 000 collaborateurs sont concernés. Il a fallu trouver un équilibre entre trois impératifs : la qualité du service public offert aux clients, la performance économique et une visibilité du contrat social offert aux salariés concernés.
Troisième défi : la recherche de relais de croissance, à la suite de la perte de ce monopole. Si j'ai repris le plan Défis 2025, j'en ai élargi le spectre, en mettant en avant nos capacités en matière de villes intelligentes et durables. RATP Dev doit atteindre d'ici à 2022 2,2 milliards d'euros de chiffre d'affaires. J'ai fait du pilier des villes intelligentes et durables le deuxième support du développement de l'entreprise et, dans ce domaine, je suis persuadée que le groupe a des atouts discriminants qu'il faut faire valoir.
Quatrième défi : les investissements. Notre objectif pour cette année est de 1,9 milliard d'euros. Le carnet de projets actuellement lancés a augmenté de 50 % entre 2016 et aujourd'hui. Ces investissements auront pour effet d'accroître les dépenses d'amortissement, ainsi que les dépenses d'exploitation et de maintenance. Par ailleurs, il faudra prévoir à l'avenir des investissements de renouvellement.
Cinquième défi : la montée en puissance du digital et des nouvelles technologies - la 5G, l'intelligence artificielle, les nouvelles mobilités. Les nouvelles technologies sont pour nous un moyen d'augmenter la productivité et d'améliorer la qualité de service. Quant aux nouvelles mobilités, elles offrent de nouvelles opportunités et sont en même temps une nouvelle concurrence.
Pour relever tous ces défis, nous nous sommes engagés dans une transformation en profondeur, inédite par son ampleur.
Quel est le bilan des deux dernières années ? Nous avons lancé quatre grands programmes de transformation prioritaires. Nous avons obtenu de très bons résultats financiers et nous nous sommes ouverts sur notre écosystème.
À mon arrivée à la tête de la RATP, j'ai voulu mettre le client au coeur du projet de l'entreprise. Nous avons travaillé sur l'information donnée aux voyageurs, en formant les conducteurs de certaines lignes, en créant un twitter par ligne, en rénovant totalement l'application RATP. Par ailleurs, aujourd'hui, le réseau est connecté à 80 %, alors qu'il ne l'était qu'au tiers à mon arrivée voilà deux ans.
La dernière enquête de satisfaction montre un taux de satisfaction de 82,2 %. Les améliorations constatées concernent entre autres l'information en cas de perturbation du trafic, la ponctualité, la propreté. Voilà qui montre que nos plans commencent à porter leurs fruits.
Ce projet s'intègre dans un plan beaucoup plus global d'excellence opérationnelle du réseau.
Le RER constitue une priorité absolue. La ponctualité du RER A a augmenté de 7 points en deux ans, grâce à l'automatisation du tronçon central et au remplacement des matériels roulants. Celle du RER B a augmenté de plus de 2,5 points en deux ans. Dans les années qui viennent, 1,4 milliard d'euros seront investis sur ces deux lignes qui sont les plus intenses d'Europe.
La ligne 4 est en voie d'automatisation, sans que cela affecte son fonctionnement. Nous sommes le seul groupe au monde à le faire.
Sur le réseau de bus, nous avons réalisé un exploit, puisque dans la nuit du 19 au 20 avril dernier, nous avons basculé les systèmes d'information et procédé à une transformation du réseau qui n'avait pas été modifié depuis les années soixante-dix. Je rappelle que 54 lignes ont été revues.
Le deuxième programme de transformation prioritaire concerne des ressources humaines, qui constituent la principale richesse du groupe avec 213 métiers et 70 compétences critiques. Dans cette période de transformation, j'accorde une attention soutenue à l'accompagnement du changement. Ainsi, un dispositif RH dédié a été mis en place et un accent particulier a été porté sur la formation et la prévention des accidents - la fréquence des accidents a d'ailleurs baissé de 20 %.
Sur le dialogue social, depuis deux ans, nous avons signé une vingtaine d'accords avec les organisations représentatives du personnel : cela va de la mise en place des ordonnances Macron à des accords sur la politique salariale ou sur l'intéressement.
Le troisième programme de transformation prioritaire porte sur l'amélioration de la compétitivité dans plusieurs secteurs de l'entreprise. En deux ans, nous avons dégagé 70 millions d'euros de gains de productivité.
