Intervention de Yves Daudigny

Réunion du 16 juillet 2019 à 14h30
Organisation et transformation du système de santé — Discussion des conclusions d'une commission mixte paritaire

Photo de Yves DaudignyYves Daudigny :

Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, nous examinons les conclusions de la commission mixte paritaire qui, le 20 juin dernier, est parvenue à un accord sur le projet de loi relatif à l’organisation et à la transformation du système de santé. Deux voix s’exprimeront pour le groupe socialiste et républicain et, avant Nadine Grelet-Certenais, j’aborderai deux sujets.

Conjuguée aux inégalités de santé – espérance de vie, prévalence de certaines pathologies dépendantes des conditions sociales ou environnementales –, la faible accessibilité aux soins d’environ 5 millions de Français, en territoires ruraux ou urbains, est l’un des facteurs les plus destructeurs de notre pacte républicain.

Trois amendements initiaux portés par Corinne Imbert, Daniel Chasseing et moi-même, un travail commun où l’intérêt général et la volonté d’agir ont écrasé les rivalités partisanes, une majorité forte de 311 voix, une difficile négociation entre les deux rapporteurs – je salue l’engagement d’Alain Milon sur ce dossier – ont abouti à un vote unanime de la commission mixte paritaire sur un amendement de compromis porteur de l’essentiel, à savoir la réalisation par les étudiants de médecine générale en dernière année de troisième cycle d’un stage d’un semestre au minimum en régime d’autonomie supervisée, en priorité dans les zones sous-denses, avec une extension possible à certaines autres spécialités.

Ainsi, chaque année, les étudiants en fin d’études, dans un cadre de formation réaffirmée – je pense aux remarques formulées par ces derniers – découvriront l’exercice ambulatoire dans tous les territoires, y compris dans les territoires en difficultés. Le gain en temps médical disponible pour les habitants sera immédiat. Qui soutiendra que des vocations ne naîtront pas au contact d’une réalité inégale selon les bassins d’emploi, difficile parfois sans doute, mais aussi une réalité d’abord humaine et attachante ?

Bien sûr, personne ne pense que tout est réglé, mais un sillon supplémentaire a été creusé dans la lutte contre les déserts médicaux. Il témoigne de la valeur du travail parlementaire, de l’intérêt du bicamérisme, de la capacité d’initiatives du Sénat. Parce qu’il s’est fondé sur le seul intérêt général, il honore notre Haute Assemblée.

Madame la ministre, mes chers collègues, le second point de mon propos sera d’une autre nature. Lors de la discussion, nous avions exprimé de fortes oppositions sur les articles 8, 9 et 10. Le renvoi massif à des ordonnances utilisé dans la plupart des textes examinés depuis deux ans contourne le débat démocratique et réduit à l’extrême l’apport possible des parlementaires.

La notion de proximité inséparable de celle de qualité est fondamentale pour les services publics. La notion de gradation des soins est partagée. Cependant, malgré les précisions apportées à l’article 8 sur la nature des missions socles, trop d’incertitudes génératrices de craintes pour les acteurs locaux demeurent sur ce que pourrait être la future carte des hôpitaux de proximité.

L’article 9 avait été voté conforme au Sénat. Le régime d’autorisations des activités de soins et des équipements lourds sera donc modifié par ordonnances. Les autorisations sont des actes essentiels dans le dessin de la carte sanitaire, « le trésor des hôpitaux » me disait un directeur d’établissement.

La commission mixte paritaire a rétabli la presque totalité de l’article 10 dans sa rédaction issue des travaux de l’Assemblée nationale, réactivant ainsi les craintes déjà formulées sur l’avenir des commissions médicales d’établissement, sur leur lien avec les commissions de groupement, sur la future gestion des ressources humaines médicales, odontologiques, pharmaceutiques et maïeutiques.

Ainsi, le Gouvernement se donne les moyens de dessiner à sa seule main une nouvelle carte sanitaire de notre pays, sans possibilité pour le Parlement d’en approfondir les orientations et les conséquences pour les territoires, les citoyens et les professionnels.

J’évoquerai rapidement la problématique financière. Si elle n’est pas prise en compte, la réforme ne pourra porter ses fruits. Vous devez garder, madame la ministre, une extrême vigilance sur la situation des hôpitaux, dont le mouvement des services d’urgences exprime, encore aujourd’hui, la grave instabilité. Ce n’est pas sans danger pour les patients et pour les professionnels.

Pour conclure, les points d’opposition que j’ai soulignés, un certain nombre de regrets – je pense au texte sur les Padhue, certainement incomplet –, mais aussi des éléments de convergence et un total engagement du groupe socialiste et républicain sur l’article 2 de compromis ouvrant une nouvelle piste de lutte contre les déserts médicaux nous amèneront à nous abstenir sur l’ensemble du texte issu des travaux de la commission mixte paritaire.

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