Intervention de Corinne Feret

Commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du Règlement et d'administration générale — Réunion du 10 juillet 2019 à 9h30
Justice prud'homale — Examen du rapport d'information

Photo de Corinne FeretCorinne Feret, rapporteure :

Notre rapport formule une série de propositions de nature à améliorer le fonctionnement de la justice prud'homale.

Il nous semble souhaitable de conserver le principe selon lequel des juges issus du monde du travail doivent participer à la justice du travail. Nous recommandons donc de maintenir l'autonomie des conseils de prud'hommes, car nous sommes convaincues de la pertinence de ce modèle pour juger les litiges du travail, à condition bien sûr de le réformer.

La justice prud'homale relève aujourd'hui de la responsabilité croisée de deux ministères. Il conviendrait de simplifier les choses, en confiant la gestion du financement de la formation continue, la gestion des défenseurs syndicaux et le secrétariat du conseil supérieur de la prud'homie au ministère de la justice, le ministère du travail demeurant compétent pour fixer la répartition des sièges entre organisations, sur la base de la mesure de l'audience aux élections professionnelles.

Nous estimons toutefois que, si les conseils de prud'hommes ont historiquement pour mission première de résoudre les litiges par la conciliation et, uniquement à titre subsidiaire, de les juger, cette priorité donnée à la conciliation n'est plus adaptée à l'évolution du contentieux. En effet, la conciliation est aujourd'hui très rare en pratique et apparaît bien souvent, aux yeux de l'ensemble des acteurs, comme une étape préalable fastidieuse et purement formelle. Les causes de cet état de fait sont multiples. Les conseils de prud'hommes connaissent aujourd'hui essentiellement de litiges liés à la rupture du contrat de travail, ce qui a tendance à durcir les positions des parties. La complexification du droit et l'intervention désormais très courante d'avocats ne sont en outre guère favorables à la conciliation. Surtout, la conciliation tend à s'opérer sous d'autres formes, que ce soit par la rupture conventionnelle ou par des transactions en dehors du conseil de prud'hommes.

Nous proposons donc de modifier le circuit de traitement des affaires transmises aux conseils de prud'hommes. Un bureau d'orientation serait ainsi chargé de décider, pour chaque affaire, s'il y a lieu de tenter une conciliation ou s'il convient de passer directement à l'étape du bureau de jugement.

Pour les affaires pour lesquelles une conciliation serait tentée, nous proposons de renforcer ses chances d'aboutir en rendant obligatoire la présence des parties, en spécialisant davantage certains conseillers des prud'hommes et en leur offrant une formation spécifique à la conciliation.

Il serait en outre souhaitable que le défendeur fournisse avant l'audience de conciliation des éléments de réponse au demandeur, afin que les conseillers soient davantage en mesure de préparer cette audience. Enfin, le barème de l'aide juridictionnelle devrait être rendu plus incitatif pour les avocats.

En parallèle, les modes amiables de règlement des différends, notamment la médiation, devraient être encouragés en matière de litiges du travail.

Par ailleurs, nous avons pu constater que les conseils de prud'hommes ne se sont pas emparés de la possibilité qui leur a été offerte par la loi du 6 août 2015 d'orienter les affaires les plus complexes directement devant une formation de départage ou un bureau de jugement restreint. Nous proposons que l'orientation vers une formation de jugement présidée par un magistrat soit de droit si les parties le demandent.

De bonnes relations entre le conseil de prud'hommes et les avocats du ressort permettent d'accélérer les procédures, en fluidifiant les échanges de pièces et en limitant le nombre de renvois. Il convient donc d'encourager les conseils de prud'hommes à conclure des conventions avec les barreaux locaux.

En contrepartie, il faut inciter les présidents de conseils de prud'hommes à faire une application plus stricte des règles de la mise en état, c'est-à-dire de l'organisation de l'échange des pièces et des conclusions qui permettent de mettre l'affaire en état d'être jugée.

Cette réforme de la procédure doit s'accompagner d'une série de mesures nécessaires pour assurer le bon fonctionnement des conseils de prud'hommes.

Il convient, premièrement, d'assurer l'adéquation entre les moyens humains, matériels et budgétaires de la justice prud'homale et sa mission. Cela suppose d'adapter le nombre de conseillers au sein de chaque conseil afin de tenir compte des évolutions démographiques, économiques et contentieuses, mais également de pourvoir suffisamment de postes de greffiers et de juges départiteurs. Raccourcir les délais globaux suppose également de pourvoir suffisamment de postes de conseillers au sein des cours d'appel.

Il serait également souhaitable de permettre le recrutement, au sein des conseils de prud'hommes, d'assistants de justice et de juristes assistants pour assister les conseillers et les juges départiteurs dans la préparation des audiences et la rédaction des jugements.

Certains conseils de prud'hommes sont locataires de leurs locaux depuis de nombreuses années et les loyers payés à ce titre représentent parfois des sommes considérables. Nous avons pu visiter des locaux vétustes, exigus ou à l'inverse surdimensionnés. La stratégie immobilière de la justice prud'homale doit être optimisée ; cela est d'ailleurs vrai pour la justice au sens large, sans remettre en cause pour autant la carte judiciaire prud'homale.

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