Le dernier programme concerne la technologie. Nous avons lancé un plan de transformation digitale et venons d'ouvrir une usine digitale pour produire des projets.
La politique de l'innovation a été entièrement revue et réorientée sur quatre sujets principaux : l'intelligence artificielle, l'internet des objets, les véhicules autonomes et le building information modeling.
En 2018, notre chiffre d'affaires a crû de 3,2 %, ce qui représente 5,563 milliards d'euros. RATP Dev a crû de plus de 9 % - 1,2 milliard d'euros. Cette croissance du chiffre d'affaires s'est traduite par une hausse de la rentabilité. Notre profitabilité a augmenté deux fois plus vite que notre chiffre d'affaires. Tout cela ne s'est pas ensuivi d'une dégradation de nos investissements. Au contraire, ceux-ci ont représenté 1,6 milliard d'euros cette année.
Par cette capacité d'autofinancement, nous avons pu autofinancer toute la part de financement des investissements qui nous revenait en vertu du contrat de délégation de service public avec Île-de-France Mobilités. Nous avons même pu légèrement réduire la dette. L'objectif fixé par l'État actionnaire pour 2020 a ainsi été atteint dès la fin de 2018.
Enfin, nous avons ouvert la RATP à des partenariats innovants, par exemple avec Eiffage. Nous avons également doublé le fonds RATP capital innovation pour prendre des participations dans les start-ups, par exemple Cityscoot.
Quelles sont les priorités que j'envisage pour le groupe, si je suis reconduite dans les fonctions ?
Il ne s'agit pas de changer le plan stratégique, bien au contraire, il faut poursuivre dans cette direction et accélérer l'accompagnement à la transformation d'entreprise. Une fois la LOM promulguée, il nous restera peu de temps pour nous préparer à la perte du monopole des bus.
Notre première priorité concernera l'exploitation des réseaux et l'amélioration de la qualité de service. Le réseau est très sollicité : cela a représenté 3,4 milliards de voyages en Île-de-France l'année dernière. Le trafic ne cesse d'augmenter et le moindre incident surligne se répercute sur toutes les autres. Aujourd'hui, 7 lignes de métro sont saturées sur tout ou partie du réseau.
D'ici à 2032, un volume inédit de matériel roulant nouveau sera mis en service sur le réseau ferré - 65 % du parc actuel sera changé.
Notre ambition concerne également la conversion des bus d'ici à 2025. Celle-ci passe nécessairement par la conversion des centres. En 2021, 18 centres seront convertis en même temps. Il s'agit là d'un exploit technique.
Nous avons également mis en place des plans ciblés sur les irritants que ressentent les clients. Nous sommes en train de nous doter d'un net promoter score sur les lignes de métro, afin de prendre des mesures plus rapidement. Nous avons également engagé de nouvelles formations pour nos agents.
Enfin, alors que la sûreté s'était améliorée en 2018, elle s'est dégradée en 2019. Nous travaillons de façon très étroite avec Île-de-France Mobilités, mais nous avons besoin du soutien de l'État sur ce sujet.
En matière d'investissement, dans les cinq ans qui viennent, nous passerons le cap des 2 milliards d'euros par an.
La deuxième priorité consiste à se préparer à l'ouverture à la concurrence, qui est inscrite dans les textes depuis dix ans, mais que la LOM a rendue plus que concrète. Nous avons perdu le premier appel d'offres, qui concerne le T9. Il nous faut tirer les enseignements de cet échec, pour nous préparer pour 2025. D'ici là, nous répondrons à des appels d'offres concernant les bus de grande couronne, dont la RATP n'a que 7 % des parts de marché.
Les décrets d'application de la LOM sont fondamentaux, puisqu'ils concerneront le transfert de personnels, le cadre social territorialisé. Il est crucial que ces textes soient pris dans des délais raisonnables.
Nous allons devoir engager sous l'égide de l'Autorité de régulation des activités ferroviaires et routières (Arafer) une séparation totale entre le gestionnaire d'infrastructure du Grand Paris et l'opérateur de transports afin de pouvoir candidater sur les lignes du Grand Paris Express. Nous sommes absolument positifs sur l'intervention à venir de l'Arafer. C'est un point extrêmement important pour la régulation du secteur : l'Arafer est un arbitre indépendant et compétent, qui sait prendre des décisions dans un environnement complexe.
La troisième priorité porte sur la future négociation du contrat avec Île-de-France Mobilités. Dans ce cadre, il est fondamental de préserver la capacité à investir. La pérennité du modèle économique de la RATP, qui démontre sa capacité à savoir investir et à délivrer ses projets, est très importante. La rémunération des capitaux engagés sera absolument clé pour nous - c'est d'ailleurs ce qui se passe dans tous les secteurs dérégulés.
La quatrième priorité porte sur le développement du groupe en matière de smart city. RATP Habitat et RATP Real Estate sont capables de développer des projets urbains complexes, en Île-de-France, mais aussi en France et à l'étranger. La question porte aujourd'hui plus sur la data et les données que sur le transport. Nous sommes en pointe sur le sujet. Nous avons livré un Mobility as a service (MaaS) à Annemasse au mois de janvier dernier.
La cinquième priorité consiste à accélérer le développement en France et à l'international. Nous avons récemment gagné les réseaux d'Angers, de Brest, de Creil, de Saint-Malo ou de Riyad.
La France est au coeur de notre stratégie de développement. Nous opérons déjà dans une quarantaine d'agglomérations et nous savons proposer des solutions pour de petites agglomérations.
Mesdames, messieurs les sénateurs, vous l'avez constaté, mon ambition est vaste, la feuille de route est claire. Je suis entourée d'une équipe de professionnels. Ces prochaines années seront déterminantes pour nous. Je veux que le groupe sorte renforcé de cette période hautement concurrentielle. J'y mettrai toute mon énergie, si vous m'accordez votre confiance.
Je salue votre conviction et votre engagement au service de cette belle entreprise. Si j'ai été un peu rude lors de votre audition il y a deux ans, ce ne sera pas le cas aujourd'hui. Nous avons eu l'occasion de travailler ensemble dans le cadre de la LOM, dont j'ai été le rapporteur.
La LOM pose les jalons de l'ouverture à la concurrence des réseaux historiques du groupe. Elle donnera à la RATP la possibilité de créer des filiales pour répondre aux futurs appels d'offres.
Tout reste à faire pour préparer l'ouverture à la concurrence. Comment l'envisagez-vous ?
Ne craignez-vous pas que la perte de certains marchés fragilise le groupe et les investissements importants de modernisation et d'extension des réseaux ?
La LOM prévoit également l'ouverture des données de transports. La compétition entre opérateurs risque d'être féroce. Vous prévoyez de proposer une nouvelle offre, permettant aux voyageurs de s'informer, de réserver et de payer les trajets. Sous quelle forme et avec quel calendrier ?
Vous l'avez dit, le groupe investit dans les nouvelles mobilités et les mobilités partagées : covoiturage, scooters en libre-circulation. Avez-vous l'ambition de devenir un opérateur multimodal ?
Le projet de loi prévoit que les gares et les pôles d'échanges RATP soient équipés d'emplacements et de stationnements sécurisés pour les vélos avant le 1er janvier 2024. C'est loin d'être anecdotique : cela soulève de nombreuses difficultés en matière d'aménagement. Avez-vous identifié les espaces concernés et le nombre d'emplacements à créer ?
Enfin, quelle est la position de la RATP sur la LOM telle qu'elle se dessine aujourd'hui ? À quelques heures de la commission mixte paritaire, y a-t-il encore des points à améliorer ?
La RATP est déjà une entreprise multimodale : elle articule aujourd'hui 12 modes de transports, 8 en propre et 4 grâce à des partenariats avec des start-ups. Ainsi, la nouvelle application de la RATP inclut Citysccot, Vélib... Si la multimodalité est importante, l'intermodalité l'est plus encore : il faut pouvoir croiser les modes et les interconnecter. Dans ce domaine, la RATP peut se prévaloir d'un savoir-faire : elle sait gérer la complexité de l'intermodalité.
Aujourd'hui, le parc de vélos compte 1 100 postes, mais seulement 300 d'entre eux sont sur l'emprise foncière de la RATP, le reste étant sur l'emprise de collectivités locales. Nous avons bien noté l'obligation de la loi. Les prochains matériels roulants devront également prévoir l'embarquement possible des vélos. À ce titre, sur les RER A et B, en week-end seulement, il est possible voyager avec son vélo. Sur ce sujet, il faudra que le décret précise le modèle économique, puisqu'il est demandé de trouver des emprises. Il faut s'appuyer sur les flux réels et non sur des ratios ex nihilo pour déterminer le nombre d'emplacements de vélos à prévoir. Il faudra également s'interroger sur la rémunération, car la mise à disposition et l'entretien de matériel ont un coût.
La Mobility as a service est un système dont la clé économique n'a pas encore été trouvée, que ce soit à Vienne, à Göteborg ou à Helsinki. La loi a permis un équilibre entre les opérateurs publics et privés, ce que nous souhaitions. C'est une crainte que nous avions et que la loi a complètement levée.
En revanche, il faut que la loi précise trois points. Premièrement, quand il y a une offre de transports publics, il faut qu'elle soit complète. Deuxièmement, il faut qu'il soit fait référence à la nécessité de prévoir un décret sur la rémunération des capitaux engagés du GI. Troisièmement, il faut veiller à la bonne publication des décrets d'application.
Vous m'avez interrogé sur la perte potentielle de marchés. Le plan prévoit d'essayer de gagner des marchés, de façon offensive, sur Optile ou sur les lignes du Grand Paris et de développer un pôle d'insertion urbaine immobilière. La RATP sait également réaliser des projets urbains à nul autre pareil. Ainsi, au-dessus d'un dépôt de bus converti à l'électrique a ont été construits une crèche de 96 berceaux ainsi que 660 logements, dont la moitié sont des logements sociaux. Il faut mettre en avant ce savoir-faire unique pour que cela devienne un vecteur de développement complémentaire.
À travers les activités de RATP Développement, en France et à l'étranger, le développement de nouvelles activités, notamment dans l'immobilier, et des réponses offensives aux appels d'offres, nous essayons de conserver et d'augmenter notre chiffre d'affaires et de trouver une croissance rentable.
Le groupe RATP est au coeur du défi de la mobilité, de la ville durable et de la ville intelligente.
Vous avez évoqué l'énorme investissement à opérer dans les prochaines années, avec un renouvellement de 65 % du matériel roulant. Quelle est votre stratégie en matière d'économie circulaire, de préservation des ressources, d'optimisation dans la gestion des déchets ?
La LOM prévoit des dispositions spécifiques en faveur des personnes handicapées ou à mobilité réduite. Quels efforts ont été entrepris par le groupe dans ce domaine ?
Un rapport d'information sur les services publics face à la radicalisation sur le communautarisme a été récemment publié par l'Assemblée nationale. La RATP est particulièrement touchée. Quelles actions menez-vous pour lutter contre ce phénomène ?
Aujourd'hui, 99 % de nos déchets sont recyclés, seul 1 % est enfoui. Depuis très longtemps, le groupe est investi dans l'économie circulaire. Il n'est qu'à voir l'opération Tri en Seine qui a eu lieu ce week-end à Paris, en partenariat avec la Ville de Paris. Sur ces questions, notre implication est totale et nous avons un programme dédié à l'économie circulaire depuis de nombreuses années.
Ce matin, Valérie Pécresse et moi-même avons inauguré la dernière station de RER intramuros qui n'était pas accessible aux personnes à mobilité réduite, la station Luxembourg. La question de l'accessibilité s'articule autour de deux axes : les infrastructures et la formation des agents. Aujourd'hui, 100 % des bus et tramways parisiens sont accessibles et 70 % des bus de banlieue- les 30 % restants ne le sont pas en raison de problèmes de voirie qui incombent aux collectivités territoriales. Toutes les stations des RER A et B sont désormais accessibles, sauf la station Croix de Berny.
Île-de-France Mobilités nous demande d'étudier la mise en accessibilité de la ligne 6. Or les contraintes sont fortes puisque cette ligne est en grande partie aérienne. Nous avons engagé ce matin les fonds nécessaires pour réaliser cette étude. Cela nécessitera de modifier certaines dispositions réglementaires. En effet, actuellement, pour qu'une ligne de métro soit accessible, il faut que toutes ses stations le soient. Je précise qu'une telle obligation n'existe pas à l'étranger. Or rendre accessibles certaines stations de la ligne 6 serait une formidable opportunité, car cette ligne croise notamment les RER A et B et la ligne 14.
Nous sommes favorables aux cinq recommandations que préconise le rapport d'information sur les services publics face à la radicalisation sur le communautarisme. Il faut bien faire la distinction entre radicalisation et communautarisme. Depuis longtemps, la RATP a un programme de travail sur le sujet. Depuis 2005, tous les contrats des collaborateurs comportent une obligation de neutralité, de non-discrimination et de laïcité. Depuis 2011, ces dispositions sont insérées dans le code éthique. Depuis 2013, nous travaillons sur le fait religieux et avons doté nos managers d'un guide pratique.
Nous avons créé en 2015 une délégation générale à l'éthique, et je poursuis le programme de travail mis en place par Mme Borne pour veiller à l'application correcte de ces principes.
En cas de problèmes de comportement de type communautariste, c'est-à-dire de non-conformité aux principes de laïcité et de non-discrimination, nous faisons des rappels à l'ordre qui, s'ils ne sont pas entendus, peuvent être suivis d'une révocation pour faute grave. Chaque année, nous sommes confrontés à quelques cas, ultra-minoritaires.
S'agissant du rapport de M. Éric Diard, je suis favorable au principe de l'élargissement des postes sensibles aux fonctions de maintenance. En revanche, un élément n'est pas mentionné, et manque : la cybersécurité. Il est également préconisé que les avis soient motivés, ce qui n'est pas le cas. Même si ce n'est pas la faute de la RATP, cela pose en effet problème.
Je ne suis pas d'accord avec un point du rapport : celui-ci recommande la réintégration des salariés travaillant sur un poste sensible qui auraient fait l'objet d'un avis « négatif » de la part du service compétent du ministère de l'intérieur. En tant que présidente d'un établissement public, je ne réintègrerai pas un agent ayant fait l'objet d'un tel avis motivé. Il faudra régler ce problème.
Avez-vous prévu de mettre en place une signalétique en anglais dans la perspective des Jeux Olympiques ?
Nous avons mis en place pour la saison estivale un dispositif, le summer event, afin d'accueillir au mieux les touristes : affectation de 200 étudiants sur les sites les plus touristiques ; équipement de nos collaborateurs avec un traducteur en vingt langues, pour la première fois cette année ; mise en place de l'application Next Stop Paris en dix langues, qui fonctionne y compris hors connexion WiFi et signale 130 points d'intérêts dans la capitale. Quant à notre clientèle chinoise, elle peut payer en yuans sur WeChat ses tickets de métro et ses forfaits navigo semaine, puis les récupérer sur notre réseau à leur arrivée, et trouvera des codes QR spécialement dédiés dans 170 stations de bus et 50 stations de métro. Nous nous préparons donc aux jeux Olympiques à l'occasion de chaque saison touristique.
Les 48 millions de touristes qui viennent à Paris empruntent beaucoup les transports en commun : 90 % d'entre eux prennent le métro au moins une fois par jour et 45 % le bus, sans oublier les RER qui vont à Marne-la-Vallée et à Versailles. Aussi intégrons-nous progressivement dans notre politique de recrutement la maîtrise de l'anglais.
Quelles améliorations estimez-vous souhaitables sur le réseau de transport urbain d'Île de France ? L'ouvrage d'Alain Krakovitch, Metropolitrain, montre combien ce réseau est complexe.
Dans le cadre de RATP Développement, dit aussi RATP Dev, vous souhaitez répondre à des marchés d'ouverture à la concurrence pour les TER. Le ferez-vous dans toutes les régions ?
Le réseau est en effet complexe, mais je suis optimiste quant à la capacité de la RATP et de la SNCF de travailler ensemble. Cependant, un problème se pose parfois : la différence de niveau des infrastructures.
Pour ce qui concerne le RER B, nous allons choisir le matériel roulant ferroviaire pour les années à venir en parfaite intelligence avec la SNCF et sous la houlette d'Île-de-France Mobilités. Il s'agira de trains à deux étages, lesquels nous ont déjà permis de gagner de 25 à 30 % de places supplémentaires sur le RER A. Pour faire passer sur la ligne sud du RER B ces nouveaux trains, qui sont plus lourds et plus larges, il faudra casser les quais. La SNCF devra, en outre, mettre en place un programme de rénovation de ses caténaires, ce que la RATP n'aura pas à faire puisqu'elle investit chaque année 30 % de son chiffre d'affaires dans la maintenance. Le nouveau système d'exploitation des trains, NExTEO, qui sera opérant sur les réseaux RATP et SNCF, coûtera près de 800 millions d'euros. Quant aux investissements consacrés au RER B, ils s'élèveront à 1,4 milliard d'euros pour les dix ans à venir.
Nous avons mis en place un plan d'urgence pour le RER B : nous créons des espaces de coworking dans plusieurs stations de la ligne sud du RER B, et nous affectons davantage de régulateurs - des personnes qui facilitent la régulation des flux - sur les quais. Par ailleurs, nous travaillons sur un projet de nouvelle offre afin de gagner en régularité. La SNCF et la RATP partagent la même vision à cet égard.
S'agissant des appels d'offres pour les TER, nous présenterons des projets dans les cinq régions qui souhaitent ouvrir ce secteur à la concurrence. Le marché du TER représente 7 milliards d'euros sur l'ensemble du territoire : on ne peut pas s'en désintéresser. RATP Dev exploite d'ores et déjà des trains, notamment le Gautrain en Afrique du Sud, un réseau ferroviaire de 70 kilomètres de long.
RATP Dev a remporté des appels d'offres en province, notamment en Bretagne, à Charleville-Mézières, à La Roche-sur-Yon, à Vienne, dans des communautés d'agglomération de 20 000 à 100 000 habitants. Nous sommes donc présents en région via les TER. Si les autorités régionales chargées de la mobilité ouvrent leur marché, nous pourrons également proposer des solutions, notamment en termes de transport à la demande.
L'intermodalité est une nécessité pour un déplacement sans couture. Quelles sont vos perspectives en termes d'interopérabilité avec l'ensemble de vos partenaires ? Pourrait-il y avoir un seul titre interopérable disponible sur téléphone portable ?
Nous y travaillons, à petite échelle, à Annemasse, en rassemblant dans le même dispositif l'ensemble des transports publics annemassiens et genevois, les VTC, les vélos et les parkings partagés : on prépare le voyage sur l'application, on choisit l'itinéraire, on réserve et on paie avec le téléphone mobile. Ce système a pour intérêt de décourager l'autosolisme, lequel a baissé de 20 % à Vienne par exemple. Nous participons également à l'application de covoiturage domicile-travail Klaxit, qui nous a été utile en période de crise, lorsque nous avons perdu 200 mètres de ballast du RER B, à Gif-sur-Yvette : 35 000 trajets en covoiturage ont ainsi été assurés en un mois. La présidente de région encourage ce type de mobilité qui permet de diminuer la congestion et la pollution que nous connaissons dans les grandes villes. Je rappelle que les transports en commun émettent 100 fois moins de gaz à effet de serre que les voitures.
Les Gafam sont très présents sur ce marché. Je redoute l'arrivée de pure players qui n'offriraient qu'un service digital déconnecté de l'opérationnel. La mobilité doit devenir « phygitale », à la fois physique et digitale.
Vous avez évoqué la cybersécurité. Quels sont les risques ? Avez-vous subi des attaques, et de quelle ampleur ? L'ensemble du réseau pourrait-il être arrêté ?
Quelles sont les perspectives de l'intermodalité entre le métro, le tramway et le vélo ? Prévoyez-vous des extensions dans les parcs à vélos, ou d'autres équipements ?
Comme toutes les entreprises, nous avons subi des cyberattaques et travaillons de façon très étroite avec l'Agence nationale de la sécurité des systèmes d'information (Anssi). Jusqu'à présent, nous n'avons pas rencontré de problème majeur, mais il faut rester prudent au vu des attaques subies par de grands groupes. Nous avons accéléré les investissements en matière de cybersécurité : le plan en cours, qui s'étend jusqu'en 2020, représente près de 30 millions d'euros d'investissements pour augmenter notre niveau de résistance.
S'agissant du vélo, nous devrons nous mettre d'accord avec les collectivités locales pour mettre en place les infrastructures adaptées ; nous ne pouvons pas mettre de vélos sur des emprises qui ne nous appartiennent pas. Les décrets d'application seront importants pour définir ce que nous voulons offrir aux usagers. Souhaitent-ils simplement déposer leur vélo ou le faire de façon sécurisée ? La sécurisation nécessite des investissements et le maintien de micro-infrastructures. Il nous faut donc discuter du modèle économique. Le débat est ouvert avec Île-de-France Mobilités et nous voulons tous aller dans le même sens ; nous trouverons donc une solution.
Deux start-ups auxquelles nous avons permis de s'installer sur certaines emprises de la RATP offrent un service de réparation - et non de garde - de vélo. Ce service que nous avons trouvé intéressant est disponible dans dix gares